Chapitre I : Dette publique et croissance
économique
« La dette souveraine encourue sans le
consentement des populations et sans bénéfice pour elles
ne doit pas être transférée à l'Etat successeur, en
particulier si les créanciers avaient connaissance de cet
état de fait » Kremer et Jayachandran (2002)
Les analyses et théories relatives à la
capacité d'endettement ou de paiement ont fortement inspiré la
démarche des institutions financières internationales en
matière de conceptualisation et d'opérationnalisation de la
soutenabilité de la dette des pays en développement. Pour baliser
ce vaste champ théorique, nous avons choisi de présenter tour
à tour les concepts sur le problème de l'endettement, les canaux
et les moyens par lesquels l'endettement agit sur la croissance, la
durée et les étapes d'un cycle de dette, et enfin les effets d'un
endettement excessif sur la croissance.
I.1 Dette publique : cadre
conceptuel
Dans cette première partie, il sera question de
définir et analyser la base théorique de la dette
extérieure ainsi que la question de la soutenabilité de la dette
publique du Burkina Faso.
I.1.1 Définitions
Nous passons en revue les concepts clés de la dette
publique.
La dette publique : c'est l'ensemble des
emprunts contractés par l'Etat (obligations d'Etat, bons du
Trésor) pour financer généralement le déficit
public (solde budgétaire négatif, les dépenses de l'Etat
étant supérieures aux recettes). La dette publique englobe non
seulement les dettes auxquelles l'Etat doit faire face en vertu d'emprunts
qu'il a fait (obligations d'Etat, bons du trésor) ou de pensions dont il
doit assurer le service, mais aussi les versements qu'il doit faire pour payer
ses fonctionnaires et ses fournisseurs.
La dette extérieure brute est égale au
montant, à une date donnée, des engagements contractuels en cours
et ayant donné lieu à un versement des résidents d'un pays
vis-à-vis de non-résidents, comportant une obligation de
remboursement du principal avec ou sans paiement d'intérêt ou de
paiement d'intérêt avec ou sans remboursement du principal.
La dette extérieure totale est la
somme de la dette publique, de la dette à garantie publique, de la dette
privée non garantie à long terme, du recours aux ressources du
FMI et de la dette à court terme.
La dette à court terme comprend les
éléments suivants : arriérés
d'intérêts sur la dette à long terme, qui sont les
intérêts échus mais non payés, calculés sur
une base cumulative ; et le crédit-fournisseur à court terme
à garantie publique.
La dette à long terme recouvre les obligations
ayant une échéance initiale ou prorogée supérieure
à un an, dues à des non-résidents et remboursables en
devises, biens ou services. Elle comprend trois éléments : la
dette publique, qui est un engagement extérieur d'un débiteur
public tel que l'État, une subdivision politique (ou une entité
de l'un ou l'autre) et les organismes publics autonomes ; la dette à
garantie publique, qui est un engagement extérieur d'un débiteur
privé dont le remboursement est garanti par une entité publique ;
et la dette privée non garantie, qui est un engagement extérieur
d'un débiteur privé dont le remboursement n'est pas garanti par
une entité publique.
Dette perpétuelle : c'est celle dont le
remboursement peut-être indéfiniment différé sous
réserve des paiements des intérêts ; Ici, le
débiteur n'est jamais tenu d'en rembourser le capital, la charge est
réduite aux intérêts.
Dette amortissable : C'est une dette
remboursable à terme fixe ou par annuités comprenant les emprunts
obligataires d'une durée de 10 ans au moins, les emprunts à moyen
terme et à long terme. On y inscrit aussi les engagements
contractés par l'Etat comportant un règlement par
annuités.
Dette flottante : Elle comprend les bons de
trésor et les certificats de trésorerie. Elle se
caractérise non seulement par la courte échéance des
titres la composant mais également par le caractère continuel des
opérations d'émissions et de remboursement. De ce fait, son
volume varie en fonction de la différence quotidienne entre la
souscription et le remboursement.
Un pays
voulant un endettement soutenable doit répondre à trois de ces
quatre conditions (Lakhoua F. 1994) :
Ø « Valeur Actuelle Nette (VAN) du stock de
la dette / exportations de biens et services,». Il
évalue pour une année donnée, le poids relatif de la dette
totale du pays par rapport au montant de ses exportations en
valeur de cette même année. Ce ratio doit être compris entre
165% et 275% pour que la dette soit soutenable.
Ø « Service de la dette / exportations de
biens et services». Il évalue pour une année
donnée, le poids relatif de ce que doit rembourser le pays par
rapport au montant de ses exportations en valeur de cette
même année. Pour un endettement soutenable le pays devrait
présenter un service de la dette/ exportations compris entre 18% et 30%.
Ø « Valeur Actuelle Nette (VAN) du stock de la
dette / produit national brut ». Il
évalue pour une année donnée le poids relatif de la dette
totale du pays par rapport à la somme des valeurs ajoutées
produites par les entreprises nationales (résidentes ou non
résidentes) cette même année. Il doit être compris
entre 30% et 50% pour assurer la soutenabilité de la dette.
Ø « Intérêt / exportations
des biens et services ». Il évalue pour une année
donnée, le montant des intérêts versés par rapport
au montant de ses exportations en valeur de cette même
année. Ce ratio doit être compris entre 12% et 20% pour rendre la
dette soutenable.
La rétrocession des prêts est le
mécanisme par lequel l'Etat prête les ressources et certains
financements dont il a bénéficié à des entreprises
d'Etat, à des sociétés d'économie mixte, à
des collectivités locales, à des établissements publics ou
à des personnes morales de droit public dont l'Etat est membre ou
actionnaire. Les conditions de rétrocession sont fixées ainsi
qu'il suit : Le taux d'intérêt est égal au taux
d'intérêt initial de l'emprunt augmenté d'une marge de cinq
points maximum ; la durée totale de rétrocession est au plus
égale à la durée initiale de l'emprunt consentie à
l'Etat ; le différé est fixé de manière
à permettre la réalisation de l'opération ou de
l'investissement ; le montant du financement à
rétrocéder est arrêté en FCFA ; le taux de change de
la devise par rapport au FCFA étant celui du jour de signature de la
convention initiale conclue entre l'Etat et le bailleur de fonds.
Le moratoire est un accord formalisé par
écrit entre un débiteur et son créancier qui a pour objet
de consolider la dette échue et de fixer des délais de
remboursement de celle-ci. Un moratoire prévoit le paiement des
intérêts et inclut une clause de déchéance du terme.
Il peut être assorti de garanties. C'est une mesure qui suspend la
déchéance d'un droit ou l'échéance d'un
engagement ;
L'indice des termes de l'échange rapporte le
prix des exportations à celui des importations. Ce
rapport de prix traduit ainsi l'évolution du pouvoir d'achat des
exportations en importations à volume d'échange donné (la
structure des échanges est fixée) ; il reflète la
compétitivité-prix d'un pays (indépendamment des effets
quantités).
Les accords de rééchelonnement de la
dette : Ce sont des accords entre un débiteur et ses
créanciers pour modifier les échéances des remboursements
et/ou un moratoire de remboursement.
Les
Programmes d'Ajustements Structurels (PAS) : ce sont des
politiques de stabilisation du FMI de grande ampleur dont l'application est une
condition au rééchelonnement de la dette de certains pays en
développement.
Le club de Paris : c'est
un groupe informel de gouvernements créanciers se réunissant
régulièrement à Paris depuis 1956, le secrétariat
étant assuré par le trésor français. Les
créanciers rencontrent les pays débiteurs afin de convenir avec
eux des mesures de restructuration de leur dette, mesures qui entrent dans le
cadre de l'aide internationale accordée aux pays confrontés
à des difficultés de service de leur dette mettant en oeuvre des
programmes d'ajustement soutenu par un accord du Fonds monétaire
international.
L'aide
Publique Internationale (au développement) : il s'agit du
financement d'origine publique comportant une partie
« don » au moins égal à 25% du total et
destinés à financer le développement économique et
le niveau de vie des pays en développement.
I.1.2 Raison d'être des emprunts et dynamique
du cycle de la dette.
La plupart des pays qui ont gravi les échelons du
développement ont eu recours, à diverses étapes de leur
croissance, aux capitaux étrangers. Plusieurs raisons peuvent servir
à justifier le recours par un pays aux emprunts extérieurs. Ces
emprunts permettent au pays débiteur de combler les écarts entre
l'épargne intérieure et l'investissement, de réduire les
contraintes imposées à la croissance par des réserves de
devises insuffisantes, d'influer sur le profil temporel de la consommation et
de financer les déficits provisoires de la balance des paiements
(Williamson et Milner, 1991).
La théorie économique a beaucoup
évolué au cours des cinquante dernières années dans
la construction des « modèles d'aide3(*) ». La théorie de Rosenstein-Rodan du
« big push » stipulait qu'une aide massive à tous les
secteurs devait favoriser le développement. Sur la base d'un
modèle Harrod et Domar, selon lequel la croissance dépend de
l'investissement, cette analyse avance l'hypothèse de la rigidité
de l'offre à moyen terme, ce qui nécessite l'importation de biens
et de services. Dans ce cadre l'évaluation des besoins de financement
dépend de quatre paramètres : épargne intérieure
(Si), l'investissement (I), les exportations (X), les importations
(M). En fixant un taux cible de croissance, il est possible de
déterminer les besoins de capitaux extérieurs pour
l'investissement, compte tenu de la propension interne à
épargner, et d'évaluer le solde de la balance commerciale propre
à ce taux de croissance. Dans cette phase de prévision (ex ante),
le déficit intérieur de l'épargne peut différer du
déficit extérieur. Dans la littérature, l'endettement est
lié à un déséquilibre et trois motifs probables
peuvent amener un pays à s'endetter :
· Pour financer un haut niveau d'investissement ;
· Pour lisser les fluctuations de la consommation en cas
de baisse du revenu ;
· Pour échapper à un ajustement face aux
déséquilibres intérieurs ou extérieurs.
Si l'on prend en compte l'importance de certaines
rigidités ou de certains rationnements, il est judicieux de tenir compte
de l'importance relative des déficits l'un en épargne
intérieure l'autre en devise : c'est l'approche du
« double déficit » à la Chenery et Strout qui
peut être transposée en approche du « triple
déficit » (Taylor ; 1994), en ajoutant le déficit
budgétaire.
Pour caractériser complètement la dynamique de
l'endettement extérieur, il faut encore préciser les
caractéristiques du financement extérieur. En effet, les
caractéristiques du financement extérieur des pays à
faible revenu sont très particulières. Pour une part importante,
le financement extérieur de ces pays est composé de dons, et le
reste consiste habituellement en des financements à fort
caractère concessionnel.
Partons du modèle des deux déficits de Chenery
et Strout et définissons l'identité suivante :
Si - I = - Se
X - M = - Se
Dans laquelle Si désigne
l'épargne intérieure, I l'investissement,
X - M le solde du compte courant de la balance des paiements
et Se l'épargne extérieure.
Se >0 signifie que :
· L'épargne intérieure Si est
faible par rapport à l'investissement ou que l'investissement est
trop élevé par rapport aux ressources internes ;
· Les exportations sont trop faibles par rapport aux
importations ou que les importations élevées (par exemple
des voitures de luxe, les matériaux de construction des châteaux,
etc.) non compensées par les entrées de devises.
Si le déficit résulte d'un excédent des
importations par rapport aux exportations, il peut être symptomatique
d'un manque de compétitivité, mais comme un déficit peut
aussi résulter d'un excédent de l'investissement par rapport
à l'épargne, il pourrait aussi être le signe d'une
économie hautement productive en pleine croissance. Si le déficit
est dû, non à un investissement élevé, mais à
une épargne trop faible, il pourrait être le résultat d'une
politique budgétaire inconsidérée ou d'une fringale de
consommation. Ou bien il pourrait découler d'une structure
intertemporelle des échanges, consécutive à un choc
temporaire ou à un changement démographique. Si l'on ne sait
lequel facteur explique cet état, qualifier un déficit de
«bon» ou de «mauvais» n'a pas beaucoup de sens : les
déficits traduisent des tendances économiques sous-jacentes, qui
peuvent être souhaitables ou non pour un pays à un moment
donné.
Ainsi quatre cas de figures peuvent être
présentés :
· L'épargne intérieure est
faible par rapport à l'investissement
Ce manque d'épargne peut être en fait dû au
manque d'industrialisation du pays qui permet de réaliser des profits.
Où alors, quand ces profits sont réalisés par des grandes
entreprises multinationales sur place, ils font l'objet d'un rapatriement vers
la maison mère. Il pourrait être aussi le résultat d'une
politique budgétaire inconsidérée ou d'une fringale de
consommation. De surcroît, la pénurie d'épargne peut
affecter l'investissement en capital humain et public, ce qui réduirait
la croissance de long terme de ces économies selon les nouvelles
théories de la croissance endogène.
· L'investissement est trop élevé par
rapport aux ressources internes
Si le déficit courant provient d'un niveau
d'investissement élevé, l'emprunt extérieur permettra au
pays d'augmenter sa croissance. Supposons un apport de l'épargne
extérieure au profit d'un pays bénéficiaire et qu'elle
soit bien investie, cela va augmenter le potentiel de la consommation future
tout en laissant la consommation présente au même niveau initial.
Toutefois, il reste le problème structurel du résultat à
long terme, c'est-à-dire comment l'appel régulier des emprunts
extérieurs finit par relâcher les efforts du pays emprunteur et le
rendre dépendant de l'épargne extérieure.
· Les importations sont trop élevées et
des exportations faibles
Cependant, l'endettement peut résulter des importations
incontrôlées (X-M <0). En effet, l'accroissement de la demande
d'importation de biens d'équipement pour servir au secteur moderne peut
être limitée par la liquidité en devises. Il peut
être symptomatique d'un manque de compétitivité, ou le
signe d'une économie hautement productive en pleine croissance. Les
importations élevées (par exemple des biens de luxe trop
coûteux) non compensées par les entrées de devises peuvent
créer un déficit courant.
Ainsi le pays est obligé d'accumuler des engagements
à l'égard du reste du monde. Or, il faudra bien un jour
rembourser ces capitaux. Il va de soi que, si un pays gaspille les fonds
étrangers qu'il a empruntés en dépenses qui
n'amélioreront aucunement sa capacité de production à long
terme, alors sa capacité de remboursement, c'est-à-dire sa
solvabilité fondamentale, peut être mise en question. En effet,
pour être solvable, un pays doit être disposé à
dégager (à terme) des excédents courants suffisants pour
rembourser ce qu'il a emprunté, et être capable de le faire. Par
conséquent, pour savoir si un pays devrait accumuler un déficit
courant (emprunter davantage), il faut connaître l'ampleur de ses
engagements vis-à-vis de l'étranger (sa dette extérieure)
et savoir si les nouveaux emprunts financeront des investissements dont le
rendement marginal sera plus élevé que le taux
d'intérêt (ou le taux de rendement) que le pays doit servir sur
ses engagements extérieurs.
Dans les pays
pauvres il faut tenir compte du fait que l'Etat est souvent le seul agent
économique susceptible d'emprunter à l'étranger en raison
du rationnement du crédit qui touche presque tous les opérateurs
privés. Dans la situation typique de ces pays, en dehors de l'Etat
proprement dit, seules quelques grandes entreprises publiques peuvent obtenir
quelques crédits extérieurs encore ces crédits sont en
grande partie avalisés par l'Etat et généralement
auprès d'agences spécialisées. D'après des
données de la Banque mondiale (1997) la dette extérieure à
long terme était entièrement publique dans la plupart des pays
à faible revenu : Bangladesh, Bénin, Burkina Faso, Cameroun,
Congo, Guyana, Ouganda, Tchad, Togo, Zaïre (actuelle République
Démocratique du Congo), etc. Cependant un petit nombre d'autres pays
à faible revenu a une dette extérieure privée à
long terme, mais elle est faible. Elle constitue 2% du total de la dette
extérieure du Cameroun, 18% de celui de la Côte d'Ivoire, 1% au
Mozambique, 9% au Niger. Il en résulte que les investissements entrepris
grâce au financement extérieur visent avant tout à
réaliser des infrastructures publiques à caractère
économique et social. On retrouve donc à ce niveau la
nécessité d'expliquer la liaison entre investissements publics et
croissance, directement d'une part, et, d'autre part, par son interaction ou
son effet d'entraînement sur l'investissement privé.
I.2
Les conditions financières et la soutenabilité de la dette
publique
Dans cette section il sera question d'analyser les conditions
financières des emprunts extérieur des PED mais aussi de passer
à la loupe la question de la soutenabilité de la dette
extérieure.
I.2.1 Les conditions financières des
emprunts extérieur
Que l'on raisonne en termes de liquidité ou de
solvabilité, les conditions financières des emprunts
contractés pour un PED jouent un rôle majeur dans la
problématique de l'endettement. En théorie, la solvabilité
se définit comme la capacité de l'Etat à assurer dans le
temps le service de la dette sans emprunt supplémentaire. Le
remboursement de la dette est analysé comme le résultat d'une
volonté de payer correspondant à la maximisation de son
intérêt par le débiteur, en l'absence de toute
possibilité de saisie de garantie par le créancier.
Les conditions financières des emprunts
extérieurs agissent sur le niveau et l'évolution du service de la
dette, donc sur le ratio du service de la dette et partant, sur celui des
transferts nets. Cet effet s'exerce principalement par l'intermédiaire
des taux d'intérêts d'une part, par le biais de la maturité
des prêts et des différés de remboursement d'autre part.
Les financements obtenus par les PED comportent souvent un
élément don, et plus ce dernier est important, plus il est
possible d'emprunter sans mettre en danger la viabilité de la situation
budgétaire. C'est ce qui est souvent appelé la
concessionnalité. Elle revient à réduire le taux
d'intérêt effectif.
Les dons de l'étranger constituent la forme externe de
financement concessionnel, bien qu'ils soient considérés comme
des recettes. Le recours au financement extérieur à des
conditions non concessionnelles entraîne un gonflement de la dette, dont
il faut assurer le service et à terme, le remboursement. Il expose
davantage l'économie aux variables du taux de change
surapprécié, ce qui est défavorable à l'exportation
et encourage l'importation.
I.2.2 Soutenabilité de la dette
publique
La plupart des travaux des institutions internationales
privilégient le déficit de la balance des paiements comme cause
principale de l'endettement. Ceci conduit à mettre l'accent sur la
soutenabilité de l'endettement extérieur. Néanmoins, la
capacité de gérer convenablement la dette extérieure reste
tributaire d'un côté de la crédibilité du pays, qui
est fonction de l'évolution du taux d'endettement, et d'un autre
côté de sa solvabilité qui dépend de
l'évolution des rapports du service de la dette aux exportations de
biens et services.
La soutenabilité de la dette désigne l'aptitude
du pays débiteur à satisfaire entièrement à ses
obligations extérieures actuelles et futures sans devoir recourir au
rééchelonnement ou à l'accumulation
d'arriérés. Comme la vulnérabilité d'un pays
augmente en fonction de sa dette extérieure, on juge prudent de chercher
à limiter le fardeau de cette dette. La méthode typiquement
utilisée pour le calcul de la viabilité de la dette consiste
à choisir un horizon temporel sur lequel on peut projeter les variables
macroéconomiques du pays débiteur. Ces projections,
couplées aux estimations de la valeur future des variables
exogènes, servent ensuite à établir les comptes de la
balance des paiements du pays. Pour que la dette extérieure puisse
être jugée viable, les scénarii doivent satisfaire à
deux conditions : premièrement, pendant la période de projection,
l'équilibre de la balance des paiements doit être atteint sans
l'aide de financements exceptionnels; deuxièmement, le niveau
d'endettement en fin de période doit être assez faible pour rendre
peu probable tout problème éventuel de service de la dette.
Ainsi, ni les taux d'intérêt ni le taux de croissance de la dette
extérieure ne devraient dépasser d'une manière persistante
le taux de croissance des exportations ou du revenu.
L'évaluation de la seconde condition de la
soutenabilité de la dette exige habituellement de recourir à
certains indicateurs du fardeau de la dette. Selon la méthode classique,
le fardeau de la dette est assimilé au rapport entre l'encours de la
dette et un indice des ressources disponibles -- par exemple, les exportations
de biens et services ou le PIB (ou le PNB). Toutefois, de tels indices ne
tiennent pas compte de l'impact de l'allégement de la dette ni d'une
baisse des taux d'intérêt sur le coût du service de la
dette. La valeur actuelle des obligations futures au titre du service de la
dette devrait en théorie être comparée à la valeur
actuelle des recettes futures d'exportation. Cette méthode exige qu'on
dispose d'une certaine quantité d'informations, et peut être
sensible au taux d'escompte utilisé pour calculer la valeur actuelle. En
pratique, trois ratios sont couramment utilisés pour l'analyse du
fardeau de la dette :
· le ratio des paiements prévus au titre du
service de la dette sur la valeur des exportations de biens et services -- ou
ratio du service de la dette -- qui mesure l'impact des obligations au titre du
service de la dette sur les flux de trésorerie en devises;
· le ratio des paiements d'intérêts
prévus (ou réels) sur la valeur des exportations de biens et
services, qui mesure le coût actuel de l'encours de la dette;
· l'encours total de la dette par rapport au PIB (ou
à la valeur des exportations de biens et services) qui reflète la
soutenabilité à long terme du fardeau de la dette.
En règle générale, les ratios de la
valeur actualisée nette (VAN) du service de la dette totale sur le PIB
et sur la valeur totale des exportations servent à évaluer deux
aspects importants de la capacité potentielle d'un pays à assurer
le service de sa dette : les exportations (parce qu'elles procurent les devises
nécessaires à cette fin) et le PIB (puisqu'il s'agit de la mesure
la plus large de la génération de revenus dans une
économie). Ces indicateurs sont habituellement fondés sur la
notion de valeur actualisée plutôt que sur la valeur du service de
la dette prévu pour tenir compte de la variation des conditions de
crédit.
Il est rarement possible, même après coup, de
mesurer le facteur qui autoriserait une prédiction exacte des niveaux
appropriés de ces ratios. Les indicateurs ont pour intérêt
principal de signaler les situations où les problèmes de service
de la dette deviennent plus probables. Les pays utilisent ces indicateurs en
guise de signal d'avertissement empirique le point à partir duquel l'un
ou l'autre de ces ratios dépasse une valeur critique : 80% dans le cas
du ratio de la valeur actualisée du service de la dette sur le PIB, et
200-250% pour le ratio de cette valeur actualisée sur la valeur des
exportations, avec un ratio correspondant du service de la dette sur les
exportations supérieur à 25%. Dans de telles circonstances, un
pays est jugé gravement endetté. Si aucune des valeurs critiques
n'est dépassée, mais que l'un ou l'autre des ratios atteint 60%
ou plus de la valeur critique, le pays sera jugé
modérément endetté. Si les deux ratios sont
inférieurs à 60% de la valeur critique, le pays sera jugé
moins endetté. Ces chiffres sont fondés sur une analyse empirique
de l'expérience des pays en développement et de leur performance
en matière de service de la dette avec le temps. Le choix de ces ratios
se répercute sur les déficits soutenables (souhaitables) des
transactions courantes.
La dette publique est soutenable lorsque l'Etat arrive
à plus ou moins long terme à rembourser les dettes sans recourir
au schéma de Ponzi (Jeux de Ponzi).
En temps discret l'équation d'évolution de la
dette peut s'écrire :
Bt+1 = (1+i) Bt
+Dt
Où B = dette, i =
rendement du Bon de trésor et D = déficit public
(hors paiement d'intérêt).
Dt = Gt
- Tt - At
Gt = dépenses publiques,
Tt = taxes, At =
transfert publics (Aide publique au développement...).
Un des indicateurs de la soutenabilité de la dette est
le ratio de la dette sur le niveau du PIB : bt =
Bt / Yt
Soit nt le taux de croissance du PIB :
bt = (1+i) bt-1
/ (1+n) + dt
Où d est le ratio du déficit primaire au PIB.
Si on suppose un ratio constant de la dette sur le PIB comme
objectif ou un chemin d'évolution stationnaire de
l'économie :
b(g-r) = b(n-i) = d
Où g = taux de croissance réelle, r = taux
d'intérêt réel, n = taux de croissance nominale et
i = taux d'intérêt nominal.
On peut en déduire la discipline budgétaire du
traité de Maastricht. En prenant comme hypothèse un taux
d'intérêt nominal i = 0 et une croissance nominale du PIB de
5%(soit 3% de croissance réelle et 2% d'inflation) et un ratio de la
dette rapporté au PIB de 60%, on trouve un ratio de déficit
primaire au PIB égal à 3% qui correspond au critère de
Maastricht.
Ces conditions de soutenabilité de la dette peuvent
être améliorées en passant en temps continu. Supposons que
les différentes variables suivent les équations
différentielles suivantes :
dB = iBdt + D pour la dette publique ;
dY = nYdt pour la production.
Dln (B/Y) = dlnB - dlnY = (i-n)dt +
d où d = D/Y et db = (i-n)dt + d
Finalement: b(t) = b(0) exp(i-n)t + ?u
0 d(s)exp[-(i-n)s]ds
La soutenabilité peut être définie de la
manière suivante : lorsque t tend vers l'infini, la valeur
actualisée du stock de la dette doit s'annuler (on évite les
bulles spéculatives et les schémas de Ponzi) :
lim 8 b(t)
exp[-(i-n)t] = 0. Cette condition est la condition dite de
transversalité.
En effet, cette condition implique une cohérence entre
sphère financière (taux d'intérêt) et sphère
réelle. Si i>n ou (r>g), il suffit que bt soit majoré pour
que la condition soit satisfaite et que l'Etat reste solvable. Si r<g, il
faut que le ratio Dette/PIB diminue aussi vite ce qui signifie à un taux
au moins gal à (n-i) pour que l'Etat reste solvable. Un taux
d'intérêt au dessous du taux de croissance amène à
une politique de coupe budgétaire. Il faudra diminuer le déficit
primaire.
b(0) = - ?u
0d(s)exp[-(i-n)s]ds, la valeur initiale de la
dette rapportée au PIB doit être égale, à la somme
des flux actualisés des déficits primaires. On appelle cette
contrainte la contrainte budgétaire intertemporelle de
l'Etat.
Pour satisfaire aux contraintes dette/PIB et
dette/exportations, les pays qui jouissent d'un ratio exportations/PIB
adéquat doivent porter leur attention sur le ratio dette/PIB si le ratio
exportations/PIB réel dépasse le niveau souhaitable, et doivent
mettre l'accent sur le ratio dette/exportations si le ratio réel est
inférieur au ratio souhaitable. Ces ratios peuvent servir de signaux
d'avertissement utiles d'un problème possible d'endettement, mais la
situation économique de pays affichant des ratios semblables peut
varier. Il convient donc de les utiliser avec prudence, et uniquement en guise
de point de départ d'une analyse de la soutenabilité de la dette
particulière au pays. Une évaluation complète de
l'endettement d'un pays doit en effet tenir compte de sa situation
macroéconomique globale et de ses perspectives de balance des paiements.
Le niveau souhaitable du déficit des transactions courantes pour une
dette extérieure viable devrait également être
mesuré à l'aune de divers autres facteurs comme l'inflation
à l'étranger, le taux de croissance national, le coefficient
d'investissement, la proportion des investissements consacrés aux biens
échangeables, la concessionnalité de la dette, et la proportion
de l'investissement direct étranger (IDE) dans les entrées de
capitaux.
Le fardeau que fait peser la dette extérieure sur les
finances publiques préoccupe de plus en plus. Dans beaucoup de pays qui
connaissent des problèmes de dette extérieure, les paiements
prévus du service de la dette absorbent une part importante des recettes
de l'État, réduisant ainsi l'aptitude des pouvoirs publics
à mettre en oeuvre des mesures d'assainissement. La soutenabilité
de la dette extérieure est donc ainsi étroitement liée
à la soutenabilité budgétaire. Pour un pays donné,
les calculs utilisés pour déterminer la soutenabilité de
la dette extérieure sont sensibles aux projections des variables
exogènes. Cette question revêt une importance particulière
pour les pays dont la situation de la balance des paiements dépend du
comportement des prix des produits.
* 3 Financement
extérieur ayant un élément de libéralité au
moins égal à 25%
|