2.1.2 Les dynamiques de l'extrémisme violent en
Afrique de l'Ouest
Les causes de l'extrémisme violent sont parfois
identiques dans certains pays et spécifiques dans d'autres. Le rapport
« Si les victimes deviennent bourreaux : Facteurs contribuant à
la vulnérabilité et à la résilience à
l'extrémisme violent au Sahel central» publié par
International Alert (2018), analyse les facteurs qui permettent d'expliquer la
vulnérabilité ou alors la résilience des populations face
à la montée de l'extrémisme violent. En effet, les
régions de Mopti (Mali), du Sahel (Burkina Faso) et de Tillabéri
(Niger) sont parmi les plus pauvres du continent.
Une conclusion ressort clairement de l'étude :
l'extrémisme violent au Sahel central semble répondre bien
davantage à des problématiques locales spécifiques
qu'à des logiques globales, et le lien avec le djihadisme international
est plus rhétorique que pratique. Au sein d'États fragiles, il
est évident que beaucoup de facteurs peuvent influencer le comportement
d'une jeunesse démunie et marginalisée face au choix de
l'extrémisme violent.
Cependant, cette étude confirme que le facteur le plus
décisif est l'expérience (ou la perception) d'abus et d'exactions
commis par les autorités gouvernementales. Ceci constitue dès
lors le seul véritable clivage entre vulnérabilité et
résilience au Sahel central. À l'inverse, elle démontre
que l'apaisement des communautés, la reconnaissance sociale du
rôle des jeunes hommes et des jeunes femmes et l'atténuation des
tensions liées aux rapports sociaux et de genre contribuent à
renforcer la résilience des populations.
L'étude « Prévenir l'extrémisme
violent au Sénégal », publié en septembre 2021,
reflète qu'en vue de s'implanter et/ou de recruter, les groupes
extrémistes violents tirent profit de vulnérabilités
structurelles.
Selon LA Théroux-Bénoni, W Assanvo et al.
(2016),
Les groupes extrémistes exploitent les frustrations
nées de la précarité socio-économique des
populations et de la nécessité de
protéger des activités génératrices de revenu,
surtout dans les zones où l'État est peu présent ou
contesté.
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Pour W Assanvo, B Dakono, LA Théroux-Bénoni et I
Maïga (2019),
Dans les régions frontalières du Mali, du
Burkina et du Niger, les groupes extrémistes violents se sont parfois
présentés comme une alternative aux États, dont les
performances n'étaient pas à la hauteur des attentes des
populations. Les dynamiques conflictuelles, entre les communautés et
entre ces dernières et les représentants de l'État,
peuvent aussi faire l'objet d'instrumentalisation.
Par ailleurs, lors d'un atelier sous-régional tenu en
2016 au Gorée Institute sur le thème : «Le radicalisme
religieux et les menaces sécuritaires en Afrique de l'Ouest :
perspectives nationales et régionales», Dr Poussi Sawadogo a
noté, pour ce qui est du Burkina Faso, deux types de causes de
l'extrémisme violent : les causes internes et les causes externes. Pour
les causes internes Dr Sawadogo a mis l'accent sur « la crise
sociopolitique et la fragilité sécuritaire et le déficit
de la gouvernance politique » qui trouvent leurs origines, entre autres,
dans le départ mouvementé de l'ancien Président Blaise
Compaoré. En effet, celui-ci avait installé le pays dans une
instabilité politique chronique, avec la désorganisation de
l'armée et des forces de sécurité. Les autres causes sont
liées à des tentatives de coup d'État
répétitives, l'absence d'un leadership politique «
légitime » à la tête de l'État pour
entreprendre des réformes. De même, l'environnement
sécuritaire régional n'a pas été étranger
avec les attentats dans les pays frontaliers, notamment le Mali, et la crise
ivoirienne.
Pour ce qui est de la Côte d'ivoire « on ne
peut pas réellement parler de radicalisme religieux, même si ce
n'est pas à exclure » selon le professeur Boa
Thiémélé Ramsès. Le professeur
Thiémélé préfère parler, plutôt, de
tentatives de radicalisme religieux se matérialisant par l'implantation
progressive d'idéologies exogènes. En effet la crise ivoirienne
de 2002 a mis à jour beaucoup de problèmes et
d'intolérances qui, selon l'analyste ivoirien, « n'existait pas
durant les 33 années de règne du Président Félix
Houphouët Boigny dont les divergences ethniques et religieuses.
Comme dans la plupart des pays d'Afrique de l'Ouest, la pluralisation
croissante du religieux interpelle les observateurs de la scène
ivoirienne et, selon certains experts, augurent d'une montée du
radicalisme religieux. Cette pluralisation se caractérise par
l'émergence de nouveaux groupes religieux, la démultiplication de
l'offre religieuse à travers les églises de réveil et les
courants évangélistes, l'éclatement des
dénominations existantes et la fragmentation des acteurs. De ce fait,
les signes d'émergence d'une radicalisation multiforme sont visibles
dans ce pays même si elles ne sont pas encore très actives. Les
risques d'affrontements entre extrémisme musulman et
évangélisme conquérant sont bien réels sans que
cela attire l'attention des autorités comme de de la communauté
internationale.
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Le Centre National d'Étude Stratégiques et de
Sécurité-Niger a publié en juin 2018, un rapport
intitulé : « Étude approfondie sur les facteurs de
radicalisation en milieu rural, urbain, carcéral et universitaire
», dans le but de déterminer spécifiquement les
facteurs déterminants dans le processus de radicalisation des jeunes. Se
basant sur une analyse faite sur cinq régions du Niger, le centre montre
que ce sont généralement les mêmes facteurs qui sont
récurrent dans l'espace sahélo-sahélien. Le rapport met
l'accent sur le fait que le phénomène de radicalisation doit
être analysé dans un contexte historique, géographique et
socio-économique avec ses facteurs multifactoriels. Il relève
comment les États peinent à instaurer des systèmes de
gouvernance efficaces. Ce qui se fait ressentir par la population comme un
manque de soutien et de protection. Le chômage et le manque de
perspective d'emploi des jeunes est ressorti comme le principal facteur de
radicalisation tant au village que dans les grandes villes accrues par un
manque criarde d'éducation conduisant à la pauvreté et
à la frustration.
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