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Gouvernance et performance dans les établissements de soins en Tunisie


par Wadji Ben Rejeb
Faculté des Sciences Economiques et de Gestion de Tunis - DEA Management 2003
  

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II.2 Synthèse des principales théories de la gouvernance

Il n'existe pas de théorie pionnière de la gouvernance, cette dernière est la résultante de plusieurs constructions théoriques. Ces courants appartiennent au même paradigme mais proposent des explications différentes de l'efficience des organisations et de leur existence. Le premier courant est d'origine contractuelle et le second est d'origine cognitive.

II.2.1 Les théories contractuelles de la gouvernance

II.2.1.1 L'approche actionnariale

La notion centrale de l'approche contractuelle est celle de la firme perçue comme un noeud

de contrats, un centre contractant chargé de gérer de façon centralisée, l'ensemble des contrats

nécessaires à la production. Trois théories constituent l'essence de ce courant contractuel :

- La théorie des droits de propriété « TDP », (Alchian & Demsetz 1972) ;

- La théorie de l'agence « TA », (Jensen & Meckling,1976) ;

- La théorie des coûts de transactions « TCT », (Williamson, 1985).

a. La théorie des droits de propriété

A.A. Alchian et H. Demestz sont considérés comme les fondateurs de la théorie des droits

de propriété22. La firme est définie comme un noeud de contrats (nexus of contracts) et le dirigeant a pour charge de définir la nature des taches et de choisir les personnes qui doivent

les exécuter au sein du « noeud » coopératif.

Au sein de la théorie des droits de propriété, Furubotn et Pjovich23 ont cherché à comprendre le fonctionnement interne des organisations en s'appuyant sur le concept même

de droits de propriété. Ils décomposent les droits de propriété en trois grandes parties :

- L'usus : le droit d'utiliser le bien.

- Le fructus : droit d'en percevoir les fruits.

- L'abusus : droit du décider du sort du bien et d'en faire ce qui bon nous semble.

22 A.A. ALCHIAN et H.DEMESTZ, « Production, Information costs & Economic Organisation », The American

Economic Review,Vol 62, N°5, Decembre 1972 p777-795.

23 E.G FURUBOTN et S. PEJOVICH « Property Rights & Economic Théory », Journal of Economic Literature,

10, December1972, p.1137-1162.

23

Selon la théorie néoclassique, la décomposition du droit de propriété entre les mains de

plusieurs personnes a pour effet de réduire l'efficacité de la firme. En effet, seul un manager qui est aussi un propriétaire peut avoir intérêt à réduire le gaspillage, et améliorer ses efforts

au sein de son entreprise.

Dans la firme managériale, il existe une séparation entre le management de l'entreprise assuré par le manager et la propriété de la firme assurée par le détenteur de capital. Dans ce cadre le manager ne peut disposer que de l'usus alors que le fructus et l'abusus sont possédés par le propriétaire, ce qui peut entraîner des conflits d'intérêts et s'avérer être une source d'inefficacité.

En résumé, la théorie des droits de propriété nous indique que la séparation entre fructus, usus et abusus, qui symbolise l'entreprise managériale tend à atténuer l'efficacité des droits de propriété. Les parties en présence, bénéficiant chacune d'une partie des droits de propriété sur

la firme vont, dés lors, poursuivre des intérêts pouvant être divergents.

b. La théorie de l'agence

M.C. Jensen et W.H. Meckling, fondateurs de la théorie de l'agence, s'inspirent à l'orig ine

de la démarche de Alchian et Demsetz, pour définir la firme comme noeud de contrats. Le modèle explicatif des structures de financement et d'actionnariat, est fondé sur les hypothèses d'asymétrie d'information et de conflits d'intérêts entre le dirigeant - propriétaire, les nouveaux actionnaires et les créanciers financiers.

Pour M.C. Jensen et W.H. Meckling « il existe une relation d'agence lorsqu'une personne a recours aux services d'une autre personne en vue d'accomplir en son nom une tache quelconque 24». Dans le cas présent, la relation d'agence concernera le principal

(l'actionnaire) et son agent (le gestionnaire), ce dernier s'étant engagé à servir les intérêts du

premier. De ces relations émane la notion de coûts d'agence, coûts qui résultent du caractère

potentiellement opportuniste des acteurs (hasard moral) et de l'asymétrie d'informations entre

les cocontractants (sélection adverse) :

- La sélection adverse, ex ante: l'agent dispose d'informations alors que les principaux ne

les ont pas, il peut les cacher avant de signer le contrat.

24 M.C. JENSEN et W.H. MECKLING, « Theory of the firm, Managerial Behavior, Agency Costs & Ownership

Structure », Strategic Management Journal,1976, p.305-360.

24

- Le hasard moral ex post: les principaux ne sont jamais assurés que l'agent mettra tout en

oeuvre pour exécuter le contrat et ne poursuivra pas des objectifs qui lui sont propres.

Les coûts générés par une telle situation constituent les coûts d'agence, ils représentent la perte de valeur par rapport à une situation idéale où il n'y aurait pas d'asymétrie d'informations et de conflits d'intérêts. Selon les théoriciens de l'agence une organisation est réputée efficace si elle minimise les coûts d'agence.

Pour M.C. Jensen et W.H. Meckling, les problèmes d'agence engendrent trois types de

coûts25 :

§ Les coûts de surveillances (monitoring expenditure) : ce sont les coûts supportés par le

principal pour s'assurer que son agent gère conformément à ses intérêts.

§ Les coûts d'obligation (bonding coasts) : supportés pas l'agent pour mettre en confiance

le principal.

§ Les pertes résiduelles (residual loss) : ce sont les coûts inhérents à la divergence d'intérêt entre le manager et les actionnaires (mauvaises allocations des ressources, choix d'une stratégie non optimale...).

Selon les analyses de Alchian et Demsetz puis de Jensen et Meckling, la situation d'efficience optimale est celle où la direction et la propriété sont assumées par une seule et même personne. Dans le cas contraire, les actionnaires, exposés à un hasard moral et à une sélection adverse résultants de l'autonomie croissante du manager, n'ont aucune certitude que

ce dernier fera un usage optimal de leurs capitaux. Plus la part du capital de l'entreprise

possédée par le manager est faible, plus l'incitation à maximiser la rémunération des fonds propres est faible. Pour ces raisons, les relations entre les actionnaires et les dirigeants sont nécessairement conflictuelles. Les divergences d'intérêt sont de trois ordres26 :

· Divergence entre les actionnaires et les managers quant à l'horizon des décisions ;

· Divergences quant à la perception du risque ;

· Divergences au sujet des avantages tirés par les dirigeants de leur position.

Basées sur des postulats de la théorie de l'agence et sur la reconnaissance du rôle central

occupé par le dirigeant, deux principales définitions de la gouvernance peuvent être

25 M.C. JENSEN et W.H. MECKLING, « Theory of the firm, Managerial Behavior, Agency Costs & Ownership

Structure », Strategic Management Journal,1976, p.305-360.

26 Frédéric PARRAT : Le gouvernement d'entreprise, Editions MAXIMA, Paris 1999, p.37-38.

25

évoquées : d'après Shleifer et Vishny dans une approche financière traditionnelle, « la

gouvernance d'entreprise traite des différents moyens mis en place par les fournisseurs de capitaux de l'entreprise pour assurer leur retour sur investissement27 ».

Dans une vision moins restrictive de la gouvernance, une autre définition est donnée par

Charreaux « le gouvernement d'entreprise peut se définir comme l'ensemble des mécanismes

(organisationnels ou institutionnels) qui gouverne les décisions des dirigeants et définit leur espace discrétionnaire 28». Cette définition permet d'inclure l'ensemble des mécanismes de gouvernance tendant à délimiter l'espace discrétionnaire des dirigeants.

Jensen soutient qu'il existe seulement quatre forces de contrôles, externes et internes, qui

peuvent servir à restreindre le pouvoir de décision des dirigeants :

- les marchés de capitaux ;

- le système juridique/politique/réglementaire ;

- les marchés des produits et des facteurs de production ;

- le système de contrôle interne dirigé par le conseil d'administration.

c. La théorie des coûts de transaction

L'élargissement du cadre théorique et l'intégration d'autres stakeholders, particulièrement

les salariés, ont conduit à la fondation de la théorie des coûts de transaction par O.E. Williamson, cette théorie considère que la firme existe pour pallier les failles du marché, liées aux problèmes posés par la spécificité des actifs et l'opportunisme potentiel des acteurs.

Se distinguant de la théorie de l'agence qui privilégie la notion de conflits d'intérêts, la théorie des coûts de transaction retient la transaction comme unité d'analyse et la spécificité des actifs supports de la transaction, comme concept central (un actif est d'autant plus spécifique que son redéploiement vers un autre usage entraîne une perte de valeur importante), elle explique l'arbitrage entre dettes et capitaux propres par la spécificité des actifs à financer. Pour O.E. Williamson, on internalise pour éviter d'être spolié et perdre le

27 Andrei SHLEIFER et Robert VISHNY « A Survey of Corporate Governance », Journal of Finance, Vol 52,

1997, p.737-783.

28 Gérard CHARREAUX et Philippe DESBRIERE « Gouvernance des entreprises : valeur partenariale contre valeur actionnariale », Finance Contrôle et Stratégie, Vol1,2, 1998, p.73.

26

minimum de valeur par rapport à ce qui serait réalisable par rapport à l'optimum de premier

rang, à l'économie du Nirvana29.

S'appuyant sur le principe d'efficacité, O.E, Williamson définit les coûts de transaction, comme « les coûts engendrés (ou pouvant l'être) par les échanges contractuels de biens ou services entre firmes.30». Il décrit les coûts de transaction comme la somme des coûts ex ante

de négociation et de rédaction du contrat reliant deux entités et des coûts ex post d'exécution,

de mise en vigueur, et de modification du contrat, en cas d'apparition de conflits, il considère

aussi que les coûts de transaction incluent les coûts d'agence31.

L'efficacité des diverses institutions économiques doit donc s'apprécier par les coûts de transactions qu'elles engendrent. Ainsi les firmes, conçues comme des « structures de gouvernance interne » de transactions auparavant régies par les mécanismes du marché, existeraient du fait de leurs avantages en terme de coûts de transactions.

Williamson identifie deux types de mécanismes susceptibles de réduire les coûts d'agence

et donc les coûts de transaction :

- Les mécanismes intentionnels, permettant de gérer avec efficacité les transactions en mettant en jeu des investissements fortement spécifiques, par exemple, l`intervention du conseil d'administration pour contrôler une transaction censée financer des investissements spécifiques à la firme. Le conseil d'administration est supposé capable par

le biais des audits internes de déterminer les causes de dépassement des coûts

prévisionnels et d'en décider en perspective du sort du dirigeant.

- Les mécanismes spontanés, de nature contractuelle, destinés à protéger les transactions concernant des actifs redéployables, à l'instar du marché, qui, selon Williamson sanctionne tout dépassement de coûts prévisionnels 32. D'autres mécanismes existent aussi comme les garanties contractuelles, les procédures légales de règlement judiciaire...

29 Gérard CHARREAUX, « A la recherche de nouvelles fondations pour la finance et la gouvernance

d'entreprise », Session inaugurale du colloque de l'Association Francaise de Finance, Paris,2001, p.14.

30 O.E. WILLIAMSON, « Economic Organization, Firms, Markets and Policy control », Wheatsheafbooks,1986.

31 O.E. WILLIAMSON, « The Modern Corporation : Origins, Evolution, Attributes », Journal of Economic

Literature, Vol XIX,1981, p.1537-1568.

32 O.E. WILLIAMSON, « The Economic Institutions of Capitalism », The Free Press, New-York, 1985.

27

Trois critiques sont faites principalement à ces travaux . Elles concernent le caractère

partiel des explications,33 la nature statique des modèles et la non prise en compte des spécificités institutionnelles des différents cadres nationaux34.

La théorie de l'enracinement, plus récente, souffre également de ce biais, mais surmonte

partiellement le problème du caractère statique des explications.

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe