1.4. Football business : l'Afrique victime de sa
pauvreté matérielle.
Signe de dépendance, l'Afrique ne retient pas plus ses
sportifs que ses cerveaux ou ses richesses naturelles. Comparés à
l'Europe, les moyens des clubs et fédérations sont
dérisoires. A niveau égal, la rémunération des
joueurs y est dix à vingt fois inférieure, quand elle est
perçue. Et même, il arrive qu'ils fassent l'avance ou paient de
leur poche les frais de déplacement. Un seul match de Coupe d'Europe du
Real de Madrid rapporte davantage à la Fédération
européenne de football (l'UEFA) que toutes les compétitions
organisées dans une année par son homologue africain, la
Confédération africaine de football (CAF). (Afrique Football,
décembre 1995).
Les financements privés sont limités aux
retombées commerciales que sponsors et mécènes peuvent en
attendre, c'est-à-dire peu de chose sur des marchés
squelettiques. Quant au financement public, il s'est encore
raréfié avec la généralisation des plans
d'ajustement structurel.
Enfin, privé ou public, en Afrique comme en Europe,
l'argent du football est trop souvent détourné par des
responsables et intermédiaires professionnels de l'escroquerie. ASEC
Mimosa d'Abidjan, Orlando Pirates " de Soweto, Petro Sport de Port Gentil,
Petro Atletico de Luanda, restent les exceptions : l'or des mines
ghanéennes, en pays Ashanti, a assuré la prospérité
de l'équipe des Gold Fields d'Obuasi ; comme le tourisme celle de
l'Etoile sportive du Sahel, à Sousse, en Tunisie; les compagnies
pétrolières, là où elles sont installées,
financent " leurs " clubs, comme Petro Sport de Port Gentil, Petro Atletico de
Luanda, et l'armée, un peu partout, entretient les siens sur le
modèle de l'équipe des Forces armées royales (FAR)
marocaines. Ailleurs, ce sont les supporters actionnaires qui apportent les
fonds, comme à l'ASEC Abidjan, en Côte-d'Ivoire, Vita Club, Motema
Pembe (Daring Club) et Dragons de Kinshasa.
Quoi qu'il en soit, le transfert reste une des plus
importantes opérations qui permettent aux clubs de football de
s'approvisionner en joueurs, leurs matières premières. Un bon
transfert par l'acquisition des joueurs talentueux pourrait constituer le point
de départ de la fortune d'une équipe qui ne se classait pas au
départ parmi les clubs les plus riches. Cela suppose que le club est
capable de revendre ses meilleurs joueurs à des prix
alléchants.
1.5.a. Transfert : Source
d'approvisionnement des clubs en matières premières.
Certes, « le sport (passif) et la pratique sportive
servent tout d'abord à des fins ludiques ou compétitives,
répondent à des besoins d'entraînement physique, de
santé, de détente ou sont simplement destinés à la
socialisation et au divertissement (caractéristique constitutive du
terme) (Rahmann et al., 1998), Heinemann (1995), Hofmann., Weber et al.
(1995).
Mais, d'un point de vue micro-économique, il est
évident que le sport est soumis aux lois économiques, d`une part,
parce qu`il satisfait des besoins des individus et, ainsi, leur apporte de
l`utilité, d`autre part, parce qu`il consomme des ressources rares
soumises à usages alternatifs (Büch, 1996, p. 23). La pratique
sportive elle-même a donc la valeur d`une activité
économique, voire d'un acte de consommation«(Andreff W, 1999,
p.135).
C`est là qu`il faut signaler la naissance dans le sport
de la nécessité du transfert. La demande s`est par la suite
avérée croissante en raison des retombées dont
bénéficiaient les clubs qui y recouraient. Cette demande est,
aujourd`hui à l`origine de véritables marchés du sport
où elle rencontre une offre diversifiée et
spécialisée et où les préférences des agents
économiques sont révélées en prix et
quantités.
C`est ce que reflètent les tableaux ci-dessous,
à travers lesquels, il se dégage clairement que les clubs,
moyennement ou réellement riches sont assez présents ces derniers
temps sur les marchés bondés de facteurs de production d`Afrique
et d`autres pays en développement comme ceux d`Amérique Latine,
pour procéder à bas prix à l`achat de nouveaux talents,
qu`ils finissent par revendre à des coûts paradoxalement
élevés.
« En effet, en Amérique du Sud et en
Afrique, le degré d`organisation du football est le plus faible, si l`on
considère le rapport entre le nombre de personnes pratiquant ce sport et
le nombre de licenciés, enregistrés et organisés dans des
clubs. Cette masse des pratiquants encore plus lorsqu`ils sont encadrés
forme les soubassements sur lesquels s`édifie le spectacle-entreprise
football. » (Charles André UDRY, 1998).
Toutes les institutions dirigeantes de football savaient que
pour que ce business prospère, il faudrait qu`il gagne des parts de
marché.
Ci-après, les chiffres dressant la situation des
pratiquants du football dans le monde.
TABLEAU I. LES FOOTBALLEURS DANS LE MONDE.
CONTINENT
|
TOTAL LICENCIES
|
AUTRES
|
TOTAL
|
Europe
|
21.522.044
|
6.082.427
|
27.604.471
|
Amérique du Sud
|
2.164.190
|
18.134.000
|
20.829.383
|
concacaf
|
21.924.449
|
8.383.502
|
30.307.951
|
Afrique
|
2.164.190
|
4.599.495
|
6.763.685
|
Asie
|
58.773.646
|
17.146.392
|
75.920.038
|
Océanie
|
684.993
|
235.867
|
920.860
|
TOTAL
|
107.764.705
|
58.581.683
|
162.346.388
|
TABLEAU II. LES FOOTBALLEURS PROFESSIONNELS DANS LE
MONDE.
CONTINENT
|
NOMBRE
|
POURCENTAGE
|
Europe
|
22.958
|
52,8
|
Amérique du Sud
|
11.386
|
26,2
|
Concacaf
|
4.805
|
11
|
Afrique
|
846
|
1,9
|
Asie
|
3.515
|
8,1
|
Océanie
|
0
|
0
|
TOTAL
|
43.520
|
100
|
Source des tableaux: EPS, Paris, novembre décembre
1997.
Les chiffres ainsi établis devraient connaître
une légère modification, mais qui, dans l'ensemble serait loin de
renverser le poids de chaque continent.
Les transferts s'effectuent sur base du nombre des pratiquants
licenciés à l'échelon international. Ici, les joueurs
professionnels, pointe de l'iceberg, sont la cible des visées marchandes
et commerciales des clubs les plus riches.
Sachant que l`Afrique et l`Amérique du Sud, y compris
l`Asie, cette dernière, à cause du fait qu'elle n'a encore
véritablement pas connu l'enthousiasme populaire du football, renferment
d'énormes jeunes joueurs au talent qui n'a point besoin de
démonstration pour s'affirmer aux yeux du monde, les équipes s'y
approvisionnent sans beaucoup de difficultés. Le transfert permet ainsi
aux clubs bénéficiaires de se faire adjoindre les services des
joueurs, en vue de l'amélioration de leurs performances, certes, mais
aussi de l'accroissement de leur profit.
Le Figaro économie du 8 juin 1998 affirmait dans ce
sens que « les joueurs représentent en quelque sorte les
actifs[ au sens des actifs d'une entreprise] d'une équipe et que pour
maîtriser la revente , l'âge du joueur est également un
élément important ». Cette poignée ne se compte
pas par milliers. Ils s'agit plutôt des joueurs qui assurent la
possibilité à leur club de se placer dans les tournois
européens rentables. Ceux qui sont aptes à être vendus en
dégageant une plus-value maximale.
On retiendra avec UDRY qu'il s'agit des joueurs
« qui, par leur productivité sportive, attirent sponsors et
spectateurs- supporters. Ainsi, ils permettent de faire du chiffre d'affaires
et de délivrer une bonne marge bénéficiaire.
Certes, le Professeur Késenne Stefan (1999, p. 2) a
raison de penser que les clubs européens recherchent plus du
succès que le profit, cher aux clubs sportifs américains,
cependant, la logique du profit a, de plus en plus, tendance à faire
battre en retraite le sain mobile de succès, sans prétendre
l'écarter.
Dans cette optique, le transfert ou l'acquisition des joueurs
rassure les clubs. c'est « un investissement qui rapportera un
profit ». (The Economist, juin 1998).
Cet investissement est devenu le cheval de bataille de
certains clubs européens considérés comme faisant partie
des plus riches.
TABLEAU III. LES CLUBS EUROPÉENS LES PLUS RICHES
SELON LE CHIFFRE D'AFFAIRES 1997 EXPRIMÉ EN MILLIONS DE FRANCS
FRANÇAIS.
.
CLUBS
|
CHIFFRES D'AFFAIRES
|
BENEFICES
|
Manchester United
|
620
|
+150
|
FC Barcelone
|
500
|
+40
|
Bayern Munich
|
480
|
+40
|
Juventus de Turin
|
480
|
+30
|
Real Madrid
|
440
|
+25
|
Milan AC
|
440
|
-150
|
Borussia Dortmund
|
400
|
+40
|
Inter Milan
|
380
|
-80
|
Newcastle United
|
380
|
-180
|
Parme
|
350
|
-15
|
Glasgow Rangers
|
320
|
+35
|
Paris-Saint-Germain
|
300
|
+25
|
Atletico Madrid
|
280
|
-100
|
Ajax Amsterdam
|
250
|
-20
|
As Monaco
|
240
|
-20
|
Source : Capital, septembre
1997
|
Ce classement a subi une légère modification,
comme le renseigne d'ailleurs celui qui suit.
TABLEAU IV. LES 15 RICHES CLUBS D'EUROPE SUIVANT LES
REVENUS'98/99 EN MILLIONS DE DOLLARS
CLUB
|
REVENU
|
Manchester United
|
165
|
Bayern Munich
|
118
|
Real Madrid
|
100
|
Barcelone
|
98
|
Chelsea
|
88
|
Juventus de Turin
|
83
|
Milan AC
|
77
|
Borussia Dortmund
|
76
|
Arsenal
|
72
|
Lazio de Rome
|
72
|
Inter de Milan
|
70
|
Liverpool
|
67
|
New Castle United
|
66
|
Parme
|
63
|
Tottenham
|
63
|
Source : Deloitte et Touche, Press reports, the clubs,
reprise dans Time du 5 juin 2000, p. 52.
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