5.4.4. La directive de la CEDEAO portant lutte contre la
cybercriminalité dans l'espace
de la CEDEAO
Adoptée par le conseil des ministres de la CEDEAO lors
de sa soixante sixième (66è) session ordinaire tenue
du 17 au 19 août 2011 à Abuja (Nigeria), la directive a pour objet
d'adapter le
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droit pénal de fond et la procédure
pénale des Etats membres de la CEDEAO au phénomène de la
cybercriminalité (article 02). Elle s'applique à toutes les
infractions relatives à la cybercriminalité dans l'espace CEDEAO
ainsi qu'à toutes les infractions pénales dont la constatation
requiert la collecte d'une preuve électronique (article 03). Selon
l'article 33 de ladite directive : « Lorsqu'ils sont saisis par un
autre Etat membre, les Etats membres doivent coopérer à la
recherche et à la constatation de toutes les infractions pénales
prévues ou définies par la présente Directive ainsi
qu'à la collecte de preuves sous forme électronique se rapportant
à une infraction pénale.
Cette coopération est mise en oeuvre dans le
respect des instruments internationaux pertinents et des mécanismes sur
la coopération internationale en matière pénale
».
La directive n'a pas mentionné expressément la
coopération policière, mais son contenu semble prendre en compte
ce volet.
La directive est incomplète car elle ne contient pas de
dispositions qui visent à sanctionner les Etats qui ne respecteront pas
les obligations qui pèsent sur eux.
5.4.5. L'accord de coopération en matière
de police criminelle entre les Etats membres
de la CEDEAO
Cet accord a été signé, le 19
décembre 2003, à Accra (Ghana) par les Chefs d'Etat et de
Gouvernement de la CEDEAO. Il comprend vingt (20) articles et définit
les points sur lesquels les forces de sécurité de la CEDEAO
doivent collaborer dans le cadre des investigations criminelles
transnationales.
En dehors des instruments juridiques multilatéraux
liant les Etats de l'UEMOA, il existe d'autres accords bilatéraux entre
certains Etats sur la base desquels les forces de police coopèrent.
Malgré l'existence de nombreux textes juridiques
supranationaux qui encadrent la coopération policière, le bilan
reste insuffisant.
5.5. Le bilan décennal de la coopération
policière de l'UEMOA contre la cybercriminalité
5.5.1. Un bilan insuffisant
La coopération policière de l'UEMOA contre la
cybercriminalité durant la période considérée n'a
pas produit de résultats satisfaisants. Malgré la montée
en puissance de la cybercriminalité
dans les huit (08) pays de l'UEMOA avec les multiples victimes
enregistrées, chaque mois dans tous les Etats, nous n'avons pas pu, au
cours de nos recherches, avoir un cas concret de coopération
policière entre les forces de police de la zone UEMOA ayant permis de
démanteler des groupes cybercriminels. Selon le chargé des
questions de la cybercriminalité au sein de l'INTERPOL du Burkina Faso,
les multiples demandes d'entraide policières adressées aux
collègues policiers de la zone UEMOA sont toujours restées vaines
si bien qu'il s'avère difficile de parler de franche collaboration en
matière de cybercriminalité. Il affirme également que
certains Etats de la zone UEMOA (Mali, par exemple) n'ont jamais envoyé
de demandes d'entraide policière à leur niveau malgré
l'évolution endémique du phénomène sur leurs
territoires. Les multiples demandes que le service INTERPOL Burkina a
adressées à certains pays, comme le Bénin, par exemple,
ont, chaque fois, été classées sans suite
favorable77.
L'INTERPOL Burkina a pu traiter favorablement un cas
d'entraide policière au bénéfice du Ghana en début
de l'année 2022. Il s'agissait de Ghanéens qui avaient commis des
actes d'escroquerie en ligne au Ghana à partir du Burkina
Faso78. Suite à la demande de la police ghanéenne, ces
derniers ont été recherchés, appréhendés et
mis à la disposition de la police ghanéenne. Mais cette prouesse
reste à mettre à l'actif de la coopération
policière dans la zone CEDEAO et non UEMOA car le Ghana ne relève
pas de la zone UEMOA.
Selon le Commandant de la BCLCC du Burkina Faso, le service
n'a pas encore reçu de demande d'entraide formelle due à
l'absence de cadre formel. En ce qui concerne l'entraide non formelle, il a
reçu des demandes émanant de quatre (04) pays (Benin, Côte
d'Ivoire, Niger et Sénégal). Le service a aussi soumis des
requêtes à cinq (05) pays (Benin, Côte d'Ivoire, Niger, Mali
et Togo). Pour les requêtes reçues, le Commandant de la BCLCC
affirme avoir fourni 90% de réponses aux Etats requérants. Par
contre, pour les requêtes qu'il a soumises, il a reçu un taux de
réponses de 30% 79.
Cette absence de résultats satisfaisants
découlant de la collaboration policière entre des Etats vivant
les mêmes réalités en matière de
cybercriminalité démontre le caractère insuffisant de la
coopération policière constituant ainsi une preuve palpable nous
permettant de confirmer notre hypothèse. Malgré l'existence de
quelques textes juridiques sur lesquels les forces de police de la zone UEMOA
peuvent s'appuyer pour exiger une franche collaboration, le résultat
reste toujours mitigé.
77 Entretien à l'INTERPOL le 16/6/2022 à
09h.
78 Ibid.
79 Entretien avec le Commandant BCLCC via WhatsApp le
18/10/2022 à 20h.
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