4.4.2 Scolarisation différentielle selon la taille du
ménage
La théorie de la "quantity/quality trade off" postule
qu'il existe une relation négative entre le nombre et la scolarisation
des enfants. Par contre, «l'un des résultats des résultats
les plus constants qui ressort des études traitant du sujet dans le
contexte africain est [...] que la quantité et la qualité des
enfants en matière de scolarisation sont tout à fait compatibles
dans
les sociétés d'Afrique subsaharienne et que la
quantité peut même favoriser la qualité » (Wakam,
2002a).
Tableau 4.9: Taux de scolarisation des filles et
garçons et indices de parité des taux IPT (G/F) par tranche
d'âges selon la taille du ménage à l'EDS-II (2004).
Tranches d'âges et sexe des
enfants 6-14 ans 15-24 ans
Taille du
ménage
G F IPT (G/F) G F IPT (G/F)
1 à 5 40,9 28,6 1,4 28,3 6,9 4,1
6 à 8 41,9 32,2 1,3 37,2 15,8 2,4
9 à 13 50,7 35,7 1,4 48,6 25,2 1,9
14 et plus 60,6 45,4 1,3 54,3 34,6 1,6
Ensemble 45,4 33,2 1,4 38,9 14,6 2,7
Proba Khi-deux 0,000 0,033 - 0,00 1 0,007 -
Source : Traitement des données de l'EDS-II (Tchad)
Il ressort de notre tableau que quels que soient la taille du
ménage et le sexe des enfants, les taux de scolarisation diminuent avec
l'âge des enfants. Par contre ces taux augmentent avec la taille du
ménage quels que soient le sexe des enfants et leur âge. Ainsi, la
relation entre la taille du ménage et la scolarisation des enfants est
plutôt positive dans le cas du Tchad. Cela s'expliquerait par le fait que
dans la plupart des cas, les ménages de grande taille sont ceux des
individus bien nantis et les stratégies de solidarités familiales
y sont courantes par la pratique de confiage des enfants à des fins
purement éducatives. Les garçons de 6-14 ans des ménages
comprenant 1 à 5 enfants et 9 à 13 enfants ont 1,4 fois plus de
chance de fréquenter que les filles des mêmes ménages. Ceux
de la même tranche d'âges des ménages comprenant 6 à
8 enfants et 14 enfants et plus, ont 1,3 fois plus de chance d'être
scolarisés que leurs homologues filles. Chez les enfants de 15-24 ans,
les inégalités diminuent nettement avec la taille du
ménage. En effet, dans les ménages comprenant 1 à 5
enfants, les garçons ont 4,1 fois plus de chance de fréquenter
que les filles ; dans ceux comprenant 6 à 8 enfants, 9 à 13
enfants et 14 enfants et plus, les garçons ont respectivement 2,4 fois,
1,9 fois et 1,6 fois plus de chance d'être scolarisés que leurs
homologues filles.
4.4.3 Scolarisation différentielle selon la survie
des parents
La survie des parents est significativement associée
à la fréquentation scolaire certainement à cause du devoir
de solidarité qui, en Afrique subsaharienne, exige leur prise en charge
par les membres de la famille.
Tableau 4.10: Taux de scolarisation des filles
et garçons par tranche d'âges selon la survie des parents et
indices de parité des taux IPT (G/F) à l'EDS-II (2004).
Proba Khi-deux 0,000 0,015
0,000 0,000
-
-
Survie des
parents
G F IPT (G/F) G F IPT (G/F)
Tranches d'âges et sexe des
enfants
6-14 ans 15-24 ans
Orphelins de père
et de mère 54,5 41,7 1,3 45,1 29,9
1,5
Orphelins de père 62,9 39,1 1,6 71,4 11,5
6,2
Orphelins de mère 44,6 32,6 1,4 44,5 26,2
1,7
Père et mère en
vie 64,4 38,7 1,7 69,0 13,8 5,0
Résidus 26,9 21,7 1,2 35,8 9,3 3,9
Ensemble 45,4 33,2 1,4 38,9 14,6 2,7
Source : Traitement des données de l'EDS-II (Tchad)
Chez les enfants de sexe masculin de 6-14 ans, ils sont mieux
scolarisés lorsqu'ils vivent avec les deux parents (64,4%) que
lorsqu'ils vivent avec un seul d'entre eux (62,9% si mère en vie et
44,6% si père en vie). Chez les filles de la même tranche
d'âge, les enfants doublement orphelins sont mieux scolarisés que
tous les autres (41,7%), ensuite les filles ayant leur mère en vie
(39,1%), enfin viennent celles ayant leur père et mère en vie
(38,7%). Les garçons doublement orphelins de 6-14 ans ont 1,3 fois plus
de chance d'être scolarisés que les filles du même statut,
tandis que lorsqu'ils sont orphelins de mère, de père ou ayant
les deux parents en vie, ils ont respectivement 1,4 fois, 1,6 fois et 1,7 fois
plus de chance d'être scolarisés que les filles. Donc chez les
6-14 ans, les enfants doublement orphelins sont moins discriminés que
les autres, ceci s'expliquerait par le soin particulier accordé à
ces enfants découlant des fondements traditionnels et religieux selon
lesquels le châtiment divin s'abattrait sue ceux qui feraient souffrir
les orphelins.
Chez les garçons de 15-24 ans, les enfants ayant leur
mère en vie sont plus scolarisés que tous (71,4%), ensuite
viennent ceux ayant leur père et mère en vie (69,0%), ceux
doublement orphelins (45,1%) et ceux orphelins de mère (44,5%). Chez les
filles de la même
tranche d'âge, les enfants doublement orphelins sont
mieux scolarisés que tous (29,9%), ensuite viennent les filles
orphelines de mère (26,2%), celles ayant leur mère et père
en vie (13,8%) et enfin celles orphelines de père1 1,5%). Chez les
enfants doublement orphelins de 15-24 ans, les garçons ont 1,5 fois plus
de chance d'être scolarisés que les filles, tandis que ceux
orphelins de mère, ceux ayant les deux parents en vie et ceux orphelins
de père ont respectivement 1,7 fois, 5 fois et 6,2 fois plus de chance
d'être scolarisés que les filles de même statut. Il
découle de ces analyses que les enfants doublement orphelins et
orphelins de mère sont moins discriminés que les autres, aussi un
traitement particulier est accordé aux filles doublement orphelines car
en Afrique subsaharienne, elles doivent partir en mariage et l'héritier
s'attend à récupérer la dot de celle-ci en compensation de
toutes les dépenses effectuées.
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EgsfcrqE SExES Egsf~J4crIEqE (IXE
J4 Q)
SCoLJ4qISJ4crIogsfcrCWJ4(IX
Le chapitre précédent a permis d'examiner
l'association entre la fréquentation scolaire et plusieurs variables
indépendantes. Ces associations brutes donnent une première
évaluation des hypothèses énoncées, mais elles ne
contrôlent pas les effets combinés des différentes
variables de cette étude. Le présent chapitre est consacré
à une analyse multivariée qui permet de vérifier si ces
associations observées persistent lorsqu'on contrôle toutes les
autres variables indépendantes. C'est aussi à ce niveau que nous
vérifierons les hypothèses émises au chapitre II.
Dans une première partie nous examinerons
l'évolution de l'effet du sexe de l'enfant, lorsqu'on contrôle
progressivement pour d'autres variables dans les modèles retenus.
L'observation se fera pour les deux tranches d'âge : 6-14 ans et 15-24
ans. Le modèle M0 nous donne les effets bruts de chaque variable, en
revanche les effets nets sont obtenus grâce aux autres modèles qui
contrôlent de manière cumulative pour l'âge de l'enfant
(Modèle M1); le lien de parenté de l'enfant avec le chef de
ménage (modèle M2), la région et le milieu de
résidence (modèle M3) ; l'âge du chef de ménage, son
sexe et son niveau d'instruction (modèle M4), le nombre d'enfants de
moins de cinq ans, le niveau de vie du ménage, la taille du
ménage et la survie des parents (modèle M5). Par ailleurs, la
deuxième partie du chapitre réservée à la
vérification des hypothèses, concernera les variables suivantes :
milieu et région de résidence, le niveau d'instruction du chef de
ménage, le niveau de vie du ménage, l'âge des enfants, le
sexe du chef de ménage.
L'analyse se fera de la manière suivante :
L'interprétation des rapports de chance nous donnera la variation de
l'effet du sexe sur la fréquentation scolaire avec l'addition des autres
variables ; Les résultats seront interprétés en termes
d'écart des rapports de chance et par rapport à la
modalité de référence. L'interprétation de
l'évolution de la statistique r nous permettra de
connaître les variables déterminantes de la scolarisation
différentielle des filles et garçons au Tchad.
5.1 VUE D'ENSEMBLE
Les tableaux 5.1 et 5.2 présentent une vue d'ensemble
des résultats obtenus pour 6 modèles de régression
logistique sur les rapports de risques respectifs de fréquentation
scolaire entre filles et garçons de 6-14 ans et de 15-24 ans au niveaux
brut et net. D'une manière générale, on constate aussi
bien chez les enfants de 6-14 ans que chez ceux de 15-24 ans, une sous
scolarisation féminine pour l'ensemble des modèles retenus. De
fortes inégalités sont observées chez les 15-24 ans.
5.1.1 Inégalités entre enfants de 6-14
ans
Au niveau brut, la probabilité pour une fille de
fréquenter l'école est 41% moins élevée que celle
d'un garçon. Les mêmes risques de fréquentation sont
observés en M1 où est introduit l'âge de l'enfant et en M2
où le lien de parenté est introduit. L'introduction
simultanée des variables région et milieu de résidence
dans le modèle M3, fait passer le rapport de chance de 0,59 à
0,55 renforçant ainsi les inégalités entre garçons
et filles. Dans le modèle M4, l'âge du chef de ménage, son
sexe et son niveau d'instruction viennent renforcer les
inégalités entre filles et garçons. En effet, le rapport
de chance de fréquentation est passé de 0,55 à 0,52. Dans
le modèle M5, la présence des enfants de moins de cinq ans, le
niveau de vie, la taille du ménage et la survie des parents maintient
les inégalités entre filles et garçons.
Au niveau du lien de parenté, les chances de
fréquentation des autres enfants du ménage sont 1,41 fois plus
élevées que ceux des enfants du chef de ménage. Dans les
modèles M4 et M5, la situation est inversée en faveur des enfants
du chef de ménage. En effet, de 1,06 en M3, le rapport de chance de
fréquentation passe à 0.96 et 0.95 respectivement en M4 et M5.
Cela signifie que les caractéristiques culturelles, du ménage et
du chef de ménage ont une forte incidence sur les
inégalités de scolarisation des enfants.
Les risques de fréquentation des enfants sont
positivement associés au niveau d'urbanisation, conformément au
résultat de l'analyse bivariée. En effet, dans le dernier
modèle, les enfants vivant à N'Djaména et dans les autres
centres urbains ont respectivement 4,3 fois et 1,5 fois plus de chance d'aller
à l'école que les enfants du milieu rural. Dans le dernier
modèle, comparés aux enfants du Nord du Pays, les enfants du
Centre et du Sud ont respectivement 1,6 et 6,1 fois plus de chance de
fréquenter l'école, ce qui vient confirmer les résultats
bivariés. S'agissant du niveau de vie du ménage (Modèle
5), les rapports de chance de fréquentation scolaire des enfants
augmentent avec le niveau de vie du ménage. En effet, les enfants des
ménages de niveau moyen et élevé, ont respectivement 1,3
et 2,1 fois plus de chance de fréquenter l'école que ceux des
ménages avec un niveau de vie bas. Du niveau d'instruction du chef de
ménage (Modèle M5), les enfants des ménages dont le chef a
un niveau primaire et secondaire et plus, ont respectivement 2,63 et 5,14 fois
plus de chance d'aller à l'école que ceux dont le chef n'a aucune
instruction. Une fois de plus, ce résultat vient confirmer celui de
l'analyse bivariée. Les enfants des hommes chefs de ménage ont
81% moins de chance de fréquenter que ceux des femmes chefs de
ménage.
Relevons qu'en dehors de la variable « région de
résidence », les rapports de chance diminuent à partir du
modèle M3 jusqu'au dernier. Cette baisse traduit l'interaction entre les
variables culturelles, celles du chef de ménage et du ménage
introduites successivement à partir de M3. Par ailleurs, l'effet de la
région de résidence est relativement renforcé par ces
mêmes caractéristiques. Toutes les variables ayant un pouvoir
explicatif supérieur ou égal à 0,10 (le sexe de l'enfant,
la région et le milieu de résidence, l 'instruction du chef de
ménage et le niveau de vie du ménage), ont préservé
la taille de leur effet après contrôle. Il s'agit par ordre
décroissant de la région de résidence (0,2 1), du niveau
d'instruction du chef de ménage (0,18), du milieu de résidence
(0,11) et du niveau de vie du ménage (0,10). Ce sont en
définitive des variables déterminantes au niveau de la
fréquentation scolaire des enfants de 6- 14 ans.
Tableau 5.1 : Rapport de chances de
fréquentation scolaire des enfants de 6-14 ans selon les
caractéristiques de l'enfant, de son environnement et du chef de
ménage (Tchad 2004).
Variables Effets bruts
M0 M1 M2
|
Effets nets M3
|
M4
|
M5
|
A. Sexe de l'enfant (MR= Masculin)
|
|
|
|
Féminin 0,59*** 0,59*** 0,59***
|
0,55***
|
0,52***
|
0,52***
|
Statistique r 0,11*** 0,11*** 0,11***
|
0,11***
|
0,12***
|
0,12***
|
B. Lien de parenté avec le Chef de ménage
(MR=enfants du CM)
|
|
|
|
Autres enfants 1,41*** 1,43***
|
1,06 ns
|
0,96 ns
|
0,95ns
|
Autres cas 0,48 ns 0,63 ns
|
0,56 ns
|
0,54 ns
|
0,61 ns
|
Statistiques r 0,06*** 0,06***
|
0,00 ns
|
0,00 ns
|
0,00 ns
|
C. Région de résidence (MR=Nord)
|
|
|
|
Centre 2,77***
|
1,56***
|
1,49***
|
1,59***
|
Sud 7,57***
|
8,11***
|
5,16***
|
5,14***
|
Statistique r 0,28***
|
0,32***
|
0,22***
|
0,21***
|
D. Milieu de résidence (MR=Rural)
|
|
|
|
N'djaména 5,12***
|
12,30***
|
6,98***
|
4,25***
|
Autres urbains 2,32***
|
2,62***
|
2,15***
|
1,46***
|
Statistiques r 0,19***
|
0,24***
|
0,17***
|
0,11***
|
E. Sexe du Chef de ménage (MR=féminin)
|
|
|
|
Masculin 1,28***
|
|
0,87*
|
0,81**
|
Statistique r 0,03***
|
|
0,01*
|
0,02**
|
F. Instruction du Chef de ménage (MR=aucun)
|
|
|
|
Primaire 4,59***
|
|
2,88***
|
2,63***
|
Secondaire ou plus 10,15***
|
|
5,89***
|
5,14***
|
Statistique r 0,33***
|
|
0,20***
|
0,18***
|
G. Enfants de moins de cinq ans (MR=aucun enfant)
|
|
|
|
Au moins un 1,10*
|
|
|
0,96 ns
|
Statistique r 0,01*
|
|
|
0,00 ns
|
H. Niveau de vie du ménage (MR=bas)
|
|
|
|
Moyen 1,64***
|
|
|
1,31***
|
Elevé 4,02***
|
|
|
2,11***
|
Statistique r 0,25***
|
|
|
0,10***
|
I. Taille du ménage (MR=1-5 personnes)
|
|
|
|
6 à 8 1,13**
|
|
|
1,03***
|
9 à 13 1,47***
|
|
|
1,03***
|
14 et plus 2,19***
|
|
|
0,99***
|
Statistique r 0,09***
|
|
|
0,00 ns
|
J. Survie des parents (MR=mère père
décédés)
|
|
|
|
|
Mère seule en vie 1,04 ns
|
|
|
0,56**
|
Mère Père en vie 1,12 ns
|
|
|
0,86 ns
|
Père seul en vie 0,68***
|
|
|
0,78**
|
Autres 0,35***
|
|
|
0,47**
|
Statistique r 0,05***
|
|
|
0,01*
|
Notes : Signification: ns=non significatif; * =
au seuil de 10% ;**= au seuil de 5% ;***= au seuil de 1% ; MR :
|
modalité de référence ; L'âge de
l'enfant a été introduit en M1. L'âge du chef de
ménage a été introduit en M2.
|
|
|