III. Discours de Harold
Macmillan (Londres, 31 juillet 1961)
"Déclaration de M. Macmillan à la Chambre
des Communes sur les relations futures avec la C.E.E. (31 juillet 1961)", dans
Union de l'Europe occidentale Assemblée-Commission des Affaires
générales: L'année politique en Europe
Rétrospective 1961. Mai 1962, p. 45-47.
Les relations futures entre la Communauté Economique
Européenne, le Royaume-Uni, le Commonwealth et le reste de l'Europe,
sont manifestement des problèmes d'importance capitale dans la vie de
notre pays et, en fait, de tous les pays du monde libre.
Le problème qui se pose est à la fois
économique et politique. Bien que le Traité de Rome traite de
questions économiques, il a un important objectif politique qui consiste
à promouvoir l'unité et la stabilité en Europe, facteurs
si essentiels dans la lutte pour la liberté et le progrès
à travers le monde. Dans ce monde moderne, la tendance pour la
création de vastes groupements de nations agissant ensemble dans
l'intérêt commun, conduit à une plus grande unité et
renforce aussi notre position dans la lutte pour la liberté.
Je crois qu'il est à la fois de notre devoir et de
notre intérêt de contribuer à ce renforcement en facilitant
la création de l'unité la plus étroite possible au sein de
l'Europe. D'un autre côté, si une relation plus étroite
entre le Royaume-Uni et les pays de la C.E.E. devait troubler les liens anciens
et historiques qui unissent le Royaume-Uni et les autres nations du
Commonwealth, la perte serait plus grande que le bien. Le Commonwealth est une
grande source de stabilité et de force, à la fois pour l'Europe
occidentale et pour le monde entier, et je suis sûr que sa valeur est
parfaitement comprise par les gouvernements membres de la Communauté
Economique Européenne. Je ne crois pas que la contribution de la
Grande-Bretagne au Commonwealth sera réduite si l'Europe s'unit. Au
contraire, je crois que sa valeur ne sera que mieux mise en relief.
Sur le plan économique, une communauté
comprenant, soit comme membres, soit comme associés, les pays de
l'Europe libre, pourrait donner naissance à une économie aux
rapides expansions et alimentant un marché unique de près de
trois cent millions d'individus. Cette économie en rapide expansion de
son côté pourrait provoquer un accroissement de la demande de
produits provenant d'autres parties du monde et aider aussi l'expansion du
commerce mondial, tout en améliorant les perspectives des régions
les moins développées du globe.
Aucun gouvernement britannique ne pourrait adhérer
à la Communauté Européenne sans négociations
préalables visant à répondre aux besoins des pays du
Commonwealth, de nos partenaires de l'Association Européenne de
Libre-Echange et de l'agriculture britannique sans toutefois s'écarter
des grands principes et buts qui ont inspiré le concept de
l'unité européenne et qui sont compris dans le Traité de
Rome.
Comme la Chambre des Communes le sait, des ministres ont fait
récemment des voyages dans des pays du Commonwealth pour y discuter des
problèmes qui se poseraient si le gouvernement britannique
décidait de négocier son adhésion à la
Communauté Economique Européenne. Nous avons expliqué aux
gouvernements du Commonwealth les grandes considérations politiques et
économiques que nous sommes obligés de prendre en
considération. De leur côté, ils nous ont exposé
leurs vues et, certains, leurs inquiétudes, au sujet de leurs
intérêts essentiels. Nous avons donné l'assurance aux pays
du Commonwealth que nous demeurerions en étroite consultation avec eux
tout au long des négociations qui pourront avoir lieu
Secondement, il y a l'Association Européenne de
Libre-Echange. Nous avons un traité et d'autres obligations envers nos
partenaires de cette association. Deux ministres viennent de rentrer de la
réunion ministérielle de l'A.E.L.E. qui s'est
déroulée à Genève, où tous les participants
ont accepté le principe d'une étroite collaboration tout au long
de possibles négociations.
Enfin, nous sommes déterminés à
protéger le niveau de vie de notre communauté agricole.
Au cours des neuf derniers mois, nous avons eu des discussions
franches et utiles avec les gouvernements de la Communauté Economique
Européenne. Nous avons désormais atteint le stade où il
est impossible de faire de plus amples progrès sans ouvrir des
négociations officielles. Je crois que la grande majorité de la
Chambre des Communes et du pays estimeront qu'ils ne se trouvent pas en mesure
de juger en toute justice s'il est possible pour le Royaume-Uni
d'adhérer à la Communauté Economique Européenne
tant qu'une image plus claire ne leur sera pas présentée des
conditions auxquelles nous pourrions adhérer et de la mesure dans
laquelle ces conditions répondraient à nos besoins
spéciaux.
L'article 237 du Traité de Rome suppose que les
conditions d'admission d'un nouveau membre et les changements rendus ainsi
nécessaires dans le Traité seront l'objet d'un accord. Dès
lors, les négociations doivent avoir lieu afin que soient
établies les conditions dans lesquelles nous pourrions adhérer,
et afin d'ouvrir ces négociations, il est nécessaire, aux termes
du Traité, de faire une demande officielle d'entrée dans la
Communauté, bien que la décision ultime de savoir si nous devons
adhérer ou non doive dépendre de l'issue des négociations.
Par conséquent, après un examen sérieux et
prolongé, le gouvernement de Sa Majesté en est venu à la
conclusion qu'il serait opportun pour la Grande-Bretagne de faire une demande
officielle, au titre de l'article 237 du Traité, pour des
négociations visant à adhérer à la
Communauté si un accord satisfaisant peut être conclu au sujet des
besoins spéciaux du Royaume-Uni, du Commonwealth et de l'Association
Européenne de Libre-Échange.
Si, comme je l'espère sincèrement, notre
proposition d'entrer en négociations avec la Communauté
Européenne est acceptée, nous ne négligerons aucun effort
pour atteindre un accord satisfaisant. Ces négociations revêtiront
inévitablement un caractère détaillé et technique
et couvriront un très grand nombre de questions extrêmement
complexes et délicates. Elles pourraient donc être fort
prolongées et naturellement il n'existe aucune garantie de
succès. Lorsque les négociations seront terminées, le
gouvernement aura le devoir d'exposer à la Chambre des Communes quelle
voie il conviendra de suivre.
Aucun accord ne sera mis en vigueur sans avoir
été approuvé par la Chambre des Communes après des
consultations avec les autres pays du Commonwealth par la procédure sur
laquelle ils s'accorderont.
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