2/ La Chicken littérature ou
littérature de poulettes
C'est une forme beaucoup plus romancée de
l'autofiction. Lancé par la new-yorkaise Candace Bushnell, auteur de
« Sex and the City » et décliné en
série TV, le phénomène a gagné l'hexagone. Cette
littérature relate les crises existentielles de trentenaires, belles,
riches mais malheureuses en amour avec humour, cynisme et dérision. Il
y a eu « Le diable s'habille en Prada »,
l'énorme succès de Lauren Weisberger qui
décrit la tyrannie de son ex patronne, grande prêtresse de la
mode new-yorkaise. On peut citer Le journal de Bridget Jones, de la
britannique Helen Fielding ou tout récemment chez Anne Carrière,
Sainte Futile d'Alix Girod de l'Ain, journaliste à
l'hebdomadaire Elle...
3 / Les témoignages de vie
C'est un genre qui affleure sur les rayons. Est-ce une
autre forme d'autofiction ? Seulement, quand des personnalités,
des artistes en devenir ou des footballeurs célèbres comme Lilian
Thuram avec 8 Juillet 1998, se mettent à
écrire ( et beaucoup recourent à un nègre) pour raconter
leur vie ou des expériences marquantes, cela donne matière
à vendre. Chez Robert Laffont, Un conte de fée
Républicain de la djiboutienne Safia Otokoré se situe dans
la veine : c'est l'histoire d'une femme engagée et membre du parti
socialiste qui narre son parcours de Djibouti sa ville natale à
l'arrivée en France et l'entrée dans la vie politique...
4 / Les essais politico people
Sans réellement être de l'autofiction,
ils reviennent sur des tranches de vie, des scandales, des faits personnels et
analysent la politique et la société dans laquelle nous vivons
via l'oeil de quelques experts patentés, journalistes et commentateurs
politiques etc... Avec la période de campagne électorale, il y a
eu une floraison d'essais sur les rayons des librairies. A la rentrée
2006, Sexus Politicus de Christophe Deloire, un ouvrage
narrant les relations entre hommes politiques et femmes journalistes, n'a
pas réussi à atteindre son objectif. On peut également
citer La Madone et le Culbuto, de Carl Méeus et Marie-Eve
Malouines ou L'Inconnu de l' Elysée par l'ex journaliste du
Monde, Pierre Péan, sans oublier tous ceux qui ont accompagné
les dernières élections présidentielles...Tout
récemment, Femme Fatale, écrit par deux journalistes du
Monde, remporte tous les suffrages et Ségolène Royal,
principale concernée, a intenté un procès pour
empêcher la diffusion de ce livre. En vain.
Depuis le siècle des lumières où
des textes fondateurs ont surgi et jusqu' à l'apparition de ce qu'on a
appelé le Nouveau roman, la littérature en France a
évolué de même que la notion d'auteur, plus
précisément cette fonction d' auteurialité. De
nos jours, il s'agit d'être visible grâce à un nom et
à une image plutôt que d'écrire pour l'immortalité
comme Balzac, Dumas ou Zola au début du siècle. Ceux-ci
scribouillaient les ardeurs de leur époque, racontaient des chroniques
sociales, longues et fournies en descriptions, quand tant de livres modernes
brillent par leur nombrilisme, d'où la masse de romans qui
éclosent à chaque rentrée littéraire et qui
s'engagent dans la course aux prix d'automne. Prenons l'exemple du prestigieux
Goncourt qui promet une immortalité à l'un et l'autre, avant de
consacrer une nouvelle plume l'année d'après. Admirable pour les
écrivains primés, si ce n'est que très peu sur l'ensemble,
atteignent le graal littéraire : être un best seller et vivre
pleinement le fantasme de l'écrivain populaire...se nourrir de sa plume
donc !
L'édition en France a véritablement
muté pour devenir une entreprise hautement commerciale avec la
concentration des groupes industriels comme Editis et Lagardère. Claude
Durand, PDG des éditions Fayard, raconte avec nostalgie l' époque
où Arthème Fayard fonda au début du siècle la
libraire Fayard, en publiant les oeuvres de l'italien Garibaldi ou du
Chansonnier Béranger sous forme de fascicules reliés et vendus
à cinq francs pièce jadis. Aujourd'hui, les éditeurs ont
recours à la fameuse Cameron, une machine infernale qui peut
imprimer 7000 livres à l'heure quand il s'agit d'un best-seller. Et avec
des évènements comme le Salon du Livre, on voit l'augmentation de
la production littéraire année après année, les
nouveaux éditeurs affleurer et les visiteurs croître davantage.
Alors, il devient cornélien de choisir des oeuvres de qualité,
celles qui nous laisseront cette impression durable par leur caractère
universel. Car ce qui fait un livre, n'est-ce cette tentation urgente de le
rouvrir une fois la lecture terminée ? Combien de livres peuvent
prétendre à cette particularité et combien d'auteurs
jouissent du succès d'estime si cher à l'idée
française de la littérature, car l'écrivain populaire
serait piètre en littérature. En effet, lorsqu' on vend beaucoup
en France, on est boudé par le milieu et par la critique. Fi de ce
constat, il y a les best-sellers imposés par les Médias, ceux
qu'il faut absolument lire, adaptables en films et générant des
produits dérivés comme le Da Vinci Code visible entre
toutes les mains l'été 2005. Ainsi, même le livre
n'échappe pas au marketing de masse et fait l'objet de multiples
stratégies commerciales. On répond alors à une demande, on
anticipe les besoins du lecteur, on lui propose des produits et on
étudie ses attentes. Le temps du décideur dans sa tour
d'ivoire a vécu ; les éditeurs sont de plus en plus à
l écoute du marché », estime Nicolas Roche,
directeur général des éditions Stock. Les éditeurs
misent sur des opérations spéciales (publicités sur les
panneaux de quais de gare, affichages dans les couloirs du métro...) et
des informations ciblées pour faire connaître leurs nouveaux
romans. De nouvelles collections naissent (Milles et une Nuits), des formats
attractifs sont fabriqués, accompagnés de cadeaux, comme la
série des mini polars d'été offerts en supplément
dans des magazines grand public comme Elle ou Marie-Claire.
Mais le succès passe surtout par les libraires, rappelle
Philippe Dorey directeur commercial chez Lattès puis par les
journalistes. Si la télé est le premier prescripteur de ventes
livres, les magazines se placent en deuxième position. Un roman comme le
Da Vinci Code de Dan Brown, a bénéficié d'une
campagne promotionnelle soutenue avec la Une de Livres Hebdos et un
gros service de presse. Plus d'une centaine de livres ont ainsi
été dispatchés dans toutes les grandes rédactions
parisiennes et les journalistes n'ont pas tari d'éloges sur le polar de
l'été 2005. « Avec «Da Vinci Code», Dan
Brown fait fort, mais alors vraiment très fort, puisqu' il
ébranle rien de moins que les fondations de
l'Eglise... », écrivait Bernard Loupias du Nouvel
Observateur et Anne Berthod de l'Express, affirmait :
« Avec une trame machiavélique, digne d'Arturo
Pérez Reverte, un rythme (des chapitres courts, un rebondissement toutes
les quatre ou cinq pages) d'une efficacité redoutable, ce polar
érudit reste remarquablement bien ficelé. Et donne envie, une
fois refermé, de courir revoir la célèbre Cène de
Léonard de Vinci, celle que l'on croyait si bien
connaître ». Ajouté à l'engouement
populaire, le roman a du se balader sur toutes les plages du monde en
détournant les lecteurs du reste de la production littéraire.
Voilà comment fonctionne la rentrée littéraire
française, avec ce paradoxe étrange : Publier plus de six
cent livres chaque année et n'en faire émerger qu'un ou deux,
dans le meilleur des cas. « Peut-on alors parler de
diversité culturelle en littérature, quant cette culture est
imposée par les mass médias, notamment pour ce lecteur
consommateur non averti. Quant on nous impose ce qu'il faut lire, ce qu'il
faut voir au cinéma, que reste t-il de la diversité
culturelle », des idées que défendait l'
écrivaine indienne Alka Saraogi, invitée du salon du Livre 2007,
lors d'une conférence sur les enjeux de la mondialisation.
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