Liberté de presse et accès aux informations administratives en république du Bénin( Télécharger le fichier original )par Stéphane SONON Université de Nantes - DEA 2004 |
Paragraphe 2 : Une notion universellement limitéeLa liste des informations interdites définies par la loi et les conventions internationales est longue et d'une cohérence difficile à cerner. Les conventions se sont attelées à énoncer les cadres généraux (A) tandis que les lois ont spécifié les champs d'application (B). A - Le cadre général des limites conventionnelles Ces limites se retrouvent dans les différentes conventions sur la liberté d'expression. Ainsi, l'article 11 de la Déclaration de 1789 qui pose le principe de la liberté de communication, en énonce la nécessaire limite : «...(...) sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi». Le Pacte civil prévoit à l'alinéa III de l'article 19 que ces restrictions doivent être : «nécessairement fixées par la loi et sont nécessaires, d'une part au respect des droits et de la réputation d'autrui et, d'autre part, à la sauvegarde de la sécurité nationale, de l'ordre public, de la santé ou de la moralité publique». L'article 10 alinéa 2 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, dans le même esprit dispose : «l'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions, prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et de la prévention du crime, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, ou pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire». L'article précise par ailleurs que la reconnaissance du principe de liberté n'empêche pas les Etats de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d'autorisation29(*). Sont interdits également toute propagande en faveur de la guerre, tout appel à la haine nationale, raciale, religieuse, qui constituent des incitations à la violence, ainsi que toute autre action illégale analogue contre toute personne ou tout groupe de personnes déterminées fondée sur des considérations de race, de couleur, de religion, de langue ou d'origine nationale ou sur tous autres motifs30(*). Outre ces cadres généraux définis par les conventions, il est utile de présenter certaines dispositions pénales dont le non respect expose le journaliste à des délits de presse. B- Les délits de presse dans la législation française C'est la législation française qui nous servira de base pour montrer les restrictions légales sur l'exercice de la liberté de presse et du droit à l'information. Ces textes ont énuméré les différents délits auxquels peuvent s'exposer le journaliste. Certains textes par exemple, font obligation aux journalistes de garder le secret à leur égard, à propos des actes d'accusation et tous les autres actes de procédure criminelle ou correctionnelle avant qu'ils n'aient été lus en audience publique. Font aussi objets d'interdiction : les informations relatives aux travaux et délibérations du Conseil de la Magistrature, les pièces de procédure concernant les questions de filiation, de procès en divorce, en séparation de corps, en matière d'avortement, en matière d'état civil des mineurs qui ont quitté leur parents31(*)... Ainsi, les délits peuvent porter sur des atteintes aux intérêts de la défense nationale ou aux secrets de la défense nationale (article 413-9 du code pénal) ou ceux d'une bonne administration de la justice (article 434-35 du code pénal). Les articles 39 à 39 sexies de la loi de 1881 édictent une série d'interdictions de publications. Il concerne les procès en diffamation (lorsque la preuve de la véracité des faits est prohibée), ou certains procès civils, en matière d'état des personnes notamment ou concernant toute information relative à la filiation d'une personne adoptée (article 39)32(*). Il peut s'agir aussi de protéger les victimes de certaines infractions comme le viol ou l'attentat à la pudeur par exemple (article 39, 39 bis et 39 ter de la loi de 1881), ou la publication de l'identité des mineurs délinquants (article 14 de l'ordonnance du 2 février 1945). Il peut s'agir aussi de protéger la moralité publique, comme la prohibition de la publication des représentations imagées des circonstances de certains crimes et délits (article 38 de la loi de 1881) ainsi que la publication d'un message ou d'une image à caractère pornographique sur un mineur33(*) (articles 227-23-24 du nouveau code pénal). Une loi de 1995 (loi du 21 janvier 1995) a ajouté à cette liste un article 39 sexies qui incrimine le fait de révéler l'identité des fonctionnaires de police, des gendarmes ou agents de la douane dont les missions exigent, pour des raisons de sécurité, le respect de l'anonymat34(*). Il peut s'agir aussi de respecter et de protéger la vie privée d'autrui (article 226-1 du nouveau code pénal). Cette protection assez affirmée dans le droit de la presse résulte du principe d'égalité qui conduit l'article 4 de la DUDHC à définir la liberté comme consistant à « pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui». Depuis la loi du 17 juillet 1970, l'article 9 du Code civil français tend à renforcer la garantie des droits individuels des citoyens. Celui-ci dispose : «Chacun a droit au respect de sa vie privée. Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l'intimité de la vie privée ; ces mesures peuvent, s'il y a urgence, être ordonnées en référé». Il résulte donc clairement de la volonté du législateur- pleinement conforme aux articles 10 al 2 et al 8 de la Convention Européenne des droits de l'Homme- que la vie privée est soustraite à l'espace public de libre discussion, en dépit d'une curiosité croissante du public35(*). Il existe également des textes36(*) qui obligent d'autres personnes au secret professionnel37(*) dans l'exercice de leur fonction. La diffusion par la presse des informations détenues par ces personnes constituerait un délit38(*). Il s'agît des personnes dépositaires, de par leur fonction temporaire ou permanente, d'informations couvertes par le secret, comme dans le cadre des procédures criminelles ou les procédures relatives à l'assiette, le contrôle, le recouvrement , le contentieux des impôts, droits et taxes et redevances prévus au code général des impôts. Les Chefs d'Etats et les agents diplomatiques étrangers bénéficient également d'une régime de protection contre la liberté de presse. Sa violation expose le journaliste aux délits d'offense envers le chef d'Etat ou le délit d'outrage envers les agents diplomatiques. En général, les limitations imposées39(*) se rattachent à la notion de l'ordre public dans ses aspects internes et international et au respect de la vie privée et de la personne humaine, avec une restriction plus renforcée pour la protection de l'adolescence et de la jeunesse. Le régime juridique de la presse béninoise n'est pas resté en marge de ces cadres tracés par les conventions internationales et la législation française. * 29 Voir arrêts CEDH, 28 mars 1990, Groppera Radio AG c/Suisse, Série A N°173 * 30 Article 13-V de la convention américaine de 1969 * 31 Voir les articles 38 et suivants du code pénal français et 378 du code béninois * 32DUPEUX Jean-Yves, LACABARATS Alain (sous la dir.) ; Liberté de presse et droits de la personne ; Paris :Dalloz, 1997 (« la publication d'informations interdites dans le procès pénal » par Jean-Yves MONFORT, p. 110) * 33 La loi N°49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse comportent également des dispositions relatives à l'atteinte à la protection des mineurs. * 34 DUPEUX Jean-Yves, LACABARATS Alain (sous la dir.) ; ibidem ; P.110 * 35 CABRILLAC (Remy), FRISON-ROCHE (Marie-Anne), REVET (Thierry) (Sous la dir. de ) ; Droits et libertés fondamentales ; Paris : Dalloz, 1997 (« La liberté d'expression » par Patrick WACHSMANN ; p. 302) * 36 Le code de procédure pénal et le code général de impôts par exemple * 37 Articles 378 du code pénal français et L. 103 du livre des procédures fiscales. * 38 Voir à ce propos le chapitre sur les recels de documents administratifs * 39 Il faut toutefois préciser que l'obligation de respecter le caractère pluraliste des courants de pensée et d'opinion, à laquelle sont soumis les médias, et qui constitue aussi d'ordinaire une restriction, est prise ici dans son sens positif. |
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