Les délais dans le contentieux de l'excès de pouvoir au Bénin( Télécharger le fichier original )par Théodor Enone Eboh Université d'Abomey-Calavi/(ex-Université Nationale du Bénin - Maà®trise 2004 |
PREMIERE PARTIELES DELAIS DANS LA PROCEDURE PRE-CONTENTIEUSEPar procédure pré-contentieuse, nous entendons la procédure qui se déroule devant l'autorité administrative, à la suite de la demande du requérant. Dans le contentieux de l'excès de pouvoir au Bénin, le législateur subordonne la requête contentieuse du justiciable à la demande préalablement exercée auprès des autorités administratives. En effet, cette obligation découle de l'article N° 68 al-2 de l'Ordonnance N°21/PR du 26 avril 1966 qui dispose : « Avant de se pourvoir contre une décision individuelle, les intéressés doivent présenter un recours hiérarchique ou gracieux tendant à faire reporter ladite décision ». Le pré-contentieux regroupe donc la demande du requérant, la réponse notifiée ou le silence de l'administration. Contrairement au contentieux qui se déroule devant le juge, et dont les décisions ont autorité de chose jugée, le pré-contentieux a quant à lui un autre objectif, tel que dégagé par la jurisprudence béninoise : « Considérant qu'en procédure contentieuse administrative, le recours administratif préalable, lorsqu'il est obligatoire, a pour fonction de permettre à l'autorité administrative soit de régler le contentieux en prenant position, laquelle prise de position lie le débat contentieux ».32(*) Il apparaît donc que le pré-contentieux est un régime de faveur dont bénéficie l'Administration et qui, selon le professeur Roger Gabriel NLEP « lui assure une protection contre les procès surprises, sortes de citations directes à l'administrative ».33(*) Les modalités de cette procédure ainsi que les délais dans lesquelles elles doivent être exercées (chapitre 2) dépendent de l'existence de la décision (chapitre1) dont la régularité est contestée. Chapitre 1LE PREALABLE AUX RECOURS: L'EXISTENCED'UNE DECISION ADMINSTRATIVE.La notion de préalable est entendue comme la condition sine qua non, c'est-à-dire ce qui doit précéder quelque chose. Le préalable au recours est entendue ici comme la décision que doit prendre l'autorité administrative, laquelle pourra éventuellement déclencher une contestation devant le juge. La décision administrative constitue ainsi la matière litigieuse. Dans l'énumération des litiges qui relèvent du contentieux administratif figure en bonne place la contestation de la légalité des décisions des autorités administratives. Cela ressort de l'Ordonnance N° 21/PR du 26 avril 1966. Pour accomplir sa mission d'intérêt général, l'administration procède par des opérations matérielles ou prend des actes juridiques, parmi lesquels on a les contrats (acte bilatéral) et les actes administratifs (acte unilatéral). La singularité de l'action administrative réside dans la possibilité de prendre unilatéralement des décisions administratives autonomes (section 1) qui sont exécutoires. Dans certains cas, ces décisions sont provoquées (section 2) par le requérant lui-même. Dans tous les cas, il est nécessaire que l'acte administratif ait été pris pour que la procédure du recours pour excès de pouvoir puisse être valablement déclenchée. Section I : LES DECISIONS ADMINISTRATIVES AUTONOMES Aux termes des dispositions de l'article 31-1 de l'ordonnance N°21/PR du 26 avril 1966, le recours pour excès de pouvoir peut être intenté contre les « décisions des autorités administratives ». L'assimilation des notions « décisions des autorités administratives » aux « actes administratifs » est le fait du juge. En effet, dans son arrêt N°24/CA du 24 octobre 1997, le juge définit le recours pour excès de pouvoir comme un recours juridictionnel (...) contre tout acte administratif. L'acte administratif unilatéral, c'est-à-dire la décision exécutoire, est une décision administrative qui confère des droits aux administrés ou met des obligations à leur charge ; il modifie l'ordre juridique34(*). En vertu du principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires, le contentieux administratif relève de la compétence de la juridiction administrative. Dans le cas du Bénin, il s'agit de la chambre administrative de la Cour Suprême. Dans son appréciation, le juge confronte l'acte dont il est saisi à l'ensemble des normes juridiques en vigueur. Il va prononcer l'annulation si l'acte attaqué est irrégulier. L'acte administratif unilatéral est caractérisé par un faisceau d'indices (§1), et ne peut en principe être opposable qu'après la publicité (§2). §1- LES CRITERES DE L'ACTE ADMINISTRATIF UNILATERALLe législateur béninois, dans l'Ordonnance N° 21/PR du 26 avril 1966 sus-citée, parle des décisions des Autorités Administratives. Que doit-on entendre par Autorités Administratives? Dans l'Etat, il existe trois pouvoirs : le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire. Le premier légifère, c'est-à-dire il édicte les normes, le deuxième exécute les normes ainsi édictées, et le troisième tranche les problèmes résultant des relations sociales. Dans chacun de ces pouvoirs, on retrouve les Autorités Administratives. A- Les autorités auteurs de l'acteIl doit s'agir des Autorités Administratives nationales. Mais les actes de certaines autorités, bien que situées sur le territoire d'un Etat, bénéficient d'une immunité de juridiction35(*), et sont ainsi à l'abri de tout juge national, qu'il soit judiciaire ou administratif. Il s'agit des actes des autorités diplomatiques et consulaires. Cette immunité tient au fait que « le juge est juge d'ordre interne qui n'a donc de compétence qu'à l'égard des actes, faits et situations régis par l'ordre juridique souverain dont il est l'organe »36(*). Les actes "traditionnels" du pouvoir législatif sont les lois ; elles échappent au contrôle du juge de l'excès de pouvoir. Elles ne peuvent être que déférées devant la Cour Constitutionnelle, soit directement par la procédure du contrôle de constitutionnalité a priori, ou par la procédure d'exception d'inconstitutionnalité soulevée devant une juridiction en vertu des dispositions de l'article 122 de la constitution béninoise du 11 décembre 1990. A côté de ces actes "traditionnels", le pouvoir législatif prend d'autres actes qui n'ont pas le statut de lois. C'est le cas de leurs règlements intérieurs, lesquels sont aussi déférés devant le juge constitutionnel pour contrôle de conformité à la constitution.37(*) Il en est de même des règlements intérieurs de la Haute Autorité de l'AudioVisuel et de la Communication, ainsi que ceux du Conseil Economique et Social. Ces actes qui interviennent dans le cadre de la « mission parlementaire » échappent, comme les lois, au contrôle du juge administratif. Par contre, lorsqu'ils sont susceptibles de se rattacher à l'« administration des services parlementaires », ils sont attaquables38(*) devant le juge de l'excès de pouvoir. Cette évolution des actes parlementaires est l'oeuvre de la jurisprudence française illustrée par l'arrêt (Président de l'Assemblée Nationale) du 5 mars 1999. En ce qui concerne les actes qui émanent des juridictions, on a d'une part les actes concernant l'organisation du service public de la justice. Ces actes sont attaquables pour recours pour excès de pouvoir. Par contre, les actes relatifs au fonctionnement de la «machine judiciaire» ne constituent pas des actes administratifs, et le juge administratif est incompétent pour en connaître39(*). On parle plus couramment de décisions de justice (jugements, arrêts). Les seules voies de contestation ouvertes à ces dernières sont soit l'appel, l'opposition, la tierce-opposition, ou le pourvoi en cassation. Avec la politique de décentralisation, entendue selon Monsieur Charles NACH MBACK comme «technique juridique d'administration territoriale et modalité de partage de pouvoirs entre les autorités centrales et les autorités locales dans un pays»,40(*) on est amené à avoir, à côté du pouvoir "exécutif national", le pouvoir "exécutif local". Les actes qui émanent du pouvoir exécutif national sont plus complexes. Il y a ceux qui échappent au contrôle du juge de l'excès de pouvoir ; ce sont par exemple les décrets de mise en application d'une loi votée. Pour les actes qualifiés d'« actes de gouvernement », on note une évolution jurisprudentielle marquée d'une part, par la limitation de ces actes, et d'autre part, par le contrôle que le juge est amené à effectuer. Les actes des autorités locales peuvent faire l'objet de recours pour excès de pouvoir.41(*) Il en est de même des actes qui interviennent dans le cadre des rapports de tutelle conformément à l'article 114 de la loi N° 97-029 du 15 janvier 1999 portant organisation des communes en République du Bénin. Depuis le célèbre arrêt Monpeurt, le Conseil d'Etat français considère que les décisions unilatérales peuvent aussi émaner de personnes privées dès lors qu'elles sont liées à l'exécution d'un service public et nécessitant l'usage des prérogatives de puissance publique.42(*) * 32 Arrêt N°68/CA-CS du 07/10/1999, Institut de Formation en Organisation et Gestion Sociale ( INFOGES ) et Ecole « LOYALA » c/ MENRS, Cour Suprême, Recueils des arrêts de la Cour Suprême du Bénin, Cour Suprême, Cotonou, 1999, p. 483. * 33 R. G. NLEP, L'administration publique camerounaise « contribution à l'étude des systèmes africains d'administration publique », LGDJ, Paris, 1986, p. 260. * 34 C.DEBBASCH, Droit administratif, 6e éd. Economica, Paris, 2002, p. 245. * 35 Cette immunité de juridiction est prévue par la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961, la convention de Vienne de 1963 sur les relations consulaires et la convention de Vienne de 1975 sur les organisations internationales. * 36 O. GAYE, M. S. DIOUF, Le Conseil d'Etat & la pratique du recours en annulation, Dakar, 2001, p. 44. * 37 Article 117 al. 2 de la constitution béninoise * 38J.-C. FORTIER cité par G. DUPUIS, op. cit. P. 582. * 39 R. G. NLEP, op. cit. P. 305. * 40C. NACH MBACK, Démocratisation et décentralisation « Genèse et dynamiques comparés des processus de décentralisation en Afrique subsaharienne », Karthala-PDM, Paris, 2003, pp. 32 et 33. * 41 Article 153 de la loi N° 97-029 du 15 janvier 1999 portant organisation des communes en République du Bénin. * 42 CE, 31 juillet, Monpeurt, GAJA, op. cit. |
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