I.3. Inégalité
I.3.1. Définitions
L'intérêt et la nécessité d'une
définition précise du concept d'inégalité
résident dans
le fait qu'il entretient des liens très
étroits avec un grand nombre de problèmes
socioéconomiques cruciaux. Par sa nature multidimensionnelle,
l'inégalité se réfère aussi bien a la notion de
pauvreté relative qu'aux questions de la distribution et de la
cohésion sociale. Si l'on considère, a titre d'exemple,
un ménage comme pauvre lorsqu'il n'a pas suffisamment de ressources
pour participer aux différentes activités jugées normales
ni pour disposer de conditions de vie largement approuvées par la
société, on se réfère directement a un concept
d'inégalité sociale (Miceli, 1997). De
ce point de vue, l'inégalité, en termes
relatifs, peut être comprise comme l'écart par rapport a une
notion de distribution appropriée (Sen, 1973). Dans le prolongement de
cette idée, Sen précise que deux notions d'une
distribution juste s'opposent, l'une basée sur les besoins, l'autre
sur le mérite. Considérée en dehors de toute
référence normative, une définition sociologique
appréhende l'inégalité comme l'accès
biaisé des membres d'une même société a
des biens sociaux d'ordre matériel ou symbolique (Levy et al.,
1997). Cette définition se réfère implicitement a un
concept d'inégalité d'opportunités qui peut être la
conséquence de trois sources différentes, liées d'une
part a l'origine familiale, associées d'autre part aux
discriminations de nature raciale, sexuelle ou autres ou dues finalement a la
dotation initiale en capital financier ou physique des
individus27.
I.3.2. Mesures des inégalités
Empiriquement, le concept d'inégalité
économique peut être mesuré de différentes
manières. Cependant, la plupart des études
réalisées sur ce thème cherchent a
l'appréhender par le biais de la distribution des revenus ce qui est en
soi critiquable
et nécessite de surcroît deux clarifications
préliminaires. Elles portent en premier lieu sur la définition du
concept du revenu utilisé et, d'autre part, sur la définition de
l'unité d'observation. Le revenu doit englober les salaires, les
revenus des travailleurs indépendants, les retraites et autres
revenus de transfert (allocations familiales, allocations chômage,
etc.), ainsi que les revenus du patrimoine (dividendes, intérêts,
etc). L'unité d'observation doit, a son tour, être définie
comme l'unité de consommation économique au sein de laquelle les
revenus sont mis en commun et
les décisions de consommation prises conjointement
(Sawyer, 1976). Comme le ménage représente l'unité
de mesure privilégiée, le revenu doit être
ajusté proportionnellement, suivant une échelle
d'équivalence, au nombre d'individus vivant dans ce dernier, pour que
les résultats soient comparables entre eux. Une grande
variété de mesures différentes respectant ces deux
conditions, peut être utilisée pour rendre compte de la
distribution du revenu28.
· Le rapport interdécile
Ce rapport établit le rapport entre le 9ème
décile de revenu sur le premier décile de revenu.
Le premier décile délimite les 10 % de
ménages disposant des revenus les plus élevés, et
le 9ème les 90 % de ménages recevant les revenus les
plus faibles. Il
27 Yves FLÜCKIGER, Op.cit, p.12
28 Yves FLÜCKIGER, op. cit, pp 12-14
s'agit ici du rapport des limites de décile. Cet
indicateur a le mérite de la clarté mais
ne traduit pas l'inégalité dans l'ensemble de la
distribution des revenus. Il ne mesure que les extrêmes de la
distribution, sans indiquer comment évoluent les classes
moyennes.29
· L'indice de GINI30
Il s'agit d'un indicateur qui vise a résumer la courbe de
Lorenz, courbe qui se définit
en abscisse par le pourcentage de ménages disposant des
revenus les plus faibles
et en ordonnée par la masse de revenu que se partagent
ces ménages. L'indice de GINI est égal a 2 fois la surface
délimitée par la courbe de Lorenz et la première
bissectrice. Par construction, l'indice de GINI est compris entre 0
(distribution uniforme : tous les ménages disposent du même
revenu) et 1 (distribution où tous les ménages sauf un ont un
revenu nul). Plus l'indice de GINI est proche de 1, plus
l'inégalité mesurée est importante.
Une deuxième formulation de l'indice correspond a un
indicateur de satisfaction : il s'agit ici d'une fonction de bien-être
social U(x) linéaire accordant les poids (2n - 1), (2n -
3),...,1 aux individus rangés selon l'ordre croissant de leur
bien-être :
dont on déduit :
soit encore :
L'indicateur de bien-être social est donc le
niveau de vie moyen x corrigé par le coefficient 1-G(x),
qui est compris entre 0 et 1, et qui décroît lorsque les
inégalités augmentent.
· L'Indicateur de THEIL
Inspiré de la mesure de l'entropie, l'indice de
THEIL mesure l'écart entre la distribution égalitaire
(distribution uniforme dont l'entropie vaut
et la distribution constatée.
Ainsi, si l'indice de THEIL est nul, alors la distribution est
parfaitement égalitaire. A
l'inverse, plus les revenus sont dispersés plus il sera
fort.
29 Daniel Verger et al, Op.Cit , p.45
30 Idem.,
L'indice de Theil, est d'autant plus sensible a un transfert
qu'il a lieu entre ménages situés a des extrêmes de la
distribution31.
· L'Indicateur d'ATKINSON
Ces indices se définissent par la valeur donnée a
un paramètre a = (1 - e) (a < 1) et par la formule :
pour a non nul
et pour a=0
Chacun de ces indices traduit l'aversion de la population pour
l'inégalité : un indice d'Atkinson valant x % signifie que
la population accepterait de perdre x % de son
revenu actuel pour que la distribution devienne
égalitaire.
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Le paramètre a (norme de l'indice, valant -0,5 0
ou +0,5 dans
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l'étude)
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représente
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cette plus ou moins forte aversion pour
l'inégalité. Plus a est
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proche
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de 1, plus
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l'aversion pour l'inégalité est faible : a la
limite (a=1), l'indice d'Atkinson vaut 0. En pratique, on interprète le
coefficient a en remarquant que plus ce paramètre décroît,
plus on attache d'importance aux transferts concernent les revenus les plus
faibles.
· La variance des logarithmes
S'agissant de distributions de revenus qui suivent
approximativement une loi Log- normale cet indicateur semble
approprié. Comme l'indice de Theil, il peut être
décomposé et permet des analyses de la variance et des
régressions multicritères.
On juge la qualité d'un indice d'inégalité a
partir de la façon dont il satisfait ou non divers principes (ou
axiomes), le plus important, le plus « évident » étant
le principe
dit de transfert qui veut que l'indice augmente quand on prend
a une personne pour donner a quelqu'un de plus riche ; aucun indice ne
possède toutes les propriétés désirables : en
particulier les indices les plus simples, soit le rapport interdécile et
la variance des logarithmes, ne satisfont pas au principe de
transfert, ce qui est rédhibitoire d'un point de vue normatif.
A l'inverse les autres indices présentés ci- dessus (Gini,
Theil, Atkinson) y souscrivent mais sont d'une lecture moins
immédiate
et renvoient a une construction théorique plus complexe.
Ce sont néanmoins eux qui sont désormais le plus souvent
utilisés32.
31 Daniel Verger et al, Op.Cit , p.46
32 Daniel Verger et al, Op.Cit , p.47
Ainsi, dans ce travail nous allons utiliser le coefficient de
Gini qui est la mesure la plus populaire pour la saisie des
inégalités.
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