6.2.1. L'harmonisation des législations
nationales
L'harmonisation des législations est un
préalable fondamental pour renforcer la collaboration policière
contre la cybercriminalité. Son principal avantage est d'éviter
que les auteurs des cyberdélits ne puissent se soustraire à la
poursuite. Par exemple, si les actes cybercriminels sont réprimés
par un Etat A et non par l'Etat B, cela offre une aubaine au cybercriminel car
il pourra rester dans l'Etat B et cibler ses victimes dans l'Etat A par le
biais de l'internet. L'Etat A se trouve alors dans l'impossibilité
d'offrir une protection suffisante contre les effets d'une telle
activité transnationale. Même si la loi pénale de l'Etat A
lui permet d'affirmer sa juridiction sur l'auteur de l'infraction
cybercriminelle se trouvant dans l'Etat B, le consentement ou l'assistance de
l'Etat B doit être requis en ce qui concerne la collecte de preuves et
l'extradition de l'auteur. Or l'Etat B n'aidera probablement pas l'Etat A si la
conduite en cause n'est pas punie par sa loi pénale87.
Le principe de la double incrimination imposé en
coopération internationale contre la criminalité transnationale
fait qu'il est très utile d'avoir une législation
harmonisée afin de faire face à n'importe quel type de
fléau international. Dans le cas de la cybercriminalité,
certaines infractions sont prévues et punies par le droit pénal
de certains pays de l'UEMOA tandis que, dans d'autres pays de cette même
zone, ces infractions sont inexistantes. C'est l'exemple du
négationnisme qui est prévu et puni en droit
pénal sénégalais et pourtant cette infraction n'existe pas
dans les pays qui n'ont pas ratifié la convention de Budapest.
Les législations disparates compliquent davantage les
enquêtes policières. Lorsque nous considérons le cas du
Burkina Faso, le code de procédure pénale burkinabè (CPP)
soumet les infractions en matière informatique et celles commises au
moyen des technologies de
79
87 UNODC, 2013, op. cit., p 11.
l'information et de la communication à une
procédure d'enquête spéciale. Cette enquête
spéciale comprend la surveillance, l'infiltration, l'enquête sous
pseudonyme, l'interception de correspondances émises par la voie des
télécommunications, l'enregistrement et la fixation
d'image88. Pourtant, les législations des autres Etats de
l'UEMOA n'ont pas forcément opté pour ces formes d'enquêtes
en matière de cybercriminalité. Par conséquent, lorsque
les policiers burkinabè sont dans un besoin de renseignements sur une
infraction cybercriminelle commise hors du territoire burkinabè, ils ne
peuvent pas demander à leurs homologues des pays voisins d'adopter les
mêmes types d'enquêtes afin de rechercher les auteurs.
En plus, il faut également une harmonisation des
capacités juridiques d'investigation. Cela doit se manifester par :
-le développement des échanges entre les
services de police spécialisés dans la lutte contre la
cybercriminalité. Cela suppose :
* Des échanges continus d'informations :
érection de salles de réunion virtuelles facilement et rapidement
accessibles comme espaces de dialogue entre les différents services de
police spécialisés ; développement d'une stratégie
commune sur les questions de formation, de recherche et d'analyse de la
situation de la cybercriminalité afin de répartir de façon
efficace les tâches identifiées.
*Un appui matériel et partage d'expériences :
les différents services de police de la zone
UEMOA peuvent unanimement demander un appui technique complet
et durable de la part des autres services de police des pays
développés qui sont plus en avance et expérimentés
dans les enquêtes en matière de cybercriminalité. Ils
peuvent également se partager les expériences en matière
d'investigation sur les cyberdélits.
La meilleure option pour les Etats de l'UEMOA, serait de
ratifier les conventions de Budapest et de Malabo. Ces deux (02) conventions
contiennent la quasi-totalité des infractions cybercriminelles
susceptibles d'être commises à travers les TIC. Aussi, elles
contiennent des dispositions contraignantes, obligeant les Etats à
favoriser la coopération contre la cybercriminalité. Selon
l'article 23 de la convention de Budapest : « les parties
coopèrent conformément aux dispositions du présent
chapitre, en application des instruments internationaux pertinents sur la
coopération internationale en matière pénale, des
arrangements reposant sur des législations uniformes ou
réciproques et de leur droit national, dans la mesure le plus large
possible les unes avec les autres, aux fins d'investigations ou de
88 Article 515-1 du code de procédure
pénale burkinabè.
80
81
procédures concernant les infractions
pénales liées à des systèmes et données
informatiques ou pour recueillir les preuves sous forme électronique
d'une infraction pénale. »89. Il en est de
même pour la convention de Malabo dont l'article 28 portant sur la
coopération internationale détermine les différents axes
de cette coopération qui sont : -l'harmonisation des législations
;
-l'entraide judiciaire ;
-l'échange d'informations ;
- le moyen de la coopération.
Malgré une telle harmonisation, la création d'une
structure supranationale sera nécessaire.
6.2.2. La création d'un espace numérique
UEMOA et la mise en place d'une unité anti cybercriminalité
policière UEMOA.
L'existence d'un espace numérique de l'UEMOA serait
d'un apport considérable dans le renforcement de la coopération
policière contre la cybercriminalité. Elle entrainera non
seulement la disparition des frontières mais aussi le stockage des
données dans la zone UEMOA afin de permettre aux policiers
enquêteurs de réaliser, sans autorisation préalable, des
actes d'investigation dans les pays membres.
La création d'une unité
anti-cybercriminalité policière UEMOA serait d'une grande
importance en vue d'aller à une réelle coopération
policière en matière de lutte contre la cybercriminalité.
Cette unité pourra avoir une compétence sous-régionale qui
lui permettra d'enquêter sur les infractions cybercriminelles commises
dans la zone UEMOA. Une telle unité permettra aussi de
désengorger l'INTERPOL qui est chargée de la collaboration
policière contre tous les crimes transnationaux. Les tâches qui
pourront être dévolues à cette unité sont les
suivantes :
-la définition des règles d'investigation
policière dans l'espace numérique UEMOA ; -les renseignements
opérationnels contre la cybercriminalité,
-la centralisation, l'analyse et la diffusion des informations
sur la cybercriminalité dans la zone UEMOA ;
-les recherches de présumés auteurs de la
cybercriminalité ;
-la sensibilisation des citoyens de la zone UEMOA sur la
cybercriminalité ;
89 Convention du conseil de l'Europe sur la
cybercriminalité du 23/11/2001, article 23.
82
-la collaboration avec le secteur privé ;
Dans sa composition, l'unité peut être
constituée des policiers issus des polices nationales des Etats de la
zone UEMOA. Ces policiers doivent être recrutés sur la base de
leurs connaissances approfondies sur les questions de cybercriminalité
et de leurs habilités à conduire des enquêtes
policières quelle que soit leur complexité.
Pour permettre à cette unité de bien mener sa
mission, il faut la doter de budget autonome et qu'elle demeure
indépendante des pouvoirs politiques à l'image des autres
structures de l'UEMOA. Cela lui permettra d'être à l'abri des
immixtions des acteurs politiques. Aussi, les policiers qui y seront
affectés doivent être traités de la plus belle des
manières afin d'éviter qu'ils ne tombent dans la corruption.
Dans son organisation géographique, l'unité
pourra avoir son siège dans un des Etats membres de l'UEMOA et
créer des bureaux dans les autres Etas afin de faciliter
l'accomplissement de ses missions.
Afin de remplacer les mécanismes traditionnels de
coopération, la création d'un mandat
UEMOA d'obtention de preuves pourrait être une
alternative.
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