3. La création d'un collège de
médiateurs
Face au risque de voir le droit à la copie
privée se réduire considérablement, la loi a
innovée en proposant la création d'un collége de
médiateur chargé de définir le nombre de copies
autorisées sur chaque support, sachant que ce nombre peut être
égal à zéro ! En effet la loi instaure un
mécanisme unique de conciliation, applicable aux différends,
qu'ils aient traits à l'exercice de l'exception visée à
l'article L. 122-5 7° ou à celui de la copie privée. Ce
collège de médiateurs indépendant, s'inspirant de la
mission du médiateur du cinéma instauré par la loi du 29
juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, doit remplir une double
fonction de conciliation et de décision.
Le prononcé d'une injonction à l'encontre du
titulaire de droits ne sera possible que si sont réunies plusieurs
conditions de fond et de forme. Celles-ci sont, par leur nature et leur nombre,
susceptibles de limiter considérablement le nombre des différends
que le collège des médiateurs sera effectivement amené
à trancher : ainsi selon l'article L. 331-7, « tout
différend impliquant une mesure technique et portant sur le
bénéfice d'une des exceptions classiques sera soumis à un
collège des médiateurs qui devra dans le respect des droits des
parties, favoriser ou susciter une solution de conciliation ».
À défaut de conciliation « le collège des
médiateurs prendra une décision motivée de rejet de la
demande ou émet une injonction prescrivant, au besoin sous astreinte,
les mesures propres à assurer le bénéfice effectif de
l'exception ».
Le préalable à toute demande est que les
conditions de l'exception soient réunies, et notamment que l'utilisation
en cause soit conforme au « test des trois
étapes », introduit par le la loi à l'article L.
122-5 en transposition de l'article 5.5 de la directive. Ce test
(véritable standard international en matière d'exceptions) pose
que les exceptions ne sont applicables que dans certains cas
spéciaux qui ne portent pas atteinte à l'exploitation normale
de l'oeuvre ni ne causent un préjudice injustifié aux
intérêts légitimes du titulaire de droit. Il est difficile
de savoir dans quelles hypothèses un acte réalisé en vue
d'exercer une exception sera considéré comme irrecevable au
regard du test des trois étapes.
Il devra ensuite être constaté,
conformément à l'article L. 331-6, que le titulaire de droits n'a
pas pris de mesures volontaires pour permettre le bénéfice
effectif de l'exception, faute de quoi le collège des médiateurs
n'admettra pas le bien-fondé de la demande. Le
bénéficiaire d'une exception ne pourra valablement arguer de
l'absence de mesures volontaires que si plusieurs conditions sont
réunies :
§ L'oeuvre ne doit pas avoir été mise
à sa disposition dans le cadre d'un service interactif à la
demande, puisque dans cette hypothèse les stipulations contractuelles
prévalent;
§ Le bénéficiaire doit avoir un
« accès licite à l'oeuvre ».
§ L'impossibilité de bénéficier de
l'exception ne doit pas résulter de l'exercice par le titulaire de
droits de la faculté que lui reconnaît l'article L. 331-6 de
prendre des mesures permettant de limiter le nombre de copies. Si le
bénéficiaire de l'exception pour copie privée a
déjà pu réaliser une copie, celle-ci pourra être
qualifiée de « mesure volontaire » ayant
permis le bénéfice effectif de l'exception ;
§ L'impossibilité de bénéficier
effectivement de l'exception doit être réelle.
Ce n'est que si ces conditions sont réunies que le
titulaire de droits sera tenu de prendre, dans un « délai
raisonnable », les mesures nécessaires. Et ce n'est qu'au
terme de ce délai raisonnable que le collège des
médiateurs pourra être saisi d'une demande, soit par le
bénéficiaire de l'exception soit par la personne morale
agréée qui le représente.
Ce mécanisme à géométrie variable
devrait permettre de valider les réglementations successives à la
lumière de leur faisabilité et de leurs effets et d'ainsi
éviter de compromettre par une législation rigide la
viabilité même de la propriété littéraire et
artistique.
L'acceptation des DRM est enfin dépendante de
la valeur ajoutée nouvelle constituée par la formation d'une
offre de contenus numériques élargie et d'une très grande
flexibilité d'usages. Si la protection juridique des mesures techniques
a pour effet de favoriser le passage des seuls droits d'autoriser ou
d'interdire la reproduction à la formation de droits d'accès et
d'utilisations, les offres contractuelles nouvelles d'oeuvres
protégées devront sans doute atteindre un élargissement
des droits d'utilisation des oeuvres, notamment dans le sens de la
flexibilité, du nomadisme, de création de communauté, par
exemple autour des droits de prêts, de transports, de location,
d'accès dans le temps, d'archivage à distance, etc.,
c'est-à-dire une innovation dans le domaine des « droits
numériques ».
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