Chapitre III : Modèles d'analyse et
d'évaluation empirique
Le fardeau de la dette internationale demeure l'un des
principaux obstacles au développement des pays du sud. Celui-ci s'est
même nettement alourdi au cours des deux dernières
décennies. Selon le FMI, « La
dette d'un pays est soutenable, lorsqu'il peut financer le solde de la balance
des opérations courantes et assurer les obligations du service de la
dette sans faillir, sans solliciter le rééchelonnement, sans
accumuler les arriérés et enfin sans compromettre la
croissance ».
Si les ouvrages examinant l'effet de la dette
extérieure sur la croissance abondent, relativement peu d'études
concernent spécifiquement les pays à faible revenu pris
individuellement.
III.1 Evaluations
empiriques de la dette publique et croissance économique
Pour analyser l'incidence de l'endettement sur la croissance,
il importe d'analyser le poids la dette à un ensemble de variables et
d'agrégats économiques du fait de leurs rôles dans le
paiement de la dette.
III.1.1 L'endettement public du Burkina Faso et
l'IPPTE
Durant les années soixante-dix, la conjoncture
internationale favorable a permis le recours à l'endettement
extérieur de plusieurs pays en développement afin de soutenir
l'effort d'investissement et la croissance économique. La
conséquence immédiate d'une telle stratégie était
la hausse de l'endettement externe conduisant les IFI en 1996 à adopter
un dispositif global de réduction de la dette des PPTE.
III.1.1.1 L'évolution de l'encours et du coût de
la dette publique
Face à la problématique de la recherche de
sources alternatives de financement, les états membres de l'UEMOA se
sont orientés vers les mécanismes de financement par les
marchés. Le recours du Burkina Faso à l'endettement
extérieur à l'instar des autres pays membres est
nécessaire pour deux raisons essentielles à savoir l'insuffisance
de l'épargne nationale et le déficit de la balance courante. En
effet les recettes de l'exportation domestique générées
par le Burkina Faso ne suffisent pas pour couvrir totalement ses besoins
courants et pour financer les investissements productifs susceptibles de lui
assurer un développement économique et social harmonieux et
équilibré. De ce fait, l'Etat est obligé de recourir aux
ressources extérieures pour réaliser ses projets d'investissement
et accéder à un niveau supérieur de développement
économique et social. Mais face aux besoins accrus en capitaux
étrangers l'endettement doit rester dans les limites compatibles avec
la préservation de sa solvabilité et de sa
crédibilité sur le marché financier d'autant que le
marché financier intérieur est quasi inexistant. Par ailleurs la
conjoncture internationale favorable et les conditions financières
relativement aisées ont encouragé le Burkina Faso à
s'endetter davantage sans chercher à se prémunir contre les
risques liés à un environnement international tels que la
dévaluation, la baisse des prix des matières premières,
etc.
Au cours de la période 1990-2005 (voir graphique
ci-dessous), l'encours de la dette publique burkinabè constitué
en moyenne à 92% de la dette extérieure et 8% de la dette
intérieure a enregistré une croissance vertigineuse passant de
286,794 milliards de FCFA en 1990 à 1249 milliards de FCFA en 2005 avec
surtout la dévaluation intervenue en 1994 (soit un taux de croissance de
la dette publique de 82,37% entre 1993 et 1994). Au Burkina Faso, la dette
intérieure, composée de la dette bancaire et non bancaire
favorisée par les engagements pris par l'Etat dans le cadre de la
réhabilitation des entreprises publiques et des avances du
Trésor, est soutenable. Le ratio du service de la dette sur les
recettes d'exportations est passé de 30,2% en 2000 à 21,3%
en 2004. En effet, les reformes ont été entreprises pour une
ouverture de l'économie sur les marchés internationaux et une
gestion prudentielle des questions d'endettement.
Source : Direction de la dette
publique du Burkina Faso.
II.1.1.2 Initiative PPTE : évolution et
perspectives
L'initiative en faveur des pays pauvres très
endettés (IPPTE) lancée en 1996 par le FMI et la Banque mondiale
a ravivé le débat sur le rapport entre l'emprunt extérieur
et la croissance économique. L'objectif de l'initiative PPTE est de
venir en aide à des nations pauvres qui ont le plus grand mal à
assurer le service d'une dette écrasante afin d'éviter que cette
charge insupportable n'entrave leur développement économique.
Grâce aux performances enregistrées dans la mise
en oeuvre de politiques macroéconomiques saines et de réformes
structurelles significatives, le Burkina Faso a atteint, le 11 juillet 2000, le
point d'achèvement de l'IPPTE de base qui coïncide avec le point de
décision6(*) de
l'IPPTE renforcée. Au point de décision, lorsque le pays est
officiellement admis à l'IPPTE, est calculé le montant des
allègements à accorder. L'essentiel de ces allègements
prendront effet lorsque le pays aura achevé l'ensemble du processus,
c'est-à-dire lorsqu'il aura atteint le point d'achèvement. Mais
une part minime d'allègements lui est quand même
concédée durant sa phase intérimaire. Les mesures
générales requises pour l'atteinte du point d'achèvement
sont : la mise en oeuvre satisfaisante du DSRP complet d'au moins un an ; une
utilisation des économies réalisées à travers les
remises sur les services de la dette selon les termes convenus au point de
décision ; une bonne performance macro-économique selon les
termes du Programme Renforcé de Lutte contre la Pauvreté du FMI.
Le montant de l'allègement de la dette à consentir au Burkina
Faso a, à cette occasion, été augmenté de 114
millions de dollars EU suite à la mise à jour des données
de la dette de fin 1996 effectuée à partir des
réconciliations de chiffre faites avec les bailleurs de fonds en 1999.
Cet allègement est ensuite passé à 169 millions de dollars
EU provenant de l'application de l'assouplissement des conditions
d'éligibilité à l'initiative renforcée.
Ainsi donc, le montant total de l'allègement attendu a
été porté à 398 millions de dollars EU en VAN,
montant requis pour ramener le ratio VAN de la dette extérieure
rapporté aux exportations de biens et services au seuil critique de
150%. Partant du partage équitable du fardeau de la dette, les
créanciers multilatéraux devaient contribuer à cet
allègement à hauteur de 86% (342 millions de dollars EU) et les
bilatéraux pour 14% (56 millions de dollars EU). Après toutes les
opérations de réévaluation, l'allègement total de
la dette extérieure du Burkina Faso s'est élevé à
575 millions de dollars EU en VAN. Ce montant a été
confirmé au point d'achèvement (11 avril 2002) de l'initiative
PPTE. Ainsi donc, à la date du 31 décembre 2006, la situation des
allègements de dette reçus est évaluée à
environ 91,09% des engagements des différents créanciers.
L'expérience de la crise d'endettement international a
révélé des leçons. Etant conscients du fardeau de
la dette publique et ses implications perverses sur l'économie des pays
en développement, les IFI à travers l'IPPTE, ont pour objectif de
rendre viable la dette des PPTE dans une dynamique de redéploiement des
dépenses publiques en faveur des secteurs sociaux et de création
des conditions favorables à la croissance économique. Certains
économistes ont essayé de cerner les indicateurs pertinents de la
dette dans des fourchettes jugées soutenables. Pour juger si les indices
de l'endettement du Burkina Faso sont dans les limites tolérables, nous
allons procéder à une étude de la situation d'endettement
public en se référant aux différents paramètres
édictés par les IFI et surtout ceux de l'IDA.
III.1.2 Viabilité de l'endettement public du
Burkina Faso
Il s'agit dans cette section d'explorer la question de savoir
comment les pouvoirs publics peuvent-ils déterminer s'ils ont trop
emprunté à l'étranger. Ici, le concept central est celui
de «viabilité de la dette» : les pouvoirs publics ont-ils
l'assurance de pouvoir honorer l'ensemble des remboursements de la dette, tels
que spécifiés dans tous les contrats de prêts non amortis ?
Le premier ensemble de questions consiste à déterminer sur quelle
mesure de dette porter son attention ; le deuxième réside
dans le concept de viabilité.
III.1.2.1 Les indicateurs de la viabilité de la
dette
Préalablement à l'introduction de l'initiative
PPTE en 1996, la viabilité de la dette des pays à faibles revenus
était évaluée à l'aide des ratios du stock de dette
au PNB et/ou aux exportations, ainsi que du service de la dette aux
exportations. Avec l'introduction de l'initiative PPTE en 1996 et son
renforcement en 1999, les IBW préconisent certains indicateurs
clés et les seuils pour évaluer la viabilité de la
dette à long terme d'un pays. C'est ainsi qu'ils ont établi le
nouveau Cadre de la Viabilité de la Dette (CVD). Outre ces indicateurs,
il existe des critères applicables à l'échelle
régionale tels que les plafonds sur les ratios dette/PIB
découlant des initiatives de convergence régionale notamment
celles de l'UEMOA.
Dans le cadre de l'IPPTE, la dette est déclarée
insoutenable si, au point de décision, un des ratios suivants est
supérieur au seuil. La dette excédentaire est alors
annulée en plusieurs étapes. Les allègements sont
calculés à partir du stock pré date butoir de la dette
après traitement traditionnel (terme de Naples) au club de Paris.
Tableau 1 : Indicateurs de la viabilité de la
dette des PPTE
Indicateurs et seuils PPTE7(*)
|
Valeur actualisée de la dette aux exportations
|
150%
|
Valeur actualisée de la dette aux recettes
budgétaires intérieures
|
250%
|
Service de la dette aux exportations
|
< 15% - 20% au point
d'achèvement.
|
Source : Programme de
renforcement des capacités des Pays pauvres très endettés
(2005)
Au cours des récentes années, les IBW ont
examiné comment évaluer la viabilité de la dette plus
largement que dans le contexte de l'initiative PPTE, de manière à
conseiller tous les pays à faible revenu sur de nouveaux prêts,
assurant ainsi la viabilité de la dette à long terme. Les
considérations des IBW s'appuient sur trois questions
clées :
· Le besoin d'évaluer la viabilité de la
dette d'une manière plus universelle est lié au nouveau
critère de l'IDA8(*)
concernant l'éligibilité aux dons, introduit par l'IDA-149(*). Bien que l'IDA-13
prévoyait un mécanisme de don, celui-ci imposait un certain
nombre de critères pour en évaluer l'éligibilité,
tandis qu'au titre de l'IDA-14 l'éligibilité d'un pays aux dons
de l'IDA est estimée uniquement sur la base du risque d'endettement du
pays.
· Le problème des
« profiteurs » (free-riders), que les IBW
définissent comme la « situation dans la quelle
l'allègement concessionnel de la dette ou des dons peuvent profiter par
ricochet aux prêteurs qui offrent des prêts
concessionnels ». En d'autres termes, si les pays post-PPTE qui
reçoivent actuellement des prêts fortement concessionnels ainsi
que des dons des créanciers/donateurs multilatéraux et
bilatéraux commencent à emprunter de manière moins
concessionnelle auprès d'organismes de crédit à
l'exportation ou de gouvernements bilatéraux hors OCDE (Chine et Inde,
par ex.), cela risque d'accroître leur risque de futur endettement.
· A mesure qu'un nombre croissant de pays achève
l'IPPTE et IADM, il est nécessaire de suivre la viabilité de la
dette de manière à prévenir de futurs problèmes
d'endettement. C'est pour cela que la nouvelle approche des IBW- à
travers le Cadre de Viabilité de la Dette (CVD)- privilégie les
projections futures, au lieu de l'approche historique de l'IPPTE.
En théorie il existe cinq indicateurs. Dans la pratique
toutefois, les IBW privilégient surtout les ratios au PIB et aux
exportations. Elles estiment que les données nationales sur les recettes
sont moins fiables et moins comparables entre pays que les données sur
le PIB et les exportations. Les indicateurs liés aux recettes ont
été exclus lors de l'évaluation de
l'éligibilité aux dons de l'IDA-14.
Tableau 2 : Indicateurs et seuils de viabilité
de la dette du CVD
Indicateurs et seuils du cadre de la viabilité
de la dette (CVD)
|
Indicateurs
|
Evaluation de la solidité institutionnelle et de
la qualité des politiques
|
Insuffisantes
|
Moyennes
|
Satisfaisantes
|
Valeur actuelle dette/ PIB
|
30%
|
40%
|
50%
|
Valeur actuelle dette/ exportations
|
100%
|
150%
|
200%
|
Service dette/ exportations
|
15%
|
20%
|
25%
|
Valeur actuelle dette/ recettes budgétaires
|
200%
|
250%
|
300%
|
Service dette/ recettes budgétaires
|
25%
|
30%
|
35%
|
Source : Programme de renforcement des
capacités des Pays pauvres très endettés (2005)
Tel qu'illustré au tableau 2, les pays dotés de
solides politiques et institutions sont censés être en mesure de
maintenir un fardeau de la dette nettement plus élevé que les
pays les moins performants. En conséquence, les seuils appliqués
aux pays les plus performants sont considérablement plus
élevés que les seuils à partir desquels la dette d'un pays
moins performant est jugée non viable. La justification de cette
méthode est purement empirique. Au-delà de ces seuils, on
constaterait historiquement que les pays ont rencontré des
difficultés de remboursement. Par ailleurs, elles supposent que les
reformes contenues dans les DRSP et l'amélioration de la cohésion
sociale due à l'accroissement des dépenses sociales sont de
nature à engendrer une rupture par rapport aux tendances
antérieures.
Les ratios d'endettement utilisés pour évaluer
la viabilité par rapport aux seuils sont issus du nouveau modèle
CVD des IBW. Cette méthodologie du CVD diffère de celle de
l'IPPTE surtout pour les indicateurs d'endettement.
Le CVD portant sur la dette totale, le champ d'application de
la dette englobe la dette extérieure contractée et
avalisée par l'Etat, la dette privée non avalisée par
l'Etat, ainsi que la dette extérieure à court terme. Toutefois,
le manque de données complètes sur la dette du secteur
privé et à court terme peut empêcher leur inclusion dans
l'analyse CVD spécifique aux pays. En principe, le champ d'application
de la dette englobe également la dette intérieure, mais dans la
pratique la dette intérieure n'est pas encore intégrée au
CVD pour des motifs conceptuels et liés aux données. L'analyse
CVD étant prospective et exprimée entièrement en dollar
EU, les données de la dette sont toutes converties en dollar EU,
à l'aide de taux de change projetés. En tant que telle, la valeur
actualisée de la dette est calculée à l'aide d'un seul
taux d'escompte, actuellement fixé à 5%, qui se rapproche du taux
TCIR en dollar EU. Ce taux d'escompte uniforme doit être ajusté en
cas de variations importantes des taux d'intérêt en dollar EU.
III.1.2.2 Une autre lecture de viabilité d'une dette
publique : cas du Burkina Faso
Jusqu'à présent, la plupart des pays n'ont pas
établi d'indicateurs, ni de seuils d'endettement exigeant un suivi
national, ils ont plutôt recouru aux indicateurs et seuils PPTE.
Toutefois, dans un environnement post-PPTE, il serait utile que les pays
déterminent quels indicateurs d'endettement ils souhaitent
contrôler et qu'ils établissent les seuils nationaux par rapport
auxquels ils seront mesurés. Les seuils nationaux peuvent être
soit les mêmes que ceux qui sont utilisés au niveau international,
soit inférieurs à ces derniers de manières à
refléter les priorités nationales.
Pour concevoir une politique d'emprunt appropriée, les
pays doivent évaluer la viabilité de leur dette sur une base
prospective. A cet effet, il faut déterminer les principaux indicateurs
à utiliser, l'objet de l'évaluation (dette publique, dette
extérieure ou une combinaison des deux), les contraintes qui
pèsent sur la capacité de remboursement et la
vulnérabilité du pays aux chocs extérieurs. Dans la
plupart des pays à faible revenu comme le Burkina Faso dont la dette
concessionnelle est élevée, les principaux indicateurs sont la
valeur actuelle nette (VAN) de la dette (publique et extérieure) et le
ratio service de la dette/recettes ou exportations. En fondant l'analyse sur
des hypothèses macroéconomiques réalistes, le Burkina Faso
peut déterminer le plafond de nouveaux emprunts qui maintiendrait sur un
sentier viable la VAN de la dette et les paiements au titre du service de la
dette. En mettant l'accent sur la VAN de la dette -- qui est le flux
actualisé des paiements au titre du service de la dette, par opposition
à sa valeur nominale --, cela signifie que plus les modalités des
nouveaux emprunts contractés sont généreuses, plus il a
des possibilités d'emprunt. L'établissement d'un plafond
approprié pour les emprunts est manifestement une décision qui
doit être prise en tenant compte de la vulnérabilité d'une
économie aux chocs et d'autres facteurs propres au pays. Pour être
significative, une analyse de la viabilité de la dette doit donc
toujours inclure des tests de résistance des principales variables qui
permettent d'évaluer les principaux risques.
Comme les pouvoirs publics ne peuvent contrôler les
emprunts du secteur privé, la dette du secteur public est, dans la
pratique, l'objectif opérationnel de la politique d'emprunt. Mais il est
difficile de savoir ce que le secteur public doit idéalement englober et
le champ couvert varie d'un pays à l'autre. Pour décider si les
emprunts des entreprises doivent faire partie de la dette du secteur public, il
faut tenir compte de plusieurs facteurs : la rentabilité des entreprises
publiques, leur politique de prix et d'emploi, leur dette existante et leur
capacité d'en assurer le service, et le risque qu'un engagement
conditionnel connexe devienne un engagement budgétaire effectif de
l'État. En général, si les prêts des entités
publiques sont exclus des plafonds d'emprunt, il est important de surveiller la
dette de ces entités, ainsi que d'autres engagements liés
à des bilans fragiles d'entreprises privées ou du secteur
financier.
L'évaluation de la soutenabilité de la dette en
général dépend de la manière dont on mesure
le fardeau de la dette (stock, VAN du stock, service de la dette), des
types de dettes concernées par l'annulation (la dette intérieure
et la dette privée ont été exclues de l'IPPTE), de la
capacité de paiement (recettes d'exportation, PNB ou PIB, recettes
budgétaires). Ainsi Kaboré Théodore J.O (1998) arrive
à la conclusion en utilisant l'approche par la contrainte
budgétaire intertemporelle que la dette du Burkina Faso est insoutenable
et que l'endettement si il n'est bien maîtrise serait explosive dans le
futur.
Les analyses de la viabilité de la dette PPTE englobent
les analyses de sensibilité destinées à apprécier
la vulnérabilité de la viabilité de la dette à
long terme face à des risques comme la contraction de nouvelles dettes
sous des conditions moins concessionnelles, une plus faible croissance des
exportations et du PIB, des chocs tels que la sécheresse et
l'augmentation potentielle de l'aide. Pour permettre une meilleure
compréhension de la logique des ratios, il est nécessaire de
décrypter la méthodologie sous-jacente relative à la
philosophie de la VAN et de parcourir quelques propositions alternatives. La
VAN est une mesure du degré de concessionnalité de la dette. Elle
se définit comme la somme actualisée au taux de marché des
annuités restantes à couvrir sur une dette. Le taux d'escompte
utilisé pour calculer la VAN est la moyenne historique d'une devise
spécifique appelée Commercial Interest Reference Rate (CIRR) ou
taux d'intérêt commercial de référence (TICR),
déterminé par l'OCDE à partir de l'ensemble des devises
des pays membres et des différents taux débiteurs, commerciaux et
qui correspond au taux de rendement sur les obligations d'Etat du marché
secondaire des pays industrialisés. Le CIRR court terme (moins de 15 ans
de maturité) est la moyenne des six derniers mois avant la date de
référence de la DSA10(*). Pour les échéances supérieures
à 16 ans, la moyenne porte sur les 10 dernières années.
Ces TICR sont publiés sur le site Internet de l'OCDE (
www.oecd.org), et mis à jour
tous les mois pour les principales devises.
Pour les IBW, la VAN de la dette a pour
avantage de permettre une comparaison du stock de la dette entre pays
ayant des structures de dettes «commercialement
équivalentes». Elle représente le montant des
réserves que le pays doit constituer pour couvrir les obligations
futures du service de la dette. Le même montant de la dette dans deux
pays peut occulter les différences au niveau de la structure des taux et
des paiements. Cette procédure permet aux IBW de pouvoir faire des
estimations sans recourir aux pays pour rechercher l'évolution exacte du
service de la dette sur la durée de vie de l'encours.
Quatre problèmes découlent de l'utilisation du
TICR court terme :
· La devise spécifique, TICR court terme ne
permet qu'une répartition inéquitable du fardeau de la
dette. Les économies en expansion ont un taux TICR
élevé et favorable tandis que celles en récession
ont un TICR bas et défavorable.
· Le taux TICR à court terme favorise une
grande volatilité dans les estimations des coûts et de
l'assistance. Tout changement dans la date de
référence de la DSA implique un changement du facteur d'escompte
et par là même un changement de la VAN de la dette et de la partie
élément don56.
· La moyenne des TICR, sur six mois implique un
niveau d'assistance inadéquat. Si
l'évaluation a lieu pendant que le taux d'intérêt sur les
marchés internationaux de capitaux est relativement élevé,
l'assistance au titre de l'IPPTE sera moins élevée que ceux dont
l'évaluation intervient lorsque les taux d'intérêts
internationaux sont faibles. Une augmentation d'un point des taux
d'intérêts internationaux va réduire de près de 16%
le montant de l'allègement supposé ;
· L'utilisation arbitraire du taux
d'escompte. Il n'y a pas de règles établies
en ce qui concerne la nature du TICR à utiliser pour les devises non
OCDE. Il est fait usage invariablement des TICR de DTS pour les devises qui
n'ont pas de TICR établis ou des TICR de $. Cette
absence de procédures fixes pour déterminer les taux
d'intérêts qui servent à calculer la VAN peut,
d'après Gunter (2001), ouvrir la voie à une manipulation de
données.
L'avantage d'utiliser la VAN plutôt que la valeur
nominale est que la VAN prend en compte les termes et le caractère
concessionnel de la dette publique afin de donner au service de la dette, une
valeur proche des conditions du marché. Ce faisant, l'IDA
privilégie trois ratios, VAN de dette publique/ PIB, VAN de la dette
publique/ Exportations et le Service de la dette/ Exportations, tandis qu'elle
compare les trois ratios d'endettement du pays avec le seuil applicable, ce qui
permet de classer les performances du pays comme satisfaisantes, moyennes ou
insuffisantes. La qualité, et donc la classification, des performances
d'orientation et de la solidité institutionnelle d'un pays est
mesurée par l'index d'allocation des ressources IDA de la banque
mondiale (IRAI en anglais). Ainsi pour le Burkina le score IRAI est
passé de performance moyenne (3,25< IRAI<3,75) en 2004 à
une performance satisfaisante en 2005 et en 2006 donc un risque d'endettement
au vert (risque faible de surendettement). La conséquence
immédiate est qu'il n'a donc pas bénéficié
d'attribution des dons au titre de l'année 2005 et 2006 mais les fonds
attribués par l'IDA étaient constitués à 100% de
prêts. Sur la base du critère de soutenabilité
défini dans le cadre de la politique de convergence de l'UEMOA, soit 70%
du taux d'endettement maximum, on est tenté de dire qu'elle reste
soutenable. Mais au regard de la progression de la mobilisation des ressources
budgétaires internes il se pose toute la question du poids de la charge
de la dette.
III.2 Analyse
économétrique de l'impact de la dette publique sur la croissance
économique du Burkina Faso
Dans cette partie il sera question de passer à une
vérification empirique des hypothèses de travail. La
première hypothèse est l'existence d'une relation non
linéaire entre la dette et la croissance tandis que la seconde est que
le paiement futur de la dette décrit par son encours en augmentant la
probabilité d'un accroissement de la pression fiscale, décourage
les investissements domestiques et étrangers. Ces deux hypothèses
décrivent la théorie de surendettement ou debt overhang qui
consiste à l'existence d'une relation entre la courbe de Laffer de la
dette et la croissance. Elles vont être modélisées par
cette équation de modèle de croissance.
III.2.1 Endettement et croissance
économique
Les nouvelles théories de la croissance ont
engendré une forte reprise des analyses empiriques, et notamment
économétrique sur le lien entre dette et croissance. Toutefois,
peu d'analyses portent spécifiquement sur la croissance des pays les
plus pauvres. La plupart des analyses mettent en général l'accent
sur une « particularité » africaine qui se
matérialise par le fait que la variable muette attachée aux pays
africains est significative. Ojo et Oshikoya (1995) trouvèrent que la
croissance africaine s'explique positivement par le taux d'investissement,
négativement par le taux de croissance de la population, positivement
par les exportations, positivement par le taux de change réel. Cette
spécificité a été analysée en détail
par Collier et Gunning (1997). Ils conclurent que quatre facteurs jouent un
rôle important dans la faible performance africaine en terme de
croissance : faible ouverture du marché des biens (du fait de
nombreuses distorsions), manque de capital social (fractionnement socio
ethnique, respect des contrats), risques élevés (notamment au
niveau de l'inflation) et faible performance des services publics. La faiblesse
du secteur financier joue également un rôle mais moins
important.
Pour cerner les effets de la dette, nous avons ajouté
au modèle de croissance standard quatre variables communément
utilisées : la valeur nominale et la valeur actuelle nette de l'encours
de la dette publique extérieure, et chacune de ces valeurs
exprimée en pourcentage du PIB et en pourcentage des exportations de
biens et de services. En principe, la valeur actuelle nette de la dette rend
compte du degré de concessionnalité des prêts -- longue
période d'amortissement et taux d'intérêt inférieurs
à ceux du marché -- et donne donc une meilleure idée de la
charge escomptée des futurs paiements du service de la dette que la
valeur nominale de la dette.
La première hypothèse est l'existence d'une
relation non linéaire entre la dette et la croissance tandis que la
seconde est que le paiement du service de la dette en évinçant
les ressources destinées à l'investissement constitue un frein
à la croissance. Ces deux hypothèses décrivent la
théorie de surendettement ou debt overhang. Elles mettent en exergue
l'existence d'une courbe de Laffer entre la dette et la croissance (figure
2).
Figure 2 : La courbe de Laffer en U
inversée illustrant la relation entre
dette et croissance
Source : Nouvelle économie en Afrique.
III.2.1.1. Présentation du modèle et des
variables
Les causes déterminantes de la croissance
économique dans le long terme, selon la littérature
économique, sont données par la croissance de la population
économiquement active, la croissance de la technologie et la croissance
du capital physique (investissement). Dans ce travail on pose la dette
extérieure comme une variable de contrôle qui affecte
indirectement la croissance à travers l'investissement. Le modèle
que nous utilisons pour estimer les effets de la dette sur la croissance a une
forme quadratique et s'écrit comme suit :
Txcroist = a0 +
a1(Pibh)t-1 + a2Texcht +
a3Logtxpopt + a4Apdt +
a5Logtxinvt +a6Opent +
a7Deficit + a8Servexpt +
a9Dextt + a10(Dext)t2 +
ìt
Où les différentes variables représentent
ce qui suit :
· Txcrois: le taux de croissance réelle par
habitant du PIB ;
· Pibh1: le revenu national réel par habitant
décalé d'une période ;
· Texch : les variations des termes de
l'échange ;
· Deficit : le déficit du solde
budgétaire de l'administration centrale ;
· Logtxpop : le taux de croissance
démographique (en logarithme) ;
· Apd : l'indicateur de l'aide publique au
développement de tous les bailleurs de fonds ;
· Logtxinv : taux d'investissement public (en
logarithme) ;
· Open : un indicateur de l'ouverture commerciale
(les exportations et les importations en pourcentage du PIB) ;
· Servexp : le total du service de la dette publique
en pourcentage des exportations ;
· Dext : les variables indicatives de l'encours de
la dette en valeur nominale soit en pourcentage des exportations soit en
pourcentage du PIB ;
· Dext2 : ces mêmes variables de
l'encours de la dette mais cette fois ci élevée au
carré ;
· ìt ceci représente les perturbations
aléatoires, suit une loi normale de moyenne nulle et de variance
constante.
Nous avons introduit des variables de contrôles car il
n' y a pas que la dette qui influe sur la croissance. Il s'agit du revenu
réel par habitant qui est décalé d'une période pour
vérifier l'hypothèse de la théorie de la convergence des
modèles de croissance de Barro. Dans ce cas, le signe attendu pour son
coefficient doit être négatif ; le taux de croissance
démographique et le taux d'investissement reflètent l'impact du
facteur capital humain et capital physique dans le processus de production,
cependant le coefficient du taux de croissance démographique attendu
négatif tandis que celui du taux d'investissement positif.
Les termes de l'échange sont mis pour capter les effets
de chocs extérieurs dans ces économies surtout que la plupart est
dépendante et exportatrice des matières premières ;
et ces économies sont pratiquement vulnérables à ces chocs
mais le signe attendu est positif. Le solde budgétaire est inclus pour
voir l'impact des politiques du gouvernement et du budget sur la croissance et
doit avoir un signe positif. L'indicateur de l'ouverture commerciale avec un
signe positif est introduit pour stimuler la productivité à
travers les transferts des connaissances et des bénéfices
efficients ; l'aide au développement publique est
modélisée pour voir son importance dans ces économies et
doit avoir un signe positif. Enfin, pour faire la distinction
entre l'effet d'éviction de la dette et la thèse du
surendettement (debt overhang) c'est à dire l'existence d'une relation
de la courbe de Laffer entre la dette et la croissance, nous avons
utilisé le service de la dette rapporté aux exportations et les
indicateurs de la dette au premier et second degré. Le ratio service de
la dette exportation doit avoir un signe négatif pour illustrer cet
effet d'éviction tandis que pour l'existence de la thèse du
surendettement, il faut que le signe du coefficient de la dette soit positif et
celui de la dette au carré négatif. Ainsi, le pic de notre
équation quadratique va identifier le niveau du stock de la dette
où l'impact marginal de la dette sur la croissance devient
négatif.
III.2.1.1.1 Méthodologie d'analyse
Nous avons utilisé les données secondaires. Les
données annuelles issues des Institutions internationales (le FMI et la
Banque Mondiale), régionales (l'UEMOA et la BCEAO) et nationales (la
Direction de la Dette Publique, le Ministère de l'Economie et des
Finances, La Direction Générale du Budget et l'Institut National
de la Statistique et de la Démographie) ont été
mobilisés pour construire une base de donnée. Il s'agira ainsi
des séries chronologiques qui couvrent la période 1970-2005, soit
36 observations. Cela nécessite un traitement préalable des
données.
Pour atteindre nos objectifs qui sont la vérification
de nos hypothèses formulées, on va faire recours à des
outils statistiques et économétriques. Ainsi, les tests de
stationnarités de Dickey-Fuller Augmenté ADF seront faits
pour vérifier la stationnarité des variables, les tests de
causalité au sens de Granger entre le taux de croissance
économique par tête et le ratio de l'encours de la dette
extérieure sur le PIB et le ratio service de la dette sur
exportations.
La méthode d'estimation qui sera utilisée est
les moindres carrés ordinaires. L'estimation du modèle se fera
sur le logiciel Eviews 3.1. La validation économique est faite
sur la base des signes prévus. La validation statistique de la
qualité globale des modèles est appréciée par
le coefficient de détermination des modèles et par le test de
Fisher. L'analyse de la qualité globale du modèle s'effectue
à travers le coefficient de détermination du modèle
(R2). Ce coefficient explique la part de l'évolution de la
variable dépendante qui est expliquée par les variables
exogènes. La validation statistique de la qualité
individuelle des variables est appréciée par la
probabilité associée à chaque variable.
III.2.1.1.2 Estimation du modèle
L'estimation du modèle comprend l'analyse des variables
et le choix de la méthode d'estimation. L'analyse des données
permet de dégager les caractéristiques essentielles des
variables. Elle comprend l'analyse graphique de la variable à expliquer
et se poursuit par l'étude de la stationnarité de toutes les
variables des équations. La méthode d'estimation est les moindres
carrées ordinaires. Tous les tests et estimations ont été
faits sur le logiciel Eviews.
Figure 3 : Analyse graphique de
l'évolution du taux de croissance économique
réelle
par tête du Burkina
Faso
L'allure de la courbe du taux de croissance économique
réelle par tête du Burkina montre que la croissance
économique qui connaissait une évolution en dent de scie avec de
forte variation a gagné en dynamisme à partir de 1994 avec un
trend au-dessus de 5%. Cependant, la croissance potentielle est freinée
par la faiblesse de l'efficacité de l'investissement et le commerce
extérieur la tire insuffisamment par manque de
compétitivité et de diversification des exportations.
Pour tester la stationnarité des series de variables de
notre modèle, nous avons dans un premier temps utilisé les tests
classiques ADF (Dickey-Fuller Augmenté). Ceux-ci testent
l'hypothèse nulle (Ho) d'existence de racine unitaire contre
l'hypothèse alternative de non-présence de racine unitaire dans
la série. Au terme d'une procédure séquentielle, nous
testons l'hypothèse nulle de racine unitaire en comparant la
t-statistique de ö aux valeurs tabulées par Dickey et
Fuller. La règle de décision est la suivante :
- Si la t-statistique est supérieure à
la valeur critique on accepte l'hypothèse nulle de présence de
racine unitaire.
- Si par contre, elle est inférieure à la valeur
critique, on rejette l'hypothèse nulle, la série est donc
stationnaire. A la suite d'une procédure séquentielle nous
obtenons les résultats suivants :
* 6 Le pays inscrit à
son actif une période de bonne performance de trois ans et
élabore, avec la société civile, un Document de
Stratégie de Lutte contre la Pauvreté (DSRP) pour accéder
au point de décision.
* 7 Le tableau 1
présente les seuils correspondant à l'initiative PPTE
renforcée, applicable depuis 1999. Les seuils de l'initiative PPTE
originelle étaient 200% - 250% pour valeur actuelle de la dette/
exportations et 280% pour valeur actuelle de la dette/ recettes
budgétaires.
* 8 Le principal
critère d'éligibilité étant le risque de
surendettement du pays, ainsi pour les pays à faible revenu,
l'Association devrait adopter le cadre d'analyse Banque-Fonds du degré
d'endettement tolérable (DSF) en tant que base de
référence pour établir le lien entre le degré
d'endettement d'un pays et les possibilités d'accès aux dons.
* 9 Quatorzième
reconstitution des ressources de l'IDA (2005-2008)
* 10
Debt Sustainability
Assessment
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