INTRODUCTION
L'intégration économique des pays doit engendrer
une meilleure allocation des ressources communes. Cela doit se traduire par une
création de commerce devant aboutir à des progrès
économiques notamment une hausse du revenu national et une
amélioration du niveau de vie des habitants. Ces avantages
espérés de l'intégration économique, connus dans la
littérature théorique depuis le travail pionnier de Viner (1950),
ont inspiré les décideurs politiques dans leur quête de
bien-être pour les populations à créer plusieurs zones de
libre-échange.
En outre, les accords d'intégration régionale
sont aujourd'hui une caractéristique majeure du commerce mondial. Les
dernières années sont caractérisées par une
augmentation de nombre de ce type d'accords, comme en atteste la citation
suivante, provenant de l'Organisation Mondiale du Commerce, (OMC) : « La
grande majorité des membres de l'OMC est membre d'un accord commercial
régional ou de plusieurs. La forte augmentation du nombre des Accords de
Commerce Régionaux (ACR) s'est poursuivie depuis le début des
années 1990. Quelque 250 ACR ont été notifiés
à l'OMC jusqu'en décembre 2002, dont 130 après janvier
1995. Plus de 170 ACR sont actuellement en vigueur : quelque 70 ACR
supplémentaires seraient opérationnels mais n'ont pas encore
été notifiés » OMC (2003).
Une autre évolution importante a été le
changement d'attitude des Etats-Unis, traditionnellement opposés aux
accords régionaux qu'ils considéraient comme un frein au
processus de libéralisation des échanges. Les Etats-Unis sont
maintenant profondément impliqués dans l'un des accords
régionaux (AR) les plus importants qui est l'Accord de Libre Echange
Nord Amérique (l'ALENA) et cherchent à étendre le
mouvement de régionalisation à l'ensemble du continent
américain avec l'initiative de la zone de libre-échange des
Amériques. Même le Japon et la Corée du Sud, derniers pays
industrialisés à ne pas être membres d'un AR sont
entrés dans le mouvement en signant un premier accord en 2002 avec
Singapour pour le Japon et avec le Chili pour la Corée du Sud.
De toutes les zones d'intégration et de regroupement,
la Communauté Economique Européenne (CEE), devenue par la suite
l'Union Européenne (UE), est l'exemple qui a exercé le plus de
fascination sur les pays africains. Cependant, sur le plan historique, les
efforts d'intégration en Afrique ont connu des succès
limités, notamment en terme d'accroissement des échanges
régionaux et, plus important encore, en terme d'amélioration de
la croissance
économique des pays signataires des accords
sous-régionaux (Guillaumont et Guillaumont, 1993). Selon Foroutan et
Pritchett (1993), l'échec de l'intégration en Afrique au sud du
sahara sur le plan du commerce régional s'explique fondamentalement par
l'incapacité et/ou le manque de volonté de la part des pays
membres à procéder à des réformes commerciales
préférentielles. Ces reformes constituent un préalable
nécessaire à la création de courants additionnels
d'échanges au sein des zones d'intégration. Langhammer (1992),
Foroutan (1993), Gunning (1995), Diouf (2002) et Sylla (2003) fournissent
d'intéressantes analyses sur les expériences d'intégration
régionale dans les pays en développement.
La prolifération des blocs régionaux
observée a probablement renforcé la motivation des pays du Sud
à poursuivre ou à réorienter leurs expériences
d'intégration, malgré le faible succès des tentatives
précédentes. Dans le cas des pays africains, cet argument
s'ajoute à celui de la marginalisation accrue du continent dans les
échanges mondiaux et au ralentissement de sa croissance
économique. En formant les blocs régionaux, ces pays
espèrent augmenter la taille de leurs marchés et obtenir des
gains de bien-être liés à l'accroissement de leurs
exportations.
Etant donné ce contexte international et les conditions
propres aux pays de l'UEMOA (le Bénin, le Burkina Faso, la Côte
d'Ivoire, la Guinée Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal
et le Togo), on comprend mieux la volonté des gouvernements de ces pays
de renouveler l'expérience après l'échec de la
Communauté Economique de l'Afrique de l'Ouest (CEAO) et de tenter une
nouvelle forme d'intégration régionale.
Ce faisant, ils renoncent à court terme à
certains gains et espèrent tirer d'avantage de profits (accroissement
des échanges, de l'investissement direct étranger,
économie d'échelle, etc...) de leurs nouvelles relations
économiques, à moyen et long terme. Ainsi, l'UEMOA vise à
surmonter les inconvénients dus à la taille réduite des
économies des pays membres, à renforcer la
compétitivité des exportations et minimiser les coûts
d'ajustement. Ces mesures de libéralisation, en modifiant la structure
des incitations, ont visé principalement à réduire le
rôle de l'Etat dans les activités économiques et à
promouvoir le développement du secteur privé.
En outre, les autorités de l'UEMOA ambitionnent de
favoriser, grâce à la libéralisation des échanges
dans le cadre de cette entité économique sous-régionale,
l'insertion harmonieuse et avantageuse de leurs économies dans la
mondialisation.
Au sein de l'UEMOA, les exportations intra-communautaires ont
représenté 9.6% des exportations totales de la zone en 1 980,
13% en 1 990 et 12 ,8% en 2003. Les exportations intra-
communautaires de l'UEMOA ont enregistré une croissance
constante sur la période 1980- 2003 avoisinant une moyenne de 12% des
exportations totales de la zone. Par ailleurs, les échanges
intra-communautaires sont caractérisés par leurs
instabilités par rapport à l'évolution des échanges
commerciaux totaux de l'Union. La performance du commerce interne de la zone
peut être attribuée au gain de compétitivité, suite
à la dévaluation du franc CFA de 1994, et d'une relative
création de commerce des entreprises commerciales obtenues suite
à la reforme des politiques commerciales dans le cadre de l'Union.
Elbadawi (1997), Yeats (1998) et Diouf (2002) constatent que
les AR en Afrique n'ont pas entraîné toujours l'accroissement
espéré des échanges commerciaux entre les pays. Les
études ont montré dans la plupart des cas, que
l'intégration économique entre les pays du sud, dans bien des
cas, révèlent une domination de détournement sur la
création de trafic (De Melo et Grether, 1997 ; Yeats, 1998).
De manière générale, la faiblesse du
commerce entre les organisations sous-régionales africaines
résulte de la combinaison de plusieurs contraintes dont l'absence de
complémentarité entre les profils de productions nationales,
l'inadéquation des initiatives de coopération et
d'intégration régionales, l'importance du secteur informel,
l'insuffisance d'infrastructures, notamment dans le domaine des transports et
des communications, les facteurs géographiques etc. Certains auteurs
comme Diouf (2002) explique l'insuccès des AR africains par la
méthode utilisée c'est-à-dire une intégration par
le marché des pays avant l'intégration physique, tandis que Sylla
(2003) parle d'égoïsme des gouvernants pour expliquer
l'échec de l'intégration en Afrique.
Yeats (1998), Foroutan et Pritchett (1993) et Frankel (1997)
reconnaissent qu'il existe cependant entre les pays africains, un potentiel
d'échange qui peut être développé en supprimant les
obstacles commerciaux (barrières tarifaires et non tarifaires, obstacles
naturels, etc.). Les AR d'Afrique peuvent donc constituer un important levier
de croissance, en favorisant l'accroissement des échanges commerciaux
entre les pays membres d'une part et, avec le reste du monde d'autre part. Ces
accords peuvent engendrer une création de commerce et l'expansion des
exportations, permettant ainsi aux pays membres de financer la croissance
économique.
A notre connaissance, l'étude de l'impact des AR Africains
sur l'expansion du commerce des pays signataires portent en
général sur le commerce intra-africain ou celui d'un groupe de
pays,
réunis au sein d'une organisation
sous-régionale, avec des partenaires extra africains (Elbadawi, 1997 ;
Yeats, 1998 ; Coe et Hoffmaister 1999 ; Cadot et al. 2000 ;
Carrère, 2002). D'autres encore comme N'garesseum (2003) et Gbetnkom et
Avom (2005) ont étudié l'impact spécifique de l'UEMOA sur
le commerce intra-communautaire. Mais les données utilisées ne
s'arrêtent qu'en 2000. Aussi, la mise en place de tarifs
extérieurs communs (TEC) depuis janvier 2000, nécessite-t-il une
évaluation d'impact réel sur l'orientation et l'intensité
des échanges communautaires, surtout qu'il devra à terme
s'étendre à toute la CEDEAO (Projet ECOTRADE).
Quelles ont été les premières
répercussions de cette politique commerciale sur les échanges
intra-communautaires? L'impact de ce tarif sur le commerce intra-communautaire
résulte-il du concept de création ou de détournement de
commerce? Enfin, l'instauration de celui-ci a-til modifié les
déterminants des échanges de l'Union ?
C'est dans le souci de répondre à ces
interrogations que nous avons décidé d'analyser l'impact de cette
Union douanière sur le commerce intra-communautaire six ans après
son entrée en vigueur.
Partant de ces différentes questions l'objectif
principal que nous visons à travers cette étude est
d'évaluer l'impact du tarif extérieur commun appliqué en
zone UEMOA sur le commerce intra-communautaire. De façon
spécifique, cette étude vise à :
> vérifier si le TEC a un impact sur le commerce
intra-communautaire ;
> vérifier, en cas d'impact positif, s'il s'agit de
création ou de détournement de trafic ;
> circonscrire les déterminants du commerce
intra-UEMOA après instauration du TEC.
Pour atteindre ces objectifs, nous partons principalement de
l'hypothèse que la suppression des barrières tarifaires et non
tarifaires au sein de l'UEMOA et l'adoption du TEC ont entraîné un
accroissement du commerce intra-communautaire, une amélioration des
échanges potentiels des économies. Elles ont aussi affecté
positivement la croissance économique des Etats membres de l'Union.
La problématique générale de cette
étude s'inscrit dans le cadre théorique de l'union
douanière dans le processus d'intégration économique. Il
importe par conséquent que l'étude puisse couvrir les aspects
aussi bien théoriques que pratiques de cette question. Ainsi,
après avoir exposé la théorie des unions douanières
et les principaux résultats d'études déjà
effectuées sur la zone (Partie I) , nous
analyserons l'impact du TEC sur le commerce intra-
communautaire de la sous-région UEMOA, tout en
recensant les principaux déterminants des flux commerciaux entre les
pays de l'union à l'aide d'un modèle économétrique
de gravité que nous spécifierons (Partie II).
Enfin, nous concluons par des recommandations de politiques
économiques.
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