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A mes parents :
· Mon père, feu Etienne NGATOM, que je n'ai pas connu.
· Ma mère, Julienne NGATOM, pour son infatigable soutien.
REMERCIEMENTS
La réalisation de ce travail a bénéficié du soutien de plusieurs personnes auxquelles nous tenons à témoigner notre gratitude.
L'étude s'est faite sous la conduite éclairée de notre encadreur académique, le professeur Ferdinand CHINDJI KOULEU. Nous lui témoignons notre gratitude pour cette laborieuse tâche.
Les contributions de notre maman Julienne NGATOM, de nos oncles messieurs Emmanuel KWEFFO et Michel MEGAPTCHE, de nos tantes mesdames Hélène PUEPI, yvette YIMGNA, Jacqueline NJITCHE et Brigitte KOUONANG, de nos frères Crépin SALIF et Abdou Karim NJOYA, ont été d'une grande importance pour la mise au point de ce travail. Nous leur adressons nos remerciements pour ce remarquable soutien.
Le professeur Jean MFOULOU, messieurs Jean MBALLA MBALLA Joseph TEDOU, Nicolas KAMGAING, Georges BEKONO NKOA et Blaise Pascal TOUOYEM, nous ont facilité l'accès aux informations relatives à cette étude . Les uns par la mise à notre disposition de la documentation, les autres par la facilitation de contacts avec les personnes-ressources. Nous leur témoignons notre gratitude.
Nous remercions également toutes les personnes ressources, toutes les organisations non gouvernementales, associations et tous les organismes internationaux auprès desquels nous avons recueilli les informations. Nous ne pouvons malheureusement pas tous les citer, qu'ils retrouvent ici l'expression de nos sincères remerciements.
Les entretiens eus avec Honoré MIMCHE et Gilbert FOKOU dès les premières heures de la conception de ce sujet, ont contribué à l'éclairage de notre lanterne sur le sujet. Nous leur sommes également reconnaissant.
Notre frère sidoine NGATOM, nos amis Hubert POLLA, Vivien MELI, Eddy FONKOUO, Robert TEFE, Jean YEMENE, Klébert FANGSEU, Flaubert WATAT, Younchaou PEFOURA, Rufus BIGDA, Aimé NAYANG, Jules NKONMEGNE, Gilles NGANSOP, Pascal PIEGANG, Simplice FEUGANG, Hugues TCHABO, Florette KOGMEGNE, Laure MOUKAM, Serge NGANSOP et Pythagore TCHUIDJANG ont très positivement influencé ce travail par leurs encouragements permanents. Nous leur témoignons notre gratitude.
Nous ne saurions oublier la secrétaire, Gisèle KAMENI, pour la délicate tâche de saisie de ce travail. Qu'elle trouve ici l'expression de notre reconnaissance.
TABLE DES MATIÈRES
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LISTE DES ILLUSTRATIONS
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LISTE DES SIGLES ET ABRÉVIATIONS
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ABSTRACT
This study centres on the yawning gap between the high resort to non-governmental co-operation and the ever-growing impoverishment of the Cameroonian people.
Since the shortcomings of «centralised» or «classical» co-operation gave a lot of credit to non-governmental co-operation in poverty alleviation, it was hoped that this type of co-operation in Cameroon would reduce poverty considerably among cameroonians. However, this is far from being the case. This study therefore aims to account for this situation by bringing out the factors responsible for it.
Given that in non-governmental co-operation NGOs and their «support partners», which are financial donors and the benefiting (receiving) population, are bound to work together, two factors have been discussed in this work. The first concerns the co-operation policy, which governs relations between financial donors and national NGOs. The second deal with the working strategies of national NGOs in this co-operation. For working both with financial donors and benefiting population, as and intermediary in this co-operation, national NGOs must have working strategies whose examination can help us to account for this guilt between the high resort to non-governmental co-operation and the ever-growing impoverishment of the Cameroonian people.
Three theoretical approaches were used in analysing: the socio-critical approach, the system approach and the strategic approach.
From this study, the solutions to the problem raised by non-governmental co-operation are found at the same time in the two factors mentioned earlier.
1 - Justification du sujet
Cette étude est essentiellement motivée par le changement que connaît la coopération internationale pour le développement dans les pays en développement parmi lesquels le Cameroun. En fait, le recours à la coopération non gouvernementale a été justifié par les « faux pas » de la coopération « classique » dont l'efficacité était de plus en plus remise en question. L'intérêt pour la coopération non gouvernementale s'explique alors par la crise de la coopération interétatique sous toutes ses formes, « une crise dont les principaux facteurs sont entre autres l'influence que les pays donateurs exercent sur les politiques de développement des pays africains récipiendaires, les lourdeurs administratives, la corruption des gouvernants et les détournements de fonds publics dans les pays bénéficiaires »( J.J. ATANGANA, 1992 :106).
Avec l'institution de la coopération non gouvernementale comme alternative aux difficultés de la coopération « classique » ou interétatique dans la lutte pour la réduction de la pauvreté, on se serait attendu à une réduction remarquable de la pauvreté au Cameroun. Devant le constat plutôt discordant, il y a lieu de s'interroger sur les causes ou tout au moins, les facteurs de blocage de la contribution de cette forme de coopération à la lutte pour la réduction de la pauvreté au Cameroun. Le gouvernement dans le cadre de cette coopération, ayant été substitué dans la canalisation de l'aide au développement par la société civile et plus particulièrement les ONG nationales, il nous a semblé opportun de nous interroger sur les relations qu'entretiennent les acteurs de cette forme de coopération dans la lutte pour la réduction de la pauvreté au Cameroun.
2 - Délimitation du sujet
La présente étude sur la coopération non gouvernementale porte sur les relations entre les ONG nationales et les bailleurs de fonds d'une part, et entre les ONG nationales et les populations bénéficiaires d'autre part. Dans le cadre de cette étude, seules les relations sociologiques entre ces acteurs dans le cadre de la lutte pour la réduction de la pauvreté sont prises en compte.
3 - Intérêt de l'étude
Cette étude a un intérêt à la fois théorique et pratique.
Sur le plan théorique, elle se situe dans le courant des analyses transnationales des relations internationales et contribue à montrer l'importance de ce courant dans l'analyse de la coopération pour le développement. Elle fait également une analyse sociocritique, systémique et stratégique des relations entre les principaux acteurs de la coopération non gouvernementale que sont les bailleurs de fonds et les ONG nationales.
Sur le plan pratique, le phénomène d'organisation non gouvernementale a pris de l'ampleur au Cameroun. Les interventions des ONG nationales se caractérisent souvent par la souplesse de leur approche et par un travail proche des acteurs à la base, compensant ainsi la lourdeur de l'aide publique traditionnelle. Cependant, leur prolifération et leurs résultats peu probants ont suscité bien de déconvenues sur le terrain et semé souvent le doute dans l'esprit du grand public sur l'opportunité de leurs actions. Cette étude se veut être une tentative de clarification des relations entre les ONG nationales et leur « environnement de soutien » que sont les bailleurs de fonds et les populations bénéficiaires.
4 - L'état des lieux du sujet
L'aide au développement et la réduction de la pauvreté constituent, depuis plusieurs décennies, des défis qu'affronte la communauté internationale. Cette aide , sous la forme bilatérale et multilatérale, s'est depuis près d'une trentaine d'années effectuée dans le cadre de la coopération dite « classique » ou « centralisée ». cette forme de coopération, caractérisée par le contrôle exclusif ou le monopole des acteurs étatiques ou gouvernementaux, a fait l'objet d'un certain nombre de critiques issues à la fois d'une certaine conception du développement et de son impact sur la réduction de la pauvreté.
En effet, l'émergence de la notion de développement a eu pour conséquence la division manichéenne du monde : les développés d'un côté et les sous-développés de l'autre. La perception du sous-développement comme retard par rapport à l'Occident (les développés), retard qu'il faut aider les sous-développés à rattraper, a sous-tendu la théorie évolutionniste de Rostow qui trace les étapes essentielles et inévitables du développement. Cette philosophie du retard qui fonde le développement sur le paradigme de la prééminence de l'économie voire son inéluctabilité, a laissé peu de place à l'homme et au social. Les initiatives de développement inspirées de ces vues occidentalocentriques et unilinéaires ont connu des échecs.
De plus, cette forme de coopération n'a pas produit les effets escomptés sur la réduction de la pauvreté. Selon le PNUD (1998 : 70), l'impact de cette coopération a été réduit du fait « des circuits administratifs faits de lourdeurs bureaucratiques et improductifs qui ont été à l'origine des échecs répétitifs de certains programmes de développement ».
La réflexion sur « la dimension culturelle du développement » qui a réuni à Paris en 1992 la Banque mondiale, l'UNESCO et d'autres organisations de développement, a reconnu l'échec de la plupart des stratégies de développement adoptées pendant les trois dernières décennies. Cet échec s'explique par «une conception étroite du développement qui ne prend pas en compte la diversité des cultures et des sociétés dans le monde ». (SERAGELDIN et TABOROFF, 1992 : 15). La prise de conscience de cet échec a eu pour conséquence un changement de perspective sur le développement. Il s'est imposé la nécessité d'une articulation entre développement et sociétés, et s'est fait jour la complexité du phénomène développement et sociétés, de même que la multitude de voies pour y parvenir.
La communauté internationale a réaffirmé sa volonté de lutter pour la réduction de la pauvreté. Au sommet mondial pour le développement tenu à Copenhague en 1995, les participants ont fixé comme objectifs l'éradication de la pauvreté dans le monde par des mesures décisives, au niveau national et international. Parmi les objectifs internationaux de développement, les bailleurs de fonds ont inscrit la réduction de la pauvreté de moitié entre 1990 et 2015 (BM, 2000 :224). La conférence de Copenhague n'a été qu'un maillon d'une chaîne de conférences qui se sont intéressées de près à la problématique du développement social. La Conférence sur « l'éducation pour tous » (Jomtien, Thaïlande : 1990), la Conférence mondiale sur les droits de l'homme (Vienne, Autriche, 1993), la Conférence mondiale sur les femmes (Beijing, Chine, 1995), la Conférence sur les établissements humains « Habitat » (Istanbul, 1996) ont été autant d'étapes consacrées au plus haut niveau aux questions de politique sociale étroitement liées à la lutte pour la réduction de la pauvreté. La communauté internationale en a tiré des plans d'action ainsi que les recommandations adressées aux donateurs et bénéficiaires. Il en ressort « une nouvelle approche des problèmes, fondée sur la conscience que le développement s'enracine dans des réalités socioculturelles » (SERAGELDIN et TABOROFF, 1992 : 15). Cette approche se traduit par la promotion du processus participatif dans la mise en oeuvre des initiatives de développement. La prise de conscience des limitations du secteur public et l'appel accru au secteur privé pour s'attaquer efficacement aux problèmes auxquels se heurtent les pays en développement ont permis de mieux comprendre ce que les différents acteurs de la société civile peuvent apporter au développement national. Cette évolution de l'approche du développement a conduit à remplacer de plus en plus les relations purement bilatérales entre bailleurs de fonds et gouvernements par des partenariats entre les gouvernements, les bailleurs de fonds et la société civile . (BM, 1996 : 1)
L'émergence de ce type de partenariat pour le développement a conduit à l'institution d'une nouvelle forme de coopération internationale devant traduire dans la réalité la participation effective de la société civile et donc des populations aux activités de leur propre développement : la coopération non gouvernementale. Avec l'institution de cette forme de coopération qui consacre la décentralisation de l'aide au développement, on assiste à une prolifération d'acteurs et d'organismes intermédiaires de développement (BIERSCHENK et al., 2000 : 10).
Au Cameroun, l'institution du régime démocratique a conduit en 1990 à l'adoption de la loi sur la liberté d'association. Cette loi a eu pour acte de baptême l'irruption de la société civile dans le champ du développement au Cameroun. La société civile jusque là peu impliquée dans les initiatives de développement dans le cadre de la coopération « centralisée » va dès lors s'ériger en acteur incontournable du développement. La participation de cette société civile se manifeste par l'implication des ONG nationales, composantes et « locomotives » de la société civile au Cameroun, dans le développement. Les ONG nationales deviennent, dans le cadre de la coopération non gouvernementale, le «substitut fonctionnel » de l'État dans la canalisation de l'aide au développement.
Les ONG nationales constituent aujourd'hui « non seulement une réalité de l'univers institutionnel au Cameroun mais aussi des acteurs opérationnels de mise en oeuvre des programmes de développement dans plusieurs secteurs (J. MBALLA MBALLA, 2002 : 2). Le phénomène d'ONG connaît, au Cameroun, un essor en terme numérique. Leur création se fait parfois de façon anarchique et improvisée qu'il est pratiquement difficile de donner des chiffres exacts sur leur nombre. D'une dizaine en 1990, on estime leur nombre supérieur à 600 en 1997, comme le relève ENGOLO OYEP cité par S.C. ABEGA (1999 : 180). Le PNUD (2000 :14), s'inspirant des données recueillies par le Programme national de gouvernance (1999), dénombre 30843 associations et ONG confondues recensées dans 7 provinces sur les 10 que compte le Cameroun.
La prolifération ainsi constatée des ONG et/ou associations s'explique en partie, relève S.C. ABEGA (1999 : 180), par la volonté des bailleurs de fonds de toucher directement les populations à la base, question de contourner les canaux étatiques dont les résultats ont été décevants du fait des détournements d'une bonne partie de l'aide ou de sa mauvaise utilisation.
« Les ONG, par leurs structures légères et leurs méthodes de gestion, par la facilité qu'elles offrent aux contrôles exercés par les organismes donateurs, par leur spécialisation dans certains domaines, apparaissent comme un relais efficace pour toucher les populations » (. Op.cit. :180).
Avec la prolifération des ONG nationales, leur sollicitation/implication dans les initiatives de développement et les atouts qu'elles offrent dans la lutte pour la réduction de la pauvreté, on se serait attendu à une réduction remarquable de la pauvreté au Cameroun. On assiste « a contrario », à une paupérisation croissante des populations camerounaises :
« Les statistiques officielles et la voix des pauvres qui se fait entendre font état d'une société qui n'a pas encore agi suffisamment pour résoudre le problème de la pauvreté ». (BM, 1995 : Préface).
L'enquête camerounaise auprès des ménages (ECAM I) de 1996, révèle que la pauvreté touchait 50,5 % de ménages camerounais (MINEFI-CTS 2000 :6). Les consultations participatives de mars-avril 2000 qui ont permis l'élaboration du Document intérimaire de stratégies de réduction de la pauvreté (DSRPI), ont relevé et reconnu la gravité de la profondeur et de l'ampleur de la pauvreté au Cameroun (MINEFI-CTS, 2000 : 2). Deux ans après, précisément en Janvier 2002, ces consultations ont été reprises. Et, « de manière générale, les maux décriés lors des consultations participatives de mars-avril 2000 pour caractériser la pauvreté ont à nouveau été relevés, voire renforcés » (MINEFI-CTS, 2002 : 16).
Certes, la coopération pour la développement à elle seule ne peut être considérée comme le catalyseur unique de la réduction de la pauvreté au Cameroun. Mais, sa contribution à la réduction de la pauvreté est aussi indéniable. Partie de la forme centralisée qui a été jugée inefficace à la réduction de la pauvreté, elle s'est consolidée avec la forme décentralisée, avec comme modalité la plus en vue et la plus pratiquée la coopération non gouvernementale. Malgré le recours accru à cette forme de coopération, la réduction de la pauvreté n'est pas toujours une réalité au Cameroun. On en vient alors à s'interroger sur l'efficacité proclamée de cette forme de coopération sur la réduction de la pauvreté.
5 - Revue de la littérature
Dans les investigations relatives aux travaux se rapportant à notre sujet, nous avons relevé un manque de productions traitant étroitement de la coopération non gouvernementale. Mais quelques productions nous ont permis d'élargir notre champ de connaissance sur le sujet. Il s'agit des productions de S.C. ABEGA (1999), de R. MELONI. et al (1999) et du PNUD (2000)
Dans Société civile et réduction de la pauvreté, S.C. ABEGA (1999) dans une partie consacrée aux ONG, fait une analyse critique des ONG dans la réduction de la pauvreté. Il en ressort que le statut hybride entre l'entreprise créée pour le bénéfice de leurs promoteurs et l'ONG véritable tournée vers l'altruisme, constitue un obstacle à la contribution des ONG à la réduction de la pauvreté.
R. MELONI. et al, dans La GTZ et les ONG/associations au Cameroun : une expérience de collaboration, relèvent les problèmes qui font obstacles à l'efficacité-fonctionnalité des ONG/associations au Cameroun. Ils relèvent des problèmes tels que leur statut pas clair, leur structure parfois personnalisée , le manque de ressources propres, l'inexistence d'un local, le non respect des statuts et l'absence de règlement intérieur, l'absence d'un système de gestion comptable , la faible transparence dans les opérations, les rapports d'activités irréguliers, le sentiment d'être en compétition avec d'autres ONG.
Le rapport du PNUD sur le développement humain au Cameroun de 2000 intitulé Société civile et développement fait remarquer la volonté des institutions internationales de voir les ONG nationales impliquées dans leurs programmes non seulement du fait de leur proximité par rapport aux bénéficiaires, mais aussi du fait de leur approche. Toutefois, cette étude évoque pour le regretter leur faible degré de professionnalisme, leur statut peu élaboré, leur existence éphémère et peu durable, l'inconsistance de leur action.
Toutes les études sus-évoquées relèvent les éléments de blocage de l'efficacité des actions des ONG nationales. Pour ces différents auteurs, l'efficacité des ONG nationales dans la lutte pour la réduction de la pauvreté au Cameroun est freinée par les problèmes d'organisation interne de celles-ci.
Les ONG étant un maillon d'une chaîne constituée des bailleurs de fonds et des populations bénéficiaires, les obstacles à leur contribution à la réduction de la pauvreté ne sauraient résidés dans leur organisation interne uniquement. Leurs relations avec leurs partenaires(bailleurs de fonds et populations bénéficiaires) peuvent également influencer leurs actions sur la réduction de la pauvreté. D'où notre interrogation sur les relations entre les ONG nationales et leurs partenaires sus-cités dans la lutte pour la réduction de la pauvreté au Cameroun.
6 - Objectifs de la recherche
· Objectif général
L'objectif principal de la présente étude est de rechercher dans les relations entre les ONG nationales et leur « environnement de soutien » les facteurs sociologiques qui expliquent le déphasage entre le recours accru à la coopération non gouvernementale et la paupérisation croissante des populations camerounaises.
· Objectifs spécifiques
Cette étude a deux objectifs spécifiques :
· Elle se propose d'examiner la politique de coopération des bailleurs de fonds dans leurs relations avec les ONG nationales, question d'identifier les facteurs qui dans cette politique expliquent le déphasage entre le recours accru à la coopération non gouvernementale et la paupérisation croissante des populations camerounaises;
· Elle se propose également d'examiner les méthodes d'intervention des ONG nationales dans la coopération non gouvernementale, question d'identifier les facteurs qui dans ces méthodes expliquent le déphasage entre le recours accru à la coopération non gouvernementale et la paupérisation croissante des populations camerounaises.
7 - Problème et question de recherche
Le recours à la coopération non gouvernementale qui a eu pour conséquence la prolifération des ONG nationales et leur implication croissante dans la lutte pour la réduction de la pauvreté au Cameroun, contraste avec la paupérisation croissante des populations camerounaises. Pourtant, cette forme de coopération a été instituée pour pallier aux insuffisances de la coopération « classique » ou « centralisée » qui n'a pas eu un impact réel sur la réduction de la pauvreté au Cameroun. Le recours accru à la coopération non gouvernementale et la paupérisation croissante des populations camerounaises suscitent le questionnement.
Qu'est-ce qui explique le déphasage entre le recours accru à la coopération non gouvernementale et la paupérisation croissante des populations camerounaises ?
8 - Hypothèse de recherche
· Hypothèse générale
La coopération non gouvernementale a engendré un autre type de « configurations développementistes » (DE SARDAN, 1995 : 7) constituées pour le cas d'espèce des bailleurs de fonds, des ONG nationales et des populations bénéficiaires. Suivant cette configuration, les ONG nationales constituent un maillon de la chaîne de coopération non gouvernementale et occupent une position intermédiaire/intercalaire. Cette position fait d'elles un système. Et comme tel, elles sont en relation avec leur environnement, plus précisément ce que D.J. MULLER (1989 : 154) appelle « environnement de soutien » des ONG. Dans le cas d'espèce, cet environnement est constitué des bailleurs de fonds et des populations bénéficiaires. Comme le révèle D.J. MULLER, « l'efficacité des opérations non gouvernementales se fonde sur les « bonnes relations » que les ONG entretiennent avec leur « environnement de soutien » » (1989 : 205).
Autrement dit, les relations entre les ONG nationales et leur « environnement de soutien » expliquent le déphasage entre le recours accru à la coopération non gouvernementale et la paupérisation croissante des populations camerounaises.
· Hypothèses secondaires
Hypothèse 1 :
Les relations entre les bailleurs de fonds et les ONG nationales expliquent le déphasage entre le recours accru à la coopération non gouvernementale et la paupérisation croissante des populations camerounaises. Ces relations impliquent la mise en oeuvre d'une politique de coopération entre les bailleurs de fonds et ONG nationales. Cette politique de coopération renferme les principes de coopération des bailleurs de fonds, les procédures d'obtention de leur appui, leurs domaines d'appui et critères de choix, et la proportion de leur appui aux ONG nationales.
Hypothèse 2 :
Les méthodes d'intervention des ONG nationales dans la coopération non gouvernementale expliquent le déphasage entre le recours accru à la coopération non gouvernementale et la paupérisation croissante des populations camerounaises. Ces méthodes d'intervention renferment les stratégies d'accommodation des ONG nationales à la politique de coopération des bailleurs de fonds et leur intervention auprès des populations bénéficiaires.
9 - Cadre théorique d'analyse
Les phénomènes sociaux sont si complexes que pour y déceler des lois, le chercheur doit les réduire à des phénomènes théoriques plus simples. Aussi envisageons-nous trois grilles d'analyse pour la lecture du phénomène de coopération non gouvernementale. Il s'agit de l'analyse sociocritique, de l'analyse systémique et de l'analyse stratégique.
A - L'Analyse sociocritique
Développée par des auteurs tels que Georges BALANDIER et Jean ZIEGLER, la sociologie critique naît de la rupture avec le sociologie de l'ordre et de la permanence. Elle a pour vocation de mettre en évidence ce qui est caché. A ce sujet, Jean ZIEGLER écrit :
« Ce qui est montré est à expliquer par ce qui ne se montre pas, car le plus caché est le plus véridique » (1981 : 20).
En effet, pour comprendre le fait social, en l'occurrence le phénomène de coopération non gouvernementale tel qu'il se déploie; il faut saisir toutes les dynamiques qui le sous-tendent. Car, comme l'écrit BALANDIER :
« Les sociétés ne sont jamais ce qu'elles paraissent être ou ce qu'elles prétendent être. Elles s'expriment à deux niveaux au moins, l'un superficiel présente les structures « officielles » si l'on peut dire ; l'autre profond, assure l'accès aux rapports réels les plus fondamentaux, et aux pratiques révélatrices de la dynamique du système social » (1971 : 7)
En somme, l'approche sociocritique permet de déceler les aspects cachés du fait social. Il est question de partir de ce qu'on voit dans la pratique de la coopération non gouvernementale pour comprendre et saisir les « non-dits » de cette coopération.
B - L'analyse systémique
L'analyse systémique consiste à étudier l'ensemble des interactions qui se produisent entre les systèmes et son environnement par le mécanisme des « input » et des « output ». Les « input » sont constitués par l'ensemble des demandes et soutiens qui vont être dirigés sur le système. A l'intérieur du système, les demandes et les soutiens sont convertis par la réaction combinée de tous les éléments constitutifs du système et provoquent finalement de la part de l'autorité régulatrice, une réaction qui exprime la manière dont le système s'adapte ou tente de s'adapter aux incitations et aux pressions qui émanent de l'environnement. Cette réaction globale constitue la réponse du système ou « output », mais amorce en même temps un nouveau circuit de réaction ou « feedback » qui contribue à son tour à modifier l'environnement d'où partiront ensuite de nouvelles demandes et nouveaux soutiens. Telle se présente l'analyse systémique préconisée par David EASTON.( M. MERLE, 1988 :131-137).
Pour le cas de notre étude, les « input » sont constitués des soutiens que les bailleurs de fonds apportent aux ONG nationales. Les « output » sont constitués de l'investissement des ONG nationales dans les activités des populations bénéficiaires, c'est la réponse des ONG nationales aux besoins des populations bénéficiaires. Il s'agit à travers l'analyse systémique de comprendre les relations entre les ONG nationales et leur « environnement de soutien » dans la lutte pour la réduction de la pauvreté au Cameroun.
SCHÉMA 1 : SCHÉMA DESCRIPTIF DE L'ANALYSE SYSTÉMIQUE DE LA COOPÉRATION NON GOUVERNEMENTALE
C - L'analyse stratégique
Cette approche développée par CROZIER et FRIEDBERG, nous permet dans le cadre de la présente étude d'analyser les stratégies des ONG nationales, compte tenu de leur position dans la coopération non gouvernementale. Étant au coeur de cette coopération, du fait de leur position intercalaire entre les bailleurs de fonds et les populations bénéficiaires, l'étude de leur stratégie dans cette coopération revêt une importance pour la compréhension de l'action de la coopération non gouvernementale sur la lutte pour la réduction de la pauvreté au Cameroun. Car, toute ONG nationale engagée dans les relations avec les bailleurs de fonds dispose d'un cerveau et d'une marge de liberté (servir les populations ou non) qui la rendent capable de choisir la stratégie à ses yeux la plus apte à servir son projet (obtenir le financement). Ainsi, il est rationnel de servir les populations bénéficiaires lorsque ce service conditionne l'obtention du financement et il est aussi rationnel de ne pas servir les populations bénéficiaires si le service n'améliore en rien les chances d'obtenir le financement. Une telle décision est rationnelle en ce sens qu'elle est basée sur le calcul des chances de gain (obtention du financement) en fonction des atouts (aptitudes à servir les populations bénéficiaires), des règles de jeu (domaines et critères de financement des bailleurs de fonds) et de l'intérêt porté à l'enjeu. Telle se présente l'analyse stratégique conçue par CROZIER et FRIEDBERG (R.. QUIVY et L. VAN CAMPENHOUDT, 1995 :264-266).
Cette grille de lecture nous permet d'identifier dans la conduite des ONG nationales, les éléments susceptibles d'expliquer le déphasage entre le recours accru à la coopération non gouvernementale et la paupérisation croissante des populations camerounaises.
L'analyse sociocritique, l'analyse systémique et l'analyse stratégique sont les trois grilles d'analyse qui nous permettrons de faire une lecture de la coopération non gouvernementale en rapport avec la réduction de la pauvreté au Cameroun.
10 - Méthodologie
A - Variables
1 - Variable dépendante
La variable dépendante est le phénomène que l'on se propose d'étudier. Pour le cas de la présente étude, il s'agit des relations entre les ONG nationales et son « environnement de soutien » que sont les bailleurs de fonds et les populations bénéficiaires.
2 - Variable indépendante
La variable indépendante est le facteur qui explique le variable dépendante, elle conditionne la variable dépendante. Il s'agit pour le cas de la présente étude des facteurs suivants : la politique de coopération des bailleurs de fonds ; des méthodes d'intervention des ONG nationales.
B - Indicateurs
Les indicateurs de ces variables se présentent comme suit :
· Indicateurs de la politique de coopération des bailleurs de fonds :
· Procédures d'obtention d'appui auprès des bailleurs de fonds ;
· Domaines d'appui des bailleurs de fonds ;
· Critères de choix des domaines d'appui des bailleurs de fonds ;
· Proportion de l'appui des bailleurs de fonds aux ONG nationales.
· Indicateurs des méthodes d'intervention des ONG nationales
· Stratégies d'accommodation des ONG nationales aux principes des bailleurs de fonds ;
· Logique des populations bénéficiaires dans les initiatives conduites par les ONG nationales ;
· Émanation des initiatives destinées aux populations ;
· Principaux bénéficiaires de ces initiatives ;
· Proportion de l'apport des ONG nationales dans les activités destinées aux populations bénéficiaires.
C- Collecte des données : Méthodes, outils et analyse
1 - Méthodes de collectes des données
Dans le cadre de cette étude, deux méthodes de collecte des données ont été utilisées. Il s'agit de :
-l'observation documentaire;
-l'entretien sémi-structuré.
2 - Outils de collecte des données
L'observation documentaire s'est faite à l'aide d'une fiche de lecture puisqu'il s'est agi de la consultation des ouvrages et autres documents se rapportant au sujet. Quant à l'entretien sémi-structuré, il a été mené suivant des guides d'entretien. Un guide d'entretien individuel pour les responsables des institutions de financement (bailleurs de fonds), les responsables d'ONG nationales et les personnes-ressources ; et un guide d'entretien collectif ou de focus-group pour les populations bénéficiaires de l'action des ONG nationales. En plus de ces entretiens formalisés, il y a eu des entretiens non formalisés avec quelques personnes-ressources.
3 - Analyse des données
La méthode utilisée pour l'analyse des données est l'analyse qualitative de contenu.
D - La sélection des unités d'observation
La sélection des unités d'observation s'est faite suivant la méthode d'échantillonnage probabiliste qui consiste à attribuer à chaque élément de la population la probabilité de figurer dans l'échantillon. Ainsi les bailleurs de fonds ont été choisis en fonction de leur spécificité dans la coopération pour le développement. L'ACDI a été sélectionnée pour les institutions de coopération bilatérale, la Banque mondiale (BM) pour les institutions de coopération multilatérale à vocation mondiale, et L'Union européenne (UE) pour les institutions de coopération multilatérale à dimension continentale. A la suite des bailleurs de fonds, les ONG nationales ont été choisies en vertu de leurs expériences dans les relations avec ces institutions. Au total, six (6) ONG nationales ont servi de cadre à cette étude. Du côté des populations, deux (2) organisations à la base, bénéficiaires de l'action de ces ONG ont également servi de cadre à l'étude (Cf. Annexe.II).
11 -Définitions des concepts opératoires
Coopération non gouvernementale : C'est un ensemble de liaisons établies entre les institutions non gouvernementales et les institutions de financement ou ce qui en tient lieu, en vue du développement. Les ONG sont les partenaires par excellence des institutions de financement dans cette coopération.
« Environnement de soutien » : Cette expression est utilisée par D. J.. MULLER pour désigner les acteurs ressources qui font bénéficier les ONG de leur appui matériel ou autre (1989 : 154). Pour le cas de la présente étude, il s'agit des bailleurs de fonds et des populations bénéficiaires.
« Configurations développementistes » : C'est une expression utilisée par J.P.O. DE SARDAN pour désigner l'univers largement cosmopolite d'experts, de bureaucrates, de responsables d'ONG, de chercheurs, de techniciens, de chefs de projets, d'agents de terrain, qui vivent en quelque sorte du développement des autres, et mobilisent ou gèrent à cet effet des ressources matérielles et symboliques considérables (1995 : 7). Cette configuration dans le cadre de notre étude correspond aux bailleurs de fonds et aux ONG nationales qui oeuvrent pour les populations bénéficiaires de leurs actions.
12 - Difficultés rencontrées
La conduite de cette étude s'est heurtée à de nombreux obstacles. Le premier est relatif à l'indisponibilité des ouvrages et des données relatifs au sujet, le second à la difficulté d'obtenir les informations auprès des personnes ressources en raison de leur indisponibilité permanente. Enfin, les difficultés pécuniaires ne nous ont pas permis d'avoir les coudées franches dans l'exécution du calendrier de recherche relative à cette étude.
13 - Plan de travail
Pour aborder cette étude qui traite de la coopération non gouvernementale en rapport avec la lutte pour la réduction de la pauvreté, nous avons structuré notre travail en cinq (5) chapitres. Le premier présente le cadre institutionnel de l'étude, le second fait l'état des lieux de la pauvreté au Cameroun ainsi que les stratégies de lutte. La problématique de la coopération non gouvernementale est au centre du troisième chapitre. Le quatrième quant à lui analyse la politique des bailleurs de fonds en matière de coopération non gouvernementale. Le cinquième chapitre enfin analyse l'intervention des ONG nationales dans cette coopération.