SECTION III : MECANISMES DE CONTROLE ET
PRATIQUE INTERNATIONALE DE LA GOUVERNANCE
III.1 LES SYSTEME DE GOUVERNANCE DES ENTREPRISES
Au sein de la théorie de l'agence assimilant
l'entreprise à un noeud de contrats, l'analyse des systèmes de
gouvernance est basée sur l'hypothèse des conflits
d'intérêts entre le dirigeant et les stakeholders. Le
système de gouvernance est constitué par l'ensemble des
mécanismes ayant pour vocation de discipliner les dirigeants et de
réduire les coûts d'agence.
La typologie habituellement retenue distingue les
mécanismes internes et externes à la firme. Le contenu de
ces catégories varie selon les auteurs et s'est progressivement
élargi avec l'avancement de la recherche. En ce qui concerne ce
travail de recherche, nous retiendrons cette typologie traditionnelle et
courante, cependant il nous semble intéressant de faire le point
dans un deuxième temps sur les autres classifications et typologies des
mécanismes de contrôle.
III.1.1 Les mécanismes de contrôle
externes
III.1.1.1 L'environnement légal et
réglementaire
Le cadre légal peut constituer un moyen de
contrôle, en imposant aux managers des contraintes les obligeant
à procéder à plus de prudence au niveau des
dépenses liées aux avantages en nature. Toutefois,
l'efficacité de ce mécanisme paraît limitée.
En effet, les dirigeants trouvent souvent les moyens de contourner
certaines réglementations. En plus,
selon Prowse58, ce système entraîne des
coûts économiques et politiques qui peuvent évoluer
dans le temps à cause des changements de
comportement des personnes intéressées, des
innovations financières et d'autres développements
du marché.
III.1.1.2 Le marché des biens et
services
Un dirigeant qui opterait pour une stratégie visant
à satisfaire sa propre fonction d'utilité au détriment des
intérêts de la firme pourrait, à plus ou moins brève
échéance, rendre cette firme moins compétitive. C'est donc
le risque de la dégradation de la compétitivité qui doit
limiter l'opportunisme du dirigeant puisque les firmes mal
gérées sont condamnées à disparaître.
Plus la pression concurrentielle sera forte, plus ce mécanisme sera
prégnant. Jensen soutient
58 S. PROWSE ,« Corporate Governance :
Comparaison Internationale », Revue d'Economie Financière,
N°31,Hiver1994, p.119-158.
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que les marchés des biens et services, quoique lents
à mettre en oeuvre, sont fatals une fois
qu'ils se mettent à agir59.
III.1.1.3 Le marché des dirigeants
Le marché des dirigeants est chargé
d'évaluer en permanence la valeur des managers. Ces derniers peuvent
être révoqués à tout moment par leur conseil
d'administration et se trouveraient dés lors en position
d'offreur sur le marché du travail. Sachant qu'ils sont
évalués, les dirigeants peuvent être tentés de
veiller à ce que leur opportunisme ne soit pas perçu par le
marché pour ne pas remettre en cause leur réputation.
Pour E.F.Fama, le marché des dirigeants constitue le
principal mécanisme de contrôle, les dirigeants cherchent alors
à bien gérer pour maximiser leur réputation et leur
valeur sur ce marché. Cette dernière s'appuie sur
l'évaluation de la performance du marché
financier60.
Il convient malgré tout de noter que si la pression
exercée par le marché du travail vise à inciter les
dirigeants à être performants, rien ne garantit que l'information
disponible au sujet des compétences managériales d'un dirigeant
soit conforme à la réalité.
III.1.1.4 Le marché financier
En 1965, H.Manne61, constata que le
libre fonctionnement des marchés financiers constituait le
contrôle le plus démocratique et le plus efficace des
grandes entreprises. En effet, les actionnaires peuvent sanctionner les
dirigeants opportunistes où à qui on impute une mauvaise gestion
de la firme, en vendant leurs titres de propriété pour
exprimer leur mécontentement. Cette pression du marché financier
est supposée contraindre les dirigeants à gérer
conformément aux intérêts des actionnaires, mais dans
les grandes entreprises où l'actionnariat est très
dispersé, chaque porteur à intérêt à
laisser les autres se charger du contrôle à sa place, en
raison du coût associé, ce qui peut atténuer
l'efficacité réelle des marchés financiers.
L'OPA (Offre Publique d'Achat), est une menace pour les
dirigeants incompétents ou qui
manquent de transparence. En effet si une firme est mal
gérée, certains investisseurs seront
59 M.C.JENSEN, « The Modern Industrial
Revolution, Exit, and the Failure of the Internal control
Systems »,The Journal of Finance, N°3,1993,
p.831-880.
60 E.F.FAMA, « Agency problems and the Theory of
the firm », Journal of Political Economy,1980, p.288-307.
61 H.MANNE, « Mergers and the market for
corporate control », Journal of Political Economy,1965, p.110-120.
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tentés d'en prendre le contrôle en la
rachetant par le biais d'une OPA. En cas de prise de
contrôle, les nouveaux propriétaires
révoqueront l'équipe dirigeante non performante.
L'annonce d'une OPA a également pour conséquence
d'informer d'autres investisseurs sur l'intérêt de racheter
l'entreprise, ce qui peut entraîner des surenchères et
diminuer ainsi le bénéfice escompté de
l'opération. Après l'offre, la direction peut
décider d'augmenter le capital, rechercher une entreprise amie
susceptible d'acheter des actions et ainsi, venir en aide
à l'équipe dirigeante, lancer une contre-attaque
sur le raider... Au total, le rôle joué par les
marchés financiers, pour contrôler le manager
apparaît donc controversé.
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