La question des l'universalite des droits de l'homme dans les manuels relatifs aux droits et libertés( Télécharger le fichier original )par Mohamed Hedi SEHILI Université Montpellier 1 - Master recherche Droit constitutionnel et théorie du droit 2007 |
Section 2. Les manifestations internationalesEtudier la question des manifestations de l'universalité des droits sur un plan international, revient nécessairement a étudier le phénomène de l'internationalisation des droits de l'homme, en effet les droits de l'homme à partir de la fin de la deuxième guerre mondiale ont connu une expansion qui a dépassé les frontières pour imposer une sorte de morale commune à tous les hommes quelque soit leurs origines. Aujourd'hui, « l'universalité des droits de l'homme est devenue réalité non pas au sens ou ils seraient désormais universellement reconnus et respectes, mais au sens ou la revendication des droits s'est diffusée à l'ensemble de la planète »89(*) Le professeur Patrick Wachsmann, en étudiant la question de l'universalité des droits de l'homme, se demande s'il « n'existe pas une déclaration universelle des droits de l'homme adoptée sans opposition par l'assemblée générale de l'organisation des nations unies (mais avec l'abstention de l'union soviétique et des autres Etats du bloc socialiste, mécontents de l`absence de toute mention du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes) et des pactes internationaux adoptés, eux aussi à l'unanimité, ouverts à tout Etat et massivement ratifiés ? »90(*). Pour certains autres, l'internationalisation des droits de l'homme est à la fois « le signe et le vecteur de leur universalisation »91(*). Allant dans ce sens Louis Favoreu prévoit que « la proclamation des droits de l'homme dans des textes internationaux est sans doute à la fois le signe de leur reconnaissance et la revendication de leur universalité »92(*) Compte tenu des éléments qui viennent d'être retracés, il est nécessaire de s'interroger sur les normes internationales reconnaissant l'universalité des droits de l'homme (§.1), ensuite sur l'internationalisation des mécanismes de protection des droits de l'homme (§. 2). §. 1. les normes internationalesLes premières initiatives de la communauté internationale ne visent pas à protéger les droits de l'homme en général, mais des catégories de personnes particulièrement vulnérables. Sous l'impulsion d'Henri Dunant, fondateur de la Croix-Rouge, les principaux Etats européens signent en 1864 un texte qui inaugure le développement futur du droit humanitaire : la Convention de Genève sur la protection des blessés en temps de guerre. Le droit humanitaire va par la suite se développer en cherchant à réglementer la conduite des hostilités, notamment pour éviter les souffrances et destructions inutiles. Malgré cette inspiration spécifique, en mettant l'accent sur l'importance de la personne humaine et la nécessité de la protéger contre les Etats, il préfigure le système normatif qui sera mis en place ultérieurement pour assurer la protection internationale des droits de l'Homme. Le constat de l'inaction de la Communauté internationale face aux atrocités commises pendant la seconde guerre mondiale est l'une des raisons du changement qui s'opère à partir de 1945. Les droits de l'homme sont désormais placés au centre des préoccupations des Nations Unies, auxquelles la Charte de San Francisco assigne la mission de développer et d'encourager « le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous... ». L'un des premiers actes de l'ONU est de décider, de rédiger une Déclaration, qui sera finalement adoptée par l'Assemblée générale le 10 décembre 1948. La Déclaration universelle des droits de l'homme (DUDH) constitue la première étape d'un processus appelé à se poursuivre et à s'amplifier, avec l'adoption d'instruments internationaux de plus en plus nombreux et impliquant un nombre croissant d'Etats. L'article premier de la Déclaration universelle dit que : " Tous les hommes naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité ". Le caractère "universel" de la Déclaration adoptée en 1948 était un point sur lequel le représentant de la France à la Commission des droits de l'homme insistait93(*). Ce texte avait en effet d'abord été conçu comme une Déclaration internationale. Il devait être une proclamation faite par des représentants d'Etats, ce qui liaient les droits de l'homme à une conception interétatique de la société universelle réduite à l'état de communauté juridique "internationale". L'Assemblée lui a ainsi conféré l'appellation de "Déclaration Universelle", indiquant par là qu'elle émanait de la Communauté juridiquement organisée de tous les peuples du genre humain et qu'elle exprimait les aspirations communes à tous les hommes94(*). "Cette reconnaissance à tout être humain, en tout lieu et à toute époque, d'un minimum consistant de droits fondamentaux jette la base d'un nouveau droit commun international: en ce sens, le droit international des droits de l'homme prétend exprimer des valeurs -la dignité de l'homme, l'égalité des hommes- qui constituent un fonds commun à toutes les civilisations et à toutes les religions. L'atteste le rayonnement de la [Déclaration] qui va irradier à la fois les législations nationales (certains Etats nouveaux l'incorporerons dans leurs constitutions: Indonésie, Costa-Rica, Haïti) et les textes internationaux."95(*)L'essentiel de la pensée de René Cassin sur la nature des droits de l'homme était contenu dans la Déclaration, c'est en partie parce qu'elle ne venait pas choquer sa conception de l'universalité. Il expliquait que l'aspect universel de la Déclaration tenait à ce qu'elle ne vise pas l'Etat comme le constant et seul débiteur de la protection des droits de l'homme, un homme qu'il voulait ériger en sujet du droit international. La DUDH, formellement, n'est qu'une résolution de l'Assemblée générale : elle exprime l'accord des Etats sur « un idéal commun à atteindre par tous les peuples », comme l'énonce son préambule, mais elle est dépourvue de caractère obligatoire. On insiste volontiers sur la force morale qui lui est attachée, sur sa valeur de symbole. Mais sa portée ne se limite pas à cette force morale : d'une part parce que certains Etats l'ont incorporée à leur Constitution ; d'autre part parce que ses dispositions ont été presque intégralement reprises dans les deux pactes de 196696(*), aujourd'hui ratifiés par plus de 140 Etats. Enfin, une partie de la doctrine estime que les principes énoncés par la Déclaration ont acquis la valeur de normes coutumières, donc opposables aux Etats. Donc, le souci de dépasser le stade de la « déclaration des droits » contenue dans la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, poussa les rédacteurs de cet instrument à la compléter avec l'adoption de véritables traités relatifs aux droits et libertés : le Pacte relatif aux droits civils et politiques et le Pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels adoptés et ouverts à la signature le 16 décembre 1966 par la Résolution 2200 A (XXI). Avec l'entrée en vigueur de ces deux Pactes (le 3 janvier 1976 pour le second et le 23 mars de la même année pour le second), plusieurs dispositions de la Déclaration Universelle ont acquis une force obligatoire pour les Etats. En effet, les deux Pactes possèdent en eux un caractère obligatoire qui s'impose aux seules parties contractantes. Les Pactes jumeaux constituent, avec la Déclaration Universelle et les deux Protocoles facultatifs relatifs aux droits civils et politiques, la « Charte internationale des droits de l'homme ». Ainsi, le droit international des droits de l'homme à vocation universelle a été élaboré. La Charte internationale des droits de l'homme a posé les normes essentielles en vue de la protection des droits fondamentaux. L'élaboration de ces normes est considérée comme la première étape de l'action engagée par l'ONU Toutefois, «Ces pactes s'ils maintiennent le principe d'universalité ils rompent avec celui de l'indivisibilité des droits de l'homme puisqu'ils traitent séparément les droits de la première et de la deuxième génération »97(*) Depuis 1948, on assiste à une « mondialisation » des droits de l'homme. Cette mondialisation peut s'observer au travers de l'existence d'un grand nombre de conventions internationales98(*). Toutefois l'universalité des droits de l'homme ne trouve son effectivité que si l'on organise des mécanismes internationaux de protection de ces droits. * 89 LOCHAK (D). Les droits de l'homme, éditions la Découverte, 2005, p. 49 * 90 WACHSAMANN (P). Les droits de l'homme, 4e éd. - Paris : Dalloz, 2002, p. 39 * 91 LOCHAK (D). Les droits de l'homme, éditions la Découverte, 2005, p. 49 * 92 Favoreu L. et alii Droit des libertés fondamentales -3ème éd. 2005 -Dalloz, p. 40 * 93 Voir pp. 276 à 283 du Recueil des cours de l'Académie de droit international de l'année 1951. * 94 Mentionnons simplement que pour certains, les droits de l'homme étaient et demeurent le reflet d'une conception de l'universalité. "Au demeurant, le nombre important d'hommes et de femmes qui quotidiennement combattent, au péril de leur liberté et de leur vie, pour faire plier les dictatures partout dans le monde est le plus irrécusable des témoignages en faveur de l'universalisme des droits de l'homme. Mais en déduire l'universalité de ces derniers serait prendre ses rêves (occidentaux) pour la réalité (mondiale)". "Le constat de l'absence d'universalité n'implique évidemment aucune capitulation devant les assassins en puissance." V. Patrick Wachsmann, pp. 42 et 46. * 95 SUDRE F. Droit européen et international des droits de l'homme, 7ème éd, 2005, p. 42. * 96 Pacte international des droits civils et politiques et Pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels * 97 XAVIER (D). Droit naturel: Les questions du droit Tome I, PUF, 1998, p 527 * 98 Hormis les deux pactes, les autres conventions (Convention de Genève sur les réfugiés de 1951, Convention contre la torture de 1984, etc.) visent soit des atteintes spécifiques aux droits de l'homme, soit des catégories de personnes qui risquent plus que d'autres d'être victimes de discriminations ou d'atteintes à leurs droits fondamentaux. |
|