Chapitre II - Analyse et résultats
Partie I - Devenir et être sportif de haut
niveau
Pour débuter, le statut d'Étudiant Sportif de
Haut Niveau (ESHN) est donné aux étudiants qui participent
à des compétitions sportives de haut niveau et qui poursuivent
des études supérieures. En effet, ce statut offre un ensemble de
soutiens pour aider ces étudiants à équilibrer leurs
engagements sportifs et académiques. Comme nous l'avons vu avant, pour
obtenir ce statut, ils doivent généralement remplir des
critères de performance et aussi académique, et participer
à des compétitions et des entraînements. Certains d'entre
eux ont l'accès à des centres de formation souvent
affiliés à des universités ou des écoles, qui
offrent un encadrement sportif et académique adapté à ce
qu'ils désirent. Ces centres permettent de combiner des
entraînements tout en suivant un cursus académique grâce
à des installations sportives de qualité ainsi qu'un suivi
personnalisé auprès d'experts dans le milieu du sport.
Nous nous attacherons dans cette partie à revenir sur
les facteurs premiers de la pratique du sport : reposent-ils sur un entourage
décisif ? Comment se réalise la planification et l'organisation
de leur emploi du temps ? Les opportunités d'encadrement et de soutien
varient-elles entre les sportifs de haut niveau ? Ce statut particulier
offre-t-il des ressources et des financements avantageux ?
1. Les vecteurs premiers de la mise en pratique du sport
: un entourage décisif
La famille est la première source de soutien pour un
athlète. Ainsi, les parents, les frères et soeurs peuvent jouer
un rôle primordial tout comme d'autres membres de la famille dans
l'initiation d'un étudiant au sport. Parfois, il s'agit d'une tradition
familiale ou bien, d'un héritage sportif qui se perpétue de
pères en fils, ce qui peut motiver l'étudiant à suivre les
traces de ses proches.
« Moi à la base, je suis une famille sportive
du coup, j'ai toujours fait du sport quand j'étais petit quand
j'étais plus jeune, j'ai pu commencer à en faire, j'en ai fait,
j'ai fait du foot du basket de la natation, je faisais un peu de tout ».
(Noé/ M/ 19 ans/ IUT - Technique de commercialisation
2ème année/ Aviron)
« Mon père a toujours été
là à l'époque, quand j'étais petit, il
m'emmène à l'entraînement, il attendait la fin et
maintenant, il y a plus besoin, mais il est toujours là à
regarder quoi. Ma mère, elle essayait d'être présente et
après elle met plus sur le côté tout ce qui va être
médical ou m'accompagner en dehors etc. mais les deux ont
toujours
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été présents et du coup de temps en
temps, ils venaient voir des matchs. f...] En club non, j'ai pas fait d'autres
sports. » (Alphonse/ M/ 21 ans/ M1 STAPS/ Football)
L'éducation initiale de ces individus illustre
l'apprentissage des valeurs et des normes, avec le sport tenant une place
prépondérante, transmise dès son plus jeune âge par
sa famille. Les rôles des parents sont dans ce cas, intéressants
à étudier. Le père est plutôt associé
à la pratique et à l'aspect physique du sport, tandis que la
mère semble plus impliquée dans le support logistique et
médical. L'engagement répété et diversifié
de cet individu dans le sport peut être analysé à travers
l'habitus, un concept développé par le sociologue Pierre
Bourdieu. L'habitus renvoie à un ensemble de dispositions inconscientes
acquises par l'expérience sociale, qui guident les actions et les
perceptions (Bourdieu, 1979). Dans ce cas précis, l'habitus (Parlebas,
1999) de l'individu s'est constitué grâce à l'encouragement
familial et à son engagement dans différentes activités
sportives. Enfin, la capacité à s'engager dans une
variété de sports révèle un certain niveau de
capital culturel et social. Selon Bourdieu, le capital culturel comme
étant l'accumulation de connaissances, de compétences et d'autres
attributs culturels acquis par l'individu (Bourdieu, 1986). Dans le cas de
Alphonse, ses parents ont joué un rôle actif et soutenu dans sa
participation au football, un sport qui, selon Bourdieu, peut être
associé à un habitus valorisant la résilience, la
tolérance à la douleur et la force physique (Parlebas, 1999).
Cela montre comment les parents peuvent influencer l'habitus de leur enfant, en
l'occurrence en encourageant et en soutenant l'engagement d'Alphonse dans le
football. Ainsi dans le cas de Noé, le fait de pratiquer divers sports
peut être interprété comme une manifestation de ce capital
culturel. Noé, qui semble être originaire d'une classe moyenne ou
aisée, annonce que sa famille est orientée vers le sport et qu'il
a eu l'occasion de s'engager dans diverses activités sportives depuis
qu'il est petit : le football, le basket-ball et la natation. Son niveau
d'éducation et sa position sociale lui ont donner la possibilité
de pratiquer plusieurs sports. En effet, la tendance à combiner les
activités sportives et culturelles est fortement structurée en
fonction du niveau d'éducation, du revenu et du statut social et
professionnel des individus (Coulangeon, Lemel, 2009). A l'opposé,
Alphonse, issue d'un milieu populaire, indique qu'il n'a pas participé
à d'autres sports en dehors en contrepartie du football. Cela
évoque certainement, des restrictions financières ou à un
accès limité à une variété
d'activités liés à sa classe sociale.
Si les déterminismes sociaux contribuent à
façonner la pratique sportive des étudiants sportifs de haut
niveau, au-delà de leur statut similaire, nous pouvons également
nous intéresser à leur devenir de sportif. Pour ce faire, nous
emprunterons la notion de « carrière »
développée par Howard Becker. Pour Becker, le terme «
carrière » ne se limite pas à l'avancement professionnel
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ou à l'amélioration des compétences dans
un domaine spécifique, comme le sport par exemple (Becker, 1963). Il
élargit cette définition pour inclure un ensemble d'étapes
sociales et culturelles que traverse un individu au cours de son
évolution dans un domaine spécifique (Becker, 1963). Selon lui,
une carrière ne se résume pas à une simple échelle
de progression professionnelle (Becker, 1963). Elle implique également
une intégration progressive dans la culture et les normes du groupe ou
de la communauté qui définissent le domaine dans lequel la
personne évolue (Becker, 1963). De ce fait, la carrière est
perçue non seulement comme un parcours professionnel, mais aussi dans ce
sens, comme un parcours socioculturel (Becker, 1963). Nous concernant, et si
nous reprenons cette conception du terme de carrière, nous pouvons dire
que le stade de l'initiation est le point de départ où une
personne, généralement un enfant ou un adolescent, fait ses
premiers pas dans le domaine du sport (Becker, 1963). À ce
niveau-là, l'individu se familiarise avec les règles du jeu, il
va commencer à affiner ses compétences, il va pouvoir se voir
lui-même en tant que sportif. Par ailleurs, un grand nombre
d'étudiants ont entamé leur parcours sportif en raison de leur
fervente passion des individus pour un sport, animé par la
compétition, etc. Cet amour pour l'activité les a
galvanisés à s'exercer avec ardeur et à peaufiner leurs
aptitudes pour parvenir à un échelon compétitif. Cet
apprentissage du jeu, de la pratique sportive passe aussi par l'engouement que
suscite la compétition. Celle-ci semble contraindre, d'une certaine
manière, les sportifs en devenir à se socialiser plus fortement
encore à la pratique de leur choix :
« Et puis même voilà, j'ai vraiment,
j'adore la compétition de même si je suis très fair-play et
que je m'entends très bien avec toutes mes concurrentes, l'esprit de
compétition
me motive. » (Paula/ F/ 21 ans/ IUT - DUT GEA
2ème année/ Marche athlétique)
« Après quand même ma passion au
départ, c'est vivre de sa passion [...] Et le fait d'aller tous les
jours à l'entraînement faire ce que tu aimes tous les jours c'est
spécial, on est des privilégiés. ». (Alphonse/
M/ 21 ans/ M1 STAPS/ Football)
Les témoignages de Paula et Alphonse illustrent
également le processus de socialisation secondaire (Durkeim, 1895). En
effet, Alphonse témoigne sa passion pour le football, il se sent
privilégié de pouvoir vivre de sa passion. Son ressenti illustre
une dimension importante de la sociologie du sport : l'idée que le sport
permet aux individus de manifester leur identité et d'y trouver une
signification. Dunning a suggéré que le sport peut être
envisagé comme une forme de « recherche de l'excitation »
(Dunning, 1999). Selon Becker, le stade de la professionnalisation est celui
où l'individu commence à percevoir le sport comme une voie de
carrière potentielle (Becker, 1963). Il s'implique davantage dans
l'entraînement, explore des
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occasions de concourir à un niveau supérieur et
commence à envisager des options éducatives et de formation qui
lui permettraient de concilier les études et le sport.
La famille de ce devenir sportif joue un rôle vital dans
la vie des athlètes en les encourageant et en soutenant leurs efforts
pour surmonter les obstacles et rester motivés. Dans ce sens, ils
permettent de fournir un soutien qui se base sur les émotions
indispensables pour les aider, en particulier à traverser des moments
difficiles, qu'il s'agisse de blessures, de défaites ou de la pression
des études.
« En fait ils ont toujours été
là, toujours motivé même quand ça va pas du tout
quand je rentre chez eux et que je pleure enfin, ils sont toujours là au
final pour m'aider enfin, je pense que la famille c'est vraiment hyper
important enfin de toute façon dans tous les domaines. Mais enfin,
vraiment, dans le sport parce que enfin moi je sais qu'ils m'ont qui m'ont
toujours épaulé bon ça a été un peu dur pour
ma mère quand j'ai dû aller en internat mais sinon ils sont
là pour te motiver. » (Nadège! F! 21 ans! M1 Histoire!
Aviron)
La famille, agissant comme une principale instance de
socialisation joue donc un rôle déterminant (Durkheim, 1895). Mais
l'expérience en internat de Nadège pourrait être vue comme
une forme de socialisation secondaire, où elle s'est familiarisée
avec de nouvelles normes et valeurs en dehors de son environnement familial.
Nadège note également combien il a été difficile
pour sa mère de la voir partir en internat. Cela pourrait
refléter les normes sociales liées au genre, dans lesquelles les
mères sont souvent considérées comme étant plus
émotionnellement liées à leurs enfants. Le capital social
se réfère aux réseaux de relations qui peuvent être
mobilisés pour obtenir des bénéfices ou du soutien
(Bourdieu, 1986). De plus, dans ce contexte, l'appui familial de Nadège
lui a offert un réseau de soutien émotionnel décisif pour
sa carrière sportive et fait figure de capital social non
négligeable (Bourdieu, 1986). Dans les années de
spécialisation, le soutien parental demeure un élément
significatif. Les parents continuent d'encourager leurs enfants et de fournir
un soutien financier et moral dans la période de maintien de
l'athlète dans le sport (Durand-Bush, Salmela, Thompson, 2004). Comme
nous l'avons vu, cette passion peut être collective ou individuelle. La
famille peut ainsi aider les étudiants sportifs à trouver le
juste équilibre entre le sport et les études, en les aidant
à gérer leur temps et à prioriser leurs objectifs.
« Ils ont toujours été hyper cool
à me laisser faire après par contre quand à la maison, je
ramenais des mauvaises notes vraiment, ils étaient pas content et
ça pouvait me porter
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préjudice pour le sport, mais j'ai toujours
réussi à être à pas être en confrontation avec
eux là-dessus et ils ont été vraiment cool à chaque
fois. » (Clémentine/ F/ 19 ans/ L1 STAPS/ Natation)
Cet extrait d'entretien met en évidence l'influence
significative de sa famille sur son parcours sportif et éducatif. Sa
famille a établi une certaine règle qui lie ses activités
sportives à ses performances académiques. Bourdieu
caractériserait cet exercice d'influence comme l'application du capital
culturel, un processus où la famille inculque ses valeurs et attentes
dans l'esprit de l'enfant (Bourdieu, 1986). On peut donc observer l'accent mis
par la famille de Clémentine sur l'importance des études, tout en
continuant à encourager son engagement envers le sport. Cela
suggère que les parents valorisent une éducation solide en
parallèle du développement sportif de leurs enfants (Durand-Bush,
Salmela, Thompson, 2004). En outre, les parents et les frères et soeurs
peuvent servir de modèles pour les étudiants sportifs en montrant
leur propre engagement envers le sport, les études et la réussite
personnelle. En effet, la famille a la possibilité fournir un
réseau social en aidant les étudiants sportifs à
établir des relations avec d'autres sportifs, entraîneurs et
professionnels.
« Et c'est mon frère qui s'est investi en
premier, il a commencé quand il était petit... Moi, je voulais
absolument faire de l'escrime » (Odilon/ M/ 19 ans/ IDMC - L3 MIASHS
option MIAGE/ Escrime)
Le frère aîné d'Odilon s'étant
impliqué dans le sport en premier, il a peut-être agi comme un
exemple à suivre pour Odilon. Les frères et soeurs jouent souvent
un rôle capital dans le processus de socialisation, car ils peuvent
servir de modèles d'identification (Durkheim, 1895). La décision
d'Odilon de se lancer dans l'escrime peut être perçue comme le
fruit d'une socialisation au sein de sa famille, où les actions de son
frère aîné ont façonné ses propres
préférences et comportements. Les frères et soeurs peuvent
jouer un rôle significatif en fournissant un modèle pour
l'athlète (Durand-Bush, Salmela, Thompson, 2004).
En concordance avec les membres de la famille, les amis de
l'ESHN peuvent également jouer un rôle dans le parcours sportif.
Ainsi, ils ont l'occasion servir de motivation et de soutien en aidant
l'athlète à naviguer dans son parcours sportif.
« En CM2, une amie à moi en faisait et ma
mère voulait que je fasse de l'athlétisme, c'était venu
à l'idée, elle m'a jamais forcé ou quoi, mais un moment,
c'était un peu en
mode tiens si je tentais moi. » (Lola/ F/ 26 ans/
Master de psycho obtenu/ 400m)
29
En ce qui concerne la socialisation au sein de la famille, la
mère de Lola a introduit l'idée de pratiquer l'athlétisme,
sans toutefois imposer cette décision à Lola. Ils respectent
l'autonomie individuelle de Lola lors de la prise de décision. Les
parents encouragent généralement la participation à
diverses activités sportives principalement axée sur le plaisir
de la pratique sportive plutôt que sur la compétition au stade de
l'initiation (Durand-Bush, Salmela, Thompson, 2004). D'un autre
côté, l'influence de l'amie de Lola, déjà
engagée dans l'athlétisme, représente un exemple de
socialisation parmi les pairs, en particulier à cet âge. Le
parcours de Lola démontre comment la socialisation sportive se manifeste
à travers diverses influences, qui peuvent parfois se produire
simultanément et interagir entre elles. Finalement, l'expérience
de Lola peut être analysée à la lumière de la
théorie du développement positif par le sport, selon cette
théorie, le sport est un outil qui peut aider au développement
personnel et social des jeunes. (Côté, 2002). Par exemple, Jean
Côté a mis en avant le rôle de soutien de l'entourage dans
la pratique sportive des enfants (Côté, 2002). Les
coéquipiers et les amis ont une influence secondaire sur la motivation
des étudiants sportifs. Un climat d'équipe sain et solidaire peut
encourager les individus à se surpasser et à poursuivre leurs
objectifs sportifs et académiques.
« On est quand même tous ami quoi enfin, en fait,
il y a un truc qu'il faut retenir surtout, c'est que je trouve que grâce
au sport on se fait vraiment des vraies amitiés. Enfin, je trouve que
ça change des autres amitiés parce que vu qu'on partage quelque
chose de fort enfin, le dépassement de soi avec d'autres personnes, on
crée vraiment des amitiés qui sont fortes et qu'on retrouve pas
forcément ailleurs. » (Nadège/ F/ 21 ans/ M1 Histoire/
Aviron)
L'observation de Nadège met en lumière
l'importance du sport comme un vecteur de socialisation et de création
de relations interpersonnelles significatives. Durkheim a proposé que
des activités communes, comme le sport, peuvent renforcer la
cohésion sociale et créer un sens de solidarité parmi les
participants (Durkheim, 1893). Le partage d'une activité exigeante et la
poursuite conjointe de l'excellence personnelle facilitent
l'établissement de connexions profondes, ce que Nadège qualifie
de « vraies amitiés ».
Pour les athlètes étudiants de haut niveau, leur
identification en tant que sportifs peut jouer un rôle décisif
dans leur perception d'eux-mêmes. Les méthodes d'identification
employées par les athlètes étudiants de haut niveau sont
des moyens d'explorer et d'exprimer leur enthousiasme pour le sport, tout en
construisant leur identité autour de cet intérêt. Ils
peuvent aussi être inspirés par des sportifs connus mondialement
dans leur domaine sportif.
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« C'était plus avant mais là maintenant
j'ai pas le temps, ce que je préfère reprendre des mouvs des gens
de NBA. Quand on regarde beaucoup les vidéos, ça fait rêver
après tu peux le faire sur le terrain et c'est pas la même chose
et pour faire après c'est toujours bien d'avoir un exemple. »
(Danilo/ M/ 24 ans/ L3 STAPS/ Basket)
« Parce que je voulais faire du sprint de base, j'ai
vu Usain Bolt aux JO, il a tout déchiré, j'ai dit vas-y, je vais
faire comme lui moi aussi. » (Akim/ M/ 24 ans/ L2 STAPS/ 100m 200m
400m)
En effet, les ESHN peuvent reproduire les mouvements des
sportifs les plus connus. Dans ce sens, Albert Bandura avance l'idée
d'une reproduction, en fait, l'apprentissage provient en partie de
l'observation des actions des autres (Bandura, 1977). En d'autres termes, en
observant, en imitant et en modélisant le comportement d'autrui, les
individus peuvent apprendre de manière significative (Bandura, 1977).
Ces sportifs connus mondialement jouent un rôle dans leur socialisation
sportive des ESHN. Dans cette idée, la contribution des médias
à la diffusion des modèles sportifs influencent la pratique
sportive des individus. Mais aussi, ces anecdotes illustrent l'engagement
corporel et sensoriel qui caractérise souvent l'expérience
sportive (Defrance, 2011). Pour Danilo, regarder des vidéos et
recréer les mouvements des joueurs de la NBA sur le terrain
possède une dimension rituelle, quant à Akim, son désir
d'imiter Usain Bolt met en lumière la participation profonde et le
rôle socialisateur du sport (Defrance, 2011). Cela démontre
également que le sport, peut être perçu comme un rituel car
la course devient un rituel symbolique, alimenté par le désir
d'imiter Usain Bolt. (Defrance, 2011). Finalement, on voit comment les figures
sportives peuvent non seulement influencer les techniques et les comportements,
mais également déterminer quant à leur choix des
disciplines sportives. Par ailleurs, les ESHN peuvent être aussi
motivés par des objectifs personnels, tels que l'amélioration de
leur performance ou atteindre le niveau professionnel.
« C'est tout le temps gagner, avoir des bonnes
performances, me dépasser et j'ai besoin de nager en fait pour
être que ce soit personnel ou sur le plan scolaire ou même au
travail ça m'aide à être bien à être
apaisé. » (Clémentine/ F/ 19 ans/ L1 STAPS/
Natation)
Clémentine souligne l'importance de la
compétition, de l'amélioration des performances et de
l'autodépassement, illustrant la nature compétitive du sport et
le désir d'exceller, qui sont profondément intégrés
à l'identité sportive. Selon Bandura, les individus s'adaptent et
se développent en fonction de leur environnement (Bandura, 1977). Dans
le cas de Clémentine,
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elle a probablement tiré des enseignements de ses
expériences en natation, associant ainsi la réussite sportive
à son bien-être sur le plan personnel, académique et
professionnel. C'est cette connexion qui la pousse à maintenir son
engagement envers la natation. Dans la même optique, les
entraîneurs et le personnel sportif ont un impact direct sur la
motivation des étudiants sportifs. Leur approche, leurs
compétences et leur capacité à créer un
environnement stimulant sont capitales pour maintenir la motivation de ces
étudiants.
« A l'entraînement, pas vraiment parce que
c'est à toi de te motiver vraiment, mais avant les compètes, les
coachs on a toujours du coup un brief avant courses et un débrief
après la course. » (Nadège/ F/ 21 ans/ M1 Histoire/
Aviron)
La déclaration de Nadège met en évidence
l'importance capitale du coaching dans le domaine sportif, tant pour la
motivation que pour la préparation et l'évaluation des
performances. Bourdieu met en évidence l'importance des « agents de
socialisation » dans le sport avec les entraîneurs (Bourdieu, 1978).
Les entraîneurs exercent une influence significative sur le
développement et les résultats des athlètes, en agissant
à la fois comme des guides, des mentors et parfois même comme des
sources de motivation.
En résumé, l'entourage d'un étudiant
sportif de haut niveau joue un rôle prépondérant dans sa
motivation et sa réussite. Pour ces athlètes étudiants,
les membres de la famille et les amis jouent fréquemment un rôle
crucial dans la sélection de leur sport, et fournissent un soutien
indispensable quand ils choisissent de s'impliquer de manière intense
dans leur discipline. En ce qui concerne les entraîneurs, une fois que
l'étudiant-athlète a déterminé son sport et s'y est
engagé de façon sérieuse, ils se transforment souvent en
des figures d'autorité essentielles pour maintenir cet engagement et
aider l'étudiant à atteindre un niveau de compétition.
Mais au-delà de cet entourage, des figures sportives plus «
éloignées » qui servent de modèles tout au long de
ces étapes à l'image de certaines stars
médiatisées. En général, ces figures sont des
athlètes de renommée mondiale qui ont excellé dans leur
domaine spécifique et sont capables de susciter l'admiration.
2. Un statut particulier qui permet des ressources et des
financements souvent avantageux
Le statut d'Étudiant Sportif de Haut Niveau (ESHN) est
un dispositif mis en place pour aider les étudiants qui pratiquent un
sport à haut niveau à concilier leurs études et leurs
activités sportives. Les étudiants sportifs de haut niveau ont
généralement accès à des infrastructures sportives
de qualité supérieure, y compris des installations
d'entraînement, des services
32
médicaux et de récupération, et des
conseils en matière de nutrition et de préparation mentale. La
plupart des établissements d'enseignement supérieur sont tenus
d'adapter les cursus des étudiants sportifs de haut niveau afin de leur
permettre de concilier sport et études. Cela peut inclure des horaires
aménagés, des dispenses d'assiduité ou des
dérogations aux examens.
« On me demandait juste de rattraper et par rapport
aux examens ça tombe tout le temps sur les périodes de
compétition, donc ce soit en STAPS ou en fac de lettres, on
m'autorisait à les décaler. » (Lola/
F/ 26 ans/ Master de psycho obtenu/ 400m)
Les universités ont instauré des dispositions
spéciales pour soutenir les étudiants-athlètes, comme
Lola, dans la gestion de leurs obligations scolaires et sportives. Lola a, par
exemple, la possibilité de reprogrammer ses examens afin de pouvoir
concourir. Cette mesure institutionnelle témoigne de la reconnaissance
du sport et des études comme deux domaines capitaux, nécessitant
un certain équilibre. Par ailleurs, cette possibilité de
reprogrammer les examens met en exergue l'importance de l'équité.
Weber a proposé une interprétation complexe de la stratification
sociale, mettant l'accent non seulement sur les divisions économiques,
mais également sur des facteurs comme le prestige social et le pouvoir
(Weber, 1922). La stratification sociale désigne la structuration de la
société en diverses strates ou niveaux, basée sur des
éléments tels que le rang économique, l'autorité et
l'estime (Weber, 1922). Dans le domaine du sport, cela pourrait signifier que
la disponibilité des ressources, les chances d'avancement et
l'appréciation peuvent varier grandement en fonction de la discipline
sportive de l'étudiant. Par exemple, dans certaines nations, des
disciplines comme le football, le basketball ou le handball peuvent être
fortement valorisées, bénéficiant d'un fort soutien en
matière d'infrastructures, de financement et d'encadrement. Les sportifs
s'adonnant à ces disciplines pourraient accéder à une
formation de qualité supérieure, à des compétitions
à l'échelle nationale et internationale.
« Ils m'ont donné un appartement un bel
appartement en 4e étage 65 mètres tout équipés,
après, j'avais aussi 450 euros de nourriture. » (Abdel/ M/ 19
ans/ L1 STAPS/ Handball)
Abdel profite d'opportunités économiques
considérables grâce à son rôle d'athlète. Les
privilèges dont il bénéficie, tels que son appartement et
son allocation pour la nourriture, reflètent sa position
socio-économique privilégiée. Être un
athlète, et peut-être un athlète de premier plan, attribue
à Abdel un certain prestige ou une certaine distinction sociale. Les
avantages matériels qu'il reçoit, comme un appartement, peuvent
être interprétés comme une
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reconnaissance de ce statut. En outre, bien que la citation
n'évoque pas explicitement le pouvoir, Abdel, en tant qu'athlète
accompli, peut détenir une certaine influence ou un certain pouvoir au
sein de sa structure sportive, ce qui pourrait lui permettre de
bénéficier de ces avantages. Au-delà du matériel et
de la nourriture, les étudiants sportifs de haut niveau doivent par
moment participer à des compétitions nationales ou bien
internationales, et les coûts de déplacement peuvent être
parfois importants. Certaines institutions ou organisations sportives offrent
des aides pour couvrir ce genre de dépense.
« Tu vois et j'avais aussi un remboursement de frais,
de rembourser pour les kilomètres que je faisais pour aller aux
entraînements et à l'école. » (Abdel/ M/ 19 ans/
L1 STAPS/ Handball)
Abdel obtient des compensations financières pour
couvrir les frais de déplacement pour ses entraînements et ses
cours, ce qui reflète les avantages économiques liés
à son statut d'athlète. Aussi, les athlètes qui pratiquent
des sports moins populaires ou moins reconnus peuvent avoir moins
d'accès à ces ressources et à ces opportunités. Ils
sont souvent liés à des clubs sportifs professionnels ou à
des fédérations.
En effet, les athlètes de haut niveau peuvent se lier
à des partenariats avec des entreprises ainsi que des marques pour
obtenir un soutien financier et des ressources en échange de la
promotion de ces entreprises et de leurs produits. Malgré le manque de
reconnaissance de certains sports, des étudiants peuvent obtenir des
sponsors.
« J'ai fait une page Facebook athlète qui a
été demandé par mon sponsor, Joma, il m'envoie des
vêtements gratuitement, tu as un contrat avec donc tu es obligé de
faire des publications. » (Lola/ F/ 26 ans/ Master de psycho obtenu/
400m)
Dans l'observation de Lola, nous pouvons appliquer la
théorie de la célébrité de Chris Rojek. Rojek
définit la célébrité comme une dynamique de pouvoir
où des individus, connus par une vaste audience, exercent une influence
significative sur celle-ci (Rojek,2001). Dans le cas de Lola, elle a
établi un partenariat de parrainage avec Joma, qui lui fournit
gratuitement des vêtements. En contrepartie, elle doit poster sur sa page
Facebook d'athlète pour promouvoir la marque. Ceci illustre la
manière dont sa renommée et sa visibilité sont
exploitées à des fins de marketing. Elle devient une sorte de
« célébrité » avec un impact notable sur son
audience, qui est utilisé par la marque pour accroître sa
visibilité et ses ventes de produits. En effet, les étudiants
sportifs de haut niveau privilégiés peuvent
bénéficier d'aides matérielles (des équipements
sportifs, infrastructures, etc.) et financières de la part de leur
fédération, de leur
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club ou de partenaires privés, ou des fois ils sont
contraints de payer de leur propre poche pour des équipements. Par
exemple, les clubs sportifs et les fédérations sportives peuvent
de temps en temps, fournir un soutien financier et des ressources aux
athlètes de haut niveau, notamment en termes d'entraînement, de
compétitions et d'équipements.
« Il y a une poignée qui est la partie
centrale de l'arc ça en général, c'est l'archer qui le
paye parce que bah, c'est quelque chose qui va durer dans le temps
après, il y a les branches qui faut clipser sur la poignée et
ça les branches, en fait la Fédération quand on est
sportive de niveau elle nous en prête » (Henri/ M/ 22 ans/
Faculté des sciences - L2 Maths/ Tir à l'arc)
« Mais il faut quand même être investi,
je te donne une échelle pour de la très bonne qualité
très banale de qualité, je dirais à 1500. »
(Odilon/ M/ 19 ans/ IDMC - L3 MIASHS option MIAGE/ Escrime)
Dans le cas d'Henri, l'acquisition de l'arc, un objet de
valeur, représente une forme de capital économique. Il
précise que l'archer se charge généralement de l'achat de
la poignée de l'arc, un élément durable et essentiel
à la pratique. Par ailleurs, la Fédération prête les
branches de l'arc aux archers de haut niveau, ce qui témoigne de
l'interaction entre le capital économique individuel (la capacité
financière de l'archer à se procurer la poignée) et le
capital social (l'appartenance à la Fédération qui
facilite le prêt des branches). La théorie de la stratification
sociale de Pierre Bourdieu pourrait offrir une perspective intéressante
pour l'analyse. Cette théorie se concentre sur la distribution des
ressources au sein de la société et comment cela influence le
statut social des individus (Bourdieu, 1979). Quant à Odilon,
l'investissement financier requis pour acquérir un équipement de
haute qualité en escrime (estimé à environ 1500€ par
lui-même) est un indicateur de son capital économique. Cet
investissement a également des répercussions sur son capital
culturel et social, car il peut influencer la façon dont les autres
sportifs et entraîneurs le perçoivent et peut
éventuellement affecter ses opportunités dans le sport.
En somme, être étudiant sportif de haut niveau
offre de nombreux avantages financiers. Toutefois, il convient de noter que
l'opportunité d'obtenir des financements peut être
compliqué et dépend du sport pratiqué et du niveau de
pratique, et que les sportifs doivent souvent gérer la pression et les
exigences liées à leur double vie d'étudiant et
d'athlète de haut niveau. La nature changeante de ces dynamiques est
largement influencée par le contexte culturel et géographique. Un
sport qui peut être moins apprécié ou moins soutenu dans
une certaine région
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peut, dans un autre contexte, jouir d'une popularité et
d'un soutien considérables. Par conséquent, l'expérience
des étudiants sportifs de haut niveau peut être
profondément affectée par leur localisation et leur environnement
culturel spécifique. Pour conclure, même si être un
étudiant sportif de haut niveau peut présenter de multiples
avantages, ces opportunités ne sont pas distribuées de
manière égale à tous les athlètes.
3. Des opportunités d'encadrement et de soutien
variables entre sportifs de haut niveau
Les ESHN ont accès à de nombreuses
opportunités pour les aider à réussir. Tous nos
étudiants sportifs de haut niveau sont effectivement membres d'un club
sportif. Les clubs sportifs offrent généralement des
infrastructures, des entraîneurs spécialisés, des
programmes d'entraînement et des compétitions qui permettent aux
étudiants de développer leurs compétences sportives
à un niveau élevé.
« Ouais donc, je voulais faire du sprint, je me
renseigne, je vais dans mon club actuel » (Akim/ M/ 24 ans/ L2 STAPS/
100m 200m 400m)
« Depuis tout petit au Luxembourg, j'ai
commencé là et depuis petit que j'ai joué pour le
même club à 7 ans, j'ai intégré l'équipe
senior et l'année passée. » (Danilo/ M/ 24 ans/ L3
STAPS/ Basket)
Ces deux étudiants soulignent l'importance des clubs et
des équipes dans le processus de socialisation sportive. En effet,
Coakley se penche sur les aspects sociaux et culturels du sport et analyse
comment la participation sportive influence la socialisation des individus
(Coakley, 2019). Akim fait référence à son club actuel,
tandis que Danilo mentionne son intégration dans l'équipe senior
de son club. La transmission de normes, de valeurs liées à la
pratique sportive sont en partie assurés par ces structures. Dans ce
sens, les individus apprennent à s'adapter aux attentes et aux
dynamiques de leur club ou de leur équipe, ce qui contribue à
leur socialisation sportive (Coakley, 2019). Les clubs sont souvent
affiliés à des fédérations sportives nationales ou
internationales, ce qui permet aux étudiants de participer à des
compétitions officielles et de représenter leur club lors
d'événements sportifs. En plus de leur club, ils peuvent
être membre d'autres institutions. De nombreuses centres tels que le
CREPS, le pôle espoir et autres centres de formation offrent des options
pour certains étudiants sportifs de haut niveau. Tous les
étudiants sportifs de haut niveau ne sont pas nécessairement au
CREPS. Le CREPS est un établissement en France qui propose des
formations et des infrastructures spécifiquement conçues pour les
sportifs de haut niveau. Les athlètes qui se trouvent au sein des CREPS
sont
36
en général ceux qui ont été
reconnus comme ayant une capacité particulière dans leur sport
respectif. Leur sélection est habituellement déterminée
par leurs performances lors des compétitions et l'évaluation de
leurs capacités futures par les entraîneurs et les responsables de
leur fédération sportive. Il convient de souligner que les
critères de sélection peuvent différer en fonction du
sport ou du CREPS spécifique. Pour ceux qui sont au CREPS, ils ont des
possibilités de voir des kinés, des psychologues, des
préparateurs mentaux. Cela permet aux étudiants de poursuivre
leurs études tout en respectant leurs engagements sportifs et de
maximiser leurs performances dans les deux domaines.
« J'ai un préparateur physique du CREPS et
j'ai une psychologue du sport et après toute l'équipe
médicale du CREPS, tout tourne autour du CREPS parce que moi, j'ai
été interne. » (Paula! F! 21 ans! IUT - DUT GEA
2ème année! Marche athlétique)
Paula s'inscrit dans un système
institutionnalisé du sport grâce à son affiliation au
CREPS, dans le cadre de la théorie de l'institutionnalisation, Cette
situation reflète l'institutionnalisation du CREPS en tant qu'organisme
reconnu dans le domaine du sport, offrant des services et des infrastructures
spécialisés pour soutenir les athlètes. Selon la
théorie de John W. Meyer, l'institutionnalisation se produit lorsque les
normes et les pratiques d'une institution sont largement acceptées et
établies dans la société (Meyer & Rowan, 1977). Ainsi,
l'affiliation de l'équipe médicale de Paula au CREPS
témoigne de la reconnaissance et de la légitimité de cette
institution dans le domaine du sport. Ainsi, le CREPS joue un rôle
prépondérant en offrant des opportunités uniques aux
athlètes. En outre, dans le domaine sportif, le mot « pôle
» fait généralement référence aux Pôles
France et Pôles Espoirs en France. Ces structures sont
spécifiquement conçues pour former et entraîner les
sportifs de haut niveau. Chaque pôle se spécialise souvent dans
une discipline sportive particulière, offrant ainsi un support
ciblé et spécialisé pour les athlètes. Toutefois,
l'entrée dans ces pôles ou bien au CREPS peut s'avérer
restreinte et fortement concurrentielle, étant influencée par une
variété de facteurs. Parmi eux, on compte les compétences
sportives de l'individu, sa localisation géographique, la
spécificité de la discipline sportive, et parfois même les
conditions socio-économiques de l'athlète.
« En fait, en France il y a quatre pôles
France, donc Lyon, l'INSEP, Nantes, et Nancy, moi j'ai intégré
celui de Nancy et depuis, je suis restée en équipe de France et
donc je suis je suis toujours au pôle et je suis toujours
licenciée au club de Nancy. » (Nadège! F! 21 ans! M1
Histoire! Aviron)
37
« On pourrait se dire que je fais passer les
études avant ça, c'est la raison, mais aussi, je me sens mieux de
faire moins d'entraînement. C'est aussi mental voilà, j'ai besoin
de pas en faire beaucoup par exemple ceux au CREPS, ils sont, ils font
énormément d'entraînement et ça, ça me
convient pas parce que il faut, il faut autre chose » (Odilon/ M/ 19
ans/ IDMC - L3 MIASHS option MIAGE/ Escrime)
Dans le cas de Nadège, sa mention d'être toujours
licenciée au club de Nancy souligne l'importance de sa continuité
d'engagement sportif au niveau local, même en étant membre du
pôle France et de l'équipe nationale. Cette double appartenance
met en évidence la capacité des athlètes à
s'inscrire dans plusieurs niveaux d'institutionnalisation, combinant des
structures à la fois locales et nationales (Meyer & Rowan, 1977).
Pour Odilon, son expression de préférence pour un volume
d'entraînement réduit par rapport à ce qui est
pratiqué au CREPS reflète également la théorie de
l'institutionnalisation. Odilon prend une décision en fonction de ses
préférences et de son bien-être mental. Il ressent le
besoin de s'entraîner de manière moins intensive pour se sentir
à l'aise et trouver un équilibre dans sa pratique sportive.
Certains athlètes peuvent préférer un entraînement
intensif, tandis que d'autres valorisent un équilibre entre
l'entraînement et d'autres aspects de leur vie. La prise en compte des
besoins individuels et des préférences personnelles dans la
planification de l'entraînement est donc essentiel pour leur
santé, le bien-être et l'épanouissement des athlètes
dans leur pratique sportive. En règle générale, les
étudiants sportifs de haut niveau bénéficient souvent d'un
encadrement professionnel expérimenté et d'un soutien de la part
de leurs entraîneurs, de leurs équipes quel que soit
l'institution.
« f...] on a des bons résultats cette
année, on est, on est premier en National 2 donc voilà ça
sort pas de nulle part, on voit qu'on travaille et que ce travail, c'est le
fruit du coach quoi. Alors, il a joué, je sais pas les clubs, mais il a
joué au final quand ils étaient à l'époque en D2 et
donc c'était un bon attaquant. » (Alphonse/ M/ 21 ans/ M1
STAPS/ Football)
La citation d'Alphonse sur le succès de son
équipe de football et le rôle de son entraîneur est
analysée à la lumière de la théorie de la structure
sociale et de l'interaction de Durkheim. Selon la théorie de la
structure sociale et de l'interaction, la société est
constituée de divers éléments qui sont
interconnectés et s'appuient les uns sur les autres, créant ainsi
une configuration sociale sophistiquée (Durkheim, 1895). Les
interactions entre ces éléments sont structurées par un
ensemble de standards et de directives que les membres de la
société sont tenus de respecter afin de préserver la
stabilité et la cohésion sociale (Durkheim, 1895). Le
succès de l'équipe
38
reflète la structure sociale en place, ainsi que
l'adhésion de l'équipe aux normes et aux règles du
football. L'importance du rôle de l'entraîneur est
soulignée, ce dernier agissant en tant que leader et garantissant que
l'équipe respecte les règles du jeu, ce qui est essentiel au
maintien de l'ordre social. Enfin, l'expérience préalable de
l'entraîneur comme attaquant renforce sa capacité à guider
efficacement l'équipe, en raison de sa connaissance approfondie des
normes et des attentes de la ligue. La compétence dans le sport ne
dépend pas uniquement des qualifications formelles, mais repose aussi,
et peut-être même principalement, sur l'expérience sportive
personnelle (Lemieux, C., Mignon et al.,2006). Il est quasi certain que la
grande majorité des entraîneurs, sont d'anciens sportifs qui
dirigent maintenant dans le sport qu'ils ont eux-mêmes pratiqué
(Lemieux, C., Mignon et al.,2006). Au-delà des conseils, ils peuvent
interagir, prodiguant des aides en matière de carrière, de
formation et de développement personnel. En tant qu'étudiants
sportifs de haut niveau, ces individus ont souvent l'occasion de nouer des
contacts dans leur domaine sportif et dans le monde universitaire. Cela peut
mener à des opportunités de carrière intéressantes
après l'obtention du diplôme, que ce soit dans le sport
professionnel, le coaching, la gestion sportive ou d'autres domaines
similaires. La théorie de l'échange social, une approche
sociologique, envisage les interactions sociales comme un échange de
coûts et de récompenses entre les participants (Homans, 1961). La
théorie de l'échange social peut servir à examiner les
interactions des étudiants sportifs de haut niveau avec
différents intervenants, comme les entraîneurs, les
équipiers, les sponsors et les supporters. Par exemple, un sportif
pourrait s'engager à fournir des efforts intensifs et à exceller
dans ses performances, en contrepartie du soutien et des ressources que lui
apporte un coach ou un sponsor. Elle peut être utile pour comprendre les
relations entre l'ensemble de l'entourage sportif. Ainsi, le rôle de
l'entraîneur est perçu comme une combinaison entre le rôle
d'outil pour les dirigeants, de porte-voix pour les athlètes entre la
fédération et les clubs, et d'intermédiaire pour
l'application des connaissances scientifiques. (Lemieux, C., Mignon et
al.,2006)
« Cet ancien gardien de but du FC Metz, c'est lui qui
m'a sélectionné en équipe départementale, c'est lui
qui m'a proposé la section sportive, c'est lui qui m'a bien vendu
à Vendenheim, m'a appelé quand je voulais signer là-bas
c'est lui qui m'a dit d'aller à Nancy pour mon stage et ça se
passe super bien et c'est lui maintenant encore qui me propose un BMF.
» (Mandy/ F/ 20/ L3 STAPS/ Football)
« C'est mon entraîneur m'a aidé à
trouver une structure d'accueil pour quand j'avais la Strasbourg donc
ça, ça va beaucoup aider parce que je me voyais pas à
Strasbourg et dire bonjour, j'arrive, je vais m'entraîner enfin, c'est un
peu délicat et du coup, c'est
39
exactement le scénario qui s'est passé donc
c'est mon entraîneur de Strasbourg qui m'a aidé pour trouver mon
entraîneur de Nancy. » (Laurie! F! 21 ans! IAE School of
Management 2ème année !Saut en hauteur)
Les propos de Mandy insistent sur le rôle central et
pivot de son entraineur, à la fois sur le plan sportif mais aussi sur le
plan de la carrière professionnelle. Elle décrit comment un
ancien gardien de but du FC Metz a été déterminant dans
divers moments clés de sa progression en tant que joueuse de football.
C'est un exemple concret de la théorie de l'échange social.
L'entraîneur apporte à Mandy des opportunités et des
conseils précieux, anticipant en retour une gratification, que ce soit
sous forme de performances de Mandy sur le terrain, de la réussite de
l'équipe, ou d'une reconnaissance au niveau professionnel. Dans le
second témoignage, Laurie exprime sa gratitude envers son
entraîneur qui l'a assistée pour trouver un endroit pour
s'entraîner à Strasbourg. En offrant son aide et ses ressources
à Laurie, l'entraîneur s'attend en retour à ce qu'elle
puisse améliorer ses performances en saut en hauteur, ce qui pourrait
renforcer sa propre renommée et celle de l'équipe.
Le genre, la classe sociale, l'origine ou encore la religion
peuvent être des facteurs discriminants, ce qui offre des
opportunités différentes pour chaque individu. Par exemple, la
classe sociale est un facteur décisif qui peut toucher à
l'accès et les opportunités pour les étudiants sportifs de
haut niveau. Les individus issus de milieux défavorisés peuvent
rencontrer des difficultés pour accéder aux mêmes
opportunités et ressources (Marx & Engels, 1848). Pour illustrer les
inégalités en termes sociales, nous pouvons nous appuyer sur
cette citation : « Dans le cas de l'athlétisme, Lucie Forté
et Christine Mennesson (2012) repèrent par exemple la manière
dont les parents issus des classes favorisées perçoivent en
termes de concurrence l'engagement dans des études supérieures et
la poursuite de l'entraînement sportif intensif, au moment de la
dernière étape de la carrière athlétique. À
l'inverse des parents issus des classes populaires qui, par un effet de
méconnaissance du monde scolaire doublé d'une vision
enchantée des perspectives de la carrière sportive, maintiennent
une forte adhésion aux attentes de l'institution sportive et favorisent
ainsi la réalisation du travail athlétique. » (Papin, Viaud,
2018). Les étudiants provenant de milieux aisés peuvent
bénéficier d'entraîneurs privés, d'installations
sportives de haute qualité, d'équipements supérieurs et
d'une alimentation optimale.
« Le matériel que tu emploies bah, c'est toi,
tu fais du coup, c'est quand même coûteux comme matériel, on
peut trouver un équipement abordable, mais il faut quand même
être investi, je te donne une échelle pour de la très bonne
qualité très banale de
40
qualité, je dirais à 1500. »
(Odilon/ M/ 19 ans/ IDMC - L3 MIASHS option MIAGE/ Escrime)
Le commentaire d'Odilon illustre le concept de «
Distinction » de Bourdieu, qui suggère que nos
préférences, y compris nos choix sportifs, sont
influencées par notre position socio-économique (Bourdieu, 1979).
Les sportifs provenant de milieux plus prospères ont une plus de chance
d'accéder à des sports comme l'escrime qui exigent un engagement
financier. Cette réalité contribue à une certaine forme
d'exclusion sociale dans le domaine du sport, où l'accès à
certaines disciplines est principalement réservé à ceux
ayant des moyens financiers supérieurs. Par ailleurs, le point de vue
d'Odilon évoque également la notion de « Carnalité
» dans le sport, une idée de Wacquant (Wacquant, 2002). Cette
notion met l'accent sur le fait que notre corps est simultanément
l'instrument et le produit de notre engagement dans une activité
sportive. (Wacquant, 2002). Comme l'exprime Odilon, « le matériel
que tu emploies, c'est toi », ce qui signifie que l'implication dans le
sport représente non seulement un investissement financier, mais
également un engagement corporel exigeant qui demande du temps, de
l'effort et de l'énergie. La constatation selon laquelle le coût
élevé du matériel sportif peut représenter un
obstacle à la participation soulève des préoccupations en
termes d'égalité et d'accès équitable au sport.
Cette réalité peut contribuer à des disparités dans
la possibilité de participer à des activités sportives.
Ainsi, les individus des classes populaires peuvent se trouver
désavantagées. Cela peut restreindre les opportunités pour
certaines personnes de s'engager pleinement dans le sport et de
développer leur potentiel athlétique. De plus, les
étudiants sportifs de haut niveau issus de milieux
socioéconomiques plus modestes peuvent rencontrer des contraintes
supplémentaires, comme l'obligation de travailler pour subvenir aux
besoins de leur famille. Cela pourrait restreindre le temps et l'énergie
qu'ils sont en mesure de consacrer à leur entraînement.
« C'est compliqué, tu as trois trucs en
même temps-là, le travail, sport, les études, c'est
compliqué. J'avoue que, c'est, faut s'accrocher de ouf. Je donne un peu
plus d'importance à mon taf en ce moment, c'est plus taf, sport et
études, dans mon ordre de préférence. [...] Maintenant, je
me suis marié là récemment, moi j'ai des
responsabilités, elles m'ont amené à avoir une
réflexion tu vois et en fait tout le temps je me donne à mon
sport de base, en fait, je me dis ouais c'est plutôt que je peux pas
ramener de l'oseille parce que j'ai entraînement tu vois ce que je veux
dire. » (Akim/ M/ 24 ans/ L2 STAPS/ 100m 200m 400m)
41
La déclaration d'Akim révèle un conflit
entre différentes responsabilités : le travail, le sport et les
études. L'équilibre entre le sport, les études et le
travail est un défi souvent rencontré par les
étudiants-athlètes. Cette problématique a
été étudiée par des chercheurs tels que Stevenson,
qui a observé que pour concilier ces différentes
responsabilités, les étudiants-athlètes sont souvent
amenés à faire des compromis (Stevenson, 2010). Par ailleurs, la
religion peut également influencer l'accès et les
opportunités pour les étudiants sportifs de haut niveau.
Certaines croyances religieuses peuvent limiter la participation des individus
à certaines disciplines sportives, ou créer des défis
supplémentaires pour concilier sport et études.
[Période de ramadan] « L'année
dernière, j'étais blessé donc ça va, et là,
j'en ai parlé un peu au coach, tu sais t'as des séances de muscu
et qui voit que t'es fatiguée, il va te mettre au repos parce que tu
peux faire nous en muscu pure, des fois, je vais faire un peu juste du gainage
genre forcément et voilà après pour les cours si tu peux
pas manger ça et donc ils vont m'aider à alléger. »
(Abdel/ M/ 19 ans/ L1 STAPS/ Handball)
En ce qui concerne Abdel, l'entraîneur ajuste le cadre
d'entraînement en tenant compte de ses engagements religieux. La notion
d'« identité négociée » suggère que les
sportifs peuvent adapter et ajuster leur identité et leurs rôles
en fonction de divers contextes sociaux, y compris celui de la religion
(Coakley, 1993). Dans le cas spécifique d'Abdel, il est en train de
naviguer entre son identité d'athlète et son identité de
pratiquant musulman pendant le Ramadan, avec le soutien de son coach. Par
conséquent, les adaptations apportées à
l'entraînement reflètent l'évolution des normes et des
ressources qui structurent les activités de l'équipe.
Par ailleurs, dans le cadre de l'analyse genré, nous
avons sept hommes et six femmes. Les disciplines comme le 100m et le 400m,
pratiqués par Akim et Lola et le tir à l'arc ne sont pas
typiquement associées à un genre spécifique, bien que les
courses de sprint soient souvent vues comme plus masculines en raison de
l'importance de la vitesse et de la force. De même, l'aviron
(pratiqué par Nadège et Noé) n'est pas
particulièrement genré, même si l'effort physique requis
peut parfois décourager certaines femmes. L'handball et le basket,
respectivement pratiqués par Abdel et Danilo, sont souvent
considérés comme des sports plus masculins, principalement en
raison de leur nature compétitive et de leur intensité physique.
Le football, pratiqué par Alphonse et Mandy, est traditionnellement
dominé par les hommes, bien que l'implication des femmes y soit en
hausse. Le saut en hauteur (Laurie), la marche athlétique (Paula) et la
natation (Clémentine) peuvent être perçus comme des sports
moins liés à un genre spécifique, avec une participation
significative des femmes. L'escrime, pratiquée par Odilon, a
également une participation féminine notable, bien qu'elle ait
historiquement été dominée par les hommes. La
42
majorité des individus de notre échantillon
pratiquent des sports qui sont soit traditionnellement associés à
leur genre, soit considérés comme neutres. Quelques individus
transgressent ces classifications basées sur le genre : les femmes
haltérophiles, boxeuses et footballeuses s'entraînent dans des
environnements formels et sont reconnues par les institutions officielles
(Louveau, 2006). Cependant, les joueuses de football représentent encore
à peine 2% des licenciés dans ce sport en France, mais ce chiffre
tend à s'accroître (Louveau, 2006). Par exemple la seule exception
que nous avons, Mandy, une femme, joue au football, un sport historiquement
masculin (Louveau, 2006).
En effet, tous ces athlètes ne
bénéficient pas des mêmes ressources. En effet, les
facteurs liés à la classe, le genre, le sexe ou la religion ont
une influence sur nos ESHN. Les ESHN ne sont pas armer de la même
manière lorsqu'ils abordent les études ou le sport. La
théorie du conflit, que nous avons vu, peut aider à identifier et
à comprendre les inégalités qui existent parmi les
étudiants sportifs de haut niveau et comment elles peuvent influencer
leurs expériences et leurs opportunités dans le sport.
4. Une planification et une organisation quasi
militaire : une discipline de fer ?
Les étudiants sportifs de haut niveau doivent
effectivement avoir une planification et une organisation rigoureuses pour
pouvoir concilier leurs études et leur pratique sportive. Cela peut
être comparé à une discipline de fer, similaire à
celle observée dans le milieu militaire.
Premièrement, les étudiants sportifs de haut
niveau doivent gérer leur temps de manière très
précise, car ils doivent jongler entre les entraînements, les
compétitions, les études, les activités sociales et
établir un emploi du temps clair et s'y tenir. Pour cela, ils
n'hésitent pas à optimiser leur temps dans la journée en
anticipant à l'avance. Dans cette optique, Harold Wilensky pourrait
décrire le « temps militaire » comme une manipulation du temps
dans une organisation, où l'on fixe des délais stricts et un
emploi du temps rigide pour engendrer un sentiment d'urgence et de rendement
(Wilensky, 1964). Bien que les travaux de Wilensky ne se concentrent pas
spécifiquement sur la gestion individuelle du temps, ses études
sur la bureaucratie et les organisations nous aident à comprendre
comment les individus structurent leurs activités quotidiennes pour
atteindre leurs objectifs personnels et professionnels (Wilensky, 1964). Pour
équilibrer les exigences de leurs formations académiques et
sportives, les étudiants sportifs de haut niveau doivent souvent
organiser leur temps de façon rigoureuse, à la manière
d'une structure militaire.
43
« Classiquement réveil 8h30, après, je
pars de chez moi vers 9h30, je vais à l'entraînement pour 9h45, du
coup, après entraînement de 10 heures, à midi et
après à 13h, je vais à la fac jusqu'à 15h, du coup,
ça peut aller jusqu'à 17 heures. Après le soir, je rentre,
je me douche, je mange. Après, c'est soit série tout ça et
après dodo. » (Abdel/ M/ 19 ans/ L1 STAPS/ Handball)
« Après 18h30 en général c'est
l'heure de la muscu donc ça comme on fait cinq séances par
semaine du lundi au vendredi, c'est tous les jours, c'est une journée
bien chargée quand même assez des journées où tout
est millimétré. » (Henri/ M/ 22 ans/ Faculté des
sciences - L2 Maths/ Tir à l'arc)
Dans les deux cas, on peut observer une planification et une
coordination du temps. Les individus ont des horaires et des routines bien
établis, avec des activités spécifiques allouées
à des moments précis de la journée. Cela suggère
qu'ils organisent leur temps de manière consciente et gèrent
leurs ressources temporelles de manière stratégique. Ces exemples
mettent en évidence comment les individus organisent et gèrent
leur temps en fonction de leurs responsabilités et priorités. En
outre, cet équilibre implique de maintenir une discipline ferme et de
suivre une routine planifiée pour garantir qu'ils disposent du temps
nécessaire à leur entraînement, à leurs
études, à leur repos et à leur
récupération.
« J'essaye d'être la plus efficace pour gagner
du temps dans la journée, je révise dans les transports par
exemple. » (Laurie/ F/ 21 ans/ IAE School of Management
2ème année /Saut en hauteur)
« Quand je rentrais le week-end chez mes parents
avant d'aller à mon match, des choses comme ça j'essaie de me
préparer des repas pour la semaine entière. » (Mandy/
F/ 20/ L3 STAPS/ Football)
Laurie cherche à optimiser son temps en étant
aussi efficace que possible. Elle profite de ses trajets en transport pour
réviser, ce qui témoigne de son utilisation productive de ce
temps de déplacement. Cette approche correspond à la perspective
du « temps militaire », où chaque instant est utilisé
de manière efficace afin de maximiser l'utilisation du temps disponible.
De son côté, Mandy se prépare des repas pour la semaine
entière lorsqu'elle rentre chez ses parents avant ses matchs. Cette
pratique témoigne de sa planification et de son organisation
préalable des repas, dans le but d'économiser du temps et de
l'énergie tout au long de la semaine. Cette approche est
cohérente avec la notion de temps militaire, qui met l'accent sur la
planification et la préparation préalable pour rationaliser les
activités quotidiennes et libérer du temps pour
44
d'autres engagements. La planification aide à
établir des priorités et à éviter les conflits
d'horaires. Dans le cas où les horaires d'entrainements
n'empiètent pas avec les cours, aucun aménagement est
nécessaire. Dans l'autre cas, un aménagement est
nécessaire, l'entraineur a accès à l'emploi du temps de
l'étudiant pour pouvoir mettre en place les heures d'entrainement. Les
athlètes de haut niveau s'entraînent régulièrement
suivant un programme d'entraînement spécifique et adapté
à leur discipline. Maintenir une communication constante avec les
enseignants et les entraîneurs permet de discuter des défis
rencontrés, des objectifs à atteindre et des ajustements
nécessaires dans la planification.
« Du coup l'emploi du temps et donc du coup bah en
fait chaque semaine, j'envoie mon planning de cours à mon coach et en
fait du coup mon coach à ce moment-là lui, il va regarder dans
les trous quand je n'ai pas cours. Il va mettre des entraînements
à ce moment-là et puis bah si par exemple il y a un petit trou de
deux heures par une mettre dans ces deux heures-là ». (Henri/
M/ 22 ans/ Faculté des sciences - L2 Maths/ Tir à l'arc)
« J'ai les cours et après les entrainements
c'est le soir donc ça gêne pas avec les cours que j'ai
déjà, finalement ça dérange pas dans la
journée. Je dois partir après, on a normalement, on a
entraînement mardi et on peut pas toujours avec le basket »
(Danilo/ M/ 24 ans/ L3 STAPS/ Basket)
Henri adopte une approche entreprenante en envoyant son
planning de cours à son coach chaque semaine. Son coach utilise cette
information pour planifier des entraînements pendant les créneaux
horaires où Henri n'a pas de cours. Grâce à son expertise
et à sa connaissance approfondie du sport pratiqué par
l'étudiant, l'entraîneur conçoit un programme
d'entraînement sur mesure, en tenant compte de leurs objectifs et de leur
niveau de compétence. Dans ce cadre, l'entraîneur exerce une
autorité compétente, cela suggère une structure et une
hiérarchie fondées sur les compétences acquises lors
d'épreuves sportives (Lemieux, C., Mignon et al.,2006). Sa
stratégie montre sa volonté d'optimiser son temps en utilisant
chaque instant de manière productive, en comblant les périodes de
disponibilité avec des entraînements. Quant à Danilo, il
souligne que ses entraînements ont lieu le soir, ce qui lui permet de ne
pas interférer avec ses cours déjà programmés. Il
mentionne également qu'il doit partir après les
entraînements, indiquant ainsi une gestion spécifique de son temps
pour concilier ses engagements sportifs et académiques. Sa
capacité à organiser ses activités sans perturber sa
journée met en évidence une planification préalable et une
gestion du temps. Par ailleurs, pour réussir à la fois dans leur
sport et dans leurs études, les étudiants sportifs de haut niveau
doivent établir des priorités et se
45
concentrer sur l'essentiel, faire preuve de discipline pour
maintenir un équilibre sain entre ces deux aspects de leur vie.
« En premier, les études et en second le sport
ou après le travail j'ai toujours réussi à me
débrouiller en faisant le moins possible. »
(Clémentine/ F/ 19 ans/ L1 STAPS/ Natation)
On peut observer que Clémentine adopte une approche de
gestion du temps où elle accorde la priorité à ses
études, en leur allouant la majorité de ses ressources
temporelles. Cette priorisation des études reflète la
volonté de structurer son temps en fonction de ses engagements les plus
importants et de s'assurer qu'ils soient réalisés de
manière efficace. Stevenson a mené une analyse
détaillée de cette question, mettant en évidence la
nécessité pour les étudiants-athlètes de
hiérarchiser leurs engagements entre leur vie académique, leur
pratique sportive et leur vie personnelle (Stevenson, 2010). En outre,
Clémentine mentionne qu'elle parvient à se débrouiller en
faisant le moins possible après le travail. Cette remarque
suggère une inclination à minimiser les efforts
supplémentaires et à chercher des moyens d'optimiser son temps et
son énergie.
Deuxièmement, les étudiants sportifs de haut
niveau doivent prendre soin de leur corps en s'assurant de bien
récupérer après les entraînements et en adoptant une
alimentation équilibrée pour soutenir leurs performances. Cela
implique également une discipline pour respecter les horaires de
sommeil, les temps de repos et les recommandations nutritionnelles.
Effectivement, la théorie du corps et de l'incorporation permet
d'analyser comment les athlètes intègrent les pratiques de soins
corporels, telles que le sommeil et la nutrition, dans leur vie.
« Sur les heures de sommeil, c'est d'avoir un peu
près 8h un truc comme ça après, c'est vrai que c'est des
journées qui sont intenses. » (Alphonse/ M/ 21 ans/ M1 STAPS/
Football)
« Je vois deux fois par ans des
diététiciens pour m'aider pour les apports nutritionnels pour
faire en sorte que j'ai pas de carence, j'ai fait du surentraînement
l'année dernière parce que tu sais, j'étais au centre de
formation. » (Abdel/ M/ 19 ans/ L1 STAPS/ Handball)
Dans le premier extrait, Alphonse souligne l'importance
d'avoir environ 8 heures de sommeil recommandées et met en
évidence l'intensité de ses journées. Martin explore
comment la culture et les représentations sociales influencent nos
attitudes envers différents aspects corporels tels que le corps
lui-même, la santé, la reproduction, et bien d'autres (Martin,
1991). Dans le
46
contexte sportif, où les athlètes apprennent
à prendre soin de leur corps pour répondre aux normes et aux
exigences de leur discipline sportive. Cela dénote une prise de
conscience de l'importance de prendre soin de son corps en établissant
un équilibre et une régularité dans le sommeil. Cette
sensibilisation peut être influencée par les discours sociaux qui
soulignent l'importance du repos et de la récupération pour la
performance sportive et la santé en général. Dans le
deuxième extrait, Abdel mentionne qu'il consulte des
diététiciens pour s'assurer de ses apports nutritionnels et
éviter les carences. Il fait également référence
à une expérience de surentraînement. Ces
préoccupations liées à la nutrition et à la prise
en compte de l'entraînement excessif témoignent de l'influence des
normes corporelles associées à la performance sportive et
à la culture du corps dans le domaine du sport. Les athlètes sont
souvent encouragés à optimiser leurs performances physiques et
à surveiller leur alimentation pour atteindre leurs objectifs. Ces
exemples illustrent comment les individus intègrent les normes sociales
liées au corps, à la santé et à la performance
sportive. En effet, la pratique d'un sport de haut niveau et la poursuite
d'études peuvent engendrer beaucoup de stress.
Les ESHN doivent donc apprendre à gérer leur
stress. Ils ont l'opportunité de consulter un préparateur mental
ou un psychologue selon leur besoin, au CREPS, ce personnel est disponible
à n'importe quel moment. Selon Wilensky, la manipulation de cette
perception du temps peut favoriser la discipline et la coordination
organisationnelles (Wilensky, 1964). Cependant, cette discipline peut mener
à réaliser des décisions imprudentes avec la pression du
temps (Wilensky, 1964). Ainsi, la gestion du temps est une compétence
pour les ESHN, car ils doivent équilibrer plusieurs engagements en
même temps. Par opposition, une discipline rigide va également
avoir des conséquences négatives, à cet égard, on
peut citer le stress ou le burn-out.
« Je suis arrivé à mes premiers
partiels au niveau sportif tout ça, j'étais stressé pour
les études je passais beaucoup d'heures à réviser. »
(Henri/ M/ 22 ans/ Faculté des sciences - L2 Maths/ Tir à
l'arc)
« Il faut être organisé je pense
peut-être mon mental parce que enfin même si je suis
stressée et tout j'ai quand même toujours un mental de ouf »
(Nadège/ F/ 21 ans/ M1 Histoire/ Aviron)
Dans le cas d'Henri, il accorde une grande importance à
ses études et ressent du stress lors des examens. Son investissement en
termes d'heures de révision témoigne de sa volonté de
maximiser son temps pour se préparer au mieux aux évaluations.
Quant à Nadège, elle met en avant l'importance de l'organisation
et de la force mentale. Sa capacité à être organisée
lui
47
permet de gérer ses tâches et de maximiser son
efficacité dans la réalisation de ses études et autres
engagements. Dans ce sens, Simons, Van Rheenen et Covington (1999) mettent en
lumière la pression qu'endurent les étudiants-athlètes
dans la conciliation du sport et des études. Ces compétences
permettent aux individus de mieux gérer les pressions et de maintenir
leur bien-être psychologique tout en réalisant leurs objectifs
dans ces domaines exigeants. Pour les étudiants sportifs de haut niveau
de minimiser le stress et de veiller à maintenir une santé
mentale optimale, le rôle d'un préparateur mental ou d'un
psychologue spécialisé dans le sport peut jouer un rôle
important. Ils vont aider ces étudiants à gérer le stress
et à maximiser leurs performances.
« f...] depuis cette année c'est un
psychologue et un préparateur mental tout ce qui est gestion du stress
et prise de recul parce que je ne prends aucun recul dès que je suis
frustrée, je vois que de négatif du coup arriver à prendre
du recul devant le positif et à tirer le bon des mauvaises situations.
» (Clémentine/ F/ 19 ans/ L1 STAPS/ Natation)
Dans le contexte du « temps militaire » selon Harold
Wilensky, la gestion du stress et la capacité à prendre du recul
sont des éléments capitaux pour maintenir une productivité
et une efficacité constantes. Elles permettent aux individus de faire
face aux obstacles et d'apprendre des situations difficiles. Dans le cas de
Clémentine, elle reconnaît son besoin d'améliorer ces
compétences et choisit de s'entourer de professionnels tels qu'un
psychologue et un préparateur mental.
En résumé, les étudiants sportifs de haut
niveau doivent effectivement adopter une discipline solide pour réussir
à concilier leurs études et leur carrière sportive. Cette
discipline se manifeste notamment par une gestion rigoureuse du temps, la
fixation de priorités, un entraînement sérieux, une
attention portée à la récupération et à
l'alimentation, ainsi que par la gestion du stress. Wilensky a proposé
une analyse critique de la manière dont le temps est géré.
Il a souligné les dangers associés à cette méthode,
l'impact sur le mental des pratiquants.
48
Partie II - Concilier le sport et les études :
une priorité donnée aux études ?
Tout d'abord, les étudiants sportifs de haut niveau
doivent trouver un équilibre entre leurs études et leur sport. De
cette manière, donné une priorité aux études, est
le fruit d'un choix rationnel. Les étudiants sportifs de haut niveau
sont confrontés à de nombreux défis liés à
la gestion du temps, équilibrer la performance sportive et les
études, ainsi qu'à la pression sociale et personnelle. Raymond
Boudon a écrit un livre intitulé « L'inégalité
des chances » en 1972. Dans cet ouvrage, il offre une perspective
théorique pour comprendre pourquoi les disparités en
matière de réussite éducative persistent, malgré
l'élargissement de l'accès à l'éducation (Boudon,
1973).
Est-il possible que l'excellence académique ouvre la
voie à la réalisation personnelle à travers le sport,
notamment dans les disciplines sportives très lucratives qui incitent
les étudiants à y consacrer davantage de leur temps et de leurs
efforts ? Comment équilibrer cette passion et cette opportunité
financière ? Quelles sont les perspectives professionnelles en lien avec
le sport ?
1. Réussir dans les études pour
s'épanouir dans le sport
Les étudiants sportifs de haut niveau peuvent essayer
de maximiser leurs bénéfices en minimisant leurs coûts. Par
exemple, ils ont la possibilité de dédoubler une année
cela donne à l'étudiant la possibilité de se concentrer
sur le développement sportif et d'explorer des opportunités de
carrière dans le sport sans sacrifier l'aspect académique.
« J'ai fait ma première année en un an,
je l'ai validé aussi avec 12 et là, je suis en deuxième
année que je dédouble parce que je suis un temps plein avec des
joueurs pro de Nancy du coup ça, c'est compliqué. »
(Abdel/ M/ 19 ans/ L1 STAPS/ Handball)
« Aujourd'hui, il me reste deux ans que j'ai
séparé en trois années enfin que je vais faire en trois
années pour pouvoir allier la pratique de l'aviron et pouvoir tenter de
valider mon diplôme plus facilement. » (Noé/ M/ 19 ans/
IUT - Technique de commercialisation 2ème année/ Aviron)
Abdel a choisi de scinder sa deuxième année
universitaire pour gérer son engagement comme handballeur professionnel,
pendant que Noé a préféré répartir ses deux
dernières années d'études sur trois ans afin de concilier
sa pratique de l'aviron avec ses obligations académiques. Ces
décisions mettent en lumière le dilemme entre les exigences de la
vie sportive professionnelle et les responsabilités académiques.
Les athlètes de haut niveau sont souvent
49
confrontés à des choix complexes pour maintenir
une harmonie entre ces deux sphères de leur vie.
Par conséquent, les études peuvent leur garantir
un meilleur avenir professionnel en dehors du sport. En effet, les
étudiants athlètes parviennent à concilier leur
dévouement pour le sport et leurs engagements académiques. Cela
leur permettra de profiter des bénéfices d'une carrière
sportive tout en garantissant leur stabilité professionnelle sur le long
terme.
« En priorité, quand même, les
études pour parce que, voilà, c'est ce qui va quand même me
payer plus tard vraiment. » (Odilon/ M/ 19 ans/ IDMC - L3 MIASHS
option MIAGE/ Escrime)
Cela illustre le conflit entre les ambitions sportives et
l'impératif de faire des études pour garantir une
sécurité financière à long terme. Malgré sa
dévotion pour le sport, Odilon comprend que ses études
académiques ont le potentiel de lui assurer une source de revenus plus
sûre et plus pérenne que son parcours sportif. Cette vision est
probablement modelée par la réalité que la réussite
dans le sport de haut niveau est imprévisible et que la durée de
carrière d'un sportif peut être relativement brève.
L'instabilité et l'instantanéité caractérisent
souvent les carrières sportives, avec des facteurs comme les blessures,
les fluctuations de performance et la compétition pouvant
précipiter leur fin. De ce fait, poursuivre des études peut
représenter une garantie financière et professionnelle pour les
athlètes une fois leur parcours sportif achevé. Par exemple,
Odilon a décidé de privilégier ses études
plutôt que l'escrime, car il a jugé que cela maximiserait ses
revenus futurs.
« C'est super important pour faire des études,
après c'est pas obligatoire, c'est moi qui voulais, mais voilà
donc ça a toujours été comme ça. Une fois que j'en
finis mes études et ben, j'ai encore un travail parce qu'il faut une
rémunération à la fin du mois. » (Laurie/ F/ 21
ans/ IAE School of Management 2ème année /Saut en
hauteur)
« En premier, les études et en second le sport
ou après le travail, j'ai toujours réussi à me
débrouiller en faisant le moins possible. »
(Clémentine/ F/ 19 ans/ L1 STAPS/ Natation)
Elles sont conscientes l'importance de trouver un
équilibre entre ces deux facteurs pour préparer leur futur. Cela
pourrait également signaler une prise de conscience accrue du rôle
significatif des études dans la préparation des sportifs à
une carrière professionnelle après leur parcours sportif. En
outre, l'avis des parents dans l'équilibre sport et études prend
une place primordiale.
50
Leurs opinions sont sensiblement les mêmes sur la
conciliation entre le sport et les études. Ils considèrent que
les études sont plus importantes que le sport, tant que tout se passe
pour le mieux dans les études, ils peuvent continuer dans leur sport.
Laurie considère le sport comme un loisir plutôt qu'une
profession, car elle estime que les coûts associés à la
transformation de cette passion en carrière, tels que le temps, les
efforts et le stress, dépasseraient les bénéfices
potentiels.
« Ma mère est concentrée sur
l'école, j'avais les entraînements avec et tout, elle était
d'accord, si j'arrive à gérer elle est d'accord, tu peux
continuer en gros le sport. » (Danilo/ M/ 24 ans/ L3 STAPS/
Basket)
« Je me rappelle que ma mère m'avait dit si tu
intègres le pôle, mais tes résultats à
l'école, ils baissent pas quoi enfin où tu restes aussi focus sur
l'école. Je pense qu'ils ont compris que tout se passait bien que je
m'épanouissais pleinement et que ça a pas dégradé
les résultats scolaires. » (Paula/ F/ 21 ans/ IUT - DUT GEA
2ème année/ Marche athlétique)
Dans ces deux cas, les mères ont un rôle à
jouer au sien de l'équilibre entre le sport et des études. Holt
et al. (2008), mettent en exergue l'importance fondamentale du rôle
parental dans l'établissement d'un équilibre entre les
engagements sportifs et académiques des jeunes sportifs. Cela souligne
l'influence de l'environnement familial dans la gestion des exigences du sport
de haut niveau et de l'éducation. L'accent mis par les parents sur
l'importance de l'éducation peut aider à assurer un certain
degré de sécurité et de stabilité pour l'avenir de
leurs enfants, en tenant compte du caractère souvent incertain et de la
durée limitée des carrières sportives. Les parents peuvent
choisir une stratégie conditionnelle, soutenant l'implication de leur
enfant dans le sport à condition que ses résultats scolaires
à la hauteur. Cela peut contribuer à l'établissement d'un
équilibre entre les obligations sportives et académiques de
l'étudiant. Ce niveau de rémunération influence encore
plus fortement les étudiants à privilégier les
études, et s'inscrivent donc dans un comportement rationnel (Boudon,
1982).
En outre, la rémunération dans le sport
dépend de plusieurs facteurs. Par exemple, si nous nous concentrons sur
l'athlétisme, les sportifs de haut niveau ont la possibilité de
percevoir des rémunérations grâce à des contrats de
parrainage et à des récompenses de compétition.
Néanmoins, la majorité des athlètes dans ce domaine ne
gagnent pas assez pour en vivre selon les dires des enquêtés.
51
« Pour moi l'athlé, c'est un sport comme je
t'ai dit que ça m'a appris la rigueur etc. ok tu perds, c'est bien
l'athlé, ça va t'aider, mais financièrement, il y a rien
du tout. [...] Il y a eu le cas de Michael Zézé tu connais, 9,99
au 100 mètres je sais pas si tu connais, il est rentré dans le
top 3 c'est pour ça, exactement alors, c'est vrai tu vois parce que
9,99, un Français là, il va représenter la France aux JO
24 et au final il se retrouve à faire la manche, il avait aucun sponsor,
pas les moyens. » (Akim/ M/ 24 ans/ L2 STAPS/ 100m 200m 400m)
« On est dans un sport où tu gagnes pas
d'argent en fait, donc tu décides d'être sportif de haut niveau,
même si on gagne rien et ça prend du temps quoi après c'est
plus des fois, la passion qui prend le dessus. » (Lola/ F/ 26 ans/
Master de psycho obtenu/ 400m)
Akim met en avant l'importance des compétences acquises
grâce à l'athlétisme, comme la discipline, et la
fierté potentielle de représenter la France aux Jeux Olympiques.
Ces aspects semblent, pour lui, compenser les éventuels problèmes
financiers associés à son choix. La recherche de Jean Harvey
(2003) explore le problème de l'exclusion sociale dans le domaine du
sport, notamment en mettant en évidence les disparités
financières et le déficit de soutien que rencontrent certains
athlètes. Quant à Lola, elle indique que la passion pour son
sport prime souvent sur le manque de gains financiers qu'il offre. Il
apparaît que sa joie et son contentement tirés de la pratique de
son sport à un niveau élevé surpassent l'importance de
récompenses pécuniaires. Par exemple, l'aviron, comme beaucoup
d'autres sports non professionnels, ne fournit généralement pas
une source de revenus substantielle pour les athlètes qui le pratiquent.
Les revenus peuvent provenir de diverses sources, les sponsors, les
récompenses de compétition, mais ils ne sont
généralement pas suffisants pour garantir vie confortable
à long terme.
« Il y a pas de voies professionnelle en tout cas, il
y a pas de moyens de devenir professionnel en France, du coup, même
aujourd'hui les meilleurs français bah ils ont besoin d'aide
financière [...] Dans le, dans le sport là, personne gagne de
l'argent et personne est médiatisée, donc on sait que tout le
monde est là parce que c'est cool quoi et qu'on aime bien. »
(Noé/ M/ 19 ans/ IUT - Technique de commercialisation 2ème
année/ Aviron)
L'observation de Noé souligne la difficulté
d'une carrière professionnelle dans certains sports en France, en raison
d'un manque de soutien financier et de visibilité médiatique.
Cela peut limiter les opportunités pour les athlètes de
transformer leur passion et leurs compétences en
52
une carrière rémunérée. En effet,
tous les sports ne sont pas également rémunérateurs et
cela peut avoir un impact sur les choix de nos sportifs. Cet extrait met en
évidence l'importance de prendre en compte l'influence des
marchés du travail sportif sur les aspirations scolaires des individus
(Papin, Viaud, 2018). Il suggère que lorsque les opportunités de
transformer une carrière sportive en emploi augmentent, cela peut
réduire les chances de poursuivre des études supérieures.
(Papin, Viaud, 2018). Ainsi, les différences de
rémunération dans le domaine sportif ont un impact sur
l'engagement dans les études. Le tir à l'arc, par exemple, est un
sport qui ne génère généralement pas autant de
revenus que d'autres sports plus populaires. Henri et Noé soulignent le
manque de rémunération substantielle dans leur sport, ce qui
suggère qu'ils voient peu d'avantages financiers à poursuivre une
carrière sportive à temps plein.
« C'est compliqué vraiment c'est vraiment
très compliqué parce que bah déjà, tu as pas de
rémunération en fait, on va dire en fait ce qui arrive à
vivre du tir à l'arc c'est soit parce qu'il travaille dans un magasin
tiroir à côté donc en fait dans ces cas-là, ils ont
des horaires aménagés tout ça ils ont un contrat
aménagé tout ça soit il y en a beaucoup là le
collectif olympique. » (Henri/ M/ 22 ans/ Faculté des sciences
- L2 Maths/ Tir à l'arc)
Apparemment, selon cet étudiant, le tir à l'arc
n'offre pas de revenu. Il ajoute que certains pratiquants trouvent d'autres
voies pour subvenir à leurs besoins, comme obtenir un emploi lié
à leur sport, par exemple en travaillant dans une boutique de tir
à l'arc. Selon la théorie de l'action rationnelle de Boudon, on
pourrait interpréter le choix d'Henri de continuer à pratiquer le
tir à l'arc, malgré ses difficultés financières,
comme une décision rationnelle (Boudon, 1982). Certains peuvent
également avoir la chance de rejoindre le collectif olympique. En somme,
même si un sport comme l'aviron, l'athlétisme ou le tir à
l'arc peut offrir de nombreux avantages et être une passion pour la
plupart, les études restent pour eux, une priorité. Boltanski et
Chiapello mettent en évidence les logiques et les critères qui
influencent la valorisation des activités et des métiers au sein
du système économique (Boltanski & Chiapello, 1999).
Appliquée à la situation du tir à l'arc, cette perspective
permet d'analyser le sport comme un exemple de la logique capitaliste
contemporaine, où la rémunération et les
opportunités professionnelles sont déterminées par des
critères spécifiques. Cette réalité soulève
des questions sur les inégalités sociales et économiques
dans le monde du sport. En définitive, de nombreux athlètes
choisissent de se concentrer sur leur sport parce qu'ils sont passionnés
et qu'ils trouvent un certain plaisir.
53
« Aussi le sport ça reste un loisir, je sais
c'est pas mon métier, je vais pas en vivre ça doit rester du
plaisir » (Laurie/ F/ 21 ans/ IAE School of Management
2ème année /Saut en hauteur)
Laurie a pris une décision réfléchie en
considérant le sport comme un passe-temps plaisant plutôt que
comme une carrière. Elle reconnait la réalité
économique, comprenant qu'elle ne gagnera pas sa vie grâce au
sport. C'est pourquoi elle privilégie la satisfaction personnelle et
l'épanouissement qu'elle trouve dans la pratique de son sport. Par
ailleurs, la priorisation des études peut être un choix complexe
pour ces athlètes, car cela peut avoir un impact sur leur performance
sportive.
« Oui, c'est ce qui va me donner un travail, c'est ce
qui va me payer plus tard, l'escrime à moins d'être voilà
mais il faut être vraiment l'exception quoi donc non, j'aurais pu aller
au pôle, ils m'ont voilà, j'avais le choix. Mais c'est moi qui
refusé c'est toujours moi qui ai pris la décision pour dire non
mais en priorité quand même les études pour parce que
voilà c'est ce qui va quand même me payer plus tard vraiment, je
me dis. » (Odilon/ M/ 19 ans/ IDMC - L3 MIASHS option MIAGE/
Escrime)
Odilon reconnaît que, sauf exception, l'escrime pourrait
ne pas lui offrir un moyen de subsistance stable, alors que ses études
ont plus de chances de lui assurer une stabilité professionnelle et
financière à long terme. Par conséquent, malgré la
proposition de rejoindre un programme d'entraînement d'élite, il a
décidé de se concentrer principalement sur sa formation
académique. Cette décision démontre une démarche
rationnelle, où Odilon évalue les bénéfices
potentiels et les risques associés à chaque option et choisit
celle qui lui semble la plus bénéfique à long terme
(Boudon, 1982). En outre, à de rares occasions, les entraîneurs
peuvent encouragés les étudiants sportifs à s'investir
dans les études.
« Mon entraineur nous pousse à faire, faire
des études et il a toujours compris quand tu as des examens si tu peux
pas venir ou si tu dois décaler l'entraînement. » (Lola/
F/ 26 ans/ Master de psycho obtenu/ 400m)
Dans le cas de Lola, l'entraîneur joue un rôle
essentiel dans la façon dont sa trajectoire sportive et
académique se structure. Giddens met en évidence l'interaction
entre les actions individuelles et les structures sociales. (Giddens, 1984). En
encourageant et en soutenant la poursuite d'études, l'entraîneur
agit comme un acteur clé qui facilite la conciliation entre la pratique
sportive et les engagements académiques de Lola. Cette
compréhension se manifeste par le soutien de l'entraîneur à
la poursuite d'études par les athlètes.
54
En résumé, chacun de ces athlètes prend
des décisions en évaluant les coûts et les
bénéfices, ce qui démontre l'application de la
théorie du choix rationnel à leurs décisions de
carrière sportive. Ce sont les sports les moins
rémunérateurs qui vont inciter les étudiants sportifs
à s'investir davantage dans les études. Lola affirme que la
décision de poursuivre une carrière sportive de haut niveau est
souvent motivée par la passion plutôt que par les gains
financiers. Cela suggère que les bénéfices qu'elle associe
au sport de haut niveau sont davantage liés à la satisfaction
personnelle et à l'amour du sport qu'à la récompense
financière. Les étudiants-athlètes qui privilégient
leurs études peuvent parfois se sentir en conflit, car ils doivent
souvent faire des compromis entre leurs objectifs académiques et
sportifs. Cependant, avec le bon soutien et les stratégies de gestion,
ils peuvent réussir dans les deux domaines.
2. Mais des sports plus fortement
rémunérateurs : entre passion et opportunité
financière
Au-delà de la passion évoquée par les
étudiants, la capacité de gagner de l'argent grâce au sport
peut également influencer la décision de privilégier le
sport. Si un étudiant est dans un sport où il y a de l'argent
à gagner à un jeune âge, il pourrait être tentant de
prioriser le sport. En effet, les sports fortement rémunérateurs
ont le potentiel d'attirer les étudiants sportifs de haut niveau en
raison des récompenses financières et de la reconnaissance qu'ils
peuvent offrir. On peut retrouver par exemple le football qui est l'un des
sports les mieux rémunérés au monde. Les joueurs de haut
niveau peuvent gagner des millions d'euros par an grâce à leurs
salaires, primes et contrats.
Selon la théorie de l'échange social, les
motivations individuelles pour maintenir ou accroître leur engagement
dans des activités sont souvent basées sur une évaluation
où les avantages perçus surpassent les coûts (Homans,
1961). Cette théorie peut aider à comprendre pourquoi certains
étudiants sportifs de haut niveau sont plus engagés dans le sport
que d'autres. Certains étudiants peuvent être plus
passionnés par leur sport et viser une carrière professionnelle
dans ce domaine. Dans ces cas, la priorisation du sport pourrait être
mise en oeuvre. C'est le cas par exemple de cet étudiant qui joue au
football et qui est motivé par l'opportunité financière
qui est à la clé de la carrière d'un footballeur
professionnel.
« Je vais pas le cacher qu'il y a un aspect
financier, voilà après quand même ma passion au
départ, c'est vivre de sa passion, c'est je pense que c'est une
réflexion moi, je veux pas dire que j'ai envie parce que pour l'instant
je n'en dis pas plus après, c'est franchement, je gagne bien. »
(Alphonse/ M/ 21 ans/ M1 STAPS/ Football)
55
Alphonse exprime son amour pour sa passion et son souhait d'en
faire sa source de revenu. Cela montre qu'il apprécie davantage les
bénéfices internes, tels que le plaisir et la satisfaction, par
rapport aux gains externes, comme l'argent. Cependant, il admet l'importance du
facteur financier, laissant entendre qu'il est au courant des dépenses
impliquées dans le suivi de sa passion et qu'il cherche à
réduire ces coûts en gagnant un salaire adéquat. A cet
effet, Maguire et al. (2002) évoque la dualité de la
carrière sportive, à la fois une passion et un moyen de
subsistance. Dans la même idée, le handball n'est pas le plus
rémunérateur mais offre tout de même quelques avantages.
« Maintenant, bah du coup, c'est être pro,
jouer dans les plus grands clubs du monde, avoir un bon salaire aussi c'est
important. f...] On va dire que j'ai, je suis passé par toutes les
étapes et, on est au niveau de la rémunération, c'est un
peu moins que les footeux après. » (Abdel/ M/ 19 ans/ L1
STAPS/ Handball)
Cet étudiant exprime son désir de progresser
dans sa carrière, avec des ambitions telles que devenir professionnel,
jouer dans les clubs les plus prestigieux et obtenir un salaire
élevé. Ces objectifs représentent les récompenses
qu'il cherche à optimiser. Parallèlement à cela, en
établissant une comparaison de sa rémunération avec celle
des footballeurs, il démontre une certaine prise de conscience des
coûts associés à sa carrière et peut-être un
intérêt à diminuer ces coûts en s'efforçant
d'obtenir le salaire le plus élevé possible. Cependant, Abdel
reconnaît que les gains peuvent être significativement
différents d'un sport à l'autre, un phénomène qui
est étudié par Frick (2007), dans son analyse des structures de
rémunération dans diverses disciplines sportives
professionnelles. Ces ESHN ont souvent des emplois du temps serrés et
subissent de fortes pressions de la part de leurs entraîneurs, de leurs
coéquipiers et de leurs écoles. Leur engagement intense dans leur
sport peut perturber cet équilibre et affecter directement leurs
études, en limitant le temps consacré à leurs
études, que ce soit pour réviser ou pour assister aux cours. En
effet, les coûts associés à un engagement accru dans le
sport peuvent inclure un temps d'étude réduit, un stress physique
et mental, un risque accru de blessures, et un temps limité pour
d'autres activités sociales ou de loisirs.
« J'ai eu des commotions cérébrales du
coup, je peux pas aller à l'école tu peux pas t'entraîner
et ma dernière, c'était il y a deux mois et pendant une semaine,
tu pouvais rien faire, même pas de téléphones ou une
série, juste être dans le noir pendant une semaine le noir, j'ai
pas le droit de sortir après pour les yeux c'est trop, j'ai mal au
crâne. Pas regarder les écrans, pas de, pas de lecture de musique
tout ça. Mais finalement ouais, ça a un impact sur les
études à ce moment
56
enfin pendant une semaine. [...] 3 à 4 heures grand
max à travailler sur mes cours par semaine. » (Abdel/ M/ 19
ans/ L1 STAPS/ Handball)
« Après compliqué parce que avec le
sport les études c'est que après c'est pas forcément
facile de beaucoup travailler mais je dirai 1h ou 2 pour travailler sur mes
cours. » (Danilo/ M/ 24 ans/ L3 STAPS/ Basket)
Abdel et Danilo reconnaissent tous deux que la pratique du
sport a des coûts associés, notamment en termes d'impact sur leurs
études. Abdel mentionne les commotions cérébrales qui
l'ont empêché d'aller à l'école et de
s'entraîner, et Danilo parle des difficultés de concilier le sport
et les études. Malgré ces défis, ils continuent à
pratiquer leur sport, suggérant qu'ils perçoivent les
récompenses (plaisir du sport, opportunités de carrière,
reconnaissance, etc.) comme supérieures aux coûts. Gérer
cet équilibre nécessite une gestion du temps et une programmation
des cours et des séances d'entraînement. Partager les contraintes
et exigences avec les professeurs et les coachs, permet de saisir les
difficultés qu'ils peuvent rencontrer en tant
qu'étudiant-athlète.
En résumé, il faut souligner que même dans
les disciplines sportives les plus lucratives, les opportunités sont
alléchantes, ils sont amenés à privilégier leur
sport mais ils restent lucides, la carrière d'un sportif est
généralement de courte durée et imprévisible. Par
ailleurs, les compétences acquises dans le cadre du sport, telles que
l'esprit d'équipe, la discipline, la gestion du stress et la
compétitivité, peuvent être précieuses dans d'autres
aspects de la vie, y compris les études et la vie professionnelle. Nous
allons explorer dans la section suivante que, finalement, les étudiants
qui s'engagent dans les sports les plus lucratifs sont ceux qui visent le plus
haut dans le domaine sportif.
3. Des perspectives professionnelles en lien avec le
sport ?
Être un étudiant sportif de haut niveau implique
une grande quantité d'entraînement et un investissement important
à son sport. Pour beaucoup d'entre eux, leur sport est leur passion et
ils aspirent souvent à le pratiquer professionnellement. Les
étudiants sportifs de haut niveau ont des perspectives professionnelles
différentes, qui dépendent en grande partie de leur discipline
sportive, de leur niveau de performance et de leurs intérêts
personnels. Pour certains d'entre eux, pour les sports les plus
rémunérateurs, l'objectif principal est de devenir un
athlète professionnel. Cela peut signifier jouer dans une ligue majeure
de football, de basket-ball, ou de participer aux Jeux Olympiques, par exemple.
Bien sûr, les étudiants sportifs de haut niveau ne sont pas
limités à des carrières dans le sport. Les
compétences qu'ils acquièrent en tant
57
qu'athlètes comme la discipline, le travail
d'équipe, la gestion du stress et la résilience peuvent
être très utiles dans de nombreux autres domaines.
La double carrière offre aux ESHN l'opportunité
de développer des compétences qui peuvent être
utilisées pour leur carrière professionnelle. Par exemple, la
pratique du sport de haut niveau peut favoriser le développement de
compétences en leadership, en travail d'équipe et en gestion du
stress. Les étudiants qui ont des ambitions professionnelles sont en
lien avec le sport, réalisent tous leurs études en STAPS. Dans
notre étude, ils représentent 6 étudiants sur 13.
« Je suis en Master 1 pour l'instant ça va moyen
un peu compliqué, on verra le Master MEEF. [...] Jouer toujours au haut
niveau, voilà, c'est ça, c'est encore plus intéressant,
mais ouais c'est mon but. » (Alphonse/ M/ 21 ans/ M1 STAPS/
Football)
« J'aimerai faire prof d'EPS après deux
prochaines années, je sais pas où je vais faire mon master et
pour les projets sportifs j'aimerais bien quand même toujours à un
niveau supérieur c'est ça. » (Danilo/ M/ 24 ans/ L3
STAPS/ Basket)
Dans les extraits mentionnés, il est clair que Alphonse
et Danilo ont des objectifs éducatifs définis, tels que
poursuivre un Master MEEF et devenir professeur d'EPS. Selon les travaux de
Demazière et de Samuel, les choix éducatifs et professionnels
sont le résultat d'une interaction complexe entre des facteurs
individuels, sociaux et institutionnels (Demazière & Samuel 2010).
Les individus sont constamment influencés par leur environnement social
et leurs aspirations personnelles, ce qui façonne leurs décisions
et leurs perspectives. Cette décision peut être analysée
comme une stratégie visant à concilier leurs
intérêts personnels et leurs aspirations en combinant leurs
études et leur pratique sportive de haut niveau. Certains finissent par
devenir entraîneurs dans leur sport de prédilection ou dans le
milieu du soin sportif. Ils peuvent travailler à tous les niveaux, du
sport amateur au sport professionnel, en passant par le sport universitaire.
« Je suis en fin de contrat cette année alors
c'est soit, j'arrête ma carrière et STAPS, soit et je continue.
Mais après du coup, je pense au Luxembourg un truc comme ça et
j'aurais fait des études de kinésithérapies »
(Abdel/ M/ 19 ans/ L1 STAPS/ Handball)
En plus de sa carrière sportive, Abdel envisage
d'entreprendre des études en kinésithérapie, probablement
avec l'intention de préparer sa future carrière une fois sa
carrière sportive terminée. Il pense poursuivre cette voie au
Luxembourg, ce qui pourrait lui offrir une occasion d'optimiser les
bénéfices de cette future carrière. Ces étudiants
peuvent commencer à envisager leur futur professionnel tôt, en
acquérant un diplôme universitaire ou une qualification
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professionnelle qui leur donnera une plus grande
variété d'opportunités de carrière après
leur parcours sportif. Selon une perspective économiste de l'analyse des
mondes du travail sportif, lorsque les opportunités de transformer une
carrière sportive en emploi augmentent, il est possible que les chances
de poursuivre des études supérieures se réduisent (Papin,
Viaud, 2018). Goffman étudie la vie quotidienne est comme une
scène de théâtre, où les individus sont des acteurs
jouant des rôles sociaux (Goffman, 1956). Les interactions sont comme des
performances destinées à créer et à maintenir une
certaine impression devant les autres (Goffman, 1956). Les étudiants
sportifs de haut niveau jouent souvent plusieurs rôles :
l'athlète, l'étudiant, l'ami, etc. Ils doivent naviguer et
équilibrer ces différents rôles.
« Je les connais pas trop ouais, je vais pas aux CM
d'habitude donc euh c'est souvent les mêmes. » (Abdel/ M/ 19
ans/ L1 STAPS/ Handball)
Abdel admet qu'il ne fréquente pas beaucoup ses
camarades de classe et assiste rarement aux cours magistraux. Ceci pourrait
indiquer qu'il a du mal à s'impliquer pleinement dans son rôle
d'étudiant, peut-être à cause des exigences de sa
carrière sportive. Ses propos pourraient également
témoigner d'un certain éloignement ou d'une déconnexion
avec ses camarades de classe.
« J'obtiens ma licence à la fin de
l'année, donc en entraînement sportif spécialité
football à côté de ça, j'ai fait une demande de
supplément au diplôme pour obtenir une carte professionnelle
d'entraîneur. » (Mandy/ F/ 20/ L3 STAPS/ Football)
Cette étudiante évoque son parcours
académique et ses ambitions professionnelles. Elle semble très
concentrée sur ses objectifs et gère apparemment bien ses
rôles d'étudiante et d'athlète. En même temps, elle
illustre parfaitement la notion de Goffman selon laquelle nous jouons
différents rôles dans différents contextes. Dans le cas de
Mandy, elle jongle entre son rôle d'étudiante en licence, son
rôle d'athlète et son futur rôle d'entraîneur. Ils
peuvent utilisés leurs compétences apprises dans le milieu du
sport pour les réinvestir dans le milieu du travail et des
études. De plus, Burke (2016) met en lumière comment l'ajout de
certifications professionnelles à un diplôme universitaire peut
améliorer les perspectives d'emploi dans le domaine sportif. Cela
démontre aussi comment les sportifs peuvent exploiter leurs
compétences et leur enthousiasme pour le sport afin de tracer une voie
professionnelle future. En revanche, pour les étudiants qui pratiquent
des sports peu rémunérateurs, ils n'ont pas les mêmes
ambitions professionnelles, et elles ne sont pas en relation directe avec le
sport, ils sont 7 sur 13 étudiants à vouloir faire un
métier qui n'est pas en lien avec le sport.
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« Il me faut un master RH dans un premier temps, dans
un poste assistant RH et bah déjà, je peux pas prétendre
être DRH dans quoi de mon diplôme enfin pour être
réaliste, il faut de l'expérience pour ça. »
(Laurie/ F/ 21 ans/ IAE School of Management 2ème année /Saut en
hauteur)
« Un projet professionnel, j'en ai deux. Il y a soit
plus tard du coup faire un master MEEF pour faire prof de maths qui est le plan
le plus probable, on va dire et comme ça je pourrais faire prof dans un
lycée de préférence tout ça et après, il y
en a un autre où c'est faire un master plus accès sur les probas
les stats tout ça et pour faire un truc du style ingénieur
statisticien. » (Henri/ M/ 22 ans/ Faculté des sciences - L2
Maths/ Tir à l'arc)
Henri est prêt à jouer différents
rôles en fonction du chemin de carrière qu'il choisira finalement.
En poursuivant à la fois leurs études et leur carrière
sportive, ces étudiants peuvent acquérir une perspective unique
et une expertise multidimensionnelle qui les distingue des autres candidats et
leur permet de s'adapter plus facilement aux défis professionnels.
« Et puis moi là, j'ai trouvé un emploi,
mais je suis à temps partiel, je suis psychologue en EPAHD,
exprès pour justement continuer à concilier les deux pas du coup
forcément, tu as plus de temps quand tu travailles à temps
partiel donc là les après-midis, tu peux voir les gens que tu
veux si tu travailles pas du coup-là. » (Lola/ F/ 26 ans/
Master de psycho obtenu/ 400m)
Lola fait un choix délibéré de travailler
à mi-temps pour équilibrer ces rôles. Elle est au courant
des attentes de chaque rôle et fait des ajustements pour remplir
adéquatement ces deux rôles. En optant pour un travail à
mi-temps, elle peut répondre à ses obligations professionnelles
tout en ayant du temps pour maintenir ses relations sociales, illustrant ainsi
la flexibilité et l'adaptabilité des rôles sociaux dans la
théorie de Goffman. De ce fait, avoir un diplôme universitaire
peut offrir une sécurité et une flexibilité en plus,
surtout dans les sports qui sont moins bien rémunérés. Les
compétences acquises pendant les études, telles que la gestion du
temps, le travail d'équipe, la résolution de problèmes et
la persévérance, sont toutes transférables dans le monde
du travail. Ces compétences peuvent également être
précieuses pour la progression de carrière dans le sport, par
exemple en obtenant des rôles de leadership. Au bout du compte,
l'essentiel pour les athlètes étudiants de haut niveau dans les
sports moins lucratifs est de parvenir à un équilibre entre leurs
aspirations sportives et leurs objectifs de carrière. Cela pourrait se
traduire par la continuation de leur sport tout en poursuivant leurs
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études, ou par l'utilisation de leur sport comme un
moyen de propulser vers d'autres carrières liées à ce
domaine. Quel que soit le chemin qu'ils décident de suivre, ils
considèrent leurs priorités et leurs objectifs à long
terme pour faire le choix qui leur convient le mieux.
Pour conclure, l'étudiant sportif a le choix de rester
dans le milieu du sport ou de faire un métier qui est
complètement différent. Leur décision est ainsi
influencée par de nombreux facteurs, comme le souhait d'obtenir une
réussite financière, leur passion pour un sport, l'importance
accordée à une carrière dans le domaine sportif, et encore
d'autres aspects qui peuvent plus personnel. Dans notre échantillon,
nous avons autant de sportifs qu'ils veulent faire un métier en lien
avec le sport que ceux qui font un métier en dehors du sport.
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