I.2.2 Définition du seuil de pauvreté
Le seuil de pauvreté est un ligne de démarcation a
partir de laquelle un individu peut être considéré comme
pauvre ou non pauvre.
La définition d'un seuil de pauvreté se fait selon
trois approches :
· L'approche nutritionnelle : le seuil de pauvreté
est établi par l'apport minimal
en calories pour assurer la survie a terme. L'OMS fixe un
seuil absolu sur la consommation journalière d'énergie
nutritive a 2.133 calories et selon les normes FAO, a 2.400 calories
pour la pauvreté et a 1.800 calories pour l'extrême
pauvreté ;
· Une deuxième approche élargit le
concept de pauvreté a l'ensemble des besoins qui doivent
être satisfaits pour mener une digne en société.
La
23Daniel Verger et al, Op.Cit , p.9
banque mondiale a fixé le seuil de pauvreté
absolue a une consommation journalière de biens et services aux
Etats-Unis en 1985 d'un volume de 1$ ;
· Une dernière approche postule que le seuil de
pauvreté peut être mesuré par
la part des déciles inférieurs dans la
distribution des revenus et qu'il doit refléter une certaine
stratification sociale.
I.2.3 Définition de la ligne de pauvreté
La ligne de pauvreté pour un espace
déterminé a une époque donnée est le niveau minimum
de revenu ou de consommation de biens et services d'une personne qui assure l'
atteinte du seuil de pauvreté absolue tout en respectant ses habitudes
de consommation.
Il s'agit d'un revenu ou d'une consommation de biens et services
qui correspond a un seuil donné de pauvreté relative.
I.2.4 Les indicateurs synthétiques de la
pauvreté
I.2.4.1 Définition
Un indicateur de pauvreté peut être défini
comme une variable « proxy » mesurable
et aussi près que possible d'une dimension
particulière spécifiée dans l'espace de
pauvreté.24
Un indicateur de pauvreté ne doit pas être confondu
avec une mesure de pauvreté ni avec un indice de pauvreté.
Ainsi, un indicateur est un nombre synthétique
qui renseigne sur l'état de
manifestation ou de manque de capacités. Il n'a
guère de contenu éthique ou de considération
normative.
Par contre, un indice de pauvreté est un nombre, qui
par sa formule de calcul a un contenu et un jugement éthique et / ou de
justice social sur la manifestation ou le manque de capacités d'une vie
humainement humaine.
I.2.4.2 Propriétés d'un bon indicateur de
pauvreté
Depuis les travaux de Sen (1976) qui introduit les
axiomes de monotonicité et de transfert, plusieurs autres axiomes
ont été proposés et sont généralement
acceptés par la littérature (voir entre autres Foster et al.,
1984; Donaldson et Weymark, 1986; Foster et Shorrocks, 1991; Bourguignon et
Fields, 1997).
Les différents axiomes sont les suivants25
:
Axiome 1 La concentration : L'indice de pauvreté
demeure inchangé lorsqu'un at- tribut j augmente pour un
individu i, les autres attributs de la matrice étant con-
stants, si initialement la situation était caractérisée
par ![](mondialisation-pauvrete-inegalite-commerce-international4.png)
24 Louis-Marie Asselin et Anyck Dauphin,
Op.Cit. , p.27
25 Yélé Maweki B., Tests de
comparaisons de la pauvreté
multidimensionnelle basés sur le ratio de vraisemblance
empirique, Séminaire de thèse, Département
d'Économique, Université Laval, mai 2006, pp.10-14
Le premier axiome dit que lorsqu'un individu est bien loti au
niveau d'un attribut, lui
en augmenter n'influe pas sur l'intensité de la
pauvreté même s'il est pauvre dans d'autres attributs.
Axiome 2 La monotonicité : Pour ,
une augmentation de
n'accroît pas
l'indice de pauvreté si les autres attributs restent
inchangés.
L'axiome 2 nous dit que l'amélioration des conditions des
pauvres n'augmente pas
la mesure de la pauvreté. Au contraire, elle peut la
réduire.
Axiome 3 Le principe de population : Si la matrice des
attributs X est repliquée
plusieurs fois alors l'indice de pauvreté ne change pas et
l'on aura alors ![](mondialisation-pauvrete-inegalite-commerce-international7.png)
![](mondialisation-pauvrete-inegalite-commerce-international8.png)
,
où
est la matrice
repliquée fois.
L'axiome 3 permet par la réplication par exemple de
réduire deux matrices de tailles différentes a la même
taille, ce qui peut s'avérer utile pour les comparaisons
ordinales de pauvreté entre régions et entre périodes.
![](mondialisation-pauvrete-inegalite-commerce-international12.png)
![](mondialisation-pauvrete-inegalite-commerce-international13.png)
Axiome 4 La symétrie ou l'anonymat : Pour tout
, toute permutation des individus la matrice n'aura aucun impact sur
l'indice de pauvreté, autrement dit
d'ordre N.
, où représente une quelconque matrice de
permutation
L'axiome 4 requiert que les mesures de
pauvreté ne dépendent pas des caractéristiques non
pertinentes des individus.
Axiome 5 La continuité : Pour tout
est continu sur M, ce qui sig-
nifie que l'indice de pauvreté ne doit pas être
très sensible a une variation marginale
de la quantité d'un attribut.
L'axiome 5 s'assure que les imprécisions qui
caractérisent les données sur le bien- être ne les
affectent pas significativement.
Pour Tsui (2002), la mesure de la pauvreté
multidimensionnelle est une valeur
réelle d'une fonction
qui satisfait les cinq axiomes ci-dessus cités. Il existe d'autres
axiomes permettant de spécifier une forme aux mesures de
pauvreté.
![](mondialisation-pauvrete-inegalite-commerce-international17.png)
![](mondialisation-pauvrete-inegalite-commerce-international18.png)
Axiome 6 La décomposabilité par sous-groupe
: Pour tout
![](mondialisation-pauvrete-inegalite-commerce-international19.png)
et tels que
alors où Ni est la taille associée a chaque sous-groupe
avec ![](mondialisation-pauvrete-inegalite-commerce-international22.png)
Cet axiome signifie que lorsque la population est
partitionnée en plusieurs sous-
groupes k, alors la mesure de pauvreté globale
est une moyenne pondérée des mesures de pauvreté pour
chaque sous-groupe. Ceci permet notamment d'étudier la pauvreté
selon différents sous-groupes (ethnique, géographique, etc.) et
d'analyser
leur contribution a la pauvreté globale, ce qui peut
offrir des perspectives intéres- santes pour le ciblage de la lutte
contre la pauvreté. Si l'on ajoute cet axiome aux autres, Bourguignon et
Chakravarty (2002) définissent l'indice de pauvreté multidi-
mensionnelle suivant comme satisfaisant l'ensemble de ces axiomes:
![](mondialisation-pauvrete-inegalite-commerce-international23.png)
Cette forme est conforme a la forme générale
dérivée par la proposition 1 de
Tsui (2002) comme nécessaire et suffisante pour que
l'indice de pauvreté multidi- mensionnelle P (X;
z) satisfasse l'axiome 6:
![](mondialisation-pauvrete-inegalite-commerce-international24.png)
où H est une fonction continue et strictement
croissante tandis que :
![](mondialisation-pauvrete-inegalite-commerce-international25.png)
![](mondialisation-pauvrete-inegalite-commerce-international26.png)
est continue et non croissante par rapport aux attributs.
Pour faciliter les comparaisons ordinales de pauvreté
entre pays pouvant utiliser des unités de mesures différentes,
l'axiome suivant est proposé:
Axiome 7 L'invariance aux variations d'échelle :
Pour tout et
tout ![](mondialisation-pauvrete-inegalite-commerce-international28.png)
soit une matrice et
, alors ![](mondialisation-pauvrete-inegalite-commerce-international31.png)
Cette propriété signifie que la mesure de
pauvreté est homogène de degré 0 par rapport a X
et z. Il s'agit ainsi de ne pas faire dépendre l'indice
des unités de mesure.
A ces propriétés s'ajoutent d'autres axiomes moins
faciles a adapter au cadre multidimensionnel de la pauvreté (Bourguignon
et Chakravarty, 2003).
Axiome 8 Le principe de transfert : Pour tout et
lorsque Y
est dérivé de X par une redistribution des
attributs au niveau des pauvres avec
où B est une matrice de transformation (et non de
permutation)
bistochastique appropriée, alors ![](mondialisation-pauvrete-inegalite-commerce-international35.png)
Cet axiome s'appuie sur le principe de Pigou-Dalton qui, dans le
cadre uni- dimensionnel habituel, suggère qu'une redistribution
égalitaire de revenu entre les
pauvres qui n'engendre pas de reclassement entre ces
derniers est de nature a diminuer la pauvreté.
Axiome 9 Non décroissance de la pauvreté suite
à une augmentation de la corréla-
![](mondialisation-pauvrete-inegalite-commerce-international36.png)
tion entre attributs : Pour tout si
est obtenu a partir de
X par le transfert d'un attribut entre deux individus
pauvres a la fois dans tous les attributs, ce qui accroît la
corrélation entre attributs, alors
si
les attributs sont substituables.
Cet axiome peut être illustré dans le cadre de deux
attributs comme suit: en
supposant deux individus pauvres a la fois dans deux attributs 1
et 2, avec toutefois chacun d'eux qui est mieux loti que l'autre dans l'un des
attributs. Si l'on transfère
un attribut de l'individu le plus loti vers le moins loti, on
augmente la corrélation entre les attributs puisqu'ils se retrouvent,
l'un, avec une combinaison d'attributs
relativement élevés et, l'autre, avec une
combinaisons d'attributs relativement peu élevés.
Cependant, les attributs étant substituables dans le sens
qu'ils sont de la
même nature, ce que gagne en termes de réduction de
la pauvreté l'individu qui
voit son attribut augmenter n'est pas suffisante pour compenser
l'augmentation de
la pauvreté du second individu. Il est alors raisonnable
de s'attendre a une non décroissance de la pauvreté globale.
C'est l'inverse dans le cas d'attributs complé- mentaires. En effet,
puisque la pauvreté sera dépendante de l'attribut relativement
rare pour chaque individu, l'on pourrait alors, en
transférant la partie non contributive
de l'attribut de l'individu 1 a l'individu 2, réduire la
pauvreté au niveau du second individu sans affecter la situation du
premier. C'est ce qu'exprime l'axiome suivant
qui n'est que la version du précédent,
adaptée au cas d'attributs complémentaires:
Axiome 10 Non croissance de la pauvreté suite à
un accroissement de la corréla-
tion entre attributs : Pour tout et
si
est obtenu a partir de
X par le transfert d'un attribut entre deux individus
pauvres a la fois dans tous les attributs, ce qui accroît la
corrélation entre attributs, alors
si
les attributs sont complémentaires.
I.2.4.3 Quelques indices de pauvreté
Dans la littérature on utilise plusieurs
indicateurs synthétiques pour analyser la pauvreté en
dépassant la considération de la seule proportion des
pauvres. La plupart de ces indicateurs sont ceux de la classe Foster
Greer Thorbecke plus communément appelés FGT (1984). A partir
d'une ligne de pauvreté (Z), plusieurs indices de la famille FGT peuvent
être déclinés de la formule suivante26 :
![](mondialisation-pauvrete-inegalite-commerce-international43.png)
où yi est le revenu de l'individu ou du
ménage i.
![](mondialisation-pauvrete-inegalite-commerce-international44.png)
P0 est le taux de pauvreté qui correspond a
P1 représente la profondeur de la
pauvreté (Poverty Gap), il prend en compte
l'éloignement des pauvres par rapport a la ligne de
pauvreté ( ).
P2 ( )
mesure la sévérité de la pauvreté, il est un
indicateur de l'inégalité au sein des pauvres.
La plupart de ces indicateurs ont le défaut
d'être très sensibles aux erreurs de mesure dans le bas de la
distribution. La ligne de pauvreté, le taux d'incidence, de
l'intensité et de la sévérité de la
pauvreté sont des indicateurs de mesure et d'analyse
dérivés de l'approche utilitariste.
IL existe aussi d'autres indicateurs issus de l'approche non
utilitariste qui prennent
en compte certaines dimensions non saisies par les
approches traditionnelles du revenu ou de la consommation, il s'agit
des indices de développement humain suivants : IDH, ISDH et IPH.
Compte tenu des inconvénients des uns et des
autres, nous allons utiliser les indicateurs de la famille FGT et de
Sen.
26Daniel Verger et al, Op.Cit, p.48
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