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Internationalisation économique du sport. Les clubs de football sur les traces des entreprises multinationales

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par Arnauld Kayembe Tabu Nkang'Adi Nzu
Université d'Anvers - Master en Management international et développement 2000
  

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1.A.1.b. Fonctions de l'agent.

Sa fonction essentielle est de prospecter et de dénicher à temps tout joueur talentueux, star montante du football dans sa région géographique. Celle-ci couvre, à quelques exceptions près, les limites territoriales d'une ville ou d'une province ayant dans son championnat d'équipes de football. Ce genre d'agent, à travers lequel la plupart des équipes riches opèrent sur des terrains même des pays lointains de leurs, est différent d'un autre qui, lui, est détenteur d'une licence de la FIFA.

1.A.1.c. Comportement des agents commissionnés et portée de l'internationalisation.

Au regard de la méthode mise sur pied, en l'occurrence l'entente « illicite » entre embaucheurs des joueurs du Tiers- Monde et leurs anciens sociétaires, l'on peut se demander si les transferts effectués de cette manière-là sont licites, et comptabilisés ou si on peut considérer cette opération comme étant un transfert. A notre avis, la négative s'impose. Car, à première vue, qui dit transfert, au sens de la FIFA et de ses affiliées, dit contrat signé entre deux clubs de football.

Le joueur n'est pas subtilisé en catimini. En effet, réalisant clandestinement leurs activités, certainement, en marge des lois et règlements sportifs établis, les agents commissionnés, appelés aussi recruteurs officieux, voient se confirmer cet autre attribut dont la péjoration n'est pas du tout exagérée. Ils expérimentent autrement la réalité du mercato, déjà examiné. S'ils n'ont pas la carte de visite d'un grand club local de football, pour voiler à peine l'image de négrier qui le colle à la peau, ces agents, forts des avantages en argent que leur job leur procure, s'établissent vite dans des réseaux, où peuvent se retrouver facilement, les officiels de la fédération nationale du football, les envoyés spéciaux du Ministre des sports et certains dignitaires du pays qui servent de paravent en cas du démaquillage de ces pratiques.

Puisque souvent, les assurances offertes par l'agent à son club, à propos de sa recrue, peuvent s'avérer moins concluantes par la suite, il est fréquent de constater que, une fois en Europe, le jeune joueur qui se prédestinait à une carrière prestigieuse dans son pays d'origine, se retrouve abandonné dans la rue et condamné, malgré lui, à la clandestinité forcée. Ici, nous posons donc la problématique de la requalification du marché d'achat et de vente des jeunes joueurs par des hommes dont le statut non réglementé par le droit national reste en tout cas peu reluisant. Ils sont de véritables faiseurs de « clandestins du football international ».

En lisant la correspondance ci-dessous de Cecilia GABIZON (1998), seuls les sceptiques pourraient sous-estimer l'ampleur planétaire de ces pratiques, aux imperfections désastreusement élaguables : « Au Brésil, la chasse aux talents juvéniles est un sport de haut niveau. Sergio, 14 ans raconte : ` je venais de terminer un match dans mon bled, dans le Mato Grosso, lorsqu'un homme a proposé de m'emmener à Rio, pour jouer au club du Vasco'. Ses parents, camelots, ont tout de suite accepté, trop heureux d'imaginer une vie meilleure pour leur fils. Depuis un an, Sergio partage un dortoir dénudé avec vingt autres gamins de tout le pays. Pensionnaire du Vasco de Gama, champion du Brésil, sa vie se réduit au ballon et au rêve : `la route de la gloire est longue. On doit sûrement avoir oublié d'où l'on vient quant on y arrive'. Comme dans toute transaction spéculative, le drame des joueurs sur ce marché rime avec la jubilation des intermédiaires. `Sans intermédiaire, personne ne peut y arriver', glisse Sergio, en regardant son découvreur. Ercy Rosa, la cinquantaine, sourire fatigué et Ray Ban clinquant, se proclame évaluateur technique. Depuis plus de trente ans, il dispose d'un réseau d'observateurs qui l'appellent dès qu'apparaît un gosse doué. Parfois, Ercy se déplace, jauge le potentiel de l'enfant et se charge de convaincre les parents. Une simple carte de visite aux couleurs du Vasco de Gama suffit souvent à les impressionner. ` je ne propose pas d'argent. Mais, j'offre à leur enfant le toit, le couvert, les soins médicaux et, surtout, la possibilité de devenir un grand joueur'. Ils sont des milliers au Brésil à exploiter ainsi la misère et l'amour du foot. Car, si les gosses ne voient pas encore la couleur de l'or, les découvreurs tel Ercy perçoivent des sommes importantes pour les petits les plus talentueux. ` Je vends un attaquant comme Sergio pour 3000 dollars. Un arrière ira chercher dans les 15.000. Les plus recherchés sont les buteurs entre 14 et 16 ans'. Depuis Ronaldo, les prix ont brutalement grimpé au Brésil, car les clubs craignent de laisser échapper la perle rare. Pour avoir refusé de payer les tickets de bus de l'ado Ronaldo, le Flamengo a perdu le prodige, retourné jouer dans la banlieue ouvrière de Rio. Peu de temps après, deux entrepreneurs, Reinaldo Pitta et Alexandre Martins, l'ont découvert dans son club de São Cristovão. Il avait 14 ans et valait 7 500 dollars. Malins, ils ont obtenu une délégation des parents leur assurant un statut de tuteurs. Aujourd'hui, Ronaldo entretient près de 40 personnes au pays. Ses imprésarios héritent de coquettes commissions à chaque transaction et gèrent avec profit son image. L'histoire n'est pas toujours aussi heureuse. Sur 1 000 gamins doués, un ou deux seront des cracks ; une poignée, des joueurs pro ; les autres retourneront à la vie normale, «un grand rêve en moins», commente Eduardo, 17 ans. Il a quitté Bahia et sa famille il y a un an, attiré à Rio par un découvreur véreux. Le jour où il s'est blessé, le club où il était à l'essai et le passeur l'ont abandonné. Depuis, il s'entraîne sur un terrain vague et n'ose pas rentrer chez lui les mains vides. Dans ce négoce sans contrat ni règles établies, les clubs se soucient peu des éclopés. Pour éviter de se faire voler un futur champion par un concurrent, ils préfèrent accueillir de nombreux mômes, pour la plupart acquis avec trois sous d'aide à la famille et un petit chèque au découvreur. Romario, Carlos Germano, Edmundo, entre autres, sont issus de la filière du Vasco. «Un joueur de talent vaut au moins 10 millions de dollars. Cela couvre les dépenses de fonctionnement de mes sections amateurs pendant six ans», calcule Darcy Peixoto, le dirigeant du club. Jota Jota, un bénévole, accueille gratuitement des jeunes des bidonvilles au bord de la plage de Rio. Il ironise: «On est obligé de vendre nos enfants. Ici, ils ont très peu de chances de s'en sortir. Heureusement que Dieu a eu une illumination quand il a créé le football. Il a donné le talent aux pauvres.».

Les filets de tels agents n'ont épargné les jeunes talents surtout d'Afrique, car, comme le rapporte La Gazetta dello Sport ( 1998, p. 5) « plus de 300 joueurs professionnels africains jouent dans des clubs européens (dont 90% en France) : nigérians, ghanéens, zaïrois, algériens, camerounais, libériens ou angolais. »

Malheureusement, il se constate fréquemment que certains clubs de football africains desquels on attendrait bien évidemment le lancement d'un véritable partenariat avec des équipes des pays voisins, raffolent des tranferts illicites. La stratégie mise en place offre souvent un spectacle comme celui-ci : ils placent dans des pays réputés « pépinières » des joueurs talentueux des recruteurs officieux, qui leur servent d'intermédiaires, rien que pour leur fournir à vil prix, certainement, des jeunes footballeurs du pays dont ils sont également originaires.

Dans la plupart des cas, ces clubs appartiennent aux sociétés pétrolières ou celles ayant investi dans des secteurs qui leur confèrent une importance bien réelle. Ainsi la République Démocratique du Congo alimente-elle les équipes des compagnies pétrolières d'Angola, du Gabon et les équipes des sociétés minières de la Zambie.

1.A.1.d. Les transferts des joueurs congolais opérés par des recruteurs officieux.

Selon le journal L'Avenir, un quotidien paraissant à Kinshasa (édition du 27 novembre 2000), qui cite à son tour le journal Vision, toujours du marché de la presse kinoise (édition du 23 novembre 2000) « des transferts des joueurs congolais, évalués à 461.000 $ US sont négociés en Angola ». Le journal a publié la liste partielle des négociateurs avec, au regard de chaque nom, le montant du transfert. Toutefois, l'interrogation par les deux journaux sur le fait de savoir si le trésor public et la fédération avaient pu percevoir leurs pourcentages respectifs sur toutes ces transactions jette un doute réel sur la licéité desdits transferts. Donc, la thèse de transferts illicites et de recrutements officieux se taille bien d'un pousse son chemin de confirmation. Dans le cas du Congo, la facilité avec laquelle les jeunes joueurs acceptent volontiers de s'en aller vers l'eldorado d'une part, et l'ineficacité des mesures prises par les autorités politiques et administratives tendant à contrecarrer ces départs massifs tiennent au fait que sans politique d'emploi ni d'encadrement des jeunes, voire de toute la population active nationale, aucune concession pour convaincre les jeunes à rester au pays n'est possible. D'ailleurs, bien qu'à l'étranger, les joueurs qui arrivent à y émerger contribuent à leur manière à la survie de leurs familles vivant au Congo.

Tableau VIII. Liste partielle des négociateurs des transferts des joueurs congolais évoluant en Angola.

1. Madilu Patcheli.

Noms des joueurs

Ancien club

Actuel club

Montant de transfert

Mazowa

Sodigraf (Kinshasa)

Dagosto

12.000 $ US

Sifwa

Sodigraf

Sagrada

8.000 $ US

Kisolokele

Sodigraf

Academia

6.000 $ US

Kabo Makabi

Sodigraf

Rangol

12.000 $ US

Gina Isomboma

Sodigraf

Progreso

12.000 $ US

Mukuenza

Etoile

Rangol

15.000 $ US

 

Sous-total : 65.000 $ US

2. Edouard Kiaku Mbuta.

Diboko Jean Bosco

Matonge

Tombua

12.000 $ US

Le Petit

Mabuilu

Tombua

14.000 $ US

Franc

Union

Tombua

10.000 $ US

Tintin

Kalamu

Tombua

10.000 $ US

Banyengele

Sapatra

Progreso

7.000 $ US

Mbala Lide

Dragons

Rangol

16.000 $ US

Mbila

Sodigraf

Dagosto

18.000 $ US

Isaac

Kintambo

Dagosto

15.000 $ US

Guy

Sodigraf

Petro Atletico

20.000 $ US

Mukinza

Etoile

Rangol

15.000 $ US

Goliat

Matonge

Dagosto

12.000 $ US

Jean-Claude

Bilima

Sonangol

15.000 $ US

Libiza Alain

Jeek

Sonangol

15.000 $ US

Yaba

Matonge

Sonangol

12.000 $ US

Kande

Lupopo

Sonangol

10.000 $ US

Hero

Mabuilu

Sonangol

10.000 $ US

Fofana Guy

Matonge

Sonangol

12.000 $ US

Nzazi Bandimi

 

Sagrada

8.000 $ US

Tubilandu

Sapatra

Sagrada

15.000 $ US

 

Sous-total : 246.000 $ US

3. Fonte-Nova

Mbiyavanga

Motema Pembe

Petro Atletico

15.000 $ US

Akobolo

Kalamu

Dagosto

10.000 $ US

Chalana

Utexafrica

Dagosto

8.000 $ US

Serdade

Style du Congo

Sonangol

12.000 $ US

Ayembe

Bingo

Sonangol

14.000 $ US

Ninja

Style du Congo

Sonangol

8.000 $ US

Lebo

Motema Pembe(Kin)

Tombua

12.000 $ US

Morile

Union(Kinshasa)

Academia

7.000 $ US

Zola

Utexafrica

Academia

10.000 $ US

Ebola

Nika (Kisangani)

Academia

10.000 $ US

Ebola Dady

Matonge (Kinshasa)

Inter

8.000 $ US

 

Sous-total : 124.000 $ US

4. M. Lakijo

Ndjoli Kapesa

Sodigraf

Inter

5.000 $ US

Lukaka Papy

Kintambo

Inter

6.000 $ US

Ndola

Kintambo

Dagosto

15.000 $ US

Sous-total : 26.000 $ US

Total général : 461.000 $ US

Source : Journal L'Avenir, édition du 27 novembre 2000

Remarque :

Il est vrai que les transferts des joueurs, illicites et licites, entre la République Démocratique du Congo et l'Angola sont fréquents, et s'étalent sur plusieurs années en arrière. Cependant, même si les journaux cités ne donnent pas les années de références au cours desquelles ces opérations se sont déoulées, il est fort probable que l'information ainsi livrée serait proche de la véritable, car les personnes nommémént désignées comme négociateurs sont notoirement connues du milieu sportif congolais en général, et kinois en particulier. Mais rien ne permet de croire que les transferts des sportifs congolais ne s'opèrent que dans le football. Le baskett et les arts martiaux sont souvent victimes de ce qui ne serait pas loin d'une razzia. Peu élogieux, le profil du recruteur officieux s'oppose, ne serait-ce que sur le plan des principes, à celui de l'agent licencié de la FIFA.

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand