LA SOCIETE CIVILE : UN ACQUIS DEMOCRATIQUE
Section 1 : La société
civile : une notion transposée
La modernité politique en Afrique est marquée
entre autre par la transposition du modèle occidental de mode de
gouvernement et de gestion de l'Etat. Ainsi, à l'aube des transitions
démocratiques voit-on apparaître en Afrique des organisations de
la société civile fortement inspirées du modèle
occidental. La société civile en Afrique est fortement
marquée par son état embryonnaire qui fait d'elle une
spécificité par rapport aux autres
démocraties.
Paragraphe 1 : De l'état embryonnaire de la
société civile
La société civile nous apparaît comme
étant faite d'hommes et de femmes, de toutes conditions
organisées ou non qui, librement ou sous forme de publics variés,
s'engagent en toute responsabilité, face à l'Etat ou à
toute autre autorité reconnue, à prendre en charge la quête
de solutions de ce qui à leurs yeux et dans la cité constituent
des urgences non ou insuffisamment prises en compte. Il va de soi que la
société civile ne pourrait éclore que dans un
système démocratique où les citoyens expriment librement
leur point de vue face à la gestion du pouvoir. Ce type de gouvernement
étant nouveau en Afrique, la société civile qui accompagne
ces transitions y est encore jeune.
Elle apparaît donc, comme un processus
général d'appropriation, par les peuples et les citoyens d'un
pays, organisés en dehors de l'Etat et des autres cadres politiques
traditionnels de la politique, c'est-à-dire du droit à la
participation à l'activité publique pour la définition et
la détermination de leur condition générale d'existence.
Le fort taux d'analphabétisme en Afrique constitue un
frein à l'émergence d'une société civile dynamique,
où elle est souvent confondue à la société
politique, et à l'Etat. La démocratie qui est une notion
transposée dans nos systèmes politiques après les
indépendances est la condition première de l'émergence des
organisations de la société civile. Cette dernière
étant neuve et peu connue n'a pas fini de structurer en Afrique tous ses
contours. C'est pourquoi la société civile y éprouve une
difficulté d'émergence. Beaucoup de pays africains ont
sombré après les années soixante dans des régimes
dictatoriaux du fait de l'absence d'organisations de la société
civile, et de partis d'opposition.
Conçue dans les pays de tradition
démocratiques solides, le mouvement et l'idéologie qui
structurent la société civile y sont inconnus des populations,
contrairement aux pays africains dont les expériences
démocratiques sont encore faibles. Ces populations sont censées
être les avant-gardes et la composante de la société
civile.
Les membres des organisations de la société
civile éprouvent donc cette difficulté d'être
aperçus et acceptés comme défenseurs des
intérêts des citoyens face à la toute puissance de l'Etat.
Donc les organisations de la société civile éprouvent une
crise de légitimité au sein de la sphère publique. Point
de départ de la participation des citoyens à la vie politique, le
mouvement de la société civile constitue le fondement de la
démocratie, tandis qu'en Afrique et au Sénégal la gestion
du pouvoir politique reste à la seule appréciation des
politiques. Les populations à la base sont quant à elles,
réduites en simples observatrices de l'activité politique,
à la limite passives. Dans ces pays où la société
civile est encore embryonnaire, la présence des citoyens sur le champ
politique n'est remarquable que durant les périodes électorales.
Après une quarantaine d'années d'existence de
l'hégémonie de la démocratie chrétienne, les hommes
politiques italiens de tous les partis, ayant une crédibilité
dans l'opinion publique, comprenaient que le personnel dirigeant de l'Etat
avait besoin d'un sang nouveau, d'où l'appel à la
société civile, à des hommes et à des femmes qui
n'étaient des professionnels de la politique et avaient la
réputation d'être des citoyens et des citoyennes
éclairés et intègres. C'est dans cet ordre d'idées
qu'émerge la société civile en Afrique au début des
années 90.
.
C'est le jeu de la démocratie combiné avec celui
de la négociation qui, seul, permet à la fois l'expression
plurielle de la société civile et l'ajustement réciproque
des prétentions contradictoires des différents acteurs de
celle-ci engagés chacun dans une dynamique de défense de ce
qu'ils considèrent comme leurs droits, leurs intérêts,
leurs idéaux moraux. Or dans les pays où l'expression
démocratique est encore faible, les gouvernants sont le plus souvent
hostiles aux négociations, au dialogue entre les acteurs.
Pour ce qui est du Sénégal, sa culture politique
est un mélange de valeurs et de croyances, compensé par une
propension au débat, au jeu politique et par une conception du
pouvoir qui repose davantage sur l'interdépendance des acteurs
(même si ces relations sont inégales du fait notamment de manque
de maturité des organisations des sociétés civiles).
L'émergence de la société civile est
aussi freinée par le fait que les citoyens se trouvent
séparés de la sphère politique. Il existe un écart
énorme entre les organisations bureaucratiques de l'Etat et la
société civile.
En Afrique et au Sénégal, la classe sociale ne
saisit pas toujours son rôle dans la gestion de l'Etat. Bien que la
démocratie représentative exige que le peuple
délègue ses pouvoirs à ses représentants,
censés défendre ses intérêts, les organisations de
la société civile participent à l'émergence d'une
gestion participative des affaires publiques.
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