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Dynamiques et pertinences du moteur franco-allemand dans la construction de la Politique Européenne de sécurité et de Défense.


par Pascal BRU
Ecole Spéciale Militaire de Saint-Cyr - Master de Relations Internationales/Diplome de l'Ecole Spéciale Militaire 2004
  

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1-4 La France et l'Allemagne, un véritable « moteur » :

Dans les affaires militaires, c'est le couple franco-britannique qui prévalait, étant donnée la similitude des traditions militaires des deux pays, ayant faits l'expérience de la projection de force et considérant de la même façon l'emploi des forces armées comme un instrument significatif en matière de politique étrangère. « Pour être une puissance politique, il est indispensable que [l'Europe] existe sur le plan de la défense » a d'ailleurs rappelé madame Alliot-Marie, ministre français de la Défense Nationale devant l'Institut des Hautes Études de la Défense Nationale29(*), « Parce qu'elle exprime notre vision et nos ambitions internationales, la défense se doit d'être au coeur de la construction de l'Europe ».

Pour cette raison, il est envisagé de créer un Collège Européen de sécurité et de Défense30(*). L'initiative est française, appuyée par le gouvernement allemand. Une session pilote doit avoir lieu au mois de septembre 2004. Il est intéressant d'étudier quelques modalités de ce CESD. En effet, la formation dispensée par le CESD sera du niveau de l'IHEDN, c'est-à-dire un niveau de réflexion. Il s'agit que les responsables de défense européens puissent se comprendre et agir très étroitement ensemble ; dans ce but, le CESD se propose de leur dispenser « des bases communes de formation »31(*) . Afin que ce projet prenne vie le plus rapidement et le plus efficacement possible, il n'est pas question de chercher à bâtir un collège avec une situation géographique déterminée. Le véritable enjeu est davantage de permettre les rencontres et les échanges entre les militaires, et les responsables de la défense en général. Dans un premier temps, les responsables se réuniront dans les structures déjà existantes afin d'éviter de perdre du temps dans des prospections et dans la construction de bâtiments pour accueillir le CESD.

Cependant, la France et l'Allemagne ont une capacité particulière à bloquer les plus grandes initiatives européennes tout comme elles ont une capacité également particulière à en développer de nouvelles. Ce qui leur donne cette capacité, ce n'est pas le poids qu'elles pèsent lors des votes, mais le fait que, lorsqu'elles s'associent ensemble pour soutenir un sujet, leur vision est également partagée par un plus grand nombre de pays membres de l'UE. Une fois que la France et l'Allemagne se sont mises d'accord, le fondement d'une coalition est posé. Les deux États sont de fait, la plus grande force d'acceptation ou de rejet d'une initiative européenne. Il s'agit en effet du « couple le mieux reconnu et le plus respecté au sein de l'Union »32(*).

Lorsque ce moteur calle, c'est plus une source d'irritation pour les autres États membres qu'un motif de soulagement. En effet, le fait que la coopération franco-allemande représente aux yeux de tous « quelque chose d'étrange et d'inattendu » au vu de leur histoire commune, impose le respect à l'intérieur de l'Union.

La troisième remarque en faveur d'un moteur franco-allemand, c'est que les deux États ont une place unique pour faire avancer l'Union dans le domaine de la Politique Européenne de Sécurité et de Défense. Leur coopération est à ce point devenue une nécessité aux yeux de leurs dirigeants que les sujets de discorde entre les deux pays dans le courant de l'année 2002 ont provoqué une vive émotion dans les gouvernements concernés. Ce qui signifie que, lorsque l'entente n'est pas la plus parfaite, il subsiste un fort sentiment d'échec. Dès lors est palpable une volonté commune aux deux pays de se sortir de la discorde et de retrouver une relation plus stable. Aucun autre «couple » en Europe ne connaît une si vive émotion en cas de désaccord. En réalité, lorsque la France et l'Angleterre par exemple, connaissent une période de moins bonne coopération, aucune mesure spécifique n'est prise pour retrouver au plus vite une harmonie. C'est sans doute la raison pour laquelle il n'existe pas les mêmes structures permanentes entre la France et l'Angleterre qu'entre la France et l'Allemagne. Pour ces deux derniers États, de telles structures semblent essentielles. Elles n'ont pas d'autres buts que de forcer les institutions des deux pays à se rencontrer et à échanger leurs points de vue. Dans les périodes d'entente, elles semblent le plus souvent lourdes, inefficaces et sans intérêt puisqu'il n'y a pas de désaccord. Dans de tels moments, les volontés sont fortes de les abandonner afin de conserver une plus grande souplesse. Toutefois, il serait erroné de croire en leur vacuité. En effet, lorsque les relations sont moins bonnes, les velléités de repli sur soi sont importantes : le simple fait de contraindre les interlocuteurs des deux pays à communiquer et à échanger permet de sauver le fond, à savoir la coopération.

En ce sens il est légitime de dire que ce couple est « étrange et inattendu ». C'est la raison pour laquelle ils sont appelés à jouer un rôle d'exemple. Or c'est bien en ce sens qu'il faut comprendre le terme de « moteur ». Il semble illusoire d'affirmer que la France et l'Allemagne ont pour vocation de diriger l'Europe. Or c'est précisément contre une telle « direction collégiale » que s'élèvent les autres membres. Il n'est pas question pour eux de suivre le couple franco-allemand dans une voie qui leur serait imposée de facto. En revanche, si l'expérience franco-allemande permet d'appréhender ne serait-ce qu'une partie des problèmes que rencontrerait une Politique Européenne de Sécurité et de Défense, alors elle jouerait un rôle de laboratoire et donc de « moteur ».

C'est dans cette optique que ces deux États sont partisans d'une institutionnalisation du concept de « coopération structurée ».

La France, selon Madame Alliot-Marie, ne considère le concept de coopération militaire « structurée », défini à Berlin, comme rien de plus que le projet déjà accepté au sein de l'Union « coopération renforcée » appliquée aux dossiers militaires. « Berlin a compris le besoin de mettre sur pied une coopération structurée permettant aux pays qui le souhaitent d'aller plus loin que les autres dans les questions de défense ». Il s'agit dans ce concept, d'institutionnaliser ce qui se fait par ailleurs déjà d'une certaine façon : il apparaît que beaucoup d'avancées telles que l'adoption de la Convention de Schengen33(*) soient d'abord le fait d'un petit groupe, auquel viennent se joindre d'autres membres par la suite. Ainsi les premiers signataires sont-ils :

· Allemagne,

· Bénélux,

· Espagne,

· France,

· Portugal,

Puis signent dans un second temps :

· Italie à compter du 27 octobre 1997,

· Autriche (1er décembre 1997),

· Grèce (début 1998).

Entrée de 5 nouveaux États membres :

2 lois du 25 mai 1999 autorisent l'approbation :

· de 2 accords de coopération à la Convention et à l'Accord de Schengen relatifs à la suppression des contrôles de personnes aux frontières communes pour l'Islande et la Norvège.

· de 3 accords d'adhésion à l'Accord de Schengen pour le Danemark, la Finlande et la Suède.

La notion de « coopération structurée » permet d'entériner ce type d'initiatives.

* 29 Discours de février 2004, IHEDN, 56 ème session nationale.

* 30 CESD.

* 31 Discours de février 2004, IHEDN, 56 ème session nationale.

* 32 For a Franco-German Initiative in European Defence.

* 33 L'objectif de cette convention est la création d'un " espace Schengen "de libre circulation des personnes sur l'ensemble des territoires des États parties à l'accord, par la suppression des contrôles aux frontières intérieures communes et le renforcement des contrôles aux frontières extérieures. Elle est initialement signée le 14 juin 1985.

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