Les pertes relatives aux opérations de
restructuration
Thomas Gruet
Master 2 Droit fiscal des affaires
Promotion 2005
Sous la direction de M. H. Hovasse
Université de Rennes 1, Faculté de Droit et science
politique de Rennes 1
Remerciements
J'adresse mes remerciements tout particulièrement
à M. Hovasse,
Professeur agrégé de droit à la
faculté de Droit de l'université de Rennes 1, pour le soutien,
l'expérience et la clairvoyance qu'il m'a apportés lors du
choix
du sujet et de l'élaboration de ce mémoire.
Je remercie également Me Dominique Villemot du
Cabinet Villemot, Névot, Barthés et associés et
Président du Groupe « IAS et fiscalité » au sein
du Conseil national de la comptabilité (CNC) pour
l'interview et le temps qu'il a
bien voulu m'accorder, pour les documents très riches
qu'il m'a transmis ainsi que pour m'avoir fait part des fruits de sa
réflexion.
Sommaire
Remerciements P.02
Sommaire P.03
Synthèse P.05
Introduction P.09
Développement P.11
I. Du caractère commun des pertes relatives aux
opérations de restructuration P.11
A. les notion de pertes et d'opérations de restructuration
P.11
1. La nature des opérations et pertes en question
P.11
a. Les notions d'opérations de restructuration
P.11
i Les fusions P.13
ii Les fusions simplifiées P.14
iii Les dissolutions-confusions P.14
b. La notion de perte P.15
i La définition et problématiques des pertes
P.15
ii Le caractère commun et spécifique
P.16
2. Les pertes communes liées aux résultats
antérieurs P.16
a. Le transfert des déficits : une évolution
favorable
mais mitigée pour les opérations intragroupes
P.17
i Le transfert des déficits sous l'ancien régime
P.17
ii Un nouveau traitement conforme aux
normes IFRS P.18
b. Le sort des provisions et amortissements P.20
i Les provisions P.20
ii Les amortissements P.21
B. Les pertes indirectement liées aux résultats
antérieurs P.23
1. Les pertes intercalaires : notion et évolution
P.23
a. Définition P.23
b. La raréfaction des pertes intercalaires
P.24
2. Les opérations réciproques P.26
II. Le mali de fusion : une perte spécifique
désormais strictement
encadrée P.28
A. La notion de mali de fusion P.28
1. Définition et exemple P.28
a. Définition P.28
b. Exemple de calcul et d'affectation d'un mali P.30
2. Les anciens traitements comptable et fiscal P.31
a. L'ancien traitement comptable P.31
b. L'ancien traitement fiscal P.32
B. Les incidences du règlement CRC du 9 juin 2004 : La
consécration de la notion fondamentale du mali technique
P.35
1. Les incidences comptables et fiscales P.35
a. Un traitement désormais conforme aux normes
IFRS P.35
b. Un traitement fiscal prévu par la loi P.40
2. Quelles difficultés sont à attendre et quelles
solutions
sont à envisager ? P.42
a. Les optimisations lors de l'opération P.42
b. Les difficultés persistantes du
traitement fiscal postérieur à l'opération
P.43
Sources P.44
Annexes P.47 / 49
Synthèse
Le 4 mai 2004, le Comité de la réglementation
comptable (CRC) a adopté
un règlement n° 2004-01 portant réforme du
traitement comptable des fusions
et opérations assimilées. Ce règlement,
publié le 9 juin 2004 avait auparavant fait l'objet d'un avis du Conseil
national de la comptabilité (CNC) publié le 24 mars 2004. Le
traitement comptable de ces opérations est maintenant
homogénéisé. Ce nouveau règlement apporte des
définitions et des méthodes strictes là où,
parfois, aucune définition comptable, juridique ou fiscale n'existait.
Il arrivait que certaines institutions (CNC, CNCC, COB...) se contredisent,
notamment à propos du traitement comptable du mali de fusion.
Il est bien évident qu'à la vue de la connexion
de la fiscalité aux règles de la comptabilité1,
des incidences fiscales découlent indirectement de ce règlement.
Elles impactent nécessairement le traitement fiscal des pertes
relatives aux opérations de restructuration.
Ce règlement n'est pas seulement une nouveauté
en ce qu'il apporte de nouvelles règles comptables et de facto
fiscales. Il représente la révolution comptable et même
juridique qui se déroule actuellement en France et pour une dizaine
d'années à venir : l'adoption des IFRS / IAS2 et leur
transposition aux comptes statutaires. Certes, le règlement comptable
traitant des fusions et opérations assimilées n'est pas la
transposition pure et simple des normes IFRS en général
ou de la norme IAS 22 traitant des « regroupements d'entreprises
» en particulier. Il n'en reste pas moins que certaines notions
sous-jacentes en sont inspirées. Des notions juridiques anglo-saxonnes
telles que « propriété économique » ou encore
« juste valeur » inspirent le traitement comptable des
opérations de restructuration. Le traitement retenu pour le mali de
fusion par exemple reflète l'approche économique des IFRS.
Avec l'adoption des normes IFRS par l'Europe et leur
transposition en droit
1 connexion par ailleurs maintenue malgré la
transposition des IFRS aux comptes statutaires en France
2 International Financial Accounting Standards /
International Accounting Standards
interne français, c'est véritablement une
philosophie comptable et juridique à laquelle il convient
désormais de s'adapter, ce qui n'est pas sans soulever de nombreuses
difficultés.
Le nouveau règlement traite des opérations de
restructuration en général, mais modifie radicalement le
traitement comptable des pertes nées d'opérations de
restructuration. Nous retiendrons dans notre approche les
déficits, provisions et amortissements et leur transfert à la
société absorbante,
la perte de rétroactivité et le mali de fusion,
dont le traitement comptable et fiscal est source de débats depuis de
nombreuses années.
Le transfert des déficits de l'absorbée
à l'absorbante est assoupli. Il se fait désormais sans
limite, la règle du plafonnement étant supprimée. Cet
assouplissement est justifié étant donné que les
entreprises n'ont plus le choix
de la valeur d'apport3. Ceci a pour effet de limiter
la gestion des déficits dans
de telles opérations et notamment de
bénéficier d'un régime de faveur ou non.
S'agissant des amortissements, le problème essentiel
est celui de l'impossibilité de reprendre dans les écritures
comptables chez l'absorbante les biens amortissables à leur valeur
réelle lorsque l'opération est placée sous le
régime de droit commun avec apports à la valeur comptable. Cette
situation conduit à une double imposition économique (chez
l'absorbée lors de l'apport
du bien et l'absorbante lors de l'inscription du bien
à sa valeur comptable).
Cette difficulté se double à celle non
négligeable de l'alourdissement de la taxe professionnelle. Selon
l'administration, en cas d'apport, la société absorbante est
chargée de reprendre les valeurs brutes des actifs amortissables
apportés pour le calcul de la taxe professionnelle et non d'asseoir
cette dernière sur les valeurs comptables des biens en question.
S'agissant des provisions, aucune difficulté
particulière n'est à constater.
Les règles de droit commun en matière de provision
s'appliquent pleinement.
3 Comme expliqué dans le développement,
les valeurs d'apport se détermine en fonction de la nature et du sens
de
l'opération : entre entités sous contrôle
commun ou non et à l'endroit ou à l'envers
Une provision est réintégrée dés lors
qu'elle devient sans objet. Le nouveau règlement n'apporte aucune
modification particulière en la matière.
Les opérations intercalaires ne soulèvent pas de
problèmes notables sur le plan comptable et fiscal. Concernant les
pertes intercalaires, une constatation s'impose immédiatement. Elles
tendront à se raréfier avec la suppression du choix des valeurs
d'apport. Elles seront même quasi inexistantes lors
d'opérations de restructuration internes. S'agissant des
opérations réciproques, aucune difficulté comptable et
fiscale ne se soulevaient avant l'application du nouveau règlement.
Aucune incidence nouvelle n'est à constater avec l'application de ce
dernier. L'administration continuent d'appliquer le principe
de « rétroactivité forte ».
S'agissant du mali de fusion, il fait désormais
l'objet d'une définition comptable, ce que l'administration ni la
jurisprudence n'avaient jusqu'alors pas établie. Se distingue le vrai
mali qui est déductible comptablement et fiscalement et le mali
technique qui s'inscrit à l'actif de la société dans un
sous compte du fonds commercial. La distinction vrai mali et mali technique
oblige
les entreprises à calculer les apports à
leur valeur réelle (à la date de l'opération -
afin de calculer le mali technique) quand bien même ceux-ci
seraient effectués aux valeurs comptables. Le mali technique est
affecté extra- comptablement aux actifs apportés dans les
proportions de leurs plus-values latentes. Il disparaît lors de la
cession de l'actif sous-jacent. Le mali technique n'est pas amortissable
mais les éléments composants le mali doivent faire l'objet
de tests de dépréciation. Là encore, ceci est
concordant avec les méthodes retenues par les IFRS.
Retenons que le règlement est globalement neutre
pour les entreprises opérant des restructurations notamment entre
entités sans lien de parenté: il apporte des avancées
nettement avantageuses et, dans le même temps, restreint certains
choix auparavant offerts. Un des aspects positifs le plus frappant est
le transfert des déficits de l'absorbée à l'absorbante
sans
limitation. Sur d'autres aspects, notamment le choix de la
valeur retenue pour l'opération ou le traitement comptable du mali de
fusion, les entreprises sont désavantagées. Les
possibilités d'optimisation fiscale se réduisent. La
suppression du choix pour les entreprises s'agissant de la valeur
d'apport retenue lors de l'opération (réelle ou comptable)
obéit à un principe simple : le respect des conditions de
marchés et l'homogénéité du traitement des
opérations. L'investisseur ne peut que se féliciter de ce
progrès. Or un traitement homogène se traduit
nécessairement par une réduction des possibilités
offertes.
La perte du choix s'agissant de la valeur d'apport sera source
de difficultés pour les sociétés. Les apports
réalisés à la valeur comptable multiplieront
l'apparition du mali de fusion. Enfin, sur un aspect plus pratique, les
obligations déclaratives des entreprises sont accentuées ce qui
n'est pas sans simplifier une lourdeur administrative et déclarative
déjà pesante.
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