II) Les contraintes
institutionnelles et financières des structures de promotion de
l'emploi.
Les obstacles dans la mise en oeuvre des différents
programmes sont de deux ordres principalement: insuffisances
financières, obstacles institutionnels auxquels on ajoute la faiblesse
au niveau de la qualité et de la quantité des ressources
humaines.
On note qu'au niveau institutionnel, la lourdeur
administrative et la lenteur des procédures de décaissement
résultant de la nature des structures en charge de la politique, de
même que les chevauchements d'activités constituent des obstacles
au niveau de toutes les structures.
Concernant l'AGEPE, on a pu noter que les agents
déjà en nombre insuffisant sont obligés de pré
financer leurs missions ; le volet quantité des ressources humaines
peut être réglé, mais ce n'est pas toujours que l'on a les
personnes qu'il faut à la place où elles doivent être.
Les faibles résultats de l'AGEPE sont la
résultante d'un dysfonctionnement des programmes d'emploi contenus dans
le plan national de l'emploi de 1995.
Il est à noter que malgré la rédaction
d'un nouveau plan national de développement de l'emploi en 2004, les
programmes rencontrent toujours des dysfonctionnements.
Concernant le volet financier, on note l'inexistence de
subventions pour la prise en charge réelle du traitement
économique du chômage. Par ailleurs, il était prévu
de consacrer deux tiers des recettes liés à l'allocation
chômage et au traitement économique du chômage, mais cela
n'a jamais été le cas.
Un autre frein à l'employabilité des jeunes
est dû au fait que les structures d'insertion ne se font pas assez
connaître. En effet, il revient aux structures de promotion des emplois
de vulgariser leurs activités à tous les secteurs de
l'économie, notamment aux entreprises privées ; il existe
souvent une asymétrie d'information entre les offres d'emploi
émanant des entreprises privées et les demandes d'emploi.
C'est très souvent que les postulants sont
informés tardivement des demandes de travail; ce faisant le temps pour
la collection des pièces administratives requises reste insuffisant
entraînant de fait des échecs programmés.
A côté de l'AGEPE, l'AGEFOP elle aussi,
n'enregistre pas des résultas satisfaisants. Les problèmes
logistiques (moyens de déplacement, matériels informatiques,...)
constituent des obstacles majeurs à la mise en place de politiques de
résorption de la main d'oeuvre.
Au niveau des projets d'apprentissage, on note des
dysfonctionnements dans l'encadrement des apprentis, l'insuffisance de
ressources humaines (conseillers d'apprentissage), la mauvaise qualité
des cours théoriques et l'insuffisance de matériels didactiques
et d'équipements motorisés.
Concernant les formations qualifiantes, on souligne le
problème de l'équivalence des certifiés de l'apprentissage
et des formations qualifiantes. Ce problème est un obstacle à
l'insertion des jeunes certifiés puisque les examens nationaux ne
tiennent pas compte d'une catégorie particulière de
formés. L'AGEFOP n'ayant pas les moyens de financer des cours
complémentaires pour une remise à niveau, on assiste à une
disqualification de ces derniers.
Les raisons de l'incapacité de l'AGEFOP à
assurer les cours supplémentaires sont de trois ordres. D'abord, une
insuffisance de ressources financières comme signifiée plus
haut ; ensuite un non respect des programmes à dispenser ce qui
entraînent une détérioration de la qualité de la
formation et enfin le nombre insuffisant des conseillers
pédagogiques.
Outre ces difficultés, on énumère celles
qui suivent :
· L'impossibilité d'obtenir des salles de
formation adaptées aux différents états physiques des
candidats à la formation comme les handicapés moteurs, les
sourds, les aveugles etc.,
· La méconnaissance des filières de
formation.
· Le manque d'informations pertinentes sur les secteurs
porteurs de l'économie.
· Une faible capacité d'orientation des jeunes.
· Le manque de dispositifs de suivie des jeunes
formés, et de répertoires des qualifiés de l'AGEFOP.
· La sénescence très prononcée des
matériels de travail.
· Le faible engouement au niveau des formations
qualifiantes à cause du caractère payant de la formation.
· L'inadéquation entre les modules de formations
et les besoins de formation ; donc l'absence de référentiels
de métiers et de compétences qui permettent d'appréhender
l'évolution et les tendances des métiers.
Parallèlement à l'AGEPE et à l'AGEFOP,
d'autres structures de promotion et de formation à l'emploi dont le
Fonds de Développement de la Formation Professionnelle (FDFP) et le
Fonds National de Solidarité (FNS) présentent des
difficultés dans la mise en application de leurs projets emploi
malgré leurs intentions affichées de participer à une
résorption considérable de la main d'oeuvre.
Le FDFP créé en Décembre 1991 est sous
double tutelle : le Ministère de l'économie et des finances
et le Ministère de l'enseignement technique et de la formation
professionnelle. Doté de la personnalité morale, ce fonds assure,
grâce à la taxe additionnelle pour la formation professionnelle
continue (1,5% de la masse salariale des entreprises), le financement des
actions de formation continue destinées aux salariés des
entreprises et des études ayant trait à la planification
générale de la formation professionnelle continue, mais aussi et
surtout grâce à la taxe sur l'apprentissage (0,5% de la masse
salariale), le financement des actions de formations professionnelles initiales
et d'apprentis et les études ayant trait à la planification
générale de la formation professionnelle et technique.
Avec l'ensemble de ses partenaires, le FDFP assure :
· La formation des nouveaux embauchés
(l'intégration).
· L'amélioration des acquis des stagiaires dans
les spécialités qui sont les leurs à travers le
perfectionnement.
· La formation permettant la promotion du travailleur.
· La formation par l'apprentissage souvent pour une
reconversion.
Les problèmes rencontrés par les
premières structures de gestion de la promotion de l'emploi
citées plus haut sont à peu près similaires à ceux
du FDFP.
La baisse des ressources liée à la fermeture des
entreprises et aux licenciements ne permet pas de satisfaire totalement la
demande de formation. Même si cette baisse a été
comblée en certains endroits par les réserves du FDFP, il n'en
demeure pas moins que ces réserves s'amenuisent depuis la crise, avec la
réduction du nombre d'entreprises cotisantes. Dès lors, il se
pose la question des financements complémentaires assurés par le
FDFP au profit des entreprises cotisantes et du financement des structures qui
ne participent pas aux cotisations.
Le coût du suivi-évaluation des projets
financés par la structure est très élevé. Il faut
suivre le jeune jusqu'à ce qu'il crée effectivement son
entreprise et cela peut durer entre 6 et 12 mois ; or le FDPF n'a pas
assez de moyens pour les suivre quotidiennement.
Aussi, compte tenu du désir grandissant pour la
formation à l'apprentissage et la création de micro entreprises,
les fonds ne suffisent plus ; les demandes étant supérieures
aux offres, toutes choses égales par ailleurs, on assiste à une
sélection de plus en plus restrictive des demandes de formation. Ce qui
engendre des désavantages pour un grand nombre.
Au niveau des projets d'insertion, on souligne des
difficultés d'ordre commercial, des problèmes avec certains
bénéficiaires qui n'arrivent pas à comprendre les
ambitions du projet à cause de leur faible niveau d'éducation et
de leur manque de créativité. Le FDFP rencontre donc de
sérieux problèmes liés à une transmission des
différentes formations.
Une mauvaise gestion des fonds alloués aux
bénéficiaires ou une utilisation de ces fonds à d'autres
fins n'est pas de nature à favoriser les choses et limite
déjà les possibilités de financement d'éventuels
futurs demandeurs.
Au niveau des formations par apprentissage, on souligne un
nombre non moins importants de difficultés :
· Les responsables de projets ne facilitent pas toujours
la tâche ; c'est rarement qu'ils tiennent compte des propositions
qui leur sont adressées.
· Le FDFP se heurte bien souvent à des cabinets de
formation qui ne sont pas toujours expertes en la matière.
· Les jeunes ne savent pas toujours très
exactement ce qu'ils veulent. Ceux d'entre eux qui ont des idées n'ont
pas les moyens de les réaliser et craignent de présenter leurs
idées au risque de se les faire dérober. Il est souvent vrai que
ceux qui ont les moyens n'ont pas d'idées. La stratégie
d'imitation devient dans ce cas la règle et aboutit souvent à une
congestion dans un même secteur et une concurrence destructive.
· Le manque de vulgarisation et de diffusion des
résultats de recherche et d'étude est un handicap à
l'innovation.
· La demande croissante de formation fait que le
personnel est devenu insuffisant face aux nombreux défis de la
structure.
Toutes ces difficultés rencontrées par le FDFP
annihilent les efforts déployés par cette structure, conduisant
à de sérieux blocages à l'entrée des jeunes dans un
secteur de l'économie.
Le Fonds National de Solidarité (FNS) pour la promotion
de l'emploi jeune institué en Décembre 2003 et placé sous
tutelle administrative, technique, économique et financière du
Ministère de l'économie et des finances et qui a pour mission de
favoriser, en partenariat avec le système bancaire et financier national
et international, l'accès au crédit de jeunes entrepreneurs et
entreprises créatrices d'emploi jeune, rencontre lui aussi des
difficultés de fonctionnement qui ne sont pas toujours dues à une
mauvaise gestion en son sein mais pour la plupart du temps provenant des
demandeurs de fonds.
S'il est vrai que les mesures de sélection et
d'acceptation de financement de projets ne sont pas toujours aisées, il
n'est pas faux que très souvent l'ensemble des projets individuels
présentés par les candidats à l'octroi aux crédits
ne sont pas toujours solides.
Cette fragilité proviendrait de la non
corrélation entre le profil du promoteur et la viabilité du
projet. Les projets ambitieux nécessitent en plus des fonds, un certain
niveau de formation requis, ce qui n'est pas toujours le cas. En outre, les
résultats de terrain relativement aux expériences
précédentes indiquent un risque majeur et récurrent, le
risque de gestion. La mise en place de mesures de suivi et d'évaluation
de proximité s'impose.
Au-delà de toutes ces difficultés, il
faut noter le problème de multiplicité des acteurs intervenant
dans la gestion des dispositifs d'insertion professionnelle (Kouadio
Bénié Marcel, 2007). En effet, parallèlement aux services
publics d'Emploi, les ministères en charge de l'emploi et de la
formation professionnelle interviennent directement au niveau de la
stratégie « Employabilité et
Entrepreneuriat », à partir des directions qui existent en son
sein.
Une telle multiplicité des centres de
conception et de décision pour l'employabilité des jeunes, pose
le problème de l'absence de coordination des actions à
entreprendre. Cette absence de coordination ne leur permet pas d'être en
synergie d'action dans la mesure où il n'existe pas de plate-forme
d'échange. Aussi, l'absence de complémentarité entre les
différents structures engendre leur inefficacité puisqu'elles ont
été conçues dans une logique de véritable
collaboration.
CONCLUSION PARTIELLE
La situation des jeunes sur le marché du
travail ivoirien est alarmante. Des années 90 aux années 2000,
les jeunes connaissent des difficultés de positionnement sur le
marché du travail.
Leur manque d'expérience professionnelle,
leur niveau d'éducation et de formation, les difficultés au
niveau des structures d'insertion professionnelle participent de la faiblesse
de leur employabilité. La majorité des jeunes étant primo
demandeurs, ceux-ci se heurtent à des barrières à
l'entrée du marché du travail.
Plus de la moitié d'entre eux n'ont
jamais connu une première expérience professionnelle et font
l'amère expérience d'une longue durée de chômage.
Leur vulnérabilité est très prononcée.
L'élaboration de politiques
ciblées et concrètes se rapprochant de cette couche de la
population est capitale pour la survie de notre économie et pour pallier
aux tensions qui naissent du fait du sentiment d'inutilité qui anime
plus d'un.
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