De la manoeuvre des moeurs et du silence des mots dans le lexique françaispar Julie Mamejean Faculté des Chênes, Cergy-Pontoise - DEA Lettres et Sciences du langage 2006 |
A- Une prétentieuse distinction linguistiqueC'est au 17e siècle, illustré par le courant de la Préciosité que le futur politiquement correct s'exerce le plus assidûment avec le refus de mots pénibles à la bouche, à l'oreille et à la tête. Ce courant qui se crée par réaction aux moeurs grossières qui se sont installées pendant les guerres de religion du 16e siècle et les troubles politiques du début du 17e , est un mouvement touchant plusieurs domaines23(*). Le terme des « Précieuses » est utilisé pour la première fois vers 1650 pour désigner, au début tout du moins, le courant crée par les femmes de l'aristocratie qui, affectant leurs discours d'une certaine norme, formaient les premières vapeurs d'une linguistique emprunte de délicatesse. Ainsi, dans cet univers de Cour, la plupart des mots anodins sont transformés au nom des bienfaits de la pudeur. Une période de création lexicale intense est donc en train de voir le jour dans les salons des demoiselles, et elle prend d'autant plus d'ampleur avec la formation en 1636 de l'Académie française et en 1647 de la notion de « bon usage » par Vaugelas.
La valeur symbolique de la langue est au centre de moult préoccupations. Cette société du 17e siècle dans laquelle la beauté du langage repose sur la volonté de distinction, crée une norme linguistique qui devient marque de l'appartenance sociale. Ainsi que l'analyse P.Merle, la préciosité est la volonté de « donner du prix à sa personne, ses actes, ses sentiments »24(*). Le lexique, normé au bon goût du 17e siècle est propre à cette classe des Précieuses qui se plaît volontairement à parler différemment. Ici, la langue se fait obstacle puisqu'elle n'est pas accessible à tous, selon le souhait des Précieuses qui ne veulent pas être comprises des « bas gens » : « C'est une de leurs maximes de dire qu'il faut nécessairement qu'une précieuse parle autrement que le peuple, afin que ses pensées ne soient entendues que de ceux qui ont des clartés au- dessus du vulgaire »25(*). Les Précieuses illustrent là une attitude ancrée depuis quelques siècles déjà avec le latin des médecins qui pour être respectés devaient être incompris. Les bonnes manières des Précieuses (bientôt rejointes des Précieux) créent plus qu'un courant littéraire, un courant de pensée se traduisant par un raffinement excessif du langage qui intègre alors un processus de codification. Depuis toujours, l'homme instruit étonne car il discute bien. * 23 Dans le cadre de notre étude nous réduirons la Préciosité à l'analyse de ses excès langagiers * 24 P.Merle, Précis ... * 25 A.B. de Somaize, écrivain du 17e siècle, cite par P.Merle, id. |
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