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La modernisation du droit successoral en droit comparé, français et cambodgien

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par Socheata NOV
Université Jean Moulin Lyon 3 - DESS Droit notarial 2005
  

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§ 2 : LA CONCEPTION NOUVELLE

A : ÉGALITÉ PARFAITE DES ENFANTS DANS LE DROIT FRANÇAIS

Le nouvel l'article 310-1 du code civil dispose que : « Tous les enfants dont la filiation est légalement établie ont les mêmes droits et les mêmes devoirs dans leurs rapports avec leur père et mère. Ils entrent dans la famille de chacun d'eux ».

L'enfant ne subit donc plus aujourd'hui, au plan juridique, les conséquences des circonstances de vie de ses parents, au moment de sa naissance ou de sa conception.

Dans la famille ancienne, la dévolution est perçue par le lignage. Elle était établie sur la seule institution matrimoniale. Alors que dans la société contemporaine, on trouve que la famille n'est composée que par l'association libre et révocable des individus228(*). Pour bien comprendre de ce renversement perspectif, il faut bien examiner la raison d'être de la réforme.

La loi du 3 janvier 1972 apparaît comme un texte équilibre qui marque la prééminence de l'égalité successorale et la défense du mariage. Les intérêts de chacun s'y trouvaient finalement ménagés : l'enfant adultérin était admis au nombre des héritiers, sans que sa présence ne préjudicie trop gravement aux droits du conjoint et des enfants légitimes. L'adultérin était enfin considéré comme un membre de la maison familiale, mais un membre qui devait rester sur le pas de la porte, qui ne pouvait en franchir librement le seuil. Au fil des années, l'équilibre voulu par le législateur de 1972 s'est rompu parce que la protection de la famille légitime a progressivement perdu de sa pertinence. D'abord, on a constaté que le mariage n'est plus à ce jour l'union sacralisée qu'elle était encore naguère229(*). Sous l'empire de cette loi, l'inégalité est critiquée comme inefficace et injuste230(*). L'inefficace parce que l'infériorité de statut de l'enfant naturel ne peut pas éviter le développement la procuration hors mariage. Ensuite l'adultère, qui reste certes un délit civil231(*), a cessé d'être marqué du sceau de l'infamie. Enfin, l'innocence de l'enfant adultérin, circonstance à laquelle on est à l'heure actuelle particulièrement sensible, rendait difficilement compréhensible la restriction successorale qui lui était infligée. On a considéré comme injuste parce que l'enfant naturel plutôt l'enfant adultérin était sanctionné en raison d'une faute de ses auteurs. Cela entraîne la contradiction au principe fondamental de la personnalité des peines. On peut se demander s'il n'y a pas dans le droit français un principe général de la personnalité des peines et si ce n'est pas seulement l'époux adultère qui mérite d'être sanctionné232(*).

La loi 1972 a bouleversé sur le fond le droit de la filiation, en inspirant du droit comparé et de l'histoire du droit. Cette réforme a suivi de plusieurs réformes juridiques dans des Etats voisins notamment l'Angleterre233(*), l'Allemagne234(*). Elle a suivi aussi de la Déclaration Universelle des droits de l'Homme, qui prohibe toute discrimination fondée sur la naissance, ainsi que de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales235(*).

Ces enfants avaient auparavant de la loi du 3 décembre 2001 des droits réduits de moitié au profit des enfants et du conjoint du mariage bafoué. Ils ne pouvaient pas recevoir des libéralités au-delà de leur part successorale, et n'étaient pas autorisées à s'opposer aux demandes d'attribution préférentielle du conjoint et des enfants légitimes, ni à demander la conversion en rente viagère de l'usufruit de conjoint236(*).

Depuis les années quatre-vingt, une réforme de la vocation successorale de l'enfant adultérin paraissait inéluctable, en raison de l'inconditionnalité237(*), à l'égard de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Après la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'homme dans l'arrêt du 1er février 2001, l'intervention du législateur s'est imposée à tous comme une évidence. Les parlementaires ont saisi l'occasion de la proposition de loi Vidalies, relative aux droits du conjoint survivant, pour abroger les dispositions limitant les droits successoraux de l'enfant adultérin.

« L'arrêt rendu par la Cour d'appel de Pau le 28 novembre 2000 se situe très exactement dans le sillage de l'arrêt Mazurek du 1er février 2000238(*), par lequel la Cour européenne des droits de l'homme avait condamné la France, en considérant que les dispositions de l'article 760 du Code civil qui privent l'enfant adultérin d'une part de la succession lorsqu'il vient en concours avec un enfant légitime né du mariage au cours duquel il a lui-même été conçu étaient contraire aux principes de la Convention européenne des droits de l'homme, ainsi que le jugement rendu par le Tribunal de Grande instance de Montpellier, le 2 mai 2000239(*), qui avait estimé que ce texte devait être écarté dans les règlements successoraux en raison de sa contrariété aux principes de la Convention »240(*).

Cet arrêt montre que la jurisprudence française n'hésite pas à s'aligner sur les positions prises en la matière par la Cour de Strasbourg. Et nous pensons qu'il y a de fortes chances pour que la Cour de cassation, si elle était saisie du problème, adopte à son tour la même solution.

« Les anciens articles 760, 908 et 915 du code civil241(*) organisent une limitation des droits de l'enfant adultérin par rapport à ceux de son demi-frère, enfant légitime dans la succession de leur auteur commun. Cette différence de traitement, quoique poursuivant un but légitime, manque de justification objective et raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé contraire aux dispositions combinées de l'article 1er du Protocole n° 1242(*) et de l'article 14243(*) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ne peut donc recevoir application244(*) ».

Elle n'est pas le seul fruit de l'arrêt Mazurek de la Cour européenne de Droit de l'homme (CEDH). En effet, la CEDH ne censurait pas les motifs de l'arrêt rendu le 25 juin 1996 de la Cour de cassation. La Cour de Strasbourg n'avait pas reproché à la Cour de cassation d'avoir nié les règles légales de la dévolution fondée sur le respect de la vie privée. Elle avait appuyé sur autre fondement, à savoir l'égalité quant aux biens. Il faut bien noter que devant le juge français, on contestait la qualité d'héritier définie par le Code civil ; alors que devant le juge européen, on fait appel à l'égalité du partage en passant du droit des personnes au droit des biens. Cela signifie que l'on ne raisonne plus en fonction de la qualité d'héritier mais en fonction de la consistance de la succession pour se demander qui a droit successoral. On raisonne désormais de la même façon à propos du conjoint survivant car ce sont ses besoins qui déterminent ses droits.

La loi du 3 décembre 2001 comporte trois articles intéressant le sort des enfants adultérins : article 16, l'article 17 et l'article 25. Les deux premiers concernent le droit substantiel. La suppression de l'infériorité successorale s'est faite dans une relative discrétion, comme pour bien montrer que l'égalité va aujourd'hui de soi. On chercherait vainement dans la loi nouvelle une proclamation solennelle sur les droits successoraux des enfants naturels, comparable à l'ancien article 757 du code civil245(*). L'abrogation des articles 759 à 764 résulte simplement de la nouvelle rédaction donnée à ces articles par la loi de 2001. L'abrogation des autres dispositions restrictives est mentionnée, sans autre précision, par l'article246(*).

Il est vrai que le nombre des ordres d'héritiers prévu dans l'article 734 du nouveau code civil reste aujourd'hui le même mais leur composition d'est pas tout à fait identique puisque les héritiers du premier ordre, enfants légitimes et adultérins sont mis sur un pied d'égalité. Il en va de même pour les collatéraux privilégiés de lis différents.

En droit de la famille, le principe d'égalité tend maintenant à régner sans partage247(*). Et probablement s'étonnera-t-on demain, de même que l'on s'étonne aujourd'hui qu'il ait fallu attendre la loi du 23 décembre 1985 pour que soit consacrée l'égalité des époux dans le cadre des régimes communautaires, que l'identité de traitement des enfants naturels et des enfants légitimes n'ait pas été retenue plus tôt par le législateur248(*).

On observe qu'il s'agit bien ici d'égalité et non d'égalitarisme. A la différence de la loi du 17 nivôse an II249(*), la loi du 3 décembre 2001 ne confère pas à l'égalité successorale un caractère d'ordre public. Sous l'empire de la législation nouvelle, la quotité disponible peut toujours être utilisée par le de cujus afin d'avantager, par le biais de libéralités préciputaires, tel ou tel de ses enfants250(*).

Il faut rappeler qu'il existe une nouvelle ordonnance rendue le 4 juillet 2005251(*) qui tente à faire disparaître désormais les qualificatifs « légitime » et « naturel », expressions contraires aux voeux du législateur de consacrer une égalité parfaite entre les enfants, quelle que soit leur filiation252(*). Selon cette ordonnance, tous les enfants procrées par un couple devaient avoir le même statut.

En ce qui concerne la difficulté d'identification des enfants naturels, la preuve de la qualité d'héritier de l'enfant naturel a été facilitée par la loi du 3 décembre 2001 qui consacre la pratique notariale de l'acte de notoriété253(*).

Il résulte du nouvel article 730-1 du code civil que cette preuve peut résulter d'un acte de notoriété dressé par un notaire ou par le greffier en chef du tribunal d'instance du lieu d'ouverture de la succession. L'acte de notoriété doit viser l'acte de décès de la personne dont la succession est ouverte et mentionner les pièces justificatives produites. L'acte de notoriété contient l'affirmation que les personnes désignées dans l'acte ont vocation à recueillir tout ou partie de la succession du défunt. Cet acte fait foi jusqu'à preuve contraire. Ainsi, celui qui est désigné dans l'acte de notoriété est présumé avoir des droits héréditaires dans la proportion indiquée dans l'acte254(*).

Face à ce problème, le droit cambodgien n'a pas encore la solution satisfaisable.

* 228 B. BEIGNIER, La réforme du droit des successions, éditions du Juris-Classeur, 2002, p. 8.

* 229 M. NICOD, La vocation successorale de l'enfant adultérin, L.P.A., 30 septembre 2002, n° 195, p. 29.

* 230 F. TERRE et D. FENOUILLET, « Droit civil : les personnes ; la famille ; les incapacités », Droit privé, précise Dalloz, 6ème éd. 1996.

* 231 L'art. 212 C. civ.

* 232 M. NICOD, La vocation successorale de l'enfant adultérin, L.P.A., 30 septembre 2002, n° 195, p. 29.

* 233 Family law reform act in 1969.

* 234 Loi allemande du 19 août 1969.

* 235 Obs. NERSON et RUBELLIN-DEVICHI, « la condamnation de la Belgique par l'arrêt Marckx », R.T.D. civ. 1979, p. 798.

* 236 C. LONGEQUEUE, La nouvelle définition des ordres d'héritiers, Gaz. Pal., recueil jeudi 3 octobre 2002, n° 1393.

* 237 A. TISSERAND, L'enfant adultérin : chronique d'une mort annoncée, J.C.P. éd. N. 1993. 53.

* 238 C.E.D.H., 1er février 2000, affaire Mazurek c/ France, Defrénois, S.R. n° 3 du 22 février 2000, p. 5 ; Defrénois, article 37179, n° 29, p. 654, obs. J. MASSIP ; Dr. Famille 2000, n° 2, p. 20, obs. B. de Lamy ; J.C.P. éd. N. 2000, n° 10, p. 431 ; J.C.P. 2000. II. 10826, note A. GOUTTENOIRE-CORNUT et F. Sudre ; Bull. Cridon Paris, nos 7-8, 1-15 avril 2000. II. 139, obs. G. KHAIRALLAH; D. 2000. 157 et 322, note J. THIERRY; Petites Affiches n° 93 du 10 mais 2000, p. 11, note S. HOCQUET-BERG ; Droit et Patrimoine, n° 82, mai 2000, p. 56, note P. STOFFEL-MUNCK.

* 239 T.G.I. Montpellier, 2 mai 2000, Defrénois 2000, article 37275, p. 1435, note J. MASSIP.

* 240 J. MASSIP, Réaffirmation par les juges français du principe d'égalité successorale entre enfants légitimes et adultérins, L.P.A., 27 septembre 2001, n° 193, p. 21.

* 241 Les textes à présent abrogés avec des modalités techniques variables, on appliquait à l'enfant adultérin la règle de la demi-part lorsqu'il venait à la succession de son auteur en concours avec la famille légitime.

* 242 L'art. 1 du Protocole n° 1 ajouté à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ».

* 243 L'art. 14 de la CEDH stipule que : « La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou raciale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou tout autre situation ».

* 244 L'arrêt de la Cour d'appel de Pau, le 28 novembre 2000, L.P.A., 27 septembre 2001, n° 193, p. 21, note M. J. MASSIP.

* 245 Seul le nouvel article 733 du code civil indique : « La loi ne distingue pas entre la filiation légitime et la filiation naturelle pour déterminer les parents appelés à succéder ».

* 246 M. NICOD, La vocation successorale de l'enfant adultérin, L.P.A., 30 septembre 2002, n° 195, p. 29.

* 247 Seule la question du sort réservé aux enfants incestueux reste encore en suspens.

* 248 M. NICOD, La vocation successorale de l'enfant adultérin, précité.

* 249 Article 16 de la loi de nivôse qui ne permettait de disposer qu'au « profit d'autres, que des personne appelées par la loi au partage des successions ».

* 250 M. NICOD, La vocation successorale de l'enfant adultérin, précité.

* 251 JO du 6 juillet 2005, p. 11159, Gaz. Pal. Du 14 juillet 2005, p. 17 et s.

* 252 I. CORPART, La filiation sur ordonnance ou l'abolition des inégalités, Gaz. Pal. Du 24 et 25 août 2005, p. 2.

* 253 B. BEINGIER, La loi du 3 décembre 2001 : la qualité d'héritier et sa preuve ! Dr. Famille, mai 2002, chron. P. 4.

* 254 L'art. 730-3 C. civ.

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