Le système de preuve devant le Tribunal Pénal International pour le Rwanda( Télécharger le fichier original )par Liliane Egounlety UNIVERSITE D'ABOMEY-CALAVI (Bénin) - DEA Droits de l'Homme et Démocratie 2005 |
B- Le témoignage indirectIl existe d'autres formes de témoignages qui peuvent être qualifiés d'indirects parce qu'ils dérogent au principe de la présence obligatoire du témoin à l'audience, l'audition étant indirecte. Il s'agit du témoignage par déposition (1), par vidéoconférence (2) ou par déclaration assermentée (3). Le TPIR a déjà fait recours à l'une ou l'autre de ces formes de témoignage dans le but de sauvegarder le récit de témoins qui peuvent refuser de témoigner en raison d'intimidations ou de menaces ou pour des témoins se trouvant dans l'incapacité de se rendre au Tribunal. Ces formes de témoignages ne sont pas la règle et il n'y est fait recours que dans des circonstances exceptionnelles57(*). 1) Le témoignage par dépositionIl peut être demandé par l'une ou l'autre des parties. Elle doit être utilisée de manière circonspecte58(*), la règle demeurant la présence du témoin. Lorsque le juge accepte la demande, il peut donc ordonner que la déposition des témoins soit recueillie pour le procès et mandater un officier instrumentaire à cet effet. La partie adverse doit être présente et contre-interroger le témoin. Le Tribunal a élargi cette pratique en ayant recours à son siège. Autrement dit, le témoignage par déposition qui initialement était admis pour pallier l'impossibilité du témoin d'être présent au Tribunal, se pratique maintenant malgré la présence du témoin sur les lieux lorsqu'un des juges de la chambre se trouve dans l'impossibilité de siéger. A première vue, cette pratique est contraire aux principes d'administration de la justice pénale internationale. On pourrait même soupçonner une certaine complaisance des juges à l'égard des témoins pour passer les caprices de ceux-ci. Vue de plus près, elle contribue à renforcer l'efficacité pratique, surtout la célérité, sans doute dans le souci de mieux satisfaire à l'exigence du délai raisonnable. En effet, si l'impossibilité d'un juge de siéger doit allonger l'examen d'une affaire, procéder par déposition pour recueillir les éléments de preuve serait de nature à éviter dans une moindre mesure des pertes de temps. Toutefois, il faut que les deux parties y consentent et que les droits de la défense soient obligatoirement respectés. Progressivement, le témoignage par déposition a été remplacé par le témoignage par vidéoconférence 2) Le témoignage par vidéoconférenceIl permet aussi de recueillir le témoignage des personnes ne pouvant se rendre au siège du Tribunal. Par le relais d'un écran, le témoin est en liaison vidéo avec le Tribunal. Les parties, le juge et le témoin peuvent se voir et s'entendre. Le témoignage par vidéoconférence doit être évité autant que faire se peut, car le principe demeure la présence du témoin au tribunal. Les chambres du TPIR ne le permettent que lorsque la partie requérante fait la démonstration que le témoignage est suffisamment important pour que son absence entache les poursuites d'iniquité59(*), que le témoin refuse ou n'est pas en mesure de venir au siège et qu'il n'est porté aucune atteinte aux droits de l'accusé. Le déroulement du témoignage par vidéoconférence est soumis à quatre (4) modalités assez précises60(*) : · l'obligation pour la partie requérante de ce mode de témoignage, de trouver un endroit propice à la présentation d'un témoignage véridique et libre, accepté par le greffier et la partie adverse61(*) ; · la mandature par une chambre d'un officier instrumentaire en vue de garantir un témoignage donné de plein gré62(*) ; · l'obligation pour le témoin de déposer en la seule présence de l'officier instrumentaire ; · l'obligation réciproque pour le témoin et les autres membres du prétoire de se voir mutuellement afin de permettre l'interrogation et la contre-interrogation du témoin sous l'oeil averti des membres de la chambre. Cette procédure de témoignage n'étant qu'une représentation imparfaite de l'audience, le témoin peut être poursuivi pour faux témoignage. * 57 RPP du TPIR, art 71 A); voir aff. n°ICTR 98-41, Le Procureur c/ BAGOSORA, decision of 5 december 2001 on Prosecutor's motion for deposition of witness OW. * 58 Anne-Marie LA ROSA, op. cit., p. 281. * 59 Anne-Marie LA ROSA, op. cit., p. 282. * 60 Anne-Marie LA ROSA, op. cit., pp. 283-284. * 61 Aff n° ICTY-IT-94-1, Le Procureur contre Dusko TADIC, décision relative aux requêtes de la défense aux fins de citer à comparaître et de protéger les témoins à décharge et de présenter des témoignages par vidéoconférence, § 22 ; La Chambre suggère de préférence une ambassade ou un consulat, les bureaux du Tribunal, les locaux d'un tribunal national. * 62 Aff n° ICTY-IT-94-1, Le Procureur contre Dusko TADIC, ibid., § 22 ; L'officier instrumentaire doit identifier les témoins et expliquer la nature de la procédure et l'obligation de dire la vérité. Il avertit les témoins qu'ils sont passibles de poursuites pour faux témoignages, administre la prestation de serment et tient l'organe juridictionnel constamment informé des conditions de l'endroit. |
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