Paragraphe 2 : Le maintien
du dialogue politique
L'espace sociopolitique sénégalais est
marqué par une hétérogénéité des
acteurs : les tenants du pouvoir, les partis d'opposition et les
mouvements de la société civile. Cette dernière constitue
la pierre angulaire du dialogue politique entre les acteurs. Le dialogue
politique doit s'imposer comme instrument privilégié pour
résoudre les problèmes sociaux et asseoir une démocratie
et un espace politique apaisé. Il doit être permanent durant tout
le processus électoral. Il permet d'éviter les crises inutiles
par la recherche du consensus et d'éviter les désaccords.
Au Sénégal la RADDHO a joué un rôle
essentiel allant dans le sens du maintien du dialogue politique. Elle a servi
de médiatrice lors du différend qui opposa le Président de
la République et le Président de l'Assemblée Nationale
suite à la convocation des autorités de l'ANOCI par la commission
des finances de l'AN. Le maintien de relations consensuelles entre ces deux
institutions de la République, est plus que bénéfique pour
le bon fonctionnement de la démocratie et le respect du principe de la
séparation des pouvoirs, consacré dans la constitution
sénégalaise de 2001.
La RADDHO s'est érigée en rempart contre toutes
éventuelles irrégularités pour les élections
locales qui devaient avoir lieu au mois de Mai 2008. Face au report des
élections locales, décrété de façon
unilatérale, le dialogue politique au Sénégal s'est
révélé inexistant. A ce report s'ajoute la dissolution de
certaines collectivités jadis dirigées par des opposants. Cette
dissolution a eu des conséquences au plan social par des manifestations
des militants mécontents de la décision qui ne parait pas avoir
de justification valable. La démocratie participative en a subi les
contrecoups.
La Rencontre de Défense des Droits de l'Homme s'est par
ailleurs réjouie de la tenue du dialogue politique entre le pouvoir et
l'opposition, pour y avoir travaillé pendant près d'un an, avec
d'autres partenaires dans le cadre du Pacte républicain. Le dialogue
politique revêt beaucoup d'aspects positifs. Il contribue à
apaiser le climat politique. En Afrique la plupart du temps l'élection a
lieu dans un climat politique tendu, avec une absence totale du moindre
dialogue entre acteurs. Ce climat est peu propice à la tenue
d'élections calmes, transparentes, libres et démocratiques. Il
favorise des violences post-électorales qui ont fini de miner la
quasi-totalité des pays africains.
Le manque de dialogue entre les différents acteurs du
jeu politique, laisse présager des élections truquées
à l'avance. La conséquence qui en découle est les
violences notées après les scrutins, qui se terminent par
d'importantes pertes en vies humaines, des dégâts matériels
incalculables, des violences qui mettent l'économie du pays et ses
institutions au chaos. L'apport de la société civile est plus que
nécessaire en vue de dégrossir le contentieux
préélectoral. Les élections dernières
élections présidentielles au Kenya de 2008 en sont une parfaite
illustration.
Le dialogue participe de la restauration de la confiance des
acteurs politiques par rapport au processus électoral. Les partis de
l'opposition sont toujours suspicieux surtout quand le débat politique
et contradictoire manque au sein de l'espace politique. Au
Sénégal entre 1998 et 2000 les débats politiques ont connu
une montée en puissance avec la supervision du HCA. C'est le
résultat de ces dialogues qui ont notamment été à
l'origine de la création de l'ONEL.
Cette structure avait pour mission de superviser le processus
électoral dans toutes ses phases et de veiller à ce qu'il se
déroule en conformité avec la loi, de manière à
garantir aux électeurs et aux candidats en présence le libre
exercice de leurs droits. C'est ainsi qu'en cas de non respect des dispositifs
législatifs et réglementaires relatifs à une
autorité administrative, elle invitera celle-ci à prendre les
mesures correctives nécessaires et proposera le cas
échéant des sanctions contre le fonctionnaire ou l'agent de
l'Etat responsable. Elle pouvait, en cas de besoin, saisir les juridictions
compétentes de tel manquement et de ceux qui sont commis par les partis
politiques, les candidats ou les électeurs.
Les membres de l'institution, au nombre de neuf, ont
été choisis dans le consensus parmi les Sénégalais
connus pour leur indépendance, leur intégrité morale, leur
honnêteté intellectuelle, leur neutralité et leur
objectivité. La société civile a été
sollicitée pour remplir cette fonction hautement républicaine.
L'avènement d'une telle structure du dialogue permanent entre
société civile, pouvoir et opposition a conduit le
Sénégal sur un chemin sûr menant à une alternance
apaisée et le triomphe de la démocratie.
Après l'an 2000, on note une régression du
débat et dialogue politique au Sénégal. Ce manque de
dialogue a fortement alourdi le climat politique de ces dernières
années. Dès lors une gestion unilatérale des appareils
idéologiques de l'Etat par les seuls tenants du pouvoir exacerbe les
critiques des oppositions et des honnêtes citoyens épris de
démocratie.
On note aussi des prises de décisions
unilatérales sur des questions sensibles allant dans le sens de la vie
politique de la nation : couplage et découplage des
élections, adoption du quart bloquant, prolongation du mandat des
députés, report des élections locales de Mai 2008,
dissolution de certaines collectivités locales remplacées par des
délégations spéciales.
Dès lors le Sénégal donne l'impression,
après quelques années glorieuses en matière de
démocratie, d'un Etat fonctionnant beaucoup plus à l'arbitraire,
ayant recours plus la force qu'au droit, du fait de la réaction de la
justice caractérisée par la déresponsabilisation. Rarement
on aura vu autant de décisions de la justice, sur des questions
stratégiques et fondamentales, marquées par l'incompétence
des tribunaux (prolongation du mandat des députés, affaire
Hussein Habré, recours de l'opposition relatif aux membres de la CENA,
violences faites sur des leaders politiques ; le cas de Talla Sylla par
exemple....).
A ce titre il urge de restaurer la dignité,
l'indépendance et l'impartialité de la justice, seule garante de
l'existence d'un Etat de droit. Le dialogue politique vise à promouvoir
les bonnes décisions qui permettent de dégrossir les points de
contentieux et de consolider la confiance des acteurs. Par ailleurs, il
favorise les conditions d'une compétition à armes égales
dans tous les domaines, mais aussi un égal accès des partis
politiques (pouvoir et opposition) aux médias publics et privés,
notamment la télévision et le financement des partis
représentés à l'Assemblée Nationale.
D'autres avantages sont aussi à envisager allant dans
le sens de crédibiliser et dépolitiser les institutions
judiciaires ; en veillant scrupuleusement au respect de la
séparation des pouvoirs. En fin il est nécessaire de retenir de
retenir que le dialogue permet de susciter le débat d'idées sur
les programmes, les visions du monde et les attentes des
Sénégalais en matière de démocratie. C'est la seule
manière d'éviter que la fraude ne prenne la pas sur la
transparence et que la problématique du processus n'occulte d'autre
questions essentielles, parmi lesquelles la refondation de l'Etat et des ses
institutions, de manière à éviter les dérives sur
lesquelles la société civile semble impuissante et sur lesquelles
les citoyens dissertent sans fin. Le dialogue reste l'instrument social de
participation des populations au processus électoral et par delà
le levier de l'émergence d'une conscience citoyenne, fondement d'une
démocratie participative.
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