Au début de cette étude, nous nous
étions aussi donné pour tâche de vérifier si
l'assertion selon laquelle les clubs de football des pays
développés suivaient les traces des entreprises multinationales
et, avec elles, s'implantaient au-delà des frontières de leurs
pays d'origine, était authentique. A travers la création des
centres de formation pour jeunes joueurs, situés en pleine terre
africaine ou latino-américaine, l'objectif des clubs semble en tout cas
s'accommoder d'une logique de transnationalisation des activités. On ne
verrait pas d'emblée une équipe effectuer des dépenses,
souvent colossales en l'espèce, pour prétendre n'en tirer aucun
bénéfice. Ce qu'il faudrait retenir, c'est que le football a peu
de voies pour se rendre trop commercial. Mais il se façonne à
longueur des journées et au fil des ans des vaisseaux qui lui assurent
une présence continue et difficilement réversible dans le monde
des affaires ordinaires. Nous osons croire que la conversion de la structure
juridique de la plupart des clubs de l'association à but non lucratif
en celle de sociétés commerciales a permis de focaliser
l'attention de ces nouvelles personnes morales sur les avantages des
marchés émergents. Si « les firmes européennes
ont à investir plus sur les marchés émergents afin de
tirer avantage de leur croissance rapide » (Jacquemin Alexis et Pench
Lucio R., Editors, 1997, p. 181), les clubs de football n'avaient pas pour leur
part besoin de s'y faire plier à travers des supplications, aussi
longtemps qu'ils avaient déjà compris et reconnu
l'émergence de l'Afrique et de l'Amérique du Sud en
matière de football.
Puisque l'expérience ne s'est pas encore
généralisée -la plupart des équipes ayant certes
leurs équipes juniors au siège même du club, voire des
centres de formation dans le pays -, la création d'un centre de
formation par une équipe, reconnue riche, dans un pays en
développement commence avec le club français de
Paris-saint-Germain, avant de connaître une autre forme avec Ajax
d'Amsterdam.
Le projet de création du centre de formation des
jeunes joueurs lancé par Paris-Saint-Germain n'a, à proprement
parler, rien de similaire à un projet d'investissement direct
étranger. Il prend effet en 1997, lorsque le bulletin d'informations du
club diffuse la nouvelle ci-dessous reprise : « Claude Le Roy
prépare le futur. Créateur, en début de saison, de Planete
Champions International, un centre de formation au Burkina Faso, le directeur
sportif parisien et le club ont l'intention de faire de Tunis une tête de
pont de leur politique de recrutement »
( PSG News-Revue de presse du lundi 05 janvier 1998).
Dans les limites de la perception des objectifs de la
création du centre, il se dégage en filigrane, la politique de
recrutement. Transposé à l'univers du football business,
l'objectif de recrutement vaut pour les clubs ce que vaut la stratégie
ou l'objectif de recherche des matières premières ou
carrément des facteurs de production pour les entreprises
multinationales.
A ce titre, il y a lieu de comparer à
l'itinéraire des entreprises multinationales, le caractère
d'investissement étranger direct du centre ainsi créé par
le Paris-saint-Germain. Pour cela, MUCCHIELLI J. L (1998, p. 46), aide
à découvrir les caractéristiques d'un investissement
direct :
1° une notion de contrôle ou de pouvoir
d'influence sur la gestion d'une entreprise étrangère ;
2° un transfert des compétences complexes (un
ensemble technologique et
3° une logique de production. Et AAKER D. A (1998, p.
255) de renchérir : « Beaucoup de firmes
éprouvent le désir de développer des stratégies
globales dans la vue de participer effectivement à la
concurrence ». La logique de production semble donc être
déterminante. Il en est ainsi lorsque la délocalisation vise,
à la base, à faire réaliser à l'entreprise les
économies d'échelle, lesquelles « ont une puissance
dans la perspective globale » (LEONTIADES James, 1984, pp. 30-37).
1.B.3. Quid si un club de football est une
entreprise ?
Mais, d'ores et déjà, il se pose
immanquablement la question à l'esprit de savoir si Paris Saint-Germain
est une entreprise, et encore si le centre de formation Planete Champions
International l'est aussi. Le professeur Blanpain (1996, p. 25), reprenant
l'avis de l'Avocat Général Lenz, entend, lui aussi, par
entreprises «des entités qui exercent une activité
économique, quels que soient leur statut juridique ou leur mode de
financement. Il n'est pas requis, ajoute-il-, qu'il y ait un but de
lucre. ». Cette définition a le mérite de retenir
l'élément essentiel d'une entreprise, loin de toute structure
légale formelle : l'exercice d'une activité
économique. Elle se fait dans le cadre d'une unité dite parfois
de production.
Au regard de cette précision, il appert que, sans
être une société commerciale, au sens juridique du terme,
le club Paris Saint-Germain, n'est pas moins une entreprise, d'un point de vue
économique. En tant qu'équipe de football, elle engage
régulièrement les joueurs, auxquels elle paye des salaires. Sur
le marché des transferts, le PSG est également très actif,
soit comme vendeur, soit comme acheteur des joueurs. Cette saison, le seul
transfert d'Anelka, parmi tant d'autres, lui a coûté plus de 25
millions de dollars américains. C'est d'ailleurs pour cette raison que
la cour européenne de justice n'a pas hésité
d'établir que l'exercice des sports, en tant qu'activité
économique dans le sens de l'article 2 du Traité de Rome,
relevait du champ d'application du droit communautaire (Blanpain, 1996, p. 21).
De même, le professeur Andreff Wladimir (2000, pp.
184-185) continue dans la même direction en décrivant
l'activité économique des clubs de football : «
Certains clubs, écrit-il-, se sont spécialisés dans la
formation de joueurs en vue d'approvisionner le marché des joueurs
professionnels, et ainsi dégager une source complémentaire de
financement. »
C'est cela la caractéristique nouvelle du
sport : « une activité économique comme une
autre, ce qui permet de comprendre le quasi- abandon des principes fondateurs
de l'olympisme et une recomposition de ce champ autour des valeurs
marchandes » (Bourg J. F et Gouguet J. J, 1998, p. 18). Tous ces
développements accréditent la thèse du professeur Blanpain
(1996, p. 25) d'après laquelle « les clubs de football
peuvent être considérés comme des entreprises et les
fédérations comme des associations d'entreprises. » La
version d'entreprises reconnue aux clubs est partagée par le professeur
Késenne Stefan (1996, p. 21) pour qui la pratique du sport constitue une
activité économique en sens qu'il faut deux clubs (entreprises)
pour fabriquer un match ( le produit).
En résumant toute la littérature nous offerte
par les analystes, et en la comparant aux caractéristiques de
l'investissement étranger direct pré-rappelées, nous
pouvons considérer que l'acte posé par Paris Saint-Germain
renferme bien les réalités d'un investissement.