Chapitre3 : programme des
"villes sans bidonvilles" : réalisation en milieu urbain
INTRODUCTION
Les bidonvilles au Maroc ne cessent de
croître malgré les efforts de résorption non
négligeables menés par l'Etat. Leur problématique est
devenue alarmante, exigeant une nouvelle prise de conscience et des initiatives
innovantes.
Aussi, le Gouvernement s'est engagé à donner une
dimension particulière aux actions de résorption des bidonvilles
au Maroc, l'inscrivant dans une vision plus stratégique, axée sur
un plan d'actions de «Villes sans bidonvilles».
Le Programme «Villes sans bidonvilles» (VSB) se fixe
comme objectif d'éliminer en sept ans (2004- 2010) tous les bidonvilles
des centres urbains lesquels abritent plus de 210.000 ménages; programme
ambitieux faisant appel à la responsabilité et à la
participation citoyenne de toutes les potentialités tant des
ministères concernés que des collectivités locales et des
populations cibles. L'intérêt particulier qu'accorde S.M. Le Roi
à la question des bidonvilles, et plus récemment au Programme
VSB, est un engagement politique majeur qui ne fera que renforcer la
détermination du Gouvernement à multiplier ses efforts pour
atteindre les objectifs dudit Programme.
De même que des institutions internationales dont la
Banque Mondiale, l'Organisation des Nations Unies (UN-Habitat), les
coopérations américaines, françaises,...ont
manifesté leurs intérêts et leurs souhaits de participer
à la mise en oeuvre de ce programme VSB, ambitionnant la diffusion de
l'expérience marocaine à d'autres pays.
Dans notre mémoire on cherchera avec les moyens dont on
s'est disposé d'aborder l'habitat insalubre en général, la
situation de l'habitat insalubre au Maroc, le travail effectué par les
organismes chargés de programme de villes sans bidonvilles.
Section1: Problématique
des bidonvilles :
1. Aperçu général sur les
bidonvilles :
Depuis son apparition pour la première fois aux
alentours de 1820, le mot bidonville a été utilisé pour
désigner les logements qualitativement les moins satisfaisants aux
conditions sanitaires les plus mauvaises; les bidonvilles étaient
considérés comme des lieux propices aux activités
marginales, notamment aux crimes, au « vice » et à
la consommation de drogues; des foyers probables des nombreuses
épidémies qui ravageaient les zones urbaines; en un mot, des
endroits aux antipodes de tout ce qui est respectable et sain. Aujourd'hui, le
mot « taudis » est un terme fourre-tout, vague et
péjoratif. Il a de nombreuses connotations et significations et il est
rarement utilisé par les gens les plus sensibles, politiquement corrects
et intellectuellement rigoureux. Mais dans les pays en développement ce
mot est dépourvu de la connotation péjorative et conflictuelle
initiale et correspond tout simplement à un logement de qualité
inférieure ou de fortune.
Dans notre mémoire, le mot
« bidonville » est utilisé pour décrire une
grande diversité d'établissements humains occupés par des
groupes à faibles revenus où les individus vivent dans de
mauvaises conditions. Défini simplement, un taudis est un logement
situé dans une zone urbaine fortement peuplée
caractérisée par des habitations de qualité
inférieure et sordides. Cette définition sans détour,
qu'il convient toutefois d'enrober, énonce les caractéristiques
physiques et sociales fondamentales des taudis.
Traditionnellement, on entend par bidonvilles des quartiers
autrefois respectables - voire même convoités - qui se sont
détériorés une fois les premiers occupants partis vers de
nouveaux quartiers, plus propices, de la ville. L'état des maisons
s'est détérioré au fur et à mesure de leur
subdivision et de leur location à des personnes à faibles
revenus.
Aujourd'hui, on entend par « bidonvilles »
les énormes établissements humains informels qui deviennent
rapidement la manifestation la plus sensible de la pauvreté urbaine des
villes du monde en développement. Un grand nombre de termes
désignent ces établissements qui sont caractérisés
par des modes d'occupation divers. Cependant, dans tous les cas, les
bâtiments qu'on y trouve vont de la simple baraque à des
structures permanentes qui surprennent parfois par le soin avec lequel elles
sont entretenues; toutefois, il est une réalité commune à
la plupart des bidonvilles, à savoir l'absence d'alimentation en eau
propre et en électricité et le manque de systèmes
d'assainissement et d'autres services essentiels.
2. Délimitation du champ de la réflexion
Le logement constitue un enjeu économique et social
important, pour les entreprises et pour les ménages.
C'est un produit spécifique différent des autres
biens mis sur le marché par l'importance des investissements, la
sensibilité du secteur à la conjoncture économique qui en
détermine le rythme de production et les conditions d'accès pour
le plus grand nombre.
L'enjeu essentiel du logement se situe en milieu urbain, qui
pose aujourd'hui des difficultés au niveau de l'accès
particulièrement pour les ménages à faibles revenus. Le
Maroc étant engagé depuis plusieurs décennies dans une
croissance urbaine accélérée alimentée par un exode
rural durable, la question du logement est prioritairement une question
urbaine, car le logement en milieu rural est lié à l'unité
d'exploitation agricole et se pose davantage en termes d'accès aux
infrastructures et aux services de base (eau, électricité,
pistes, routes, enseignement et santé) qu'en termes de construction de
logements.
Le savoir faire local et les conditions d'exploitation
favorisent l'auto production du logement en dehors des règles du
marché. Par ailleurs, la diversité des contextes et les
spécificités locales, excluent toute généralisation
de modes d'intervention. Les rares tentatives d'interventions publiques dans le
logement en milieu rural ont d'ailleurs très vite montre leurs limites
et leur inefficacité (village pilote, programme de l'habitat rural).
Dans tous les cas, les exigences de développement du
milieu rural ne portent pas prioritairement, aujourd'hui, sur la construction
de logements, ce qui ne doit pas signifier absence d'interventions publiques en
milieu rural.
En milieu urbain, le logement social occupe une place
importante dans la réflexion et dans l'action. C'est une composante
difficile à dissocier de l'ensemble de la production du logement et qui
reste articulée aux autres segments dont chacun présente des
caractéristiques propres mais l'ensemble est régi globalement par
les règles du marché qui déterminent les conditions de
production et d'accès et ces règles opèrent à
l'échelle de chaque agglomération. Ainsi, une offre insuffisante
dans un segment se répercute nécessairement sur les autres et les
plus bas revenus sont les moins bien servis.
L'évaluation de l'expérience marocaine au cours
des dernières décennies permet de dégager des
enseignements susceptibles d'éclairer la situation actuelle.
3. La situation actuelle
La situation actuelle se caractérise par une
inadaptation quantitative et qualitative entre l'offre et la demande en
logements dont les expressions les plus significatives concernent le
développement des bidonvilles, la progression de l'HNR et la
dégradation du parc existant.
a. Caractéristiques de la
production
La production de logements est en progression mais reste
insuffisante par rapport à l'évolution des besoins. Elle est le
fait d'un secteur hétérogène marqué par le poids de
l'informel et une faible contribution du secteur public.
3.1.1. Une production de logements
insuffisante
La production des logements autorisés a
enregistré une croissance continue au cours des dernières
décennies, mais reste globalement en deçà des besoins
liés à la croissance urbaine.
Au cours de la période 1981-90, le nombre de logements
autorisés s'élève à 523 600 unités et celui
effectivement réalisés 419 000, soit une moyenne annuelle de 41
900 au lieu de 52 360 prévus initialement.
Au cours de la dernière décennie, le nombre de
logements autorisés a évolué de 54 000 unités en
1993 à 89 000 unités en 2002 :
Alors que l'accroissement de la population urbaine enregistre
un rythme régulier, l'évolution de la production des logements,
bien qu'en constante augmentation, reste sensible à la conjoncture
économique et aux mécanismes des marchés au niveau
local.
La comparaison entre les besoins annuels liés à
la formation de nouveaux ménages et les logements autorisés et
réellement construits indique une insuffisance de la production du
secteur réglementaire. Le taux de couverture des besoins se situe autour
de 74 % et varie selon les contextes urbains, avec toutefois des situations
isolées de surproduction. Mais globalement à l'échelle
nationale, ce déficit est important et ne prend pas en compte les
besoins liés à la résorption du déficit existant
qui s'amplifie et qui est estimé à 1,2 millions
d'unités.
Ce déficit à l'échelle nationale devra
être interprété localement en fonction de chaque contexte
urbain là où les régulations s'opèrent et prennent
des formes multiples :
- la production des logements dans le cadre des lotissements
non réglementaires, les surélévations et les subdivisions
non autorisées;
- la progression des bidonvilles et des autres formes
d'habitat insalubre : l'habitat dégradé et vétuste dans
les médinas, les nouvelles médinas, l'habitat dans des locaux non
destinés au logement (garages, terrasses);
- le développement de la cohabitation et de
l'entassement dans les logements.
3.1.2. Un secteur de production
hétérogène
La question du logement en milieu urbain renvoie
également aux caractéristiques des acteurs impliqués dans
le processus de production et de circulation du logement et le rôle
important du marché dans le fonctionnement global du secteur.
Le secteur de production du logement est inscrit dans son
contexte économique et reste très sensible à
l'évolution de la conjoncture. Il est marqué par le poids
important des unités informelles (9/10 de l'ensemble) qui
réalisent 80 % de la production aux dépens des entreprises
organisées qui dans certains cas recourent à la
sous-traitance.
En 2000, on dénombre 53 000 entreprises de construction
dont 50 000 de type informel localisé ou non localisé, 1500 PME
et quelques dizaines de grandes entreprises structurées.
Quatre groupes d'entreprises sont identifiés :
- des entreprises de taille réduite au nombre de 218
qui réalisent un chiffre d'affaires inférieur à 1 million
de DH avec un effectif inférieur à 30 personnes,
- des entreprises de dimension moyenne (511) avec un chiffre
d'affaires compris entre 2 et 5 millions de DH et un effectif compris entre 30
et 100 personnes,
- des entreprises de taille nationale (539) réalisant
un chiffre d'affaires compris entre 5 et 50 millions de DH et un effectif
compris entre 50 et 500 personnes,
- des entreprises de grande taille 65 avec un chiffre
d'affaires supérieures à 50 millions de DH et un effectif
supérieur à 500 personnes.
Les unités de production organisées sont
concentrées en grande partie dans l'axe Rabat Casablanca qui regroupe 30
% des unités. Plus de la moitié des entreprises du secteur
organisé (54,3 %) a été créé après
1990, et 54 % réalisent un chiffre d'affaires de moins de 5 millions de
DH.
La réalisation des logements se répartit entre
quatre filières de production2 :
- la filière promoteur - entreprise organisée
qui réalise l'ensemble de la commande publique de logements et une
partie des logements en immeubles;
- la filière promoteur-tâcheron réalise
une part de la production de logements en immeubles;
- la filière autopromoteur-tâcheron
réalise la quasi totalité des habitations de type marocain et des
villas;
- la filière autoconstructeur maallam réalise
une grande partie de l'habitat non réglementaire.
3.2. Évolution de la demande
La demande en logement est déterminée par les
besoins de la croissance urbaine. La demande sociale en particulier correspond
à la différence entre les besoins liés à la
formation des nouveaux ménages et la demande solvable.
3.2.1. Accroissement des ménages
urbains
Le Maroc a été confronté au cours des 50
dernières années à une croissance urbaine rapide
alimentée par un exode rural soutenu dans un contexte de sous
équipement La population urbaine a évolué de 3,4 millions
en 1960 à 13,4 millions en 1994 soit quatre fois.
Le taux d'accroissement annuel moyen en milieu urbain a
enregistré une baisse entre les deux périodes intercensitaires,
(4,4 % entre 71 et 82 à 3,6 % entre 82 et 94), parallèlement le
milieu rural a observé une tendance à la baisse de 1,5 % à
0,7 %.
En 2025, la population du Maroc atteindra le seuil de 40
millions dont 28 millions de citadins.
Le poids des ménages additionnels évalué
en 1994 à 109 000 ménages en milieu urbain, atteindra
144 000 pour la période 2002-2007 et 170 000 à partir de
2012. Ces chiffres donnent la mesure des efforts nécessaires pour
répondre aux besoins de la croissance urbaine sans compter le
déficit en logement accumulé et celui lié à la
résorption de l'insalubrité.
3.2.2. Revenus, accessibilité et
financement
Le financement du logement constitue un élément
déterminant de toute stratégie d'intervention. La contribution du
secteur bancaire au financement du logement au Maroc est relativement
limitée. L'autofinancement représente 80 % des logements
réalisés. Les difficultés d'accès au financement
pour les ménages s'explique par l'étroitesse du marché
financier, la pénurie des moyens financiers à long terme
destinés au secteur et par l'inadaptation des produits par rapport au
profils socio-économiques des ménages. La réorganisation
du système de financement dépendra du niveau d'accroissement des
ressources destinées au secteur et des mécanismes mis en place
pour adapter les produits aux profils des ménages à moyens et
faibles revenus dans la perspective de l'amélioration de leur
solvabilité.
Un système plus adapté favorisera l'accès
au logement à une frange plus importante de ménages. Pour autant,
il est également admis qu'un système de financement aussi
performant soit-il, ne peut pas résoudre des problèmes qui
relèvent de la faiblesse des revenus ou de l'insuffisante production.
La question posée est de déterminer la part des
ressources que l'économie marocaine est en mesure d'affecter, d'une
manière régulière, au secteur du logement pour
répondre aux besoins nés d'une forte croissance urbaine et pour
résorber le déficit accumulé, sans porter atteinte
à l'investissement dans les autres secteurs productifs.
Les obstacles à l'accès au crédit
bancaire sont nombreux : les uns sont endogènes au système du
financement lui-même, les autres relèvent des contraintes
économiques.
Par ailleurs, selon l'enquête nationale sur la famille
(1995), la distribution des ménages urbains selon les groupes
socioéconomiques révèle le poids des groupes «
socialement marginalisé » et « vulnérable » qui
représentent respectivement 9,87 % et 36,84%2. Elle montre
également que la pauvreté et la population vulnérable
à la pauvreté sont plus répondues en milieu rural qu'en
milieu urbain, où ils sont localisés dans les petites et moyennes
villes et dans les quartiers périphériques et sous
équipés des grandes agglomérations qui offrent pourtant
plus d'opportunités d'emplois et d'intégration.
Mais globalement, le champ de la pauvreté se
rétrécit en fonction du développement du potentiel
économique, et l'accès aux infrastructures et aux services
sociaux constitue un facteur déterminant de son recul.
3.3.1. Développement de
l'insalubrité dans les bidonvilles
Il faudra différencier entre les différentes
formes d'insalubrité : le bidonville qui constitue la forme la plus
visible dans le paysage urbain, ne doit pas masquer les autres formes
d'insalubrité, diffuses ou localisées.
L'ensemble constitue une première expression de
l'inadéquation entre l'offre et la demande en logements en milieu
urbain. Si les données sur l'évolution des bidonvilles sont
relativement précises (le bidonville a évolué de 160 000
ménages en 1992 à 260 000 ménages en 2001 dont plus de la
moitié concentrée dans l'axe Kénitra Casablanca), les
autres formes d'insalubrité sont encore difficilement quantifiables. On
note toutefois les données relatives à l'occupation des terrasses
(70 267 unités) et des sous-sol pour un usage d'habitation (12 074).
La question de l'habitat insalubre renvoie aux critères
de détermination du degré d'insalubrité ou d'exigences
minimales d'habitabilité. Cela concerne le logement comme espace
privé mais également son environnement déterminé,
par le niveau d'accès aux équipements et aux services de base.
La question renvoie à l'état du parc logement et
de son occupation à un moment donné et aux conditions de son
évolution. Dans ce sens, l'insalubrité est également le
produit d'un processus de transformation du parc logement lié à
son vieillissement, son déclassement social ou son renouvellement. Cela
veut dire qu'un logement salubre au départ, peut évoluer vers des
formes d'insalubrité par dégradation faute d'entretien ou
sur-occupation. Plus la pression de la demande est forte, plus elle s'exerce
sur l'état du parc, ce qui précipite sa
dépréciation et son déclassement social.
Mais paradoxalement une stratégie orientée
exclusivement sur la construction de logements neufs ne se traduit pas
forcement par le recul de l'insalubrité, car l'offre en logement neuf
notamment pour l'accès à la propriété s'adresse
d'abord à des ménages déjà logés dans des
conditions et des statuts certes en attente d'amélioration, mais qui
sont généralement solvables.
Les ménages nouvellement constitués, nombreux
dans un contexte de croissance urbaine rapide, doivent passer par des
itinéraires résidentiels qui peuvent prendre des formes
multiples, de la cohabitation, entassement avant d'accéder à la
propriété ou au logement neuf. Ce processus de filtrage permet de
libérer des logements souvent déclassés et dans certains
cas versés dans l'insalubrité.
De ces développements, on peut considérer qu'une
partie de l'insalubrité est le reflet de la pauvreté en milieu
urbain et de l'incapacité financière des ménages à
accéder à un logement décent et l'autre partie de
l'insalubrité est le résultat des transformations qui
s'opèrent dans le parc logement sous la pression du marché et qui
peuvent être exacerbées par la pénurie ou l'insuffisance de
l'offre en logement.
4. Caractéristiques de l'habitat
insalubre :
4.1. Données
générales
Au Maroc, l'habitat insalubre, faisant référence
à la fois à l'état de la construction
(vétusté du bâti, précarité,
cohabitation,...), au sous-équipement du tissu urbain et aux conditions
d'occupation du logement se présente sous différentes formes. Au
dernier dénombrement de 2001, ce type d'habitat abritait près de
18% des ménages urbains, se répartissant comme suit :
- Bidonvilles : Abris sommaires réalisés souvent
avec des matériaux de récupération (tôle, bois,...),
sur des terrains dépourvus d'infrastructures de base (assainissement,
eau potable,...) ; l'habitat rural intégré aux
périmètres communaux ou à proximité est souvent
assimilés comme «bidonville»- 262.000 ménages y logent
en 2001 ou 270.000 estimés actuellement.
- Quartiers non réglementaire (QNR) : Parcelles
construites sur des terrains morcelés illégalement et vendus sans
la réalisation préalable des infrastructures de base
(assainissement, eau potable, électrification...)- Près d'un
millier de quartiers sont recensés et 520.000 ménages y
résident en 2001
- Tissus ou bâtiments anciens vétustes et souvent
surdensifiés: Parmi eux, les logements menaçant ruine
concernaient près de 90.000 ménages en 2000.
4.2. Des interventions adaptées
1. Le bidonville constitue une forme d'expression de la
pauvreté urbaine (précarité des matériaux de
construction et du statut d'occupation, absence d'infrastructure etc).
L'attente de la population porte sur un relogement (souvent en terme
d'accès à un lot équipé) par le biais de
subventions par l'Etat dont les ressources ne permettent pas de faire face
à l'ensemble de la demande. Cette situation implique d'inverser la
tendance : si l'initiative de l'intervention vient de la population ou des
ses élus, l'Etat peut appuyer cet effort sous formes d'encadrement
techniques, de facilités opérationnelles ou de subventions
financières en admettant des réponses progressives et
adaptées selon les cas: celles-ci peuvent aller de l'amélioration
de l'existant jusqu'à la résorption, en passant par des
restructurations plus ou mois légères initiées par les
habitants et encadrées par les collectivités locales
concernées.
2. L'HNR exprime une réalité sociale
différente de celle du bidonville : il s'agit d'un
aménagement foncier sans équipement mais avec un investissement
important dans la construction ; la population a acheté des
terrains parfois en partie équipés, et dans la majorité
des cas, investis dans la construction. De ce fait, elle est potentiellement en
attente d'une amélioration de son statut et de son cadre de vie par les
équipements d'infrastructure et par la régularisation
administrative et foncière de son occupation. Cette attente constitue un
atout pour favoriser un partenariat avec la puissance publique afin d'engager
la normalisation administrative et la régularisation foncière et
de définir des règles de répartition des charges et des
compétences entre les différents acteurs en présence
(communes, autorité, OST, régies, habitants). La présence
de concessionnaires privés doit être une occasion pour introduire
des innovations en matière de financement des infrastructures (ex : hors
site et primaire réalisés par l'Etat/concessionnaire dans le
cadre de convention et le réseau secondaire et tertiaire par la
population /collectivité locale).
3. Pour la médina, la complexité des statuts
fonciers, celle de l'occupation, ainsi que l'imbrication de la question du
patrimoine et de celle de l'insalubrité appellent des solutions
prudentes et expérimentales. L'urgence porte sur des opérations
pilotes bénéficiant de dispositif d'évaluation et des
interventions ciblées sur les maisons menaçant ruine où la
sécurité des habitants est en jeu. Une fois encore, il faut
éviter des interventions massives ou globalisantes. La priorité
doit porter sur une mise à niveau des infrastructures de base et sur des
projets ciblés, intégrés avec un accompagnement social
adapté.
4. Pour l'habitat insalubre dispersé, les
contextes et les situations sont très variables (des douars
périphériques aux formes diffuses localisées dans les
différents tissus urbains). Cette diversité appelle des solutions
au cas par cas. Pour les douars périphériques, il s'agit souvent
de contextes ruraux où une démarche participative visant
l'amélioration de l'existant peut conduire à des résultats
satisfaisants (cas de Marrakech). Ailleurs, les noyaux périurbains
constituent l'embryon d'un développement plus massif qui appelle une
action préventive sous forme d'aménagement foncier.
5. Historique des stratégies
adoptées
Malgré une palette riche en modes d'intervention en vue
de la résorption des bidonvilles qui a permis d'atteindre,
ponctuellement, certains résultats remarquables, la problématique
des bidonvilles demeure, aujourd'hui encore entière, tant en nombre de
bidonvilles qu'en complexité de résorption, notamment dans les
grandes villes.
Si pendant les années 1950 à 1970, furent
menées plusieurs expériences de recasement de des bidonvilles
avec notamment les «trames sanitaires», la stratégie du Projet
de développement urbain (PDU), opération intégrée
en vue de la restructuration in-situ des bidonvilles, ne fut introduite au
Maroc que dans le cadre du PDES4 de 1978-80. Les PDU ont contribué
à la diffusion de nouvelles notions comme le recouvrement des
coûts, la réduction des normes d'urbanisme et des standards
d'équipement, l'assouplissement des procédures d'autorisation de
construire, la préoccupation institutionnelle pour coordonner des
actions de plusieurs partenaires...
Depuis les années 1980, la stratégie de
résorption des bidonvilles a consisté essentiellement en
l'équipement des parcelles constructibles mises à la disposition
des ménages concernés. Pratique ayant elle-même plusieurs
variantes dont celle, souvent privilégiée, concerne les
opérations dites «intégrées», combinant les
principes de recasement, de prévention (de l'habitat insalubre) et de
promotion- péréquation. Ce sont des projets d'aménagement
foncier, intégralement équipés en infrastructures de base
et dotés d'emplacements pour les équipements socio-collectifs.
Outre les titres de propriété foncière, les attributaires
reçoivent un dossier de construction comprenant des plans d'architecture
et de structures (appui technique à la population).
Au début des années 1990, le Ministère
chargé de l'habitat a mis en place un programme spécial de lutte
contre l'habitat insalubre portant sur 107 opérations au profit de
100.000 ménages bidonvillois. Sa réalisation a été
confiée aux opérateurs sous tutelle du Ministère de
l'Habitat (ANHI, SNEC,..) dans le cadre d'une politique conventionnelle.
L'évaluation de ce programme a permis de dégager
ce qui suit:
- Une programmation pas toujours judicieuses des projets en
amont et une gestion inégale en cours de réalisation.
- L'insuffisance de la maîtrise du foncier au
préalable du lancement du programme a engendré des retards, voire
l'abandon de certaines opérations.
- Le mode de fixation de la subvention du BGE à 25% du
coût global de l'opération, a entraîné une
programmation et des montages technico-financiers "cadrés".
- Les problèmes de financement de l'auto-construction
de logements et l'absence de crédits acquéreurs au profit des
ménages bidonvillois ont retardé l'achèvement de la
valorisation de ces opérations dans les délais prévus.
- La faiblesse de l'intervention des pouvoirs locaux pour
encourager l'évacuation des anciennes baraques et l'installation dans
les nouveaux sites ainsi que les difficultés de recouvrement des
recettes auprès des bénéficiaires ont également
constitué un handicap certain.
- Les comportements du bidonvillois vis-à-vis du projet
allant parfois à un rejet total des solutions suggérées,
notamment sur le type d'intervention, sur les prix de cession, sur la
localisation et sur les équipements d'accompagnement qui sont rarement
réalisés parallèlement à l'opération.
Sur le plan quantitatif, les réalisations de l'Etat ont
porté, entre 1982 et 1992, sur près de 13.570 unités de
résorption en moyenne annuelle, permettant de faire baisser la part des
ménages bidonvillois de 12,8% à 7,8% de la population urbaine
entre les deux dates. De 1992 à 2003, le bilan des réalisations a
été moindre (environ 9.000 unités par an, en moyenne).
Suite à l'évaluation des stratégies de
lutte contre l'habitat insalubre, le Gouvernement s'est attelé à
explorer de nouvelles approches pour remédier aux résultats des
réalisations passées, largement insuffisantes face à la
recrudescence, dans de nombreuses villes, de l'habitat précaire sous
toutes ses formes, ainsi que face à la persistance de gros et moyens
bidonvilles au coeur des principales agglomérations (Casablanca, Rabat,
Tanger, ...). Cette préoccupation s'est traduite par la mise en place de
nouvelles approches, techniques, financières et juridiques,
adaptées à des programmes spécifiques dont, notamment
celui de «Villes sans bidonvilles».
Dans ce cadre, le Ministère chargé de l'habitat
est conscient que toute nouvelle stratégie ne pourrait donner des
résultats positifs et durables que si la participation des
Collectivités locales, du secteur privé, des autres partenaires
administratifs, de la société civile et de la population est
réellement effective et pérenne; participation basée sur
les principes de partenariat et de citoyenneté.
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