Du role de la société civile pour une consolidation de la démocratie participative au Sénégal( Télécharger le fichier original )par Mamadou Hady DEME Université Gaston Berger de Saint-Louis - Maitrise 2008 |
SECTION 2 : LA FORMATION ET L'ENCADREMENT DES POPULATIONS« Les élections, qui permettent la compétition entre partis, constituent une pratique nécessaire au bon fonctionnement de la démocratie. Elles donnent au peuple la possibilité de choisir librement ses dirigeants en fonction de leur valeur ».17(*) Cette liberté de choix déclinée par Marie Soleil Frère reste largement tributaire d'une rationalité qui ne sera effective qu'avec la formation et l'encadrement des populations par une forte sensibilisation et un éveil des consciences. Ce rôle jadis dévolu aux partis politiques connaît une insuffisance en Afrique du fait de la faiblesse des partis politiques, plus enclins aux luttes pour la conquête du pouvoir plutôt qu'à la formation des populations à la citoyenneté. Ce vide doit être récupéré par les organisations de la société civile, du fait de leur proximité avec le milieu social. Paragraphe 1 : La sensibilisation pour une culture démocratiqueIl est difficile de concevoir une démocratie où toutes les composantes de la société ne seraient pas au même niveau d'informations et d'intériorisation des principes et des pratiques démocratiques. Le principal obstacle à la démocratie en Afrique est la communication politique, qui crée un grand écart entre l'élite dirigeante et le « bas » (Bayart). Constitué en majorité d'analphabètes, ces populations ne sont pas toujours à même de déchiffrer l'actualité politique, qui se vit en langue officielle : le Français. C'est là le sens qu'il faut accorder à l'avènement en 1994 de la presse privée. Par le biais de cette presse, la société civile sensibilise au maximum les populations par l'intermédiaire des langues locales. La presse privée constitue une frange de la société civile qui a permis de marquer une étape importante dans la consolidation des acquis démocratiques résultant de l'avènement du multipartisme. On note une multitude d'émissions à la faveur desquelles, les populations sont informées et sensibilisées. Ces dernières en revanche donnent leur impression et leur point de vue sur la gestion des affaires publiques. Ces émissions à l'instar de « wakh sa khalat » (exprimer son point de vue) ou en « avis d'expert » touche une large couche de la société. De nombreux citoyens manifestent leur participation à la vie de la nation que lors des consultations électorales. Par delà l'investissement des médias, les organisations de la société civile doivent mener des politiques de proximité, en ayant des comités de quartier et des relayeurs. A ce titre, les ASC (Associations Sportives et Culturelles), les comités de femmes et les Foyers de jeunes restent des forces potentielles avec lesquelles les organisations de la société civile doivent entrer en étroite connexion. A défaut ces structures sont récupérées par les politiciens qui finissent par les détourner de leur mission sociale, au profit de la politique. En admettant avec les tenants de l'école que le choix de l'électeur est déterminé par une influence, la sensibilisation en amont des populations est plus que nécessaire pour mitiger les influences reçues durant les campagnes. A ce niveau, les obstacles rencontrés par la société civile sont nombreux dans un espace social où elle est encore mal perçue. Les campagnes de sensibilisation des OSC doivent avoir pour effet de faire comprendre aux citoyens, surtout en milieu rural, les différentes phases du processus de vote. Il n'est pas rare, à ce niveau, de voir, dans un bureau de vote, un électeur non averti faire appel à une tierce personne pour se faire guider afin d'accomplir son devoir civique. Cet électeur peut, dans ce cas, recevoir de la part de son guide une influence de dernière minute, ce qui peut porter une atteinte à la démocratie qui veut que le choix soit d'abord libre et indépendant. L'éclosion des moyens de communication a permis d'uniformiser les attentes et les aspirations des populations en matière de liberté d'expression. Longtemps confiné dans un monolithisme bloquant, le système d'information en Afrique ressemble à une boîte à échos du parti au pouvoir, souvent unique dans le paysage politique et n'ayant rien de démocratique. La libéralisation politique de ces dernières années a conduit à des changements fort heureux. Ainsi les OSC y trouvent un moyen pour instaurer un débat d'idées porteur de message à l'endroit des populations laissées souvent à la périphérie de la vie politique nationale. Avec le développement des émissions interactives, les fonctions d'information, d'éducation et de communication se trouvent renforcées. Le développement des médias a sorti beaucoup d'acteurs potentiels du jeu sociopolitique de leur mutisme. Il s'agit de ces groupes d'individus issus de la société civile, longtemps enfermés dans la réflexion confidentielle. A ce titre les médias constituent des relais et des partenaires au développement de la démocratie, à coté des organisations de la société civile. En raison de la complexité du processus démocratique dans les pays africains, caractérisés par un fort taux d'analphabétisme, les OSC se doivent de diffuser des informations régulières, soutenues et accessibles à tous à travers le pays afin de sortir les populations, censées choisir les dirigeants politiques, de l'obscurantisme politique qui a longtemps eu des effets négatifs sur le fonctionnement démocratique. La reprise du contenu des émissions, par des associations communautaires de base lors des causeries populaires, ou au cours de session de formation des adultes dans le monde rural ou même en ville, est un excellent moyen de multiplier l'impact de la sensibilisation sur les populations. Les populations alphabétisées pourront aider à la diffusion des idéaux de droit de l'homme et de démocratie, à travers les multiples relations (familiales, syndicales et culturelles) du tissu social. Il est clair que le combat pour la démocratie doit nécessairement commencer par la base, les populations locales qui font et défont par la magie de la carte d'électeur, les régimes et leurs gouvernements. C'est ce combat de la sensibilisation que les OSC doivent d'abord remporter. Si les régimes dictatoriaux ont proliféré en Afrique, c'est parce que les dirigeants totalitaires ont d'abord joué sur la conscience des peuples en y instaurant le culte de l'obéissance au tyran pour ensuite dépouiller les populations de toute capacité de remise en question de quoi que se soit. Le rôle des SC sénégalaise doit être le même aujourd'hui, en inculquant aux populations les référentiels nécessaires au culte démocratique. D'autres formes de communications sont aussi à la disposition de la SC pour ses campagnes de sensibilisation. Il s'agit entre autres des pétitions, pour recueillir le maximum de signatures et d'adhérents à une action menée. L'organisation de séminaires et d'ateliers rentre aussi dans la volonté de la SC de favoriser la démocratie en s'assurant d'abord de la fiabilité du processus électoral. En outre des séries de rencontres sont organisées notamment avec les populations en milieu rural et les mouvements de femmes et de jeunes en milieu urbain. En somme, pour une démocratie viable, le partenariat entre OSC et presse est plus que nécessaire, c'est dans ce sens qu'on perçoit la grande importance de la coopération entre la fondation Konrad Adenauer avec le CESTI lors de l'événement démocratique majeur : l'alternance de 2000. La FKA coopère avec le CESTI à cause du rôle que la presse joue dans tout pays moderne, un rôle d'information, de sensibilisation et de conscientisation citoyenne. Avec son offre d'informations et d'opinions, la presse veut mettre le citoyen en mesure de comprendre et de contrôler l'action des parlements, des gouvernements et des administrations. Un journalisme professionnel et engagé contribue donc de façon très concrète et très efficace à la prise de conscience citoyenne. * 17 Soleil Frère (M), Presse et démocratique en Afrique francophone. Les mots et les maux de la transition au Bénin et au Niger, Paris Kartala, 2000 |
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