La responsabilité civile du créancier professionnel en matière de sûretés( Télécharger le fichier original )par Arnaud Silvère Yansounou Faculté de droit de La Rochelle - Master II Recherche Droit Privé 2005 |
2°) La responsabilité civile du créancier professionnelLe recours au droit commun de la responsabilité civile traduit le besoin de protection de la caution et l'insuffisance des règles spéciales. Les conditions du bénéfice de subrogation (article 2037 du Code civil) conduisent les cautions à invoquer, de plus en plus souvent, la responsabilité des banquiers. Les deux moyens sont distincts par leur fondement. En principe, la responsabilité civile a pour objet la réparation du préjudice, ce n'est que par compensation avec sa propre dette que la caution se trouvera libérée. Elle doit donc former une demande reconventionnelle. Mais bien souvent, la caution ne cherche pas à obtenir un avantage autre que le rejet de la prétention de son adversaire, ce qui constitue une exception, c'est-à-dire une défense au fond, au sens de la procédure civile (article 71 du nouveau Code de procédure civile). La Cour de cassation décide aujourd'hui que la caution dispose de l'une et l'autre voie, entre lesquelles elle peut choisir89(*). 3°) La nullité automatique des garanties souscritesL'éventail des sanctions et les moyens de défense mis à la disposition de la caution en matière de sûretés montre d'une part, la volonté de protéger la caution profane face aux établissements de crédit. D'autre part, il y a aussi une volonté des juridictions de laisser le contrat produire ses effets au regard des sanctions prononcées (la décharge partielle de la caution ou l'allocation de dommages-intérêts). La loi du 26 Juillet 2005 vient mettre à néant toute cette construction jurisprudentielle en offrant à la caution la possibilité de demander la nullité des garanties souscrites : le but visé par le législateur est de sanctionner les établissements de crédit qui pratiqueraient des garanties inhabituelles au regard des règles de l'art. Par ailleurs, cette nouvelle disposition manque de précision car, le législateur n'a pas fixé le seuil de la disproportion. En outre, elle suscitera des divergences car, pour se prémunir contre la perte de valeurs des actifs dans le temps, les banquiers ont tendance à prendre plus de garanties que ce dont elles auraient strictement besoin : une banque qui prête son concours financier à une entreprise court un risque économique qu'elle facture par le biais de la pratique de taux d'intérêt. Cette prise de risque économique va être limitée par des paramètres juridiques : le caractère radical de la sanction, la nullité. En réalité, cette loi constitue un léger assouplissement dans la mise en jeu de la responsabilité du banquier dans la mesure où seuls des cas limitativement énumérés peuvent donner lieu à une responsabilité civile de l'établissement de crédit. En revanche, dans le domaine de la sanction (la nullité automatique), elle constitue une rupture avec le principe actuel de la responsabilité du banquier en matière d'octroi de crédit : l'allocation de dommages-intérêts ou la décharge de la caution à la mesure du préjudice subi semble avoir la préférence des juridictions et des parties plutôt que l'application de la sanction nullité et dont le principal effet est de remettre les parties à l'état initial (anéantissement du contrat). Le contrat de cautionnement précisera le plus souvent les modalités de sa résiliation. Mais la loi a mis à la charge de certains créanciers professionnels un devoir d'information sur cette faculté de résiliation : lorsque le cautionnement est à durée indéterminée, il pèse sur le banquier une obligation annuelle d'information dont l'inexécution fait encourir des sanctions d'une double nature. Cette sanction a été récemment allégée par la loi du 26 Juillet 2005. * 89Cass. Ch. mixte, 21. 02. 2003, Bull. Ch. mixte, n° 3 ; D., 2003, 829, note V. Avena-Robardet: la caution fait opposition au commandement de payer ; la Cour d'appel rejette cette opposition au motif que la caution ne peut agir en responsabilité pour faute contre le banquier que par voie de demande reconventionnelle ; cassation : « en statuant ainsi, alors que les demandes reconventionnelles et les moyens de défense sont formés de la même manière à l'encontre des parties à l'instance, la Cour d'appel, qui devait répondre à la demande de Mme X.. quelle qu'en fût la qualification procédurale, a violé » les articles 4, 64, 68 et 71 du NCPC ; Cass. com., 26. 10. 1999, Bull. civ. IV, n° 182. D. Aff., 98.668 : « en dehors des cas visés par l'art. 2037 C. civ., la faute du créancier ne peut donner lieu qu'à l'allocation de dommages-intérêts à la mesure du préjudice subi. » |
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