La preuve par présomption joue un rôle capital
en droit fiscal. Elle est la preuve de droit commun de
l'administration4 et l'arme principale des procès
fiscaux5.
La présomption constitue en soi un facteur de
prédominance de l'administration. Par définition, la
présomption repose sur des indices, sur des suppositions6. La
principale caractéristique de la méthode présomptive est
l'approximation. « La présomption n'aboutit jamais qu'à une
certitude essentiellement conjecturale, aléatoire : c'est un acte
volontaire de l'esprit, tenant pour certain ce qui est douteux, pour
avéré ce qui est tout au plus vraisemblable
»7.
Quoique nécessaire, cette faculté reconnue
à l'administration mérite que toutes garanties soient
accordées au contribuable, car toute amélioration ou
simplification des conditions de recevabilité et de recours à
certaines présomptions entraîne ipso facto une dégradation
de la présomption d'exactitude attachée à la
déclaration8. Or, en droit fiscal tunisien, la
diversité des présomptions (paragraphe I) et
leur admission généralisée comme moyen de preuve
a(paragraphe II), mettent en péril les garanties des
contribuables. La présomption d'exactitude de la déclaration
risque d'être largement battue en brèche.
1 L'article 533 du C.O.C. dispose que: Lorsque la loi s'exprime
en termes généraux il faut l'entendre dans le même sens.
2 J. MOLINIER, << Le premier volet de la réforme
des procédures fiscales et douanières.>>, R.F.F.P.,
n°1 8, p.147.
3 En Tunisie, l'autorisation écrite est donnée
par le procureur de la république qui est sous l'autorité du
ministre alors qu'en France, l'autorisation est donnée par le
président du Tribunal de Grade Instance qui est un magistrat
indépendant.
4 Jean WILMART, << Réflexions sur la
décomposition et le déplacement de la preuve en droit fiscal
>>, mélanges en hommage à Léon Graulich,
Liège 1957, p. 171.
5 Voir F.-P. DERUEL, « La preuve en matière fiscale
», thèse précitée, p. 132 et s.
6 Le T.A. définit la présomption, voir
T.A. 28 janvier 2002, req. n°32723 et 32734
(inédit), en annexe
n°2 de ce mémoire.
Paragraphe I : La diversité des
présomptions
L'article 6 du C.D.P.F. dispose que l'administration fiscale
« peut établir l'impôt et rectifier les déclarations
sur la base de présomptions de droit ou de présomptions de
fait... >>1. Ainsi, l'administration peut fixer une base
d'imposition vraisemblable en partant des présomptions de droit
(A) ou de fait (B) qu'elle a recueillies. Ces
présomptions octroyées à l'administration fiscale lui
facilitent sa tâche probatoire. Au lieu de prouver le revenu,
l'administration le présume.
A- Les présomptions de droit
Le C.D.P.F. utilise, à plusieurs reprises,
l'expression « présomptions de droit >>, sans pour autant
donner des exemples2. Néanmoins, le recours aux débats
parlementaires relatifs au projet du C.D.P.F.3 et à la
législation antérieure à ce code4, permet de
constater que les textes visent essentiellement deux présomptions
d'origine légale. Il s'agit respectivement de la présomption de
l'article 42 du C.I.R. : « évaluation basée sur les
éléments du train de vie >>5(1), et de la
présomption de l'article 43 du C.I.R.: « évaluation selon
l'accroissement du patrimoine et les dépenses ostensibles et notoires
>> (2)6.
1) La présomption de l'article 42 du CIR :
l'évaluation basée sur les éléments de train de
vie
L'article 42 du C.I.R. dispose que : « Sauf
justification contraire et en cas de disproportion marquée entre le
train de vie d'un contribuable et les revenus qu'il déclare, le revenu
global imposable ne peut être inférieur à une somme
forfaitaire déterminée en appliquant à certains
éléments de train de vie des contribuables le barème
figurant à l'annexe I du présent code... >>.
L'article 42 consacre ainsi l'évaluation basée
sur les éléments de train de vie, appelée aussi
évaluation indiciaire ou encore d'après les signes
extérieurs7, ou encore d'après les signes
d'aisance.
1 Voir aussi l'article 38 du C.D.P.F.
Voir les articles 58 du code de la patente et 66 du C.I.R.
2 Voir les articles 6, 38, 48 du C.D.P.F.
3 Voir les débats de la chambre des
députés concernant le projet de loi relatif à la
promulgation du C.D.P.F., n°39, séance du mercredi 26 juillet 2000,
p. 1900. Voir aussi les réponses du ministre des finances aux questions
des députés concernant le projet du code des droits et
procédures fiscaux, p. 28.
4 Voir :
- L'article 58 du code de la patente qui fait renvoi au
décret du 31 mars 1932, art.9, et au décret du 25 mai 1950,
art.20.
- L'article 66 §2 du C.I.R. dispose que : << Cette
taxation d'office est établie au moyen de toutes présomptions de
fait ou de droit et notamment en application des articles 42 et 43 du
présent code relatifs à l'évaluation forfaitaire minimum
basée sur les éléments de train de vie des contribuables
ou sur les dépenses personnelles ostensibles ou sur l'accroissement de
leurs biens >>.
5 A voir Jacques Monnet, << Signes Extérieurs de
richesse >>, Film français réalisé par Jacques
MONNET avec Claude BRASSEUR et Jean-Pierre MARIELLE, France 1983.
Comédie. Durée : 1h 32mn: Date de sortie 09 novembre 1983.
Laure AGRON, << Histoire du vocabulaire fiscal >>,
éd. L.G.D.J., Paris 2000, p. 334.
6 Le risque de confusion entre ces deux présomptions est
présent, voir à titre d'illustration T.A., 28 janvier 2002, req.
n°32687. ( voir annexe n° 2 de ce mémoire).
Sur la possibilité de confusion entre ces deux
mécanismes, on consultera avec profit Paul AMSELEK, << La taxation
d'office à l'impôt sur le revenu ou sur un Janus du droit fiscal
>>, Dalloz Sirey 1980, p.35. 7 Voir Gilbert TIXIER, << L'imposition
d'après les signes extérieurs >>, S. 1959, chronique,
p.25.
- J.-P. CASIMIR, << Les signes extérieurs de
revenus, le contrôle et la reconstitution du revenu global par
l'administration fiscale >>, op. Cit.
- J.-P. CASIMIR, << Signes extérieurs de revenus et
garanties accordées aux contribuables dans le cadre des taxations
d'office >>, article précité, p.43.
- Olivier FOUQUET, << Le conseil d'Etat est-il trop
indulgent à l'égard de l'administration fiscale : l'exemple de
l'imposition d'après les éléments du train de vie
>>, Gaz. Pal. 1983, 1er sem., p.208.
L'évaluation du revenu d'après les signes
extérieurs fait échec à la présomption de
sincérité attachée à la déclaration fiscale
du contribuable, tout en évitant à l'administration d'avoir
à prouver l'existence de revenus réels justifiant un rehaussement
de l'imposition1. La loi donne alors la priorité aux
présomptions de revenus et ceci au détriment de la
présomption d'exactitude attachée à la
déclaration2.
La méthode indiciaire, moyen de preuve au service du
fisc, ne cherche pas à déterminer directement la matière
imposable. Elle l'induit en se fondant sur un certain nombre de signes
apparents ou indices aisément identifiables et extérieurs. Cette
méthode, qui repose sur une fiction, s'applique de la manière
suivante : l'administration constate des signes extérieurs
limitativement énumérés par le
législateur3 et leur applique les coefficients et tarifs
légaux, pour déterminer les revenus des
contribuables4.
La méthode indiciaire, bien que commode comme
procédé d'assiette, peut être à l'origine d'un
certain arbitraire dans le choix des indices et dans la valeur
représentative qui leur est attribuée. Elle peut être une
méthode approchée, approximative, arbitraire et donc
injuste5. C'est pourquoi elle tend à disparaître dans
les pays développés6.
2) La présomption de l'article 43 du CIR :
l'évaluation selon les dépenses personnelles ostensibles et
notoires et selon l'accroissement du patrimoine
L'article 43 du C.I.R. dispose que : «
L'évaluation forfaitaire selon les dépenses personnelles,
ostensibles et notoires ou selon l'accroissement du patrimoine est applicable
à tout contribuable.
Cette procédure est utilisée lorsque le montant
de cette évaluation, augmenté des frais de subsistance et compte
tenu du train de vie de l'intéressé dépasse son revenu
déclaré lequel est déterminé selon le même
procédé retenu en matière d'imposition forfaitaire en
fonction des éléments de train de vie ».
La présomption de l'article 437 repose sur
un mécanisme original, et extrêmement pénalisant pour le
contribuable. En effet, la taxation ne dépend plus du revenu mais du
montant des dépenses effectuées par le contribuable.
L'impôt sur le revenu dégénère en un impôt sur
la dépense.
« L'impôt sur le revenu tend ainsi à
devenir, dans notre droit fiscal, une espèce de pavillon de complaisance
qui permet d'atteindre un peu n'importe quelle matière imposable, et
notamment de frapper le capital sans le dire, sous couvert de taxer le revenu
»8.
- Abdelmajid ABOUDA , << code des droits et
procédures fiscaux >>, Tunis 2001, p. 155.
1 Voir Slim KAMOUN, << La taxation d'office », in
Colloque, << Le code des droits et des procédures fiscaux »,
colloque organisé par l'A.T.D.F., la faculté de droit de Sfax et
le conseil régional de l'ordre des avocats de Sfax, le 18 et 19 avril
2001 à Syphax, Sfax. Voir R.J.L. 2002, n°2 (spécial fiscal),
p.9-50.
2 Jean-Pierre CASIMIR, << Signes extérieurs de
revenus et garanties accordées aux contribuables dans le cadre des
taxations d'office >>, article précité, p.47.
3 Ces éléments de train de vie sont
déterminés par l'annexe I du C.I.R, tels que : l'emplacement, la
superficie de l'immeuble, le nombre de voitures, des bateaux de plaisance
4 Néji BACCOUCHE, << Droit fiscal >>, tome I,
ENA 1993, Tunis, p. 148.
5 - Paul-Marie GAUDEMET, << L'aménagement de la
taxation d'office face aux exigences de l'égalité devant la loi
et de la procédure budgétaire >>, A.J.D.A., mai 1974, p.
236.
- Olivier FOUQUET, << Le Conseil d'Etat est-il trop
indulgent à l'égard de l'administration fiscale : l'exemple de
l'imposition d'après les éléments du train de vie
>>, Gaz. Pal. 1983, 1er sem., p.208.
6 Néji BACCOUCHE, << droit fiscal >>, tome I,
ENA 1993, Tunis, p. 148 et 149.
7 Voir Arrêt du T.A. du 28 janvier 2002, Req. n°
32687, (Inédit) voir en annexe n° 2 de ce mémoire.
8 P. AMSELEK, rapport général introductif, in
<< La taxation d'office à l'impôt sur le revenu >>,
(actes des journées d'études organisées par la
société française de droit fiscal à Strasbourg 3 et
4 mai 1979), Annales de la faculté de Droit et des Sciences Politiques
et de l'institut de recherches juridiques, politiques et sociales de
Strasbourg, Tome XXXI, L.G.D.J. 1980, p.39.
La présomption instituée par l'article 43 est
critiquable. D'une part, elle laisse à l'administration fiscale une
redoutable liberté de manoeuvre1. D'autre part, « aucune
comparaison précise ne peut être effectuée entre un revenu
présumé et un revenu déclaré. Une dépense ou
une variation de patrimoine peuvent faire présumer un revenu, elles
n'apportent jamais la preuve exacte d'un revenu >>2.
D'ailleurs, en France, cette procédure, prévue
par l'article L. 71 du L.P.F. (ancien article 180 du C.G.I), a
été abrogée par l'article 81 de la loi de finances pour
1987. L'abrogation de cette procédure contraignante et dangereuse a pu
être félicitée par la doctrine3.
B- Les présomptions de fait
L'article 6 du C.D.P.F. dispose que l'administration fiscale
« peut établir l'impôt et rectifier les déclarations
sur la base de présomptions de droit ou de présomptions de fait
formées notamment de comparaisons avec des données relatives
à des exploitations, des sources de revenu ou des opérations
similaires >>4.
Ainsi, parmi les présomptions de fait,
l'administration peut recourir à la preuve par comparaison5.
Cette présomption de fait permet à l'administration
d'établir un fait inconnu, le montant des revenus d'un contribuable,
à partir d'un fait connu, les revenus de contribuables similaires. La
loi présume que le contribuable a réalisé des profits d'un
montant approximativement égal à ceux qui sont
réalisés par d'autres contribuables similaires.
Il est regrettable que le législateur tunisien n'ait
pas fixé les conditions de la taxation par comparaison. Celle-ci n'est
pas précise et elle n'est pas entourée de garanties au profit du
contribuable. La loi s'est contentée d'une seule condition
générale et vague, « opérations similaires
>>.
En droit belge la preuve par comparaison est minutieusement
réglementée par le législateur6. L'article 342
§1er du code des impôts sur les revenus de 1992 fixe des
conditions pour pouvoir recourir à un tel mode de preuve. Cet article
dispose que « à défaut d'éléments probants
fournis soit par les intéressés, soit par l'administration, les
bénéfices ou profits visés à l'article 23 sont
déterminés pour chaque contribuable eu égard aux
bénéfices ou profits normaux d'au moins trois contribuables
similaires et en tenant compte, selon le cas, du capital investi, du chiffre
d'affaires, du nombre d'ouvriers, de la force motrice utilisée, de la
valeur locative des terres exploitées ainsi que de tous autres
renseignements utiles >>. Il découle de cet article que le recours
au moyen de preuve par comparaison est soumis à une condition
préalable et à d'autres conditions.
1 On consultera avec profit Paul AMSELEK, << La taxation
d'office à l'impôt sur le revenu ou sur un Janus du droit fiscal
>>, Dalloz Sirey 1980, p.34.
2 Jean-Pierre CASIMIR, << Signes extérieurs de
revenus et garanties accordées aux contribuables dans le cadre des
taxations d'office >>, article précité, p.47.
3 Bâtonnier A. VIALA, << Le nouveau régime de
la preuve dans les rapports entre le contribuable et l'administration fiscale,
Lois des 30 décembre 1986 et 9 juillet 1987 >>, Gaz. Pal. 1987,
2ème sem., p.806.
- J.-P. CHEVALIER, << L'aménagement des
procédures d'office >>, in colloque << L'amélioration
des rapports entre l'administration fiscale et les contribuables >>,
actes du colloque de la société française de droit fiscal,
Orléans 1988, PUF 1989, p.140.
4 Voir aussi l'article 58 du code de la patente, décret
31 mars 1932 : art.9 ; décret de finances 25 mai 1950 : art.20.
5 L'emploi de l'adverbe << notamment >> signifie que
l'énumération est à titre indicatif et non pas
limitatif.
6 On consultera avec profit :
- Thierry AFSCHRIFT, << Traité de la preuve en
droit fiscal >>, Bruxelles, Larcier 1998, p.286 et s.
- Jacques MALHERBE et Jean THILMANY, <<
L'amélioration des rapports entre l'administration fiscale et les
contribuables en Belgique >>, in actes du colloque, <<
L'amélioration des rapports entre l'administration fiscale et les
contribuables >>, actes du colloque de la société
française de droit fiscal, Orléans 1988, PUF 1989, p. 285 et
s.
D'abord, l'administration fiscale belge ne peut recourir
à la preuve par comparaison que moyennant une condition
préalable, < le défaut d'éléments
probants>>.Ainsi, l'administration ne peut recourir à cette
présomption de fait que si elle prouve le caractère non probant
de la comptabilité1.
D'ailleurs, la jurisprudence belge considère que <
lorsque la comptabilité est régulière, l'administration ne
peut par présomptions, se fonder sur un gain théorique
fondé sur les résultats de contribuables similaires pour
déterminer les revenus imposables >>2 . De même,
la cour d'appel de Bruxelles a admis que < si la comptabilité est
régulière, la seule existence d'un pourcentage de pertes
supérieures à celui relevé chez des concurrents ne permet
pas à l'administration de présumer l'inexactitude de cette perte
>>3.Ainsi, l'existence d'une comptabilité
régulière permet d'écarter définitivement toute
taxation par comparaison4.
Ensuite, outre cette condition préalable, le
législateur belge exige que la comparaison se fasse avec trois
contribuables similaires5 au moins. Le droit
tunisien, se contente toutefois d'exiger le caractère similaire sans
préciser un nombre déterminé.
Enfin, le législateur belge limite le pouvoir de
l'administration dans le recours à la comparaison par la
nécessité de la prise en compte de certains critères de
comparaison : il s'agit < , selon le cas, du capital investi, du chiffre
d'affaires, du nombre d'ouvriers, de la force motrice utilisée, de la
valeur locative des terres exploitées ainsi que de tous autres
renseignements utiles >>. Cette exigence permet de rationaliser le
recours à la preuve par comparaison.
Le texte tunisien ne fixe pas, toutefois, des critères
de comparaison6, ce qui donne à l'administration un large
pouvoir d'appréciation et peut conduire à
l'arbitraire7. D'ailleurs, comme le dit le proverbe : <
comparaison n'est pas raison >>. Ainsi, par exemple, < un avocat
spécialisé avec 20 ans de Barreau n'a pas le même niveau
d'honoraires qu'un avocat qui vient de terminer son stage
>>8.
Le risque d'arbitraire est d'autant plus possible avec le secret
fiscal incombant au fisc. Il est à craindre que le fisc se retranche
derrière
1 Th. AFSCHRIFT, << Traité de la preuve en droit
fiscal >>, larcier 1998, p.290.
2 Liège, 2 mars 1972, in Th. AFSCHRIFT, <<
Traité de la preuve en droit fiscal >>, larcier 1998, p.288.
3 Bruxelles, 16 mars 1966, in Th. AFSCHRIFT, <<
Traité de la preuve en droit fiscal >>, larcier 1998, p.288.
4 Th. AFSCHRIFT, ibid., p.288.
5 C'est-à-dire contribuables dont la situation
professionnelle est similaire au contribuable concerné.
6 Selon le professeur H. AYADI, il est souhaitable de
procéder au niveau des groupes professionnels à des
enquêtes à partir d'échantillons suffisamment
représentatifs en vue d'établir un revenu moyen ou des
coefficients qui seront utilisés comme critères de
référence lors des opérations de redressement. H.AYADI,
<< Droit fiscal >>, éd. C.E.R.P, Tunis 1989, Série
Droit Public n°6, p. 136.
7 -Le T.A., dans son arrêt du 31
décembre 1990, req. n°9 16, a considéré que la
modification des bases d'imposition en se basant sur des affaires similaires
constitue une insuffisance de motivation. Voir revue Servir, revue tunisienne
de l'administration publique, 2ème sem., 1992, p.70,
commentaire Ahmed BEN MANSOUR et Mohamed KOLSI .
916 1990 31 j
" .
"
-T.A., 1 décembre 1997, req. n°3 1673,
(inédit), voir en annexe n°2 de ce mémoire.
"
.
? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? "
-T.A. , 26 mai 1983, req. N° 183 :
le secret professionnel fiscal1 pour refuser de
communiquer au contribuable certains éléments de
comparaison2. Ainsi, le contribuable se trouve dans
l'incapacité de vérifier les références
indiquées3. Il a le sentiment de se heurter à un mur
de silence dissimulant une conspiration arbitraire4. Le fisc
parvient ainsi à tirer profit de l'obligation de secret qui lui est
imposée. Comme l'a très justement affirmé Jean BOULOUIS,
« c'est un assez bel artifice de réussir à transformer ainsi
une obligation en avantage »5.
On peut estimer que si l'administration, liée par le
secret professionnel ne doit pas révéler l'identité des
contribuables similaires, il faut qu'elle justifie néanmoins les
éléments de similitude et des circonstances
d'analogie6. Il ne s'agit pas là d'une violation du secret
professionnel fiscal, mais d'un respect du principe des droits de la
défense auquel chaque contribuable a droit.
Il est regrettable que le législateur tunisien n'ait
pas fixé les conditions de la preuve par comparaison. Or, la fixation
des conditions constitue une garantie pour le contribuable.
En droit fiscal tunisien, l'administration fiscale
bénéficie d'un large pouvoir d'appréciation dans l'usage
des présomptions. Le texte autorisant le recours aux présomptions
n'a pas fixé des éléments d'appréciation
clairs7.
1 En droit fiscal tunisien, l'obligation du respect du secret
professionnel fiscal est consacrée par l'article 15 du C.D.P.F. qui
dispose que : << Toute personne appelée en raison de ses fonctions
ou attributions à intervenir dans l'établissement, le
recouvrement, le contrôle ou le contentieux de l'impôt est tenue
à l'obligation du respect du secret professionnel (...)
Les agents de l'administration fiscale ne peuvent
délivrer des renseignements ou copies des dossiers qu'ils
détiennent qu'au contribuable lui-même et en ce qui concerne sa
situation fiscale ou aux personnes auxquelles le paiement de l'impôt
pourrait être réclamé à la place du contribuable.
Les services chargés du recouvrement de l'impôt
et les services de l'administration fiscale ne peuvent délivrer des
copies d'actes enregistrés ou des extraits du registre de la
formalité de l'enregistrement, qu'aux parties contractantes ou à
leurs ayants cause. Dans les autres cas, ces copies et extraits ne sont
délivrés que sur ordonnance du juge compétent >>.
- Il ne faut pas confondre entre le secret professionnel
fiscal incombant au fisc ( Art. 15 C.D.P.F.) et le secret professionnel
inopposable au fisc ( Art. 16 alinéa 4 C.D.P.F.). Mais en tout cas, le
fisc tire profit des deux secrets.
2 P-M. GAUDEMET, << Réflexions sur les rapports
du juge et du fisc >>, Mélanges Marcel WALINE, Tome I, juillet
1974, p.133.
3 En droit belge, la loi oblige l'administration fiscale de
fournir au contribuable les éléments lui permettant de
vérifier si la preuve par comparaison se justifie. Ainsi, l'article 346,
alinéa 2, du code des impôts sur les revenus 1992 dispose que :
<< Lorsque l'administration fait usage du moyen de preuve prévu
à l'article 342, § 1 er, elle communique de
la même manière le montant des bénéfices ou profits
de trois contribuables similaires ainsi que les éléments
nécessaires pour établir proportionnellement le montant des
bénéfices ou profits de contribuables concernés >>.
Cette disposition a été introduite par une loi du 4 août
1986 en vue d'améliorer la situation juridique du contribuable >>,
Marc DASSESSE, << Droit fiscal, principes généraux et
impôts sur les revenus >>, Bruxelles, Bruylant 1990, p. 114.
4 J. BOULOUIS, << Procès du juge fiscal >>,
RSF, 1957, n°4, p. 642, 643. L'auteur parle du << voile du secret
professionnel >>.
5 J. BOULOUIS, << Procès du juge fiscal
>>, RSF, 1957, n°4, p. 650.
6 Pierre COPPENS, << Droit Fiscal, les impôts sur
les revenus >>, Tome II, éd. 1980, faculté de droit,
université catholique de Louvain, p.388.
D'ailleurs, l'article 63 alinéa 2 du C.D.P.F. dispose
que : << L'administration fiscale ne peut joindre au dossier de l'affaire
des documents comportant des renseignements précis sur les
activités des personnes non parties au procès. Toutefois, elle
peut joindre au dossier des renseignements les concernant, sous forme de
moyennes de chiffres d'affaires, de revenus ou de bénéfices sans
révéler leur identité >>.
7 D'ailleurs, c'est de l'aveu de la jurisprudence
elle-même, T.A., 20 avril 1992, req. n°1027 <<
considérant que l'article 58 du code de la patente ne fixe des
critères d'évaluations précis, mais il se contente de
permettre la taxation sur la base de présomptions de droit ou de fait
>>.
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Les agents de l'administration fiscale, profitant du soutien
législatif, ont tendance à recourir d'une manière abusive
aux présomptions1. Or, l'usage de présomptions de
manière libre et arbitraire n'est pas de nature à
sécuriser le contribuable.
Heureusement, le juge intervient pour entourer l'usage de
présomptions de garanties. Une jurisprudence constante sanctionne
l'usage abusif que fait l'administration des
présomptions2.
D'une part, le juge fiscal considère que
l'administration qui se prévaut d'une présomption doit, au
préalable, administrer la preuve des faits qui servent de base à
cette dernière. C'est dans ce sens que s'est prononcé le
T.A.3.
D'autre part, le juge fiscal considère que
l'administration, dan son action de rectification des bases de l'imposition,
doit retenir des présomptions graves, précises et concordantes.
La jurisprudence est abondante en la
matière4. Cette position est louable vu le
caractère arbitraire des présomptions de fait et de droit
retenues par l'administration.
1 H.AYADI, « Droit fiscal », éd. C.E.R.P.,
Tunis 1989, p. 264.
2 - T.A. 28 janvier 2002, req. n°32723 et 32734
(inédit), voir annexe n°2 de ce mémoire.
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