II · Le préjudice subi par la caution et le
lien de causalité entre la faute et le préjudice
Une fois la faute et le préjudice établis, le
lien de causalité revient donc en ce que cette faute qui consiste
à prolonger artificiellement l'activité de l'entreprise est,
certainement, à l'origine du préjudice subi par l'ensemble des
créanciers.
Nous traiterons successivement le préjudice subi par
la caution (A) et le lien de causalité entre la faute et le
préjudice (B).
A°) Le préjudice subi par la caution
Conformément au droit commun de la
responsabilité civile, la charge de la preuve du préjudice
appartient à la caution (1). Mais en réalité, le
préjudice dont se prévaut la caution est un préjudice
discutable (2).
1°) La preuve du préjudice
Elle va surtout consister à démontrer la perte
d'une chance et, son évaluation relèvera de la compétence
des juges du fond.
a · La perte d'une chance
Le préjudice qu'invoque la caution
n'est pas le fait de devoir payer, qui est la conséquence de son
engagement ; mais la perte d'une chance « de ne pas
être inquiétée57(*) », de devoir payer moins ou d'exercer avec
succès un recours contre le débiteur ; ou, s'agissant du
devoir d'information, celle de limiter l'obligation de règlement par une
révocation, ou de prendre des mesures conservatoires. Par
conséquent, le préjudice et la réparation devraient
être plus ou moins étendus, suivant la probabilité de
réalisation de la chance perdue, mais jamais égaux à la
dette garantie.
S'agissant de la perte du droit préférentiel,
la jurisprudence exige que cette perte soit susceptible de causer à la
caution un préjudice, c'est-à-dire que le droit perdu ou non
constitué ait pu représenter pour elle un avantage effectif. La
preuve du préjudice devrait être à la charge de la caution.
En réalité, la disparition d'un droit constitue
un préjudice : c'est donc au créancier professionnel de
renverser cette présomption de fait en prouvant l'absence de
préjudice, c'est-à-dire l'inanité du droit perdu58(*).
b · L'évaluation du
préjudice
La jurisprudence de la Cour de cassation relative à
l'évaluation du préjudice a évolué. En effet, la
première chambre civile59(*) considère que le préjudice correspond
à l'excès et non plus la totalité de
l'engagement : « Le montant du préjudice subi par la
caution ne pouvait être équivalent à la totalité de
la dette mais seulement à la mesure excédant les biens que la
caution pouvait proposer en garantie. »
Pour évaluer le préjudice, la première
chambre civile se réfère à la disproportion. Donc, par le
mécanisme de la compensation, la caution va payer la différence
entre la disproportion et le préjudice. Cela est discutable car il ne
s'agit que de la perte d'une chance. Il ne s'agit pas d'une extinction directe
(différent de l'article 2037 du Code civil) qui peut être totale
ou partielle.
Aujourd'hui, n'importe quel comportement - ou presque - du
créancier professionnel constitue une faute. Mais où est le
préjudice ?
* 57 Cass. com., 22 Avril 1980,
Bull. civ. IV, n° 163.
* 58 Cass. com., 13 Mai 2003;
Cass. civ. 3ème, 04 Décembre 2002, Bull. civ. III,
n° 245.
* 59 Cass. civ.
1ère, 09 Juillet 2003, D., 2004, 204, note Y. Picod.
|