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La coopération policière pour la lutte contre la cybercriminalité au sein de l'UEMOA: bilan et perspectives (2010-2020)


par Kydenlu Justin BATIONO
Université Libre du Burkina  - Master II en Diplomatie et Relations Internationales  2023
  

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6.2.1. L'harmonisation des législations nationales

L'harmonisation des législations est un préalable fondamental pour renforcer la collaboration policière contre la cybercriminalité. Son principal avantage est d'éviter que les auteurs des cyberdélits ne puissent se soustraire à la poursuite. Par exemple, si les actes cybercriminels sont réprimés par un Etat A et non par l'Etat B, cela offre une aubaine au cybercriminel car il pourra rester dans l'Etat B et cibler ses victimes dans l'Etat A par le biais de l'internet. L'Etat A se trouve alors dans l'impossibilité d'offrir une protection suffisante contre les effets d'une telle activité transnationale. Même si la loi pénale de l'Etat A lui permet d'affirmer sa juridiction sur l'auteur de l'infraction cybercriminelle se trouvant dans l'Etat B, le consentement ou l'assistance de l'Etat B doit être requis en ce qui concerne la collecte de preuves et l'extradition de l'auteur. Or l'Etat B n'aidera probablement pas l'Etat A si la conduite en cause n'est pas punie par sa loi pénale87.

Le principe de la double incrimination imposé en coopération internationale contre la criminalité transnationale fait qu'il est très utile d'avoir une législation harmonisée afin de faire face à n'importe quel type de fléau international. Dans le cas de la cybercriminalité, certaines infractions sont prévues et punies par le droit pénal de certains pays de l'UEMOA tandis que, dans d'autres pays de cette même zone, ces infractions sont inexistantes. C'est l'exemple du négationnisme qui est prévu et puni en droit pénal sénégalais et pourtant cette infraction n'existe pas dans les pays qui n'ont pas ratifié la convention de Budapest.

Les législations disparates compliquent davantage les enquêtes policières. Lorsque nous considérons le cas du Burkina Faso, le code de procédure pénale burkinabè (CPP) soumet les infractions en matière informatique et celles commises au moyen des technologies de

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87 UNODC, 2013, op. cit., p 11.

l'information et de la communication à une procédure d'enquête spéciale. Cette enquête spéciale comprend la surveillance, l'infiltration, l'enquête sous pseudonyme, l'interception de correspondances émises par la voie des télécommunications, l'enregistrement et la fixation d'image88. Pourtant, les législations des autres Etats de l'UEMOA n'ont pas forcément opté pour ces formes d'enquêtes en matière de cybercriminalité. Par conséquent, lorsque les policiers burkinabè sont dans un besoin de renseignements sur une infraction cybercriminelle commise hors du territoire burkinabè, ils ne peuvent pas demander à leurs homologues des pays voisins d'adopter les mêmes types d'enquêtes afin de rechercher les auteurs.

En plus, il faut également une harmonisation des capacités juridiques d'investigation. Cela doit se manifester par :

-le développement des échanges entre les services de police spécialisés dans la lutte contre la cybercriminalité. Cela suppose :

* Des échanges continus d'informations : érection de salles de réunion virtuelles facilement et rapidement accessibles comme espaces de dialogue entre les différents services de police spécialisés ; développement d'une stratégie commune sur les questions de formation, de recherche et d'analyse de la situation de la cybercriminalité afin de répartir de façon efficace les tâches identifiées.

*Un appui matériel et partage d'expériences : les différents services de police de la zone

UEMOA peuvent unanimement demander un appui technique complet et durable de la part des autres services de police des pays développés qui sont plus en avance et expérimentés dans les enquêtes en matière de cybercriminalité. Ils peuvent également se partager les expériences en matière d'investigation sur les cyberdélits.

La meilleure option pour les Etats de l'UEMOA, serait de ratifier les conventions de Budapest et de Malabo. Ces deux (02) conventions contiennent la quasi-totalité des infractions cybercriminelles susceptibles d'être commises à travers les TIC. Aussi, elles contiennent des dispositions contraignantes, obligeant les Etats à favoriser la coopération contre la cybercriminalité. Selon l'article 23 de la convention de Budapest : « les parties coopèrent conformément aux dispositions du présent chapitre, en application des instruments internationaux pertinents sur la coopération internationale en matière pénale, des arrangements reposant sur des législations uniformes ou réciproques et de leur droit national, dans la mesure le plus large possible les unes avec les autres, aux fins d'investigations ou de

88 Article 515-1 du code de procédure pénale burkinabè.

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procédures concernant les infractions pénales liées à des systèmes et données informatiques ou pour recueillir les preuves sous forme électronique d'une infraction pénale. »89. Il en est de même pour la convention de Malabo dont l'article 28 portant sur la coopération internationale détermine les différents axes de cette coopération qui sont : -l'harmonisation des législations ;

-l'entraide judiciaire ;

-l'échange d'informations ;

- le moyen de la coopération.

Malgré une telle harmonisation, la création d'une structure supranationale sera nécessaire.

6.2.2. La création d'un espace numérique UEMOA et la mise en place d'une unité anti
cybercriminalité policière UEMOA.

L'existence d'un espace numérique de l'UEMOA serait d'un apport considérable dans le renforcement de la coopération policière contre la cybercriminalité. Elle entrainera non seulement la disparition des frontières mais aussi le stockage des données dans la zone UEMOA afin de permettre aux policiers enquêteurs de réaliser, sans autorisation préalable, des actes d'investigation dans les pays membres.

La création d'une unité anti-cybercriminalité policière UEMOA serait d'une grande importance en vue d'aller à une réelle coopération policière en matière de lutte contre la cybercriminalité. Cette unité pourra avoir une compétence sous-régionale qui lui permettra d'enquêter sur les infractions cybercriminelles commises dans la zone UEMOA. Une telle unité permettra aussi de désengorger l'INTERPOL qui est chargée de la collaboration policière contre tous les crimes transnationaux. Les tâches qui pourront être dévolues à cette unité sont les suivantes :

-la définition des règles d'investigation policière dans l'espace numérique UEMOA ; -les renseignements opérationnels contre la cybercriminalité,

-la centralisation, l'analyse et la diffusion des informations sur la cybercriminalité dans la zone UEMOA ;

-les recherches de présumés auteurs de la cybercriminalité ;

-la sensibilisation des citoyens de la zone UEMOA sur la cybercriminalité ;

89 Convention du conseil de l'Europe sur la cybercriminalité du 23/11/2001, article 23.

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-la collaboration avec le secteur privé ;

Dans sa composition, l'unité peut être constituée des policiers issus des polices nationales des Etats de la zone UEMOA. Ces policiers doivent être recrutés sur la base de leurs connaissances approfondies sur les questions de cybercriminalité et de leurs habilités à conduire des enquêtes policières quelle que soit leur complexité.

Pour permettre à cette unité de bien mener sa mission, il faut la doter de budget autonome et qu'elle demeure indépendante des pouvoirs politiques à l'image des autres structures de l'UEMOA. Cela lui permettra d'être à l'abri des immixtions des acteurs politiques. Aussi, les policiers qui y seront affectés doivent être traités de la plus belle des manières afin d'éviter qu'ils ne tombent dans la corruption.

Dans son organisation géographique, l'unité pourra avoir son siège dans un des Etats membres de l'UEMOA et créer des bureaux dans les autres Etas afin de faciliter l'accomplissement de ses missions.

Afin de remplacer les mécanismes traditionnels de coopération, la création d'un mandat

UEMOA d'obtention de preuves pourrait être une alternative.

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