B- Le pouvoir de qualification unilatérale du fait
illicite et sa sanction
Les contre-mesures, comme nous l'avons dit, sont des
sanctions qu'un sujet de droit international, en particulier un Etat, prend
unilatéralement contre un autre sujet (un autre Etat) en réponse
à des faits internationalement illicites que ce dernier aurait commis
à son égard ou à l'égard du droit international
général. On se demande qui décide de la
licéité du fait et de sa sanction. Ce pouvoir revient en
général à l'Etat lésé. La qualification du
fait internationalement illicite permet donc de constater, encore une fois, que
les contre-mesures mettent les Etats au même pied
d'égalité. L'illicéité du fait commis se constate
au regard des règles du droit international mais c'est l'Etat auteur des
contre-mesures qui décide lui-même de qualifier cette
illicéité et d'en déterminer unilatéralement la
sanction. Il n'y a pas de transfert de souveraineté au niveau
international. Cette souveraineté ne s'exerce que sur le plan interne,
notamment dans la qualification de la faute et sa sanction. L'Etat regarde son
intérêt lorsqu'il analyse si le traité est violé ou
s'il est respecté. Il exerce sa souveraineté en
interprétant le texte, le fait et en décidant la sanction. Par
exemple, dans l'affaire franco-américaine relative à
l'interprétation de l'accord aérien de 1946, il n'y avait aucun
transfert de souveraineté lorsque les Etats-Unis se sont
prononcés sur l'illégalité du comportement du gouvernement
français.
La seule leçon qu'il faut retenir d'une telle pratique
est que les contre-mesures donnent l'occasion aux Etats de faire valoir leur
souveraineté internationale. La notion de contre-mesures dépend
du pouvoir de chaque partie. Chaque Etat, quelle que soit sa puissance, peut
juger unilatéralement le comportement d'un autre Etat et le qualifier
d'illicite au regard du droit international pour, ensuite, le sanctionner. Le
problème reste à savoir si une telle pratique ne
résulterait pas d'une sorte de vengeance entre les Etats ou un usage des
contre-mesures dans un autre but.
Section II
Une conformité reposant sur l'intention de l'Etat
auteur
Contrairement à l'idée selon laquelle les
contre-mesures sont un outil arbitraire dont les superpuissances disposent
contre les Etats faibles, on peut dire que ce sont des mesures qui, en plus
d'être pacifiques, présument une bonne intention de la part de
l'Etat auteur. Leur caractère unilatéral et
décentralisé ne cache pas forcément une mauvaise intention
quant aux finalités que les Etats les assignent. Un Etat qui
décide de recourir à des contre-mesures contre un autre Etat a un
autre dessein que celui de le sanctionner ou de soumettre sa
souveraineté à un état d'assujettissement. Il s'agit de
voir ici en quoi consiste cette intention (Paragraphe 1). Par ailleurs, le
caractère unilatéral et dommageable des contre-mesures trouve un
fondement en droit international. Ce fondement repose sur le pouvoir
légitime reconnu à chaque Etat de protéger lui-même
ses intérêts face à une éventuelle atteinte par un
autre Etat (Paragraphe 2).
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