La question des l'universalite des droits de l'homme dans les manuels relatifs aux droits et libertés( Télécharger le fichier original )par Mohamed Hedi SEHILI Université Montpellier 1 - Master recherche Droit constitutionnel et théorie du droit 2007 |
§. 2. les problèmes d'ordre culturel et religieuxContrairement à la thèse de la réalité de l'universalité des droits de l'homme, certains auteurs affirment, aujourd'hui, que l'universalisme des droits de l'homme est une politique132(*). En témoigne « La volonté des grandes puissances occidentales d'imposer à tous les Etats du monde, quelles que soient leur culture et leurs conditions sociale, les mêmes valeurs et les mêmes moyens d'y parvenir, s'identifie au plan international a la politique du parti unique dans l'ordre interne »133(*). En effet, affirmer l'universalité des droits de l'homme, revient nécessairement a affirmer l'universalité de la conception occidentale de ces droits pour cette raison le professeur Frederic Sudre prévoit qu'une telle affirmation ne peut que nourrir le grief d'occidentalo- centrisme et l'auteur d'ajouter que le concept d'universalité des droits de l'homme n'est pas universel et n'est pas admis par tous134(*). Le doute a l'égard de l`universalité des droits de l'homme se trouve aussi chez le professeur Antonio Cassese qui affirmait que « l'universalité est, au moins pour l'instant, un mythe [et] non seulement les droits de l'homme sont respectes différemment dans différents pays, mais ils sont aussi conçus différemment »135(*). Le professeur Louis Favoreu, se basant sur les travaux comparatifs de l'anthropologie politique et de l'ethnologie, avait constaté a quel point l'individualisme parait spécifique du monde occidental et de conclure que « les données culturelles et religieuses apparaissent parfois (du moins dans certaines prétentions) comme des obstacles a la réception « normale » des droits de l'homme et, en toute hypothèse, comme une justification des adaptations dont ils font l'objet (...) »136(*) L'Occident, lui-même, avait parfois instrumentalisé les droits de l'homme en vue d'ériger son modèle en un modèle universel, sans prendre soin des spécificités de « l'autre », son ambition universaliste donc « ne consiste plus a composer mais a vaincre ; elle vise désormais a ériger la conception occidentale en modèle universel »137(*) Cette politique de l'occident est sans doute repoussée par le communisme chinois de même que l'intégrisme musulman puisque pour eux ces droits servent de couverture a l'impérialisme d'une économie qui a réussi à s'imposer mais a quel prix ?138(*) Par conséquent « le caractère universaliste des droits de l'homme a éveille la crainte d'un impérialisme culturel [et] prétendre accorder les droits de l'homme a tous les individus dans le monde peut conduire a un excès de tolérance a l'égard de cette tendance [que peut avoir] la culture européenne a piétiner les cultures qui ne partagent pas la même conception du bien être et de la justice sociale »139(*) De fait, les droits de l'Homme ont été parfois dénoncés, dans une perspective « tiers-mondiste », comme une invention de l'Occident, reflétant, jusque dans leur prétention à se présenter comme universels, l'ethnocentrisme occidental, voire comme une forme de néocolonialisme idéologique. Plus récemment, une nouvelle forme de contestation est venue des pays asiatiques qui, par delà tout ce qui les sépare sur les plans idéologique et religieux, mettent en avant les valeurs centrales de la culture asiatique : primauté de la famille, soumission de l'individu au groupe, respect des hiérarchies, attachement au consensus excluant l'expression d'opinions divergentes. Ces valeurs constituent autant de caractéristiques qui traduisent une vision holiste de la société, guère compatible avec la reconnaissance aux individus de droits opposables à la collectivité. La contestation n'a toutefois pas débouché sur la dénonciation des grands instruments internationaux : au contraire, lors de la conférence de Vienne sur les droits de l'Homme, en 1993, tous les Etats ont accepté de signer l'Acte final dans lequel on pouvait lire : « ... il est du devoir des Etats, quel qu'en soit le système politique, économique et culturel, de promouvoir et de protéger tous les droits de l'homme et toutes les libertés fondamentales. » Un consensus semble se dessiner sur la question de l'universalité des droits de l'Homme. Demeure néanmoins l'opposition radicale de certains pays musulmans pour lesquels l'islam est incompatible avec la reconnaissance de l'égalité des sexes, d'une part, de la liberté de conscience, d'autre part. * 132 CHARVIN (R.), SUEUR (J.-J.), Droits de l'homme et libertés de la personne, Litec, 2000, p. 161 * 133 Ibid * 134 SUDRE (F.), Droit international et européen des droits de l'Homme, PUF, Droit fondamental, 2001, p. 44 * 135 Cité par Levinet (M), Théorie générale des droits et libertés Bruxelles : Bruylant, p. 204 * 136 Favoreu L. et alii, Droit des libertés fondamentales -3ème éd. 2005 -Dalloz, p. 53 * 137 LEBRETON (G.), Libertés publiques et droits de l'Homme, Colin, 2003, p. 129 * 138 Xavier (D). Droit naturel: Les questions du droit Tome I, PUF, 1998, p. 527 * 139 Gregorio (P), Théorie générale des droits fondamentaux, LGDJ, 2004, p. 278 |
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