2) La version de l'analyse statique de l'union
douanière de Viner
L'analyse statique des effets de l'union douanière
permet d'apprécier les effets de court terme de l'intégration
économique à travers les effets de création et de
détournement de commerce. Elle découle de la théorie des
unions douanières élaborée par J. Viner et ses
successeurs.
La création de l'union douanière consiste
à éliminer les droits de douane entre les pays membres et
à ériger un tarif extérieur commun calculé le plus
souvent sur la base d'une moyenne des anciens droits nationaux des pays.
La concurrence entre producteurs de l'union est accrue du fait
de la première mesure, tandis que le TEC peut avoir des effets
différents selon les pays. S'il est correctement calculé,
c'està-dire de manière à rendre compétitive l'offre
des pays partenaires membres, le prix mondial après tarif du produit
sera supérieur aux prix d'offre du pays partenaire communautaire. Ceci
conduit à une élimination du reste du monde sur le marché
communautaire. Le prix d'offre du pays partenaire s'impose alors sur le
marché domestique, la demande domestique est de ce fait satisfaite en
partie par la production domestique et par les importations
intracommunautaires, effet compensé par un changement de l'origine des
importations. Il s'ensuit un détournement de trafic du reste du monde au
profit d'un partenaire communautaire.
La création et le détournement des
échanges commerciaux sont des effets sur la production des
entreprises des pays partenaires communautaires. Dans une démonstration
de
Supposons que P soit le fournisseur le moins coûteux.
Cela signifie que Pp < Pw. Avant l'intégration, le
prix domestique des importations en provenance de P est de Ph = (1+
æ) Pp. La formation de l'union douanière augmente
clairement le bien-être du pays H au travers de la hausse du surplus du
consommateur du montant des aires A+B+C+D compensée en partie seulement
par la baisse du surplus des producteurs A et des recettes tarifaires C. Le
gain net en termes de bien-être résultant de la création de
commerce est représenté par l'aire B (le gain d'efficience
résultant du déplacement de la production de producteurs à
coûts élevés en H vers des producteurs à coûts
faibles en P) et D (la réduction de perte sèche pour le
consommateur provenant de la suppression de la distorsion de prix).
Supposons au contraire que W soit le fournisseur le plus
compétitif : Pp > Pw. L'union douanière sera
alors source de détournement de commerce. Avant intégration, le
prix domestique des importations en provenance de W est Ph = (1+
æ) Pw. Après intégration toutes les importations
en provenance de W seront remplacées par des importations en provenance
de P à un prix Pp inférieur. C'est l'effet de
détournement de commerce pur. Il y a également de la
création de commerce puisque les importations passent de
Co-Qo à C1- Q1. Le gain en termes de surplus du
consommateur est touj ours de A+ B+ C+ D, la perte de surplus du producteur
touj ours A, mais la perte en recettes tarifaires est maintenant de C+ G, car
le produit était disponible à un meilleur prix en W avant
l'union. L'effet net est donc de B+ DG, qui peut être positif ou
négatif.
Les conditions d'un effet global positif sont :
1) Une protection initiale élevée.
2) Une élasticité prix des importations
élevée.
3) Le fait que le partenaire dispose d'un coût de
production (et donc d'un prix dans ce cadre) proche du prix mondial.
On obtient donc un détournement nul si le prix du
partenaire est égal au prix mondial et un effet de création nul
si le prix du partenaire est égal au prix domestique. De manière
générale, le gain net est d'autant plus probable que les pays
sont différents en termes d'avantages comparatifs et donc de prix
relatifs. Plus ces prix relatifs sont différents, plus l'accord
régional « réplique » le libre échange mondial
et donc plus le gain net est important.
L'accord préférentiel rend profitable
l'exportation pour les producteurs en P de leurs produits vers H à un
prix supérieur au prix domestique. Il en va de même pour les
consommateurs en H qui se tournent vers les producteurs de P, dont le produit
est meilleur marché. Le processus se poursuit jusqu'à ce que le
nouveau prix d'équilibre Pu soit atteint. Par conséquent
les effets sur le bien être sont :
- Dans le pays H, les effets en termes de bien-être sont
comme précédemment ambigus, égaux à B + D -G, en
raison des effets contradictoires de création et détournement de
commerce.
- Le bien-être augmente de manière certaine en P. En
effet, les consommateurs perdent E+F mais les producteurs gagnent E+F+I. Il
s'agit d'un effet de création de commerce, I représentant les
profits faits par les producteurs en P sur leurs exportations vers H. Ce
résultat est souvent mis en avant pour expliquer le caractère
réciproque des accords préférentiels de commerce. En
effet, pour un autre bien, le pays H sera exportateur vers F et
bénéficiera donc des gains du pays exportateur apparents dans la
figure 2. Par conséquent, les gains espérés sont plus
importants lorsque les pays acceptent de baisser réciproquement toutes
leurs barrières au commerce.
Deux conclusions importantes se dégagent :
1) L'union douanière est d'autant plus créatrice
de commerce que les courbes d'offre et de demande sont élastiques,
entraînant un rapprochement de Pu et de Pw.
2) Le gain net pour les pays partenaires dans ce cas doit
être évalué ex-post car l'augmentation du coût de
production avec l'instauration de commerce entre les pays transforme une union
douanière en apparence purement bénéfique ex-ante en une
union douanière potentiellement néfaste ex-post.
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