CONCLUSION GENERALE
Tout au long de cette écriture, nous nous
étions amenés de chercher à étendre la notion de
la bonne gouvernance dans le cadre des droits de l'homme, en précisant
que les droits de l'homme font partie intégrante de la bonne
gouvernance et les conditionnalités de celle-ci ne sont que des
mesures de renforcement de ceux-là.
Il nous a fallu, dans plusieurs pages, préciser le
contenu de ces droits de l'Homme, leur évolution en Afrique et au Congo
et leur mariage avec la bonne gouvernance. Nombreux chercheurs sont
amenés à considérer les droits de l'Homme comme partie
intégrante de la bonne gouvernance.
Pour notre pays, une seule question nous a suffit, celle de
savoir si les Congolais exercent leurs droits et libertés ? La
réponse est relative et il faut se situer à différentes
époques de l'histoire de la RDC pour répondre avec exactitude.
En effet, s'il faut recourir à l'histoire, l'exercice
des droits de l'homme a connu plusieurs étapes
caractérisées par les changements des régimes politiques
et les troubles qui se sont succédés.
Les Congolais ont été privés d'exercer
les droits de l'homme durant toute la période de la colonie ;
c'est ici qu'il s'avère nécessaire de recourir au premier
chapitre de ce travail. Ils essayent de s'imposer aux premiers temps qui
ont suivi la déclaration de l'indépendance mais
hélas ! Les guerres fratricides qui ont suivi l'assassinat du
premier Premier Ministre Lumumba vont remettre en moule les efforts de
rétablissement des droits de l'homme. Cette période tumultueuse
va être suivie par celle de la dictature la plus perfectionnée du
monde imposée par le régime du Président Mobutu :
refus de l'exercice de tout droit de l'homme lorsqu'il porte atteinte
à un des idéaux du Mouvement Populaire de la Révolution
(M.P.R.), parti unique instauré par la deuxième
république (du Zaïre), ou à la sécurité des
institutions mises en place.
La Chute d'un parti unique le 24 avril 1990 et la tenue des
travaux de la Conférence nationale souveraine vont essayer de
permettre en douceur l'exercice des droits de l'homme notamment la
liberté syndicale, la liberté d'expression, la liberté
d'association,... qui n'étaient jusque-là que légales.
Malheureusement, après la prise du pouvoir par l'Alliance des Forces
Démocratiques pour la Libération du Congo (A.F.D.L), elles seront
confisquées et les droits de l'homme remis en péril, à
y ajouter les faits des guerres menées d'août 1998 à
avril 2003. Malgré les efforts fournis par le peuple congolais d'imposer
aux différents gouvernements qui se sont succédés (entre
1990 et 2002) au respect des droits de l'Homme par l'instauration de la
démocratie, de l'Etat de droit et de la lutte contre l'impunité
et la corruption, ces derniers se sont distingués par les violations
caractérisées par les actes d'arrestation et détentions
arbitraires, de torture et autres traitements cruels, inhumains et
dégradants, violation de domicile, etc.
Il eut fallu attendre la fin des travaux du Dialogue
Inter-Congolais pour voir cette fois-ci réhabilité ou
installé le régime d'exercice effectif, en douceur mais
relativement sûr, tant sur le plan de la légalité que
sur le plan de la pratique des droits et libertés individuels et
collectifs au Congo, bien qu'il est difficile pour le pouvoir de les
tolérer facilement.
Qu'on se le dise, l'effort de la communauté
internationale n'est pas à négliger, depuis la colonisation
jusqu'à ce jour, dans la lutte que mènent les Congolais pour
l'instauration d'un Etat de droit, d'un Etat respectueux des
droits de l'Homme, d'un Etat où le peuple exerce effectivement
les droits qui lui sont reconnus tant par les instruments internationaux,
régionaux que nationaux relatifs aux droits de l'homme. Cet effort
a-t-il consisté à des différentes pressions, de nature
différentes, exercées sur les gouvernements : embargo,
suspension des relations diplomatiques, suspension d'aides financières
internationales ou d'aides au développement,... à des
conditionnalités de la bonne gouvernance. Cette notion
implique les efforts fournis par le Congo dans le domaine de la
démocratie, de la saine gestion des biens publics et des finances et
des avancées constatées dans le respect des droits de
l'homme.
Or, durant la période décriée, les
colonisateurs d'hier, grands humanistes et historiquement pionniers des
droits de l'Homme, gardaient un silence coupable, une passivité
suspecte devant des nombreuses violations des droits des citoyens par les
dirigeants au pouvoir au Congo et en Afrique noire. Question
d'intérêts ou d'ignorance de ce qui se passait !
Depuis quelques temps, on assiste activement à un
retour en force des débats et des luttes pour la défense des
droits et libertés individuels et collectifs. Cette évolution,
on peut l'affirmer, correspond exactement au vent nouveau de
démocratisation propulsé d'Europe, qu'on a appelé
« perestroïka », qui souffle, depuis 1990, sur
l'Afrique et qui se traduit par la libéralisation de la vie politique,
l'autorisation de création de partis politiques, la tenue des
Conférences nationales, la création des syndicats, des
associations diverses de défense et de promotion des droits de l'Homme,
la libéralisation de la presse,... et ce, pour une politique
liée au développement et aux questions économiques et
commerciales aussi. Mais qu'on se rappelle que toute question liée au
développement ou aux questions économiques ou commerciales doit
se faire dans le strict respect de la Déclaration universelle des droits
de l'Homme et des textes subséquents. Outre le fait qu'il s'agit
là d'une obligation juridique, il y va également de
l'efficacité des politiques proposées.
Avec cette évolution, les droits de l'homme vont
devenir un véritable phénomène de
société, voire même une monnaie d'échange
utilisée dans les grandes négociations financières ou
les politiques d'aide et d'assistance internationales, et ce, sous le vocable
bonne gouvernance.
Certes, les lois existent. Mais les mécanismes retenus
(par l'ONU, la Charte africaine, les lois nationales) pour promouvoir et
protéger les droits de l'homme et des peuples sont loin de les
garantir. Les conventions internationales relatives aux droits de l'homme ne
sont pas constitutives d'une réglementation internationale des droits,
mais plutôt comme les Déclarations, une incitation des Etats
à un effort. Même la Charte africaine des droits de l'Homme et
des peuples, dont le texte et l'idéologie ne manquent pas
d'intérêt, est contrainte par une procédure lourde,
complexe et longue au niveau de son application concrète.
En national, les mécanismes mis en place
récemment, en dehors des juridictions, ne sont pas
régulièrement installés pour permettre un contrôle
de l'application des lois et instruments relatifs aux droits de l'homme.
Malgré diverses tentatives, il n'a pas
été possible jusqu'à présent de mettre en place
une organisation régionale ou nationale indépendante et
spécifique, qui agirait soit pour l'application d'une convention
déterminée, soit pour la dénonciation d'une quelconque
violation des droits de l'Homme, comme le cas des ONG qui n'ont pas un pouvoir
coercitif sur les Etats ou sur le gouvernement. Face à des telles
entraves et à l'absence de volonté de certains Etats de lutter
contre l'impunité des auteurs de violation des droits par la mise en
place de tels mécanismes, il faut donc encourager l'émergence
d'une justice régionale (la Cour africaine des droits de l'Homme et des
peuples) susceptible d'établir des responsabilités et de
sanctionner les auteurs des violations.
Pour cela, souhaitons-nous que les conditionnalités de
la bonne gouvernance (démocratie, droits de l'homme, réforme
étatique, modernisation de l'Administration,...) soient
renforcées pour permettre une évolution beaucoup plus positive
dans le domaine des droits de l'Homme. Car, quelques soient le nombre, la
fréquence et la forme des violations des droits de l'Homme
constatées en Afrique en général et en RDC en particulier,
il est indéniable qu'en tant qu'êtres humains, les
Africains et Africaines, les Congolais et Congolaises ont des droits que
n'importe qui est obligé de respecter. Ce renforcement de l'exigence de
remplissement des conditionnalités de la bonne gouvernance dont la
démocratie et les droits de l'Homme trouvent une place de choix, devra
inciter à la création, en dehors des mécanismes du type
administratif (comme le Ministère, l'Observatoire, la Commission,...) et
des structures judiciaires existants (cours et tribunaux) d'un ordre
juridique ou un organe juridictionnel spécial et indépendant
chargé des droits de l'Homme. Un tel ordre aura pour mission de
« juger » les violations des droits de l'Homme (soit au
plan national, soit au plan régional).
La bonne gestion d'une telle institution juridictionnelle
rendra effectif l'exercice par les citoyens des droits de l'Homme leur
reconnus légalement et devra ouvrir le débat sur la
« bonne gouvernance des droits de l'Homme »,
théorie qui laisse ouverte les discussions. Telle est notre
réflexion.
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