Les délais dans le contentieux de l'excès de pouvoir au Bénin( Télécharger le fichier original )par Théodor Enone Eboh Université d'Abomey-Calavi/(ex-Université Nationale du Bénin - Maà®trise 2004 |
B-La perte de confiance des justiciablesLe général Mathieu KEREKOU, Président de la République du Bénin, laissant exprimer sa colère, affirmait le 06 mai 2000 que : « La justice est pourrie, et que les juges favorisent l'impunité dans le pays ».129(*) Lorsque ce diagnostic vient du premier magistrat, on peut se demander ce que peuvent penser les citoyens ordinaires. La corruption est une gangrène qui mine les Etats africains aujourd'hui. Lorsque ce fléau gagne les milieux judiciaires, les conséquences sont graves ; il y a d'une part la perte de crédibilité de la justice et d'autre part le sentiment de vengeance qui habite les citoyens sans moyens130(*). Dans un Etat moderne le rôle de la justice est d'assurer le respect de l'Etat de droit, gage d'un développement socio-économique harmonieux. Dans une étude portant sur la période de 1962 à 1980, le Professeur Théodore HOLO a montré, que sur 325 recours en annulation introduits devant la chambre administrative de la Cour suprême du Bénin, 63 ont abouti à des arrêts donnant acte aux requérants de leur désistement. Et il conclut que « le virus du compromis avec l'administration n'épargne pas les fonctionnaires et sur 98 recours qu'ils ont introduits entre 1970 et 1984, 27 ont fait l'objet d'une décision de désistement, soit de non-lieu ».131(*) Mais n'est-t-il pas plus pragmatique pour un requérant dont les droits sont violés d'entamer les négociations pour trouver un compromis que de déclencher une instance contentieuse dont la décision n'interviendra que plusieurs années plus tard ? Il semble que le « virus du compromis » dont parle le Professeur HOLO soit justifié par la durée anormalement longue des procès en recours pour excès de pouvoir. La construction de l'Etat de droit est perpétuelle et le rôle de la justice et surtout du juge de la légalité est primordial dans la protection des libertés. Son entrave par quelque moyen que ce soit constitue un handicap à la construction de l'Etat de droit. Si la lenteur est telle qu'elle constitue un inhibiteur pour les justiciables, les citoyens chercheront des moyens autres que juridiques pour trouver des solutions à leurs problèmes. On aboutira à légitimer cette interrogation de A. M. FLAMME : « Une justice lente est-elle encore " La Justice " » ?132(*) * 129 JAE, op. cit. P. 56. * 130 V. Y. ADIGBLI, L'accès à la justice en droit béninois, Mémoire de DEA, Chaire UNESCO des droits de la personne et de la démocratie, UNB, 1998-1999, p. 30. * 131 Théodore HOLO cité par A. LOKOSSOU, in Le contentieux administratif et l'Etat de droit, Actes du séminaire d'échange et de perfectionnement, organisé par l'Agence de la francophonie, Marrakech, 4-14 novembre 1996, p. 217. * 132 A.-M. FLAMME, op. cit. P. 613. |
|