Dynamiques et pertinences du moteur franco-allemand dans la construction de la Politique Européenne de sécurité et de Défense.par Pascal BRU Ecole Spéciale Militaire de Saint-Cyr - Master de Relations Internationales/Diplome de l'Ecole Spéciale Militaire 2004 |
1-3 Pourquoi précisément la France et l'Allemagne ?On l'a vu, ces deux pays ont derrière eux une tradition de coopération qui date de la fin du second conflit mondial. Pour autant, les mesures les plus importantes sans doute pour créer une Europe de la défense sont pour le moins récentes. Il convient toutefois de revenir sur un certain nombre de points afin de montrer les tentatives franco-allemandes de construire une base pour une défense commune. La relation franco-allemande possède un caractère prioritaire en Europe. Elle est cependant difficile à cerner, puisqu'elle évolue et change radicalement. Après la guerre, les deux partenaires parlaient de « réconciliation ». Avec la signature du Traité de l'Élysée en 1963, cette réconciliation est traduite dans des structures bilatérales25(*) franco-allemandes. Depuis cette date, les deux pays sont officiellement engagés dans une véritable entreprise commune de construction de l'Europe sur une base franco-allemande. A travers cette coopération, la nouvelle forme de travail consiste non plus à se réconcilier, mais à oeuvrer dans un même but : la construction de l'Europe. Au bout de trente ou quarante années, cette coopération s'est affaiblie. La question de l'utilité de ce lien privilégié entre les deux États a été maintes fois posée. Les interrogations se sont faites encore plus vives en 1999. Dans le même temps, de nouveaux défis apparaissaient qui remirent au goût du jour la valeur du lien franco-allemand. Ces nouveaux défis sont par exemple l'environnement et la guerre en Irak. Toutefois, bien avant la guerre en Irak, les deux pays avaient déjà conscience des nombreuses divergences qui les écartaient des États-Unis d'Amérique (la peine de mort, le sens de la solidarité sociale, l'environnement, l'ouverture sur le monde en sont quelques exemples). La France et l'Allemagne ont très tôt signifié leur refus d'un engagement militaire en Irak, adoptant sur ce point une position commune. Les deux pays, qui nous venons de le montrer, ont des positions communes en matière de relations internationales, ont également un certain nombre de réponses identiques face aux défis de l'identité européenne après l'élargissement à vingt-cinq. Or, ce point est essentiel si l'on veut montrer que la France et l'Allemagne ont désormais des références communes quand il s'agit de penser l'Europe. L'Allemagne a abandonné le concept fédéral et la France celui d'une Europe nationale. Le concept retenu est davantage celui d'une plus grande libéralisation, d'une plus grande ouverture, favorisant la concurrence, passant par la désétatisation de certaines structures économiques et le maintien d'une forte solidarité sociale. Des convergences très fortes existent. On peut compter parmi elles : · les relations avec la Russie, qui apparaît comme l'un des premiers partenaires de l'Union, · le comportement vis-à-vis de l'Afrique, territoire sur lequel les Allemands ne s'interdisent plus d'intervenir alors qu'ils ne le faisaient jusqu'à présent que sous l'égide d'organisations humanitaires. Depuis un ou deux ans, l'Allemagne envisage l'Europe de façon moins « lyrique »26(*) que durant les années 1960. Elle se rapproche désormais de la France en vue de former un vrai « moteur » franco-allemand davantage basé sur le calcul, la raison et la convergence objective des intérêts des deux pays. La question qui se pose alors est celle de sa participation de fait à l'Union Européenne. En effet, alors même que l'Union s'élargit et va passer à vingt-cinq membres27(*), quelle légitimité pourra avoir un « moteur » de cet ordre là ? Les deux États envisagent l'avenir de l'Europe comme celle d'une « Europe des petits noyaux »28(*). (Dans le même ordre d'idées, la France souhaite que l'ONU accorde un siège permanent au Conseil de Sécurité.) Dans une telle Europe, la rapidité d'action serait très accrue. En cas de crises la bonne méthode consisterait à ce que certains pays agissent dans l'urgence, puis que les autres se prononcent. Afin d'interdire les abus, les règles du Droit International prévalent dans toute action de l'UE. * 25 Par exemple, l'OFAJ, Organisme Franco-Allemand de la Jeunesse, sont également mises en place des consultations fréquentes et régulières entre les Ministres des deux Etats, et l'ouverture régulière de sommets franco-allemands.
* 26 Monsieur Martin, Ambassadeur de la République Française en République Fédérale d'Allemagne. * 27 Au 1er mai 2004. * 28 Ibid |
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