Dynamiques et pertinences du moteur franco-allemand dans la construction de la Politique Européenne de sécurité et de Défense.par Pascal BRU Ecole Spéciale Militaire de Saint-Cyr - Master de Relations Internationales/Diplome de l'Ecole Spéciale Militaire 2004 |
Première partie : La construction de la PESD.
1-1 Les origines trilatérales de la PESD :La PESD fut avant tout une initiative conjointe franco-britannique. C'est lors du Congrès de Saint-Malo12(*) que fut prise la décision d'instituer la PESD. Ces deux États sont les deux pays d'Europe qui ont les plus grandes visions extérieures dues à leur histoire coloniale ; ils ont également une grande expérience de la projection, ce qui les prédispose à une collaboration dans le domaine d'une défense européenne. De plus, la France a conscience que l'armée britannique est probablement l'armée européenne la plus apte à l'engagement extérieur ; la Grande-Bretagne de son côté, a besoin de la France si elle souhaite avoir une influence en Europe. Ce pays se sent de plus en plus marginalisé dans un monde régi par les États-Unis et dans une Europe qui se ferait sans elle. Toutefois, il serait mal à propos de passer sous silence le travail mené parallèlement à Saint-Malo par la Présidence allemande de l'Union Européenne dont le sommet de clôture à Cologne a institué l'État-Major de l'Union Européenne (EMUE). La PESD serait en fait le fruit de ces deux mouvements. L'Allemagne a pris conscience que l'Europe, grâce à ce concept de PESD, n'est pas seulement un outil d' «intégration »13(*), mais qu'il lui conférait en plus un véritable rôle d'acteur. Avant la PESD, la politique étrangère de l'Allemagne était orientée vers deux solutions, à savoir l'OTAN et l'ONU. Dorénavant s'ouvre une autre possibilité. Désormais, les Allemands ont un autre choix que celui de suivre ou non les États-Unis. Le Président Bush a récemment déclaré que ces sont les États-Unis qui se forgent l'alliance dont ils ont besoin pour gérer une crise14(*). Ce mode d'action va à l'encontre d'un vrai esprit de collaboration entre les États. La crise irakienne a aussi montré que les États-Unis pouvaient mener une guerre sans agression préalable et sans que des preuves de la nécessité de l'intervention armée ne soient apportées. D'autre part, les Allemands ont été choqués par le comportement américain lors du sommet de Kyoto15(*), consistant à refuser toute politique de réduction de la pollution atmosphérique. La prise de conscience de la nécessité d'ouvrir le spectre de ses relations internationales est donc particulièrement récente. Il explique la nouveauté de l'attrait en faveur d'une PESD16(*). La prise de distance avec les Etats-Unis et le refroidissement des relations bilatérales entraînés par le refus catégorique du Chancelier Gerard Schröder de participer à l'intervention militaire contre l'Irak sont un phénomène tout à fait nouveau qui a bouleversé les conceptions les plus anciennement ancrées chez les militaires allemands depuis la création de la Bundeswehr et qui a eu pour conséquence un rééquilibrage du positionnement de l'Allemagne vis-à-vis de l'Alliance atlantique et de la PESD au profit de cette dernière17(*). Tous ces éléments effectifs vont dans le sens d'une relative désaffection de l'Allemagne pour le partenaire nord-américain. Toutefois, il convient de rester très prudent sur les rapports entre l'Allemagne et les USA qui n'en sont pas moins relativement bons. * 12 décembre 1998 * 13 Oberstleutnant Likus, Auswärtiges Amt. * 14 Ibid. * 15 décembre 1997. * 16 M. Martin, Ambassadeur de France en République fédérale d'Allemagne. * 17 Général de brigade Mantel, attaché de défense près l'Ambassade de France en Allemagne, Berlin, le 9 mars 2004. |
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