Introduction
1. Cadre général de l'étude
Aujourd'hui, 700 millions de personnes souffrent de
malnutrition. Nourrir la planète reste un des défis des
années 2000. Les pays en voie de développement sont, bien
évidemment, les plus menacés par ce fléau. Or le bananier
et le bananier plantain contribuent a la sécurité alimentaire des
populations des pays défavorisés. Ils constituent une ressource
alimentaire importante pour plus de 400 millions d'habitants des pays
tropicaux. Ces fruits sont vitaux pour les millions de paysans qui les
produisent, les consomment ou les vendent sur les marchés locaux. Et
leur exportation représente pour nombre de pays en voie de
développement une source précieuse de revenus (BOOF, 2003).
Après le riz, le blé et le mais, la banane est
l'une des plus importantes cultures vivrières du monde; 90 % de la
production est consommée sur place, notamment dans les pays les plus
pauvres d'Afrique, d'Amérique latine et d'Asie. Dans certaines
régions, la banane est même la principale denrée
cultivée et la purée de banane y est souvent le premier aliment
solide donné aux nourrissons. Cependant, la consommation par habitant
varie selon les pays: de 2 Kg par habitant et par an en Chine a 50 Kg par
habitant et par an en Océanie, et même 250 Kg par habitant et par
an en Afrique de l'Est (Ouganda, Burundi, Rwanda), notamment sous forme de plat
cuit ou de bière (BOOF, 2003).
En République Démocratique du Congo, les
plantains sont surtout importants en zone forestière oü parfois ils
constituent la base même de l'alimentation des populations locales; c'est
le cas du Bas Fleuve dans la province du Bas Congo, a Kisangani et ses environs
dans la Province Orientale.
Dans la province du Kivu, les bananes plantains et les bananes
dessert servent surtout a la fabrication de la bière de banane. La
consommation des plantains a Kinshasa a beaucoup augmenté (de 3,85 Kg a
8,89 Kg/tête) par rapport a 1975, tandis que celle des bananes (douces) a
diminué de 1,91 Kg a 1,12 Kg (TOLLENS, 2004).
Traditionnellement, l,attention du gouvernement
zaIrois des années 1970, et en particulier celle du ministère de
l,Agriculture, était focalisée sur la production
agricole. L,augmentation de cette production a été et
est toujours l,objectif principal des actions gouvernementales et
des donateurs étrangers. L,absence d,offices de
commercialisation pour les produits vivriers depuis la libéralisation
économique intervenue en 1982 et le caractère ouvert et
apparemment compétitif des marchés pour les produits vivriers ont
soutenu l,idée que les pouvoirs publics n,ont
aucun role a jouer dans la commercialisation, a part
l,assainissement et la stabilisation macro-économique et la
réhabilitation, l,entretien et l,expansion de
l,infrastructure économique, essentiellement des routes
(GOOSSENS et al., 1994).
Dans un pays oü il y a une abondance relative de terres
et oü la densité démographique est peu élevée,
l,évacuation de la production et la commercialisation
revêtent un caractère
important. Dans cet ordre d,idées, la
présente étude se propose notamment d,analyser les
contraintes pesant sur la commercialisation des produits agro-alimentaires, la
banane en particulier. En effet, les contraintes de commercialisation sont
déterminantes pour l,avenir du secteur de production
agricole.
Pour la ville de Kinshasa, l,offre en produits
vivriers provient surtout des agriculteurs des régions du Bandundu et du
Bas-Congo mais aussi des importations. Il y a également un apport de la
province de l,Equateur et de la Province orientale, mais il est
restreint. Depuis une dizaine d,années, des activités
de production agricole se développent aux alentours de Kinshasa (Nsele,
BateKe, Kasangulu). Selon KINKELA (1989), les productions agricoles provenant
des alentours de Kinshasa ne contribuaient que de manière marginale a
l,approvisionnement de la capitale dans les années 80, cette
assertion se vérifie encore aujourd,hui.
Un autre élément important a signaler pour la
ville de Kinshasa, est le fait que plus de 80 % de la valeur de la consommation
totale des ménages est fournie par le secteur informel. Dans
l'"alimentation", le secteur informel réalise 95,3 % du montant des
ventes, les supermarchés, magasins et autres ateliers formels ne
s'adjugeant que 3,2 % des parts de marché (INS, 2005).
L,aliment de base dans la ville de Kinshasa est
essentiellement constitué du manioc et de ses dérivés.
Dans une ville oü la population ne fait que s,accroItre et
oü se pose de plus en plus un problème de sécurité
alimentaire, le plantain ainsi que la banane dessert se présentent de
plus en plus comme une source de diversification de l,alimentation
pour la population.
On ne peut envisager le développement au niveau des
productions sans penser a la structure de commercialisation que cela
implique.
En conséquence, cette recherche se propose de mener une
étude de terrain pour mieux connaItre la mise sur le marché et la
commercialisation des bananes dans la ville de Kinshasa en provenance de la
province du Bas-Congo. Il s,agit là d,un secteur
dans lequel sont impliqués un certain nombre de personnes faisant face a
des multiples difficultés qu,on ne peut comprendre autrement
qu,en menant une recherche de terrain.
2. Problématique de base
L,augmentation de la production agricole ne doit
pas être considérée comme l,objectif ultime
d,une politique agricole, encore faut-il être en mesure de
pouvoir assurer la commercialisation de la récolte obtenue et donc la
possibilité pour les populations d,accéder aux
produits alimentaires. L,opportunité de pouvoir vendre sa
production agricole est un incitant important pour les producteurs.
Jusqu,ici la politique agricole de la RDC s,est plus
préoccupée des aspects liés essentiellement a la
production. Cela se comprend dans la mesure oü ces différentes
politiques visaient l,autosuffisance alimentaire et donc une
augmentation de la production vivrière.
L,Etat congolais ne s,est pas beaucoup
préoccupé du mode de fonctionnement du marché des produits
alimentaires, et encore moins des difficultés auxquelles sont
confrontés
les commercants impliqués dans la filière
approvisionnement en produits alimentaires. Dans un tel contexte, la
préoccupation fondamentale est donc de savoir comment est
organisé le système d,approvisionnement de la ville de
Kinshasa en général, et en banane en particulier? Et quelles sont
les différentes contraintes auxquelles sont confrontées les
différents agents impliqués dans ce circuit
d,approvisionnement?
3. Objectifs de la recherche
L,objectif général de
l,étude est d,obtenir une meilleure
compréhension de la structure de la filière et du fonctionnement
de l,approvisionnement de la ville de Kinshasa en banane dessert et
banane plantain ainsi que ses performances actuelles.
Les objectifs spécifiques découlant de cet objectif
global sont les suivants:
· caractériser les commercants/collecteurs du
marché secondaire de la banane a Kinshasa;
· décrire la structure et le fonctionnement de ce
marché;
· mesurer le niveau de performances actuelles de la
filière approvisionnement en banane de la ville de Kinshasa
· identifier et décrire les problèmes
auxquels sont confrontés ces commercants/collecteurs de la banane.
· recommander des stratégies efficaces visant a
accroItre les performances de la filière approvisionnement de Kinshasa
en banane.
4. Hypotheses
Dans le cadre de cette étude trois hypothèses
principales ont été formulées et qui vont ainsi orienter
notre analyse.
· l,approvisionnement de la ville de Kinshasa
en banane est entre les mains des petits commercants
s,approvisionnant essentiellement au niveau de la province du
Bas-Congo. Les quantités ramenées par chaque commercant ne sont
pas très grandes, compte tenu du faible niveau des fonds investis.
· le coüt de transport serait le poste de
dépenses le plus important en dehors du coüt d,achat,
augmentant ainsi le coüt global de transactions pour les
commercants/collecteurs. Ce coüt de transport aurait un effet direct sur
les marges de commercialisation au niveau du marché local de la banane
et de la banane plantain.
· Plusieurs autres contraintes de commercialisation se
présentent dans le secteur: des contraintes aussi bien
matérielles (infrastructures routières et celles de conservation
notamment) qu,immatérielles (crédits de campagne,
réglementation du commerce, etc.)
5. Intérêt de l'étude
De manière générale, cette étude
nous permettra de mieux comprendre tous les contours de
l,approvisionnement de la ville de Kinshasa en banane qui est
l,un des produits de base et dont l,importance ne fait
que croItre. Ceci nous permet de se faire une idée sur
l,importance du marché local de la banane en R. D. Congo et
entre la province du Bas-Congo et Kinshasa en particulier.
L,intérêt particulier de cette
étude est de poser les prémisses des grands diagnostics de la
filière banane dans la province du Bas-Congo afin de fonder des
politiques agricoles basées sur les réalités du terrain.
La rareté des études liées a l,économie
agricole et le manque de fiabilité des données statistiques du
secteur agricole militent en faveur de telles études de terrain.
Ce travail s,inscrit donc dans le cadre de la
recherche de l,efficacité et de l,accroissement
des performances de la filière banane dans la province du Bas-Congo en
particulier et en R. D. Congo de manière générale.
6. Approche méthodologique
La méthodologie que nous avons suivie dans le cadre de
cette étude se base sur deux éléments fondamentaux. Il y a
d,abord, la recherche documentaire relative au thème de
recherche et ensuite la collecte des données primaires sur terrain.
La recherche documentaire nous a aidé a constituer
notre revue de la littérature sur les concepts de base mais aussi sur
les différents travaux effectués jusqu,ici sur la
problématique de la sécurité alimentaire en R. D. Congo et
a Kinshasa en particulier, ce qui nous permettra de rassembler quelques
données secondaires.
Pour ce qui est de la collecte des données sur le
terrain, la méthodologie que nous utiliserons se basera sur
l,approche économique et sociale. Une enquête
socio-économique sur l,approvisionnement de la ville de
Kinshasa en banane a été ainsi menée. Elle a
concerné les commercants grossistes venant de lieux de production et
approvisionnant Kinshasa en bananes. Dans le même cadre quelques
chauffeurs ont fait aussi l,objet d,enquête afin de
compléter les données sur les problèmes particuliers du
transport des bananes.
Outre l,enquête par questionnaire, les
activités de terrain été mises a profit pour mener des
entretiens avec des personnes ressources, notamment les chefs de parKings et
les agents de l,Etat affectés au niveau de ces marchés
secondaires.
Il faudra ajouter que l,observation a
constitué un élément déterminant de notre
dispositif méthodologique. Les moments d,observation ont
été mis a profit pour notamment vérifier, sur le pan
pratique, certaines déclarations des personnes
enquêtées.
En ce qui concerne l,analyse qui sera faite de
données recueillies, ce travail recourt au modèle S-C-P
(Structure-Comportement-Performance) décrit par BAIN (1968), PITCHARD
(1969) et SCHERER 1980) cité par MASTAKI (2006). Ce modèle
permettra le diagnostic de l,approvisionnement, de la
commercialisation de la banane et des services d'appui connexes.
Les coüts de commercialisation, leurs origines ainsi que
les profils des acteurs et leurs comportement et contraintes sont aussi
analysés en s,inspirant du même modèle.
Un autre outil d,analyse exploité dans le
cadre de cette étude est le modèle méthodologique de
l,analyse de filière développé par LEBAILLY et
al (2000). Dans le cadre de cette étude, l,analyse
financière n,a pris en compte que les commercants
collecteurs. Les charges et marges de l,activité de collecte
et de vente au niveau du marché secondaire ont été ainsi
évaluées.
L,analyse AFOM (Atouts, Faiblesses,
Opportunités et Menaces) basée sur les données
collectées pendant les enquêtes a été enfin
utilisée. Cette analyse a permis de dégager d,une part
les atouts et les faiblesses et d,autres part les
opportunités et menaces du mode d,approvisionnement de
Kinshasa en bananes après une description détaillée de la
filière
Il s,agit d,une approche descriptive de
la filière approvisionnement de Kinshasa en banane dessert et banane
plantain.
7. Méthode d'enquête 7.1. Zone d'enquête
Dans le cadre de cette étude les enquêtes ont
été menées dans la ville de Kinshasa, plus
précisément au niveau du marché secondaire de Matadi-Mayo,
situé dans le quartier Matadi-Mayo, dans la commune de Mont-Ngafula.
La commune de Mont-Ngafula est située au Sud-Ouest de
la ville de Kinshasa. Elle est limitée du Nord au Sud par les communes
de MaKala, Selembao, Lemba, Kisenso et le territoire de Kasangulu (Bas-Congo)
et de l,Est a l,Ouest par celles de N,djili,
KimbanseKe, de la N,sele, de Ngaliema et la République
Populaire du Congo. Le lieu d,enquête retenu est le quartier
Matadi Mayo comme signalé ci-haut. Ce quartier est situé sur la
route nationale n°1 Kinshasa-Matadi le long de laquelle sont
localisés les différents parKings oü des camions en
provenance du Bas-Congo stationnent pour débarquer leurs cargaisons.
Figure 1. Localisation de la yille de Kinshasa 7.2.
Période d'enquête
Le travail de collecte des données a eu lieu pendant les
mois de mars, avril et mai 2007, c,est donc durant la saison de
pluie que les enquêtes seront menées.
7.3. Unités statistiques
Deux principaux groupes ont été
enquêtés, il s,agit notamment des commercants
(collecteurs/grossistes) des bananes en provenance de la province du Bas-Congo
ainsi que les chauffeurs. Seules des personnes appartenant a ces deux groupes
d,agents économiques ont fait partie de deux
échantillons.
7.4. Echantillonnage
· Compte tenu de l,absence d,une
liste exhaustive de commercants/collecteurs ainsi que de chauffeurs intervenant
sur ce marché, la constitution de l,échantillon
s,est faite sur base d,un échantillonnage non
probabiliste.
· Les deux échantillons ont été ainsi
constitués, le premier comprend 100 commercants/collecteurs de
bananes et le second est composé de 50 chauffeurs.
· Outre les commercants/collecteurs et chauffeurs,
quelques personnes ressources (chefs de parKing, agents de l,Etat
affectés sur le marché, etc.) ont été
également contactées, particulièrement avant le
démarrage de l,enquête proprement dite pour des
entretiens.
7.5. Modalités d'enquête
L,organisation d,une enquête
dépend des moyens humains et logistiques mis en _uvre. La connaissance
de la langue locale est un atout pour nous et nous permettra un contact
facile.
· une phase préliminaire a été
nécessaire pour bien cadrer le questionnaire préalablement concu
et acquérir une connaissance de terrain. Le marché a ainsi
été sillonné, les échanges observés et
quelques intervenants interrogés de manière informelle. Ces
premiers renseignements nous ont permis de cerner l,organisation de
ce marché. Cette première phase nous a permis aussi
d,établir la structure des enquêtes proprement dites
(modalités pratiques d,observation, personnes a interroger et
renseignements a chercher).
· dans une deuxième phase, les enquêtes se
sont déroulées sur le marché. Les données a
rassembler durant cette phase d,enquête sont de deux
ordres:
1° des observations générales du
marché et de son fonctionnement ainsi que les entretiens avec quelques
personnes ressources (chef de parKing particulièrement, etc.)
2° des enquêtes systématiques auprès
des deux groupes d,agents retenus (commercants/collecteurs et
chauffeurs).
· le guide d,entretien ainsi que les
questionnaires suivis lors des enquêtes reprennent des données de
base : renseignements individuels, renseignements sur les produits, situation
par rapport aux marchés et aux circuits, le fonctionnement du
marché, les roles des différents agents, infrastructure du
marché, etc.
7.6. Dépouilement etprésentation des
résultats
Vu la taille de l,échantillon, le recours au
traitement informatique s,est avéré impérieux
pour le traitement des données. Ainsi, les logiciels suivants seront
utilisés: EPIDATA 3.3 (masque de saisie), SPSS 10.0 et EXCELL 2003.
Le masque de saisie des données a été
conçu sous EPIDATA 3.3. Les données saisies ont été
transférées sur SPSS 10.0 pour leur traitement et la production
des tableaux et graphiques des résultats.
Les données recueillies lors des enquêtes ont
été analysées suivant l,approche quantitative
basée sur la statistique descriptive (fréquences relatives des
principaux indicateurs). Les calculs des charges et marges de
l,activité d,approvisionnement,
particulièrement pour les commercants/collecteurs, ont aussi
été effectués
8. Difficultés rencontrées
Les difficultés majeures sont celles
rencontrées durant la période d,enquête. En
effet, le seul moyen que nous avions pour mener ces enquêtes était
d,aborder les commercants et les chauffeurs sur leur lieu de
travail. Il n,était donc pas facile de les convaincre de
répondre a nos questions, étant donné qu,ils
étaient occupés pour la plupart dans leurs transactions, ainsi il
fallait s,armer de beaucoup de patience.
Une difficulté c,était
l,impossibilité pour nous de procéder durant ces
enquêtes aux manipulations des régimes et de les peser
éventuellement. Car pour le faire il nous fallait d,abord
avoir l,accord des commercants, acheter une partie des
régimes a manipuler et disposer d,une balance, ce que notre
budget ne nous a pas permis de réaliser.
Enfin, il fallait aussi faire face a la curiosité de
certains agents de sécurité en civil et autres policiers non
informés sur notre présence sur le marché pour une
enquête a caractère académique.
9. Plan de travail
Outre l,introduction et la conclusion, le
présent travail est structuré en trois chapitres. Le premier
chapitre fera le point sur la revue de la littérature sur les concepts
théoriques. Le deuxième chapitre fera l,état
des lieux de la situation de la sécurité alimentaire et de
l,approvisionnement alimentaire a Kinshasa. Le troisième et
dernier chapitre est consacré a la présentation et a
l,analyse des résultats d,enquêtes sur
l,approvisionnement de la ville de Kinshasa en bananes dessert et
plantain.
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