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La coopération non gouvernementale à l'épreuve de la réduction de la pauvreté au Cameroun:une analyse sociologique des relations Bailleurs de fonds-ONG nationales


par Sosthène Hervé MOUAFO NGATOM
Université de Yaoundé 1
Traductions: Original: fr Source:

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III - LES ONG NATIONALES COMME ACTRICES DE LA COOPÉRATION NON GOUVERNEMENTALE

La décentralisation de l'aide au développement a constitué le berceau des organisations intermédiaires de canalisation de l'aide au développement. Dans la mouvance de cette décentralisation, les ONG nationales, en vertu de certains atouts qui leur ont été reconnus, ont pris une place grandissante dans l'actualité consacrée à l'aide au développement. Devenant de ce fait des actrices du développement et plus précisément des gestionnaires des appuis au développement, compte tenu de leur position intercalaire dans la coopération non gouvernementale, leurs actions ont une influence considérable sur l'impact de cette coopération sur la réduction de la pauvreté. Il apparaît dès lors indispensable, pour toute tentative de compréhension de l'impact de la coopération non gouvernementale sur la réduction de la pauvreté, de s'interroger sur le statut d'acteur des ONG nationales dans cette coopération. Un acteur impliqué dans la lutte pour la réduction de la pauvreté entre les bailleurs de fonds et les populations bénéficiaires, un acteur qui dispose des stratégies, et qui est au prise avec les politiques de coopération des bailleurs de fonds et les demandes des populations bénéficiaires. La conduite des ONG nationales dans un tel environnement est susceptible de fournir des éléments de compréhension de l'impact de la coopération non gouvernementale sur la réduction de la pauvreté. Cette conduite s'observe dans leurs relations avec les bailleurs de fonds d'une part, et les populations bénéficiaires d'autre part.

A - LES STRATÉGIES D'ACCOMMODATION DES ONG NATIONALES AUX EXIGENCES DES BAILLEURS DE FONDS :UNE LOGIQUE D'EXCLUSION DES POPULATIONS BÉNÉFICIAIRES

Les ONG nationales font partie des « configurations développementistes » (DE SARDAN, 1995 : 7), que BIERSCHENK et al désignent par « courtiers locaux en développement », ces acteurs sociaux implantés dans une arène locale et qui servent d'intermédiaires pour drainer des ressources extérieures relevant de l'aide au développement (2000 : 7). Les ONG nationales représentent de ce fait, des porteurs sociaux locaux de projets de développement. Elles assurent l'interface entre les bailleurs de fonds et les destinataires des projets. Elles sont donc censées représenter les populations locales bénéficiaires ou en exprimer les besoins vis-à-vis des structures d'appui et/ou de financement. Mais, d'après les observations relatives à la présente étude, les ONG nationales semblent ne pas toujours être des représentantes fidèles des populations, leur conduite suscite des interrogations sur l'opportunité de leurs actions.

Dans leur démarche auprès des bailleurs de fonds, les ONG nationales mettent sur pied des stratégies d'adaptation qui n'épousent pas toujours les voeux des populations concernées par les projets. Elles montent leur projet en fonction des domaines et critères des bailleurs de fonds. Une telle démarche traduit leur caractère opportuniste. En fonction des opportunités et des contextes, elles multiplient des stratégies d'adaptation aux différents bailleurs de fonds potentiels. C'est dans ce sens qu'un de nos enquêtés du côté des bailleurs de fonds relève, en guise de problèmes relatifs à l'éligibilité des ONG nationales, la présence des ONG dont les domaines d'intervention varient selon les domaines de financement disponibles. C'est ainsi qu'avec l'avènement du projet pipeline Tchad-Cameroun, poursuit-il, de nombreuses ONG nationales intervenant initialement dans des domaines autres, se sont présentées comme des ONG spécialisées dans les questions de l'environnement. Et ce, tout simplement parce que l'institution disposait des financements dans ce domaine du projet. Cet opportunisme des ONG nationales se caractérise par leur habileté à adapter leurs discours à chaque type de Bailleur en vue de décrocher le financement et ce, aux dépens des populations qu'elles sont supposées représentée. C'est ce que reconnaissent BIERSCHENK et al lorsqu'ils affirment :

« Le talent du Courtier s'exprime moins dans son habileté à « vendre » des initiatives venues « du bas » qu'à répondre à la dynamique de « l'offre de projet » qui provient du monde du développement » (2000 : 28).

Vu sous cet angle, les ONG nationales dans leur démarche auprès des bailleurs de fonds ne prennent pas en compte les besoins réels des populations pour lesquelles elles prétendent travailler. Il y a donc tout simplement une instrumentalisation des populations à la base aux fins d'accéder au financement des Bailleurs.

Toujours dans leur démarche auprès des bailleurs de fonds, certaines ONG nationales empruntent des voies non officielles qui consistent en de réseaux de relations. C'est l'un des problèmes que relève l'un de nos enquêtés du côté des bailleurs de fonds dans l'implication des ONG nationales aux programmes du gouvernement que son Institution finance. En effet, dit-il, l'éligibilité de certaines ONG nationales par le gouvernement dans les projets que son Institution finance est très souvent tributaire de l'appartenance politique des promoteurs desdites ONG. L'appartenance politique devient ainsi une stratégie d'accès au financement. Comment dans ces conditions, parler de la prise en compte des besoins des populations ? Autant le recours aux populations est nécessaire pour l'accès au financement pour autant qu'il permet de justifier l'opportunité du projet, autant il n'est pas nécessaire lorsqu'il ne conditionne pas l'accès au financement. On peut alors comprendre que les besoins des populations ne soient pas une priorité pour ces ONG.

Alors, les ONG nationales dans leur démarche auprès des bailleurs de fonds, n'ont pas toujours au centre de leurs préoccupations les intérêts des populations bénéficiaires. Il y a donc comme une logique d'exclusion des populations bénéficiaires dans la démarche des ONG nationales dans leurs relations avec les bailleurs de fonds. Qu'en est-il des relations avec ces populations elles-mêmes ?

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