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La coopération policière pour la lutte contre la cybercriminalité au sein de l'UEMOA: bilan et perspectives (2010-2020)


par Kydenlu Justin BATIONO
Université Libre du Burkina  - Master II en Diplomatie et Relations Internationales  2023
  

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6.1.3. Les limites stratégiques

Une coopération policière approfondie dans le domaine de la cyber sécurité oblige les forces de police à échanger de façon franche des informations sur leur environnement, leur stratégie et leurs capacités. Or ces informations peuvent être utilisées pour nuire aux intérêts des Etats.

La question de la cybercriminalité oblige à redéfinir la notion de l'ennemi. La difficulté de déterminer avec exactitude l'identité du cybercriminel qui est caché derrière un ordinateur pour commettre des actes malveillants justifie la méfiance des services de sécurité à aller à une franche collaboration. Les actes cybercriminels peuvent être commis aussi bien par des particuliers pour leur propre compte que les agents agissant au compte de leur Etat. L'internet a ouvert de nos jours la porte à l'espionnage. Les multiples attaques informatiques subies par certains Etats dans le monde aujourd'hui corroborent cela.

Les intérêts nationaux ont constitué un frein à la coopération policière contre la cybercriminalité entre 2010-2020 dans la zone UEMOA. Les services de police des différents Etats ont manifesté une certaine réticence quant aux partages des informations liées à la cybercriminalité. Les raisons évoquées par l'ensemble des personnes interviewées reposent sur le secret d'Etat. La majeure partie des policiers pense que le partage de leurs renseignements avec leurs homologues d'autres pays, est une façon indirecte de partager les secrets de leur Etat avec des étrangers. L'élément fondamental dans les relations interétatiques repose sur la confiance. En clair, le manque de confiance entre les forces de police de la zone UEMOA a annihilé leur coopération afin de faire face à la cybercriminalité.

6.1.4. Les autres entraves

Ces entraves sont, entre autres, la corruption, le coût des investigations de la cybercriminalité et la protection des nationaux.

En tant que fléau gangrenant la société africaine, en général, et la zone UEMOA, en particulier, la corruption a également constitué un frein à la coopération policière contre la cybercriminalité. De tous les entretiens que nous avons eus, il est clairement ressorti que la corruption a contribué à faire échouer beaucoup d'enquêtes policières durant la période étudiée. Les agents chargés de mener les enquêtes préfèrent recevoir des pots de vin de la part des cybercriminels afin de ne pas conduire en bonne et due forme l'enquête. Cette corruption peut se justifier par le fait que

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les agents de police chargés de faire les investigations dans leur pays au bénéfice de leurs homologues étrangers le font sans aucune rémunération.

Le coût des investigations est aussi un élément qui a entravé la coopération policière contre la cybercriminalité. La conduite d'une enquête de ce genre exige de gros moyens financiers afin d'aboutir à des résultats probants. Or les demandes d'entraide policière se font sans accompagnement financier de la part des services de police requérants. Ces derniers comptent sur la bonne volonté et l'engagement de leurs homologues étrangers pour obtenir les résultats. Avec la modestie des moyens de la quasi-totalité des forces de police de la zone UEMOA, il s'avère difficile de débloquer un gros montant pour conduire une enquête pour laquelle on ne tire qu'un intérêt moral. La non-opérationnalisation des structures spécialisées de lutte contre la cybercriminalité (à l'image de la BCLCC au Burkina Faso) dans tous les Etats de l'UEMOA avec un budget propre consacré aux investigations cybercriminels peut justifier une telle entrave. Le caractère supranational du réseau internet fait que les enquêtes policières exigent de gros moyens afin de localiser avec exactitude les cybercriminels. Comme l'affirme le responsable de la coopération policière de la BCLCC : « nous sommes face à des situations complexes ; les cybercriminels agissent en bande organisée. En ce qui concerne l'escroquerie en ligne, l'infraction peut être commise par exemple au Bénin, les victimes sont des Burkinabè et le retrait des fonds se fait en Côte d'Ivoire. Pour pouvoir réunir toutes les preuves, il faut beaucoup de moyens financiers »86.

La protection des nationaux est un élément qu'on peut ranger dans la défense des intérêts nationaux. Par protection des nationaux, il faut entendre le fait que les agents de police de certains pays refusent parfois de collaborer lorsque leurs nationaux sont impliqués dans la commission de l'infraction cybercriminelle, objet de l'enquête. Et cela est récurrent dans la plupart des recherches policières supranationales. Bref, le sentiment d'appartenance nationale a impacté et continue d'impacter négativement la coopération policière face la cybercriminalité dans la zone UEMOA.

Au vu de ces limites, des perspectives peuvent être dégagées afin de renforcer cette coopération.

86 Entretien à la BCLCC le 16/06/2022 à 10h.

6.2. Les perspectives

Trois (03) grandes recommandations ont été élaborées. La mise en oeuvre de ces recommandations peut permettre d'avoir une coopération policière efficace. Ce sont :

-l'harmonisation des législations nationales ;

-la création d'un espace numérique UEMOA et la mise en place d'une unité cyberpolice UEMOA ;

-la création du mandat UEMOA d'obtention de preuve.

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