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Dans les principes de la coopération non gouvernementale, les populations à la base sont la cible principale des projets dont sont porteuses les ONG nationales. Ces ONG sont, pour les bailleurs de fonds, les représentantes des populations à la base. Cette posture est d'ailleurs une condition indispensable pour l'accès des ONG nationales au financement des bailleurs de fonds. Ainsi, le recours aux populations à la base est un passage obligé pour les ONG nationales en quête de financement des Bailleurs. Et dans ces conditions, l'appui aux populations à la base tend à devenir tout simplement une stratégie d'accès au financement. C'est ce que semblent traduire certaines pratiques des ONG nationales dans leurs relations avec les populations à la base.
Dans leurs relations avec les populations à la base, certaines de nos enquêtés du côté des ONG relèvent le problème d'incompréhension des populations à la base quant aux projets que les ONG leur proposent .Car, certaines estiment que les ONG nationales s'enrichissent sur leur dos. Cette attitude ne facilite pas la tâche aux ONG nationales. Raison pour laquelle elles sont parfois amenées à « amadouer » les populations pour obtenir leur acceptation et leur adhésion aux projets. Une telle démarche montre à suffisance que les projets ne sont pas ,dans la plupart des cas, l'émanation des populations à la base, qu'ils leur viennent de l'extérieur. Parce que l'adhésion des populations à la base est indispensable pour la crédibilité de leurs projets, les ONG les « amadouent » aux fins de justification de l'opportunité des projets au niveau des bailleurs de fonds. Le recours aux populations à la base devient alors un moyen de légitimation des actions des ONG nationales auprès de bailleurs de fonds. Cette stratégie d'accès à l'aide participe de ce que BIERSCHENK et al appellent la « compétence scénographique » des courtiers en développement, une stratégie qui consiste pour les ONG nationales à construire une « vitrine » qui puisse séduire le Bailleur potentiel, et combler l'expert de passage ou l'évaluateur en tournée (2000 : 27). Cette « compétence scénographique » se traduit par « l'art de faire croire » car, il est question pour les ONG nationales de « fabriquer une réalité » conforme à ce qu'on estime être les attentes des bailleurs de fonds. C'est de la sorte que des ONG nationales en viennent à décrocher des financements pour des projets qui ne profitent pas véritablement aux populations à la base. Ainsi, les populations deviennent un moyen d'accès au financement par les ONG nationales.
Le recours aux populations à la base comme stratégie d'accès au financement s'observe également dans les investissements des ONG nationales dans les activités destinées aux populations à la base. Comme le relèvent certains enquêtés du côté des ONG nationales, parlant de l'utilisation des fonds mis à leur disposition, « la mauvaise utilisation conduit à une suspension de financement. La bonne utilisation fait la crédibilité de l'ONG ».. Dans ces conditions, l'investissement dans les activités des populations à la base devient une condition indispensable pour les ONG nationales qui ont l'ambition de postuler à de nouveaux financements dans l'avenir. C'est pour cela que les ONG soucieuses de la pérennité de leur crédibilité attache de l'importance à « l'aspect institutionnel des projets ». Il consiste dans certains projets en de petites activités à but lucratif que les ONG ont le droit d'initier pour couvrir certaines charges administratives liées à l'exécution du projet et/ou pour leur propre subsistance. L'aspect institutionnel est selon certains responsables d'ONG, le coeur même du projet.
En somme, l'intervention des ONG nationales, en tant qu'actrices et compte tenu de leur position, dans la coopération non gouvernementale, n'est pas de toute neutralité. Loin s'en faut, les ONG nationales déploient des stratégies d'adaptation aux exigences des bailleurs et d'intervention auprès des populations qui leur permettent très souvent de récupérer à leur compte les initiatives non gouvernementales de développement. De telles stratégies ne sont pas sans conséquences sur la contribution de la coopération non gouvernementale à la lutte pour la réduction de la pauvreté au Cameroun, elles contribuent à la paupérisation des populations à la base.