5.1.2 Inégalités entre enfants de 15-24
ans
Avant de commenter l'effet de notre variable principale (le
sexe de l'enfant), il est utile de passer en revue les résultats de
toutes nos variables de contrôle. Dans l'ensemble, l'influence de ces
variables va dans le sens attendu en théorie ou montré par les
travaux empiriques passés. Ainsi, les enfants du chef de ménage
ont plus de chances de fréquenter l'école que les autres
;1 les enfants du Centre et du Sud ont (1,24 et 6,53 fois) plus de
chances de fréquenter que les enfants du Nord, région fortement
islamisée et manquant d'infrastructure scolaires 2 ; les
enfants de N'Djamena et des autres centres urbains ont (6,44 et 1,66 fois) plus
de chances de fréquenter que les autres3 ; Par rapport aux
non-instruits, les chefs de ménage ayant un niveau d'éducation
primaire ou secondaire et plus ont (3,23 et 9,69 fois) plus de chances de
scolariser leurs enfants ; le nombre d'enfants de moins de 5 ans dans le
ménage n'a pas une influence significative (0,85 ns) ; le niveau de vie
du ménage est positivement associé à la
fréquentation scolaire ; et les catégories essentielles de survie
des parents n'ont pas une influence statistiquement significative,
conformément aux résultats de Lloyd et Blanc (1996).
En contradiction avec les résultats de plusieurs
travaux passés, les chefs de famille masculins n'ont pas une propension
à scolariser significativement moindre (0,78 ns) que celle des chefs de
ménage féminins. De plus, on note une relation
curvilinéaire entre la taille du ménage et la
fréquentation scolaire ; en effet la fréquentation baisse
lorsqu'on passe des
1 Au niveau brut, les autres enfants du ménage ont
légèrement plus de chance de fréquenter l'école
(1,18 fois plus) que les enfants du ménage. Au niveau net, en
présence de l'âge de l'enfant au modèle M2, ce rapport de
chance augmente légèrement en faveur des autres enfants du
ménage (1,20 fois plus). L'introduction des variables contextuelles que
sont la région et le milieu de résidence, inverse l'effet du lien
de parenté sur les risques de fréquentation des enfants. Le
rapport de fréquentation des autres enfants du ménage tombe
à 69 fois moins que celui des enfants du chef de ménage, soit une
diminution de 42,5%. L'introduction des variables relatives au chef
ménage et au ménage accentue cette nouvelle tendance au point
où dans le dernier modèle, les autres enfants du ménage
ont 57 moins de chance de fréquenter que les enfants du ménage.
L'école secondaire et supérieure nécessitant plus de
moyens, les chefs de ménage doivent faire un choix parmi les enfants
à scolariser.
2 Au niveau brut, les enfants du Centre et du Sud ont
respectivement 3,6 et 6,6 fois plus de chance de fréquenter
l'école que ceux du Nord. Dans tous les modèles, les risques de
fréquentation au Nord du pays, demeurent inférieurs à ceux
dans les régions du Centre et du Sud, ce qui reste en conformité
avec les résultats de l'analyse bivariée.
3 Ces résultats sont conformes aux résultats de
l'analyse bivariée, preuve incontestable de l'avance de N'Djaména
et des autres centres urbains en équipement et infrastructures
scolaires.
ménages de 1 à 5 personnes à ceux de 6
à 8 personnes, mais elle augmente à nouveau dans les
ménages plus larges que 8 personnes.
A part la taille et le niveau de vie du ménage, toutes
les autres variables ayant un pouvoir explicatif supérieur ou
égal à 0,10 ont préservé leur niveau après
contrôle. Il s'agit par ordre décroissant du niveau d'instruction
du chef de ménage (0,22), la région de résidence (0,20),
le lien de parenté (0,14), le milieu de résidence (0,13). Chez
les enfants de 15-24 ans, les variables déterminantes dans la
fréquentation scolaire sont le niveau d'instruction du chef de
ménage, la région et le milieu de résidence, le lien de
parenté de l'enfant avec le chef de ménage.
S'agissant maintenant de notre variable principale (le sexe),
au niveau brut, la probabilité pour une fille de fréquenter
l'école est 73% moins que celle d'un garçon4. Ce
désavantage des filles se maintient généralement avec
l'addition des contrôles successifs. Il reste d'abord à 0,27
(modèle M1), puis passe à 0,37 (M2), puis à 0,29
(modèle M3), puis 0,27 (modèle M4), et enfin 0,25 (modèle
M5).
4 Comparés au niveau observé pour les enfants de
6-14 ans, ceci confirme le résultat de l'analyse bivariée qui
montre une aggravation des inégalités entre sexes avec
l'âge de l'enfant.
Tableau 5.2 : Rapport de chances de
fréquentation scolaire des enfants de 15-24 ans selon les
caractéristiques de l'enfant, de son environnement, du chef de
ménage (Tchad 2004)
Variables Effets bruts
M0 M1 M2
|
Effets nets M3
|
M4
|
M5
|
A. Sexe de l'enfant (MR=Masculin)
|
|
|
|
Féminin 0,27*** 0,27*** 0,37***
|
0,29***
|
0,27***
|
0,25***
|
Statistique r 0,25*** 0,25*** 0,18***
|
0,20***
|
0,20***
|
0,20***
|
B. Lien de parenté avec le Chef de ménage
(MR=enfants du CM)
|
|
|
|
Autres enfants 1,18* 1,20**
|
0,69***
|
0,56***
|
0,57***
|
Résidus 0,17*** 0,23***
|
0,16***
|
0,09***
|
0,14***
|
Statistiques r 0,25*** 0,20***
|
0,22***
|
0,20***
|
0,14***
|
C. Région de résidence (MR=Nord)
|
|
|
|
Centre 3,62***
|
1,15 ns
|
1,15 ns
|
1,24 ns
|
Sud 6,60***
|
9,89***
|
6,05***
|
6,53***
|
Statistique r 0,21***
|
0,30***
|
0,21***
|
0,20***
|
D. Milieu de résidence (MR=Rural)
|
|
|
|
N'Djaména 4,66***
|
18,64***
|
8,38***
|
6,44***
|
Autres urbains 2,44***
|
2,77***
|
2,13***
|
1,66***
|
Statistiques r 0,23***
|
0,26***
|
0,17***
|
0,13**
|
E. Sexe du Chef de ménage (MR=féminin)
|
|
|
|
Masculin 1,15 ns
|
|
0,92 ns
|
0,78 ns
|
Statistique r 0,01 ns
|
|
0,00 ns
|
0,01 ns
|
F. Instruction du Chef de ménage (MR=Aucun)
|
|
|
|
Primaire 3,65***
|
|
3,30***
|
3,23***
|
Secondaire ou plus 8,24***
|
|
9,87***
|
9,69***
|
Statistique r 0,32***
|
|
0,23***
|
0,22***
|
G. Enfants de moins de cinq ans (MR=Aucun enfant)
|
|
|
|
Au moins un 0,91 ns
|
|
|
0,85 ns
|
Statistique r 0,00 ns
|
|
|
0,00 ns
|
H. Niveau de vie du ménage (MR=Bas)
|
|
|
|
Moyen 2,06***
|
|
|
1,63***
|
Elevé 4,82***
|
|
|
2,07***
|
Statistique r 0,25***
|
|
|
0,08 ***
|
I. Taille du ménage (MR=1-5 personnes)
|
|
|
|
6 à 8 2,06***
|
|
|
0,97***
|
9 à 13 3,59***
|
|
|
1,32 ns
|
14 et plus 4,94***
|
|
|
1,20***
|
Statistique r 0,22***
|
|
|
0,02*
|
J. Survie des parents (MR=mère père
décédés)
|
|
|
|
|
Mère seule en vie 0,79 ns
|
|
|
0,64 ns
|
Mère Père en vie 0,80 ns
|
|
|
0,60 ns
|
Père seul en vie 0,92 ns
|
|
|
0,92 ns
|
Autres 0,46 ns
|
|
|
0,40***
|
Statistique r 0,13***
|
|
|
0,12***
|
Notes : signification : ns=non significatif ;
*=au seuil de 10% ;**=au seuil 5% ; *=au seuil de 1% ;
|
MR=modalité de référence ; L'âge de
l'enfant introduit en M1 ; celui du chef de ménage en M2.
|
Que ce soit chez les 6-14 ans que chez les 15-24 ans, les
filles sont moins scolarisées que les garçons, montrant une
marginalisation continue des filles au sein de la société
tchadienne. L'on pense dans nos sociétés que la fille n'a pas
besoin de l'éducation formelle pour jouer son rôle de mère
et épouse. Cette réalité reste valable au sein de la
société tchadienne. En effet, il existe au sein de la
société une conception réductionniste de la scolarisation
des filles, par conséquent elles sont moins scolarisées. Les
difficultés que rencontrent les filles pour réussir leur cursus
scolaire trouvent leurs fondements dans les stéréotypes du
sexisme scolaire auxquels il faut ajouter le scepticisme des parents quant aux
bénéfices de la scolarisation des filles. Aussi, l'attitude des
missionnaires ayant introduit l'école au Tchad est pour beaucoup dans la
moindre importance accordée à la scolarisation de la fille. En
effet, les missionnaires encourageaient les garçons à faire des
longues études tandis que les filles étaient orientées
vers les formations en couture, en art culinaire etc.
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