Le statut des réfugiés au Cameroun- étude critique de la loi n°2005/006 du 27 juillet 2005( Télécharger le fichier original )par Simeon Patrice KOUAM Université de Yaoundé II - Diplôme d'Etudes Approfondies (DEA) en Droit Privé Fondamental 2004 |
CONCLUSION DU CHAPITRE I45. A ce niveau, on perçoit clairement que toute personnes ne peut pas être éligible au statut de réfugié. Des conditions rigoureuses doivent être réunies. Et ces conditions sont de deux ordres : les clauses d'inclusion et les clauses d'exclusion. Contrairement à la définition de la Convention de Genève de 1951 et son protocole de 1967, celle de la loi camerounaise de 2005 qui reprend in extenso les dispositions du texte africain de 1969, considère également comme réfugiées, les personnes victimes du totalitarisme, des guerres civiles et des conflits internationalisés. 46. Toutefois, le candidat ne doit pas avoir commis un certain nombre d'infractions limitativement énumérées. Et lorsque toutes ces conditions sont remplies, le demandeur se voit octroyer la qualité de réfugié. Ce qui n'est pas très aisé. Le demandeur doit suivre une procédure particulière qui va déboucher sur un sérieux contentieux. Et l'on se demande pourquoi, une personne dans une situation aussi critique que celle du réfugié devrait se perdre dans les arcanes procédurales. Mais la recherche de l'équilibre entre la nécessité de protéger et la sauvegarde des intérêts nationaux exige qu'on filtre les entrées de peur que l'asile ne devienne pour certaines personnes une voie d'entrée clandestine au Cameroun. CHAPITRE II : L'OCTROI DE LA QUALITE DE REFUGIE 47. L'octroi de la qualité de réfugié relève conformément aux conventions, de la compétence des pays d'accueil des réfugiés.68(*) Toutefois, de par son statut, le HCR peut également reconnaître à un individu la qualité de réfugié. Le Cameroun pour sa part, plusieurs décennies après la ratification des instruments internationaux en la matière a prévu une procédure de reconnaissance de la qualité de réfugié (section 1). Avant cette procédure, les réfugiés qui arrivaient au Cameroun suivaient une procédure lente et très complexe. Mais il semble que le législateur camerounais n'ait pas examiné minutieusement les réalités nationales, ce qui s'observe au niveau du contentieux de la reconnaissance de la qualité de réfugié (section 2). SECTION 1 : LA PROCEDURE DE RECONNAISSANCE DELA QUALITE DE REFUGIEC'est une procédure longtemps restée lacunaire (paragraphe 1) dont on espère être rectifiée par la nouvelle législation ( paragraphe 2). PARAGRAPHE 1 : UNE PROCEDURE LONGTEMPS RESTEE LACUNAIRE48. En dehors de la procédure « prima facie » appliquée spontanément par le gouvernement en faveur des réfugiés Equato-Guinéens et Tchadiens arrivés massivement dans les années 70 et 80, le Cameroun a depuis belle lurette évolué avec une procédure cacophonique. En effet, il existe deux catégories de réfugiés : les réfugiés urbains et les réfugiés ruraux. La procédure « prima facie » s'applique aux réfugiés ruraux de façon collective69(*) tandis que les réfugiés urbains répondent de la détermination individuelle. C'est le dernier cas qui sera examiné dans cette étude, car la procédure « prima facie » est ponctuelle et épisodique. A- Une répartition des compétences en principe préjudiciable aux réfugiés Les compétences pour l'octroi de la qualité de réfugié sont réparties entre le HCR (1), le SASR du MINREX (2) et le Secrétariat Général de la Présidence de la République (3). 1- Le HCR 49. D'une manière générale, les rapports entre les réfugiés et le HCR-Cameroun sont caractérisés par la méfiance, le mépris, les lenteurs administratives et la discrimination69(*). Les délais d'obtention, le contenu et la validité des documents délivrés par le HCR - Cameroun le démontrent71(*). Le postulant au statut se présente à la Délégation du HCR qui procède à une interview préalable. Si les prétentions du candidat sont jugées recevables par le HCR, celui-ci délivre une attestation de réfugié qui ne lie pas le MINREX, encore moins la Présidence de la République. Elle signifie tout simplement que le candidat est dès la délivrance de ce document placé sous protection des Nations Unies72(*). Le dossier du postulant est ensuite transmis au MINREX assorti de l'avis motivé du HCR. 2- Le SASR / MINREX 50. Le SASR73(*) en tant que cheville ouvrière du MINREX sur la question se livre à un examen de seconde nature. Ici le MINREX fait recours à la Délégation Générale à la Sûreté Nationale (DGSN) et à la Direction de la Recherche Extérieure (DGRE) en leur demandant d'initier une enquête de moralité sur les concernés. Ainsi, une fois que ladite enquête est terminée, les dossiers sont renvoyés au SASR. Celui-ci émet des avis sur ces dossiers et les transmet au secrétariat général de la Présidence de la République. 3- Le Secrétariat Général de la Présidence de la République C'est le dernier maillon de la chaîne. Il tranche en dernier ressort, et de ce point de vue, sa décision est irrévocable et sans appel. Une fois prise, la décision émanant du secrétariat général de la présidence de la République doit en tout état de cause retourner au MINREX pour être mise en application en informant le HCR et la Délégation Générale à la Sûreté Nationale. La Direction de la police des frontières ainsi saisie de la décision positive, il lui incombe de délivrer au réfugié une carte d'identité de réfugié qui vaut permis de séjour conformément aux dispositions de l'article 40 du décret n° 2000/286 du 12 octobre 2000.74(*) La délivrance de la carte d'identité de réfugié tout comme son renouvellement sont exonérés des droits de timbre et en attendant la délivrance ou le renouvellement de ladite carte, le dépôt d'un dossier de première demande donne lieu à la délivrance d'un récépissé dûment signé par le service chargé de l'Emi-Immigration à la police des frontières. 51. Lorsque la décision est négative, le HCR doit chercher un autre pays d'accueil aux réfugiés, ou s'ils veulent résider au Cameroun, les demandeurs d'asile doivent se conformer aux lois d'immigration au Cameroun. L'intervention de plusieurs organes étatiques dans le circuit et les lenteurs administratives y afférents rendent cette procédure lourde et ennuyeuse. C'est pourquoi la pratique quotidienne du HCR est guidée par un souci de célérité. Il s'agit en réalité d'une procédure différente de celle décrite plus haut. * 68 Article premier paragraphe 6 de la convention de l'OUA de 1969. V. surtout CREPEAU(François), « La condition du demandeur d'asile en droit comparé, Droits français, canadien et québécois », Thèse, Paris I, 1990. * 69 Selon MOUELLE (Kombi II Narcisse), la reconnaissance de la qualité repose ici sur la présomption de première vue du groupe, d'où la formule latine "prima facie", "Le Cameroun et les réfugiés", Mémoire de Maîtrise en Droit Public, Université de Yaoundé, juin 1986. p 105. 70 KEBIWOU (K-E-O), "La situation des droits des réfugiés urbains en Afrique : cas des réfugiés Congolais (RDC) de Yaoundé", préc. - page 62. * 71 De la fiche de rendez-vous à l'avis négatif ou à l'attestation de réfugié en passant par l'attestation de dépôt de dossier et l'attestation de demandeur d'asile, le candidat peut attendre pendant deux ou trois ans. * 72 D'après le décret n° 2000/286 du 12 octobre 2000 précisant les conditions d'entrée, de séjour et de sortie des étrangers du Cameroun (art 40), le HCR devrait dorénavant délivrer aux réfugiés une carte de réfugié qui est désormais de la compétence du MINREX. * 73 Avec l'arrêté n° 173/ CAB/PR du 17 avril 2006, portant nomination de responsables dans les services centraux du ministère des relations extérieures, le service des Affaires Spéciales et des réfugiés(SASR) aurait changé de dénomination pour être désormais le Service des Réfugiés et des migrants. Voir Cameroon Tribune, n° 8581/4780 du mercredi 19 avril 2006. p. 11, 3e colonne. * 74 Ibidem. |
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