Les contres mesures en droit international public( Télécharger le fichier original )par Hassani MOHAMED HASSANI Universite Cheikh Anta DIOP de Dakar - Maitrise de Droit Public 2006 |
B- L'interdiction de porter atteinte aux droits de l'homme
Les contre-mesures ne doivent pas porter atteinte au droit international humanitaire, aux droits humains. L'Etat qui prend des contre-mesures doit penser au respect des droits de l'homme. Les droits humains, d'un côté, sont une justification de l'adoption des contre-mesures par certains Etats. Le texte sus-cité de la CDI dispose : « les contre-mesures ne peuvent porter atteinte... aux obligations concernant la protection des droits fondamentaux de l'homme, aux obligations de caractère humanitaire excluant les représailles... ». En dehors même de ce projet, « le principe selon lequel les obligations conventionnelles ou coutumières concernant les droits de l'homme ne sont pas susceptibles d'être transgressées par voie de contre-mesures est bien ancré depuis longtemps en droit international contemporain »((*)2). Dans sa résolution sur le régime des représailles en temps de paix, l'Institut de droit international a affirmé dans l'article 6 que « dans l'exercice des représailles, l'Etat devait limiter leurs effets à l'Etat contre qui elles sont dirigées, en respectant... les droits des particuliers... et s'abstenir de toute mesure de rigueur qui serait contraire aux lois de l'humanité... »((*)1). La protection des droits de l'Homme a expliqué plusieurs mesures prises par les Etats-Unis qui s'estiment "investis d'une mission de protection de ces droits"((*)2).
Le dernier aspect de cette interdiction est qu'on interdit aux Etats de prendre des contre-mesures entraînant la violation des droits humains en réponse à des mesures similaires de la part d'un autre Etat. On interdit la réciprocité des contre-mesures si elles ont pour objet l'atteinte à ces droits. On dit que la protection des droits fondamentaux de l'homme ne relève pas d'une obligation conventionnelle et synallagmatique, elle est une obligation générale découlant du jus cogens. C'est ce qui fait que leur violation par une partie n'explique pas une autre transgression par une autre((*)3).
Paragraphe 2Les contre-mesures portant atteinte à certaines obligations conventionnellesOn interdit aux Etats de porter atteinte à certaines obligations conventionnelles lorsqu'ils décident de recourir à des contre-mesures. Les obligations découlant du droit diplomatique (A) et celles découlant du droit communautaire (B) ne peuvent faire l'objet d'aucune violation par des contre-mesures. A- L'interdiction de porter atteinte au droit diplomatiqueDans le projet de la CDI, l'article 50 qui porte sur les « obligations ne pouvant être affectées par des contre-mesures », dispose dans son alinéa 2 que « l'Etat qui décide de prendre des contre-mesures n'est pas dégagé des obligations qui lui incombent de respecter l'inviolabilité des agents, locaux, archives et documents diplomatiques et consulaires. »((*)4). Cette disposition reprend la jurisprudence de la Cour internationale de justice sur l'affaire du personnel diplomatique américain à Téhéran((*)1). On interdit aux Etats de prendre des contre-mesures qui auraient pour effet de déstabiliser ou de porter gravement atteinte aux obligations diplomatiques à moins que l'acte faisant l'objet de la contre-mesure ne soit, lui-même, une violation desdites obligations. Pratiquement cela veut dire que si un Etat veut sanctionner un autre par des contre-mesures, il doit tenir compte des règles régissant le droit diplomatique posées par la Convention de Vienne de 1961 sur le droit des traités. La CIJ a décidé dans son arrêt que le droit diplomatique « constitue un régime se suffisant à lui-même » en ce sens qu'il prévoit les sanctions à prendre en cas de violation par une partie. La Cour a déclaré que le « droit diplomatique, lui-même, fournit les moyens de défense nécessaires ainsi que les sanctions contre les activités illicites des membres des missions diplomatiques et consulaires((*)2). Il est difficile de qualifier certaines pratiques de violation du droit diplomatique. Par exemple, l'expulsion des agents diplomatiques et la restriction à leur liberté de déplacement ne constituent pas des atteintes au droit diplomatique((*)3), pendant que d'autres actes le sont. En effet, la détention d'un diplomate ou un d'un agent de mission bénéficiant de l'immunité diplomatique constitue une violation dudit droit tel que l'a déclaré le Secrétaire général des Nations Unies dans une lettre qu'il adressait à la Côte d'Ivoire suite à la détention par le gouvernement ivoirien d'agents d'une mission guinéenne en provenance d'une assemblée générale à New York((*)4).
L'interdiction de porter atteinte au droit diplomatique ne pèse pas que sur le personnel. Elle porte aussi sur les biens. C'est le cas des locaux (inviolabilité des locaux diplomatiques), des archives ou autres documents. L'article 22 de la Convention de Vienne de 1961 pose une interdiction quasi absolue en stipulant : « les archives et documents de la mission sont inviolables à tout moment et quelque lieu qu'ils se trouvent ». C'est une règle impérative et n'admettant aucune dérogation car, même en cas de rupture des relations diplomatiques, de rappel temporaire ou définitif de la mission, « l'Etat accréditaire est tenu, même en cas de conflit armé, de respecter et de protéger les locaux de la mission, ainsi que ses biens et ses archives. »((*)1). L'interdiction de déstabiliser les relations diplomatiques vise à maintenir en équilibre les relations inter-étatiques dans la société internationale. C'est le même souci qui explique l'interdiction de recourir aux contre-mesures dans les relations communautaires. * (2) Alexandre SICILIANOS, op. cit. p. 351. * (1) Art. 6, par. 3 et 4, 38 Ann. IDI (1934), p. 710. * (2) Le Congrès américain a arrêté une série de mesures à partir de 1973 pour refuser son assistance aux gouvernements qui ont porté atteinte aux droits de l'homme. En 1977, dans une série de déclarations, le président Carter a fait connaître la résolution de son administration de faire des progrès des droits de l'homme un élément central de sa politique. Il a souligné que les États Unis "ont une responsabilité et un droit légitime à exprimer leur désapprobation face aux violations des droits de l'homme" (conférence de presse, 23 février 1977, 71 American journal of international law 517 (1977). * (3) Avis consultatif de la Cour Internationale de Justice de 1951, CIJ Rec. 1951, p. 23. * (4) Article 50 al. 2 par. 2 du projet de la Commission du droit international. * (1) Dans cette décision, la Cour a jugé que les arguments avancés par le gouvernement iranien n'expliquent pas la violation de ses obligations diplomatiques avec les Etats-Unis. En effet, l'Iran soutenait que la prise en otage du personnel diplomatique américain répond aux différentes ingérences que les Etats-Unis ont entrepris sur son territoire (CIJ Rec. 1980, p. 40 par. 86). * (2) CIJ Rec. 1980 p. 38 par. 83. Ces sanctions sont au nombre de deux : - la possibilité pour l'Etat accréditaire de déclarer persona non grata un membre d'une mission étrangère qui se livrait à des actes d'espionnage ou d'ingérence dans les affaires intérieures à tout moment et sans avoir à se justifier ; - le pouvoir de l'Etat accréditaire de rompre ses relations diplomatiques avec l'Etat accréditant au cas où les abus du statut diplomatique prendraient une ampleur sérieuse (Art. 9 par. 1 de la Convention de Vienne de 1961 ; art. 23 par. 1 de la Convention de Vienne de 1963). * (3) V. par ex. les restrictions imposées par le Sénat américain le 7 octobre 1987 au déplacement des agents diplomatiques de plusieurs pays socialistes en poste aux Etats-Unis (Ch. ROUSSEAU, "Chronique", 92 RGDIP (1988), p. 386). * (4) En effet, des ressortissants ivoiriens étaient détenus arbitrairement en Guinée en 1967. Face au refus des autorités guinéennes de relâcher ces hommes, la Cote d'Ivoire retient des diplomates guinéens en provenance de New York où ils revenaient de l'assemblée extraordinaire des l'Assemblée générale des Nations Unies, pendant leur escale à Abidjan. Le Secrétaire général des Nations Unies adressa une lettre au gouvernement ivoirien dans laquelle il sanctionne ces actes et demande la libération des diplomates. * (1) Art. 45, Convention de Vienne de 1961. |
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