Pour faire face aux risques de ruptures des chaînes
d'approvisionnements et limiter au maximum les goulots d'étranglements,
plusieurs stratégies peuvent être prises en compte dans une
démarche prospective. Certaines ont déjà fait l'objet
d'études et sont en cours de déploiement, suite aux
différentes projections faites durant les années
précédentes. Cependant, comme nous avons pu le constater, les
prévisions sont en
27
constante évolution avec une tendance de croissance
très notable. Il sera donc pertinent de concaténer les
données nouvellement collectées avec les
précédentes déjà exposées. J'ai
divisé les stratégies potentiellement applicables en trois grand
blocs, par groupe d'acteurs: - Primary supply: Qui représente les
exploitants miniers, détenteurs de l'outil de production et sont donc
les premières parties prenants à pouvoir mettre en place des
actions pour développer les exploitations.
- Secondary supply: Qui fait référence aux
nouveaux acteurs apportant des innovations sur des nouveaux moyens de
production ou développant des nouvelles filières
d'approvisionnement via le recyclage par exemple.
- Les gouvernements : Qui, par la législation, des
accords commerciaux ou des aides, peuvent faciliter les actions des
précédents acteurs ou fluidifier les approvisionnements en
minerai.
Il est important de noter que je ne traiterai d'aucune
«innovation» pouvant potentiellement être un substitut aux
batteries lithium, telles que les batteries solides, les batteries aux sodium,
les nouvelles batteries Tesla etc. En effet, bien que ces technologies soient
très prometteuses, elles n'en restent pas moins en phase d'essai. Le
délai permettant aux industrielles de s'approprier ces technologies,
qu'elles soient commercialisables et impactantes sur le marché,
dépasse l'horizon 2030. Elles ne sont pas à ce jour de
réel atout pouvant prévenir les pénuries sur le Lithium
dans la décennie actuelle.
Nous allons tout d'abord nous concentrer sur deux grandes
actions que peuvent mettre en place les exploitants miniers dans le but de
prévenir toutes ruptures de chaînes d'approvisionnement en minerai
Lithium dans la décennie à venir.
Face à une demande en minerai qui ne cesse
d'augmenter, nous pourrions penser que la stratégie la plus simple
à mettre en place serait d'augmenter la disponibilité des
matières premières. Que cela soit en développant les
gisements déjà existants ou en lançant de nouveaux projets
de mines, il est vraisemblablement incontestable que pour répondre aux
besoins exponentiels de la prochaine décennie, les acteurs du secteur
minier vont être amenés à revoir leur production à
la hausse. Cependant, il n'est pas si simple pour ces compagnies de s'adapter
rapidement à ces changements de consommation. Activité
régie par de fortes contraintes environnementales, capacitaires et
financières, l'exploitation
28
de gisement minier est une opération planifiée
bien en amont du début de l'activité et ce, sur toute la
durée de vie de la mine ( environ une trentaine d'années).
Le processus de planification minière a pour objectif
d'organiser la totalité de l'exploitation minière dans le but de
minimiser les coûts, d'optimiser le taux de production tout en respectant
les règles de sécurité et les réglementations
environnementales. Lors du développement d'un tel projet, de nombreuses
contraintes restent imprédictibles et deviennent des facteurs de risques
pour tout investisseur. C'est pourquoi de nombreuses études de
faisabilité, comprenant l'évaluation des risques
géologiques, économiques, opérationnels ou encore
environnementaux et leurs impacts, sont prescrites en amont. La planification
minière passe par des étapes clés qui sont : 1.
L'évaluation des ressources, 2. La conception de la mine ( Mine design),
3. Planification de la production , 4. Évaluation de la viabilité
économique , 5. Évaluation de l'impact environnemental et social
, 6. Plan de fermeture de la mine50.
Nous nous intéresserons tout particulièrement
à la planification de la production. Le choix du taux de production
d'une mine est une décision très importante, prise lors de la
phase de développement d'une exploitation minière. Ce choix est
fait en prenant en compte de multiples facteurs tels que:
4 La qualité et la quantité du
minerai: Il s'agit de la disponibilité du minerai, en surface ou dans
des couches plus profondes, mais aussi de sa pureté car plus sa
concentration est basse ou associée à d'autres minerais, plus le
besoin de traitement des gisements extraits est élevé.
4 Le Marché : Par cela, on entend la
demande actuelle, la demande prévisionnelle mais aussi le cours du prix
de vente associés aux minerais. Il est en général pris en
compte la volatilité potentielle du prix et un seuil en dessous duquel
l'exploitation du gisement ne devient économiquement plus viable.
4 Les coûts d'exploitation :
Comprenant tous les coûts associés à l'exploitation de la
mine, y compris les coûts en capital, les coûts d'exploitation, les
coûts de réhabilitation du terrain après fin
d'exploitation, le coût de traitement des déchets, la main
d'oeuvre ou encore la maintenance.
50Course 7.1.1 Mine Planning Details -
PennState College of Earth and Mineral Sciences
29
4 Capacité de l'équipement: Que
cela soit les convoyeurs, les concasseurs ou encore les broyeurs, la
capacité de l'équipement à extraire et traiter le minerai
définit la capacité de production .
4 Considérations environnementales et
réglementations : Les lois environnementales et les
réglementations gouvernementales peuvent également avoir un
impact sur le taux de production. Par exemple, si une mine est limitée
dans la quantité de déchets qu'elle peut produire ou si elle est
tenue de réduire ses émissions, cela peut affecter sa
capacité de production.
Il s'agit là d'une liste non exhaustive car ces
facteurs sont variables et dépendent de la condition financière
de l'entreprise, de l'état ou de la localisation de l'exploitation, du
type de minerai etc. La définition du taux de production est
indispensable à la supervision de la planification minière d'un
point de vue financier. Il est l'une des pierres angulaires, avec les CAPEX et
les OPEX, qui permet de calculer la rentabilité plausible d'un projet
minier. L'enjeu est donc de confronter;
4 Les CAPEX ( Capital Expenditure),
correspondant aux dépenses d'investissement dans les immobilisations
corporel ou incorporel, telles que l'achat du terrain, des équipements
ou encore des logiciels de gestion comptable et opérationnelle.
4 Les OPEX ( Operational Expenditure),
correspondant aux dépenses opérationnelles ou coûts
d'exploitation. Y est inclus la charge salariale, la consommation en eau et
électricité, les sous-traitants ou encore les frais
d'assurance.
Avec le taux de production potentiel de la mine
multiplié par les prix de ventes estimés des minerais. Pourquoi
cette confrontation est-elle si importante ? Parce qu'elle permet à
l'entreprise de définir une planification minière optimale, avec
le meilleur retour sur investissement pour un niveau de risque
contrôlé. Ces informations sont quantifiées sous la forme
d'indicateurs financiers que sont le IRR (Internal Rate Return ou Taux de
Rentabilité Interne) et le NVP (Net Present Value ou Valeur Actuelle
Nette), fournissant le taux de rendement d'un projet dans un contexte
d'incertitude donné (volatilité des prix de ventes, augmentation
potentiel des CAPEX ou OPEX, variation des taux de changes etc).
Un exemple parlant de planification minière est le
projet Whabouchi, dirigé par l'entreprise Nemaska Lithium. Il regroupe
la construction d'une mine de lithium ainsi qu'un complexe de fabrication
d'électrolyse. Les premières études terrains pour
évaluer la
30
faisabilité du projet ont été
lancées en 2009. La phase de construction a commencé en 2016 et
la première tonne d'hydroxyde de lithium produite en Décembre
2017. Les CAPEX pour la mine seule s'élèvent à 606.3
Millions de dollars, contre 541.4 Millions de dollars pour le complexe
industriel, ce qui représente un total de 1.147 Milliards de dollars
d'investissement pour ce projet. Les taux de production sont estimés en
amont sur une période de 33 ans d'activité et des rendements
évalués à 2.000 tonnes Li2SO4.H2O / an , 24.500 tonnes
d'Hydroxyde de lithium / an et 11.500 de Carbonate de lithium /
an51. Le IRR est évalué à 30,5 % en tenant
compte des investissements, de la planification de la production sur 24 ans et
des prix potentiels de ventes. Il s'agit d'un exemple parfait de planification
minière, où on constate un travail d'études
préparatoires s'étalant sur plusieurs années et où
les rendements sont planifiés en amont pour s'assurer d'un retour sur
investissement optimal tout en réduisant les coûts et les risques
liés aux incertitudes.
L'augmentation de la produit implique donc une revue de la
planification minière préétablie pour l'expansion des
mines existantes, ou encore la mise en place d'une étude de
faisabilité complète pour l'exploitation d'un nouveau site. Comme
nous avons pu le constater avec le cas du projet Whabouchi, les investissements
requis étant conséquents, et l'incertitude liée aux
risques nécessitant des études préalables longues,
accroître l'extraction de minerai est une stratégie long termiste,
n'offrant des résultats qu'après un délai de 3 à 15
ans et n'est pas adaptée à une hausse soudaine de la demande.
Cependant, les acteurs du secteur minier ont ,depuis quelques
années déjà, commencé à anticiper cette
explosion du marché. Plusieurs projets d'expansion de gisement
déjà existants ou de créations de nouvelles exploitations,
soutenus par le marché et les Etats, sont en développement pour
répondre, en partie, aux besoins futurs.
Exploration et développement de nouvelles mines.
L'aménagement de nouvelles exploitations
minières passe toujours par 3 étapes, complexes et
indispensables, avant que la première tonne de gisement ne soit
extraite52 :
Phase 1. Exploration, pendant laquelle est formalisée
l'étude de faisabilité et la planification minière
51 1 TECHNICAL REPORT FEASIBILITY STUDY ON THE
WHABOUCHI LITHIUM MINE AND
SHAWINIGAN ELECTROCHEMICAL PLANT - Final Report - 2018
p.14/p.30-47
52Étapes du projet minier -
Ministère des Ressources naturelles et des Forêts - Gouvernement
Canadian
4 Phase 2. Études d'impact et Examen,
pendant laquelle le projet est porté à examen devant les
institutions gouvernementales et le grand public pour l'obtention des permis et
autorisations.
4 Phase 3. Construction , signifiant le
début réel de l'exploitation et l'installation des
infrastructures nécessaires aux opérations minières.
L'élaboration de ces phases prennent en moyenne entre
8 et 10 ans à se finaliser, parfois allant jusqu'à 15
ans.53 Malgré ce temps long, plusieurs projets miniers vont
voir le jour avant 2030, réhaussant la production de Lithium.
J'ai donc porté mes recherches sur tous les projets
miniers dont les dates d'ouvertures sont confirmées pour une
entrée en activité avant 2030. Les données suivantes ont
été collectées en faisant la revue de tous les rapports
annuels de 2022 des cinq acteurs majeurs du Lithium qui sont : - Allkem Limited
- Livent - Tianqi Lithium - SQM S.A. - Albemarle Corporation. Les
capacités de productions des différentes mines ont
été récupérées à travers les
études de faisabilité de chaque projet, et ont été
converties en LCE sur la base de la table de conversion
précédemment exposée. J'ai aussi pris en
considération les grands projets miniers qui ont été sujet
à des annonces d'ouverture prochaine tel que le projet d'Imerys et sa
mine de Lithium en France. Ces recherches ne se sont portées que sur les
gisements miniers au sens stricte du terme, c'est-à-dire minerais durs
ou salars. Les autres sites de production de Lithium seront traités dans
la partie B. Les gisements en cours d'exploration et sans calendrier
d'exploitation n'ont pas été pris en compte dans mes
recherches.
31
53" Où et comment l'exploitation minière se
déroule-t-elle ?" - ICMM
32